Chapitre 1
Scénariste : @Bohort
réécriture : @Ambroise
La ville vapeur était plongée dans une fumée épaisse, crachée par des machines survoltées. Leurs mécanismes, tantôt rouillés, tantôt flamboyants grinçaient. Les vapomobiles roulaient, se secouant sur le sol dallé. Les engins volants traversaient l'air comme des poissons dans l'océan. La Citée était en ébullition, bondée d'une marée d'hommes et de femmes de tous rangs sociaux, marchant dans la même cadence.
Mais cette fourmilière humaine était assourdie par le vent et brouillée par une pluie diluvienne. Quelques cloches tintaient leurs musiques envoûtantes, comme signal pour laisser passer de droite à gauche des roulottes de bois motorisées par de la vapeur sous pression. Certaines avaient du mal à démarrer, et donc, des techniciens se précipitaient pour les guérir de coup de tournevis et de pinces.
Soudain, un bruit sourd, tel un grondement, se fit entendre. Les passants, tout aussi habitués qu'étonnés, relevaient la tête au son d'une corne de brume, signalant le passage d'une énorme machine. C'était un zeppelin ou dirigeable de plus de 250 mètres de long et 100 de large ; un mastodonte, une baleine des airs. Il traversa le ciel, frôlant les immeubles de cette ville immense.
Cette ville n'était autre que Victory City, capitale de l'actuel Empire Anglicagne, régnant sur trois continents et trois océans. Sa croix rouge fendue était visible sur tous les drapeaux de la ville et les badauds les plus patriotes. Dans ce tumulte, un homme marchait, comme un chat solitaire.
Il se faufilait dans ce monde surpeuplé sur un trottoir, inondé de détritus en tout genre. Des voitures démarraient leur moteur, d'autres s'arrêtaient, des portes de cabarets et de bars malfamés s'ouvraient, des gens saouls en sortaient, d'autres portes se fermaient, soit à cause de la mauvaise humeur des occupants, soit de leur travail exubérant et déprimant. L'homme continuait à marcher, ses bottines claquant sur les dalles. Il observait les murs de la Ville, qui fumait éternellement.
Il apercevait des affiches immenses légèrement décollées et déchirées, représentant cette croix rouge fendue, apportant soi-disant les bienfaits de la connaissance de la vapeur et de l'Erisium aux populations de sauvages, des contrées lointaines telles qulesñ Ese ta Hawabés ou même les Iridiens. Mais plus loin, cette même croix rouge un triskell noir.
Ce dernier était affublé de trois cornes et d'une paire de chauve souris. Le message était clair. L'homme continuait à marcher, les mains dans les poches de son long manteau d'un brun sombre. Aussitôt il s'arrêta, sortit de sa poche droite un briquet, et de la gauche, un paquet de cigarettes. Il en délogea une, enclencha l'allume gaz de poche et une étincelle embrasa le bout de la tige. Elle était incandescente comme le cratère d'un volcan. L'homme inspira une grande bouffée de tabac, et expira une couronne de fumée. Puis il se reprit sa route. Mais un peu plus loin, dans cette grande rue urbaine, était taguée ce même triskell sur un mur.
Un mur déclaré scène de crime. On avait assassiné un officier : le Lieutenant Garriford. Cinq balles d'Erisium dans le thorax. Ce produit, L'Erisium, était capable de pourrir un corps en à peine une seconde à cause de sa très forte acidité. Aucune chance de survie.
L'action était revendiquée par les nationalistes Treutons, accusant l'Anglicagne de pillage, de meurtres et de viols. Le message était clair. L'homme au manteau mystérieux, s'arrêta, et se baissa, observant tel un détective le lieu du crime. Le corps du lieutenant avait été enlevé. Mais le sang maculait encore le trottoir. Et ce Triskell noir, qui affiche son message sanglant à tous les passants, terrifiait la plupart d'entre eux.
Certain s'y intéressaient, s'arrêtaient pour observer le mur, mais d'autres, horrifiés, se cachaient les yeux de leurs foulards ou écharpes en accélérant leur marche. Ces derniers l'évitaient comme la peste. Mais ils savaient. Ils savaient que la guerre ne s'arrêterait jamais. Ce n'était pas dans l'intérêt de l'Empire, pensa l'homme. Il se releva, écrasa sa cigarette qu'il venait de faire tomber, puis tourna son pied sur les pavés dans un petit grésillement de braise, tout en soufflant sa dernière bouffée.
L'homme continua donc sa route sortant de cette avenue bruyante et bondée pour s'engager dans une rue plus silencieuse et apparemment déserte. Il arriva devant un petit magasin avec une enseigne rouge. Ce lieu semblait être une librairie.
L'homme s'avança vers la porte, attendit un instant, respira un bon coup et l'ouvrit. Une petite clochette tinta et la porte se referma derrière lui. Peu lui importait, ce n'était pas ses affaires. Il était ici pour une autre raison. Le magasin était sombre, l'ambiance presque pesante. Les murs étaient entourées d'étagères remplies de livres en tous genres, grimoires poussiéreux, romans, journaux... C'était la "caverne d'Ali baba" du savoir. Un homme se trouvait en face de lui, assis devant un très beau bureau d'acajou, visiblement soigneusement entretenu.
Le libraire avait des petites lunettes posées au bout de son nez, une barbe bien taillée couronnait son visage. Il écrivait en trempant son stylo plume dans l'encrier. Il gratta sa barbe, remonta ses lunettes. Il semblait ne pas avoir remarqué l'inconnu au long manteau qui venait de rentrer et qui s'approchait désormais vers le vieil homme. Celui-ci était plongé dans sa répertorisation des livres, mais il releva bientôt la tête et sursauta.
- Oh! Bonjour! s'exclama-t-il, surpris. Que puis-je pour vous?
L'homme continua de s'approcher, le plancher grinçant sous ses bottes.
- La librairie ne va pas tarder à fermer mais nous avons du temps!
- Vous êtes bien Monsieur Heartshold ? demanda l'inconnu.
Le bibliothécaire remonta ses lunettes.
- Euh... oui? dit-il, et avec une certaine hésitation.
- Dans ce cas, je demande à voir la Reine en C8, je vous prie.
- Oh... oui... par-ici, dit-il tout en se levant de sa chaise et se dirigeant vers une porte se trouvant à sa gauche. Monsieur...comment? Demanda-t-il.
- Rico. James Rico.
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