La Rentrée d'un Justicier

Hello !
Nous revenons avec un nouveau chapitre qui est la suite de celui sur Cat (mais du point de vue de David, cette fois-ci), en un peu plus joyeux !
Au programme, quand même, on préfère prévenir, propos antisémites et homophobes. Voilà voilà !
Sur ce nous vous souhaitons une bonne lecture et avons hâte de répondre à vos commentaires ;)

Altaïr, Elnath et Isida

PS : on remercie une fois de plus JamesBetty pour le média ainsi que l'illustration !

***

École Victor Hugo, Le 29 juin 2019.

David adressa un petit signe de la main à James qui venait de passer près de lui afin de toucher deux mots au DJ qui n'était autre que Mickael.
C'était le bal de fin d'année des secondes et pour l'occasion, David portait un costume bleu marine ainsi qu'un nœud papillon de couleur verte. Cat était à ses côtés. Le bad boy, avait quant à lui troqué son éternel sweat violet à capuche contre une chemise lilas à moitié déboutonnée, mais avait tout de même mis un jogging en guise de bas.

Les deux jeunes hommes discutaient avec Sonia et Cléo Miney les sœurs aînées de leur ami, Félix, et qui étaient respectivement en terminale et en première. Les deux sœurs étaient vêtues d'une combinaison classe : celle de Sonia était turquoise avec des rayures verticales blanches ce qui allait à merveille avec ses cheveux blonds réunis en une queue de cheval. Celle de Cléo, pour sa part, était jaune agrémentée de motifs de fleurs roses, donnant un joli ensemble de couleurs gaies sublimées par le roux des cheveux de la jeune fille. C'était en tout cas, l'avis que David s'en faisait.

-On a vu la vidéo sur Youtube, bien sûr, et on a harcelé Félix pour qu'il nous raconte tout. C'est vraiment époustouflant ce que vous avez fait ! déclara Sonia tandis que Cléo hochait timidement de la tête, approuvant les paroles de sa grande sœur.

Cat adressa un grand sourire charmeur à la blonde et David se retint de grimacer de jalousie.

-Cat a toujours eu un sens particulier de la justice, répliqua aimablement le blondinet. Je me souviens encore de notre première rentrée ensemble, en CE2... Il s'était battu pour moi dès le premier jour.

-Oh... Eh bah ! Vous voulez bien nous raconter cette anecdote ? demanda Cléo. Je parie que c'est très drôle !

-Starfoullah tu vas pas être déçue ! s'exclama Cat, rieur.

***

Salon de coiffure, le 3 septembre 2011.

-Quatre fois huit ?

-Wesh... Attends... Trente-deux !

-Neuf fois neuf ? renchérit David.

-Wallah ! Ça, je sais, répliqua Cat. Ça fait quatre-vingt-un.

Cat et David étaient assis côte-à-côte dans deux des fauteuils en cuir noir du salon de coiffure, et attendaient patiemment que des employés s'occupent de leurs chevelures un peu trop longues. Pour patienter, David avait décidé de faire réviser ses tables de multiplication à son frère adoptif. Cat n'avait en effet quasiment jamais mis les pieds dans une école de toute son enfance. Le garçon savait tout juste lire et écrire (grâce à sa pratique du tag) et compter jusqu'à soixante. Cependant, Cat s'était déterminé à rattraper son retard afin de suivre des cours dans la même classe que David. Pour se faire, M. et Mme Lejuste, ses parents adoptifs, lui avaient pris des cours particuliers pendant tout l'été et Cat avait quasiment rattrapé le programme de plusieurs années de primaire en seulement deux mois. David l'y avait aidé, bien sûr. Il avait suivi les cours particuliers avec son ami afin qu'il ne se sente pas seul et lui avait expliqué tout ce que Cat ne comprenait pas. Ensemble, ils avaient lu aussi : tout d'abord des bandes dessinées et puis une fois que Cat maîtrisait assez la lecture David avait insisté pour qu'ils lisent Harry Potter à l'Ecole des sorciers. Le garçon brun avait tout d'abord rechigné en voyant le pavé de plus de trois cent pages mais avait fini par céder pour le plus grand plaisir de David.

A ce jour, le blondinet pouvait affirmer que son ami avait fait énormément de progrès pendant les vacances, bien que son niveau soit légèrement en-dessous de ce qu'on attendait d'un élève de CE2. David se doutait que la rentrée, qui devait avoir lieu dans seulement deux jours, serait une véritable épreuve pour Cat. Mais au moins, il serait à ses côtés pour l'épauler. David s'était juré d'aider au mieux son ami.

-Et zéro fois quatre ? demanda David alors que deux coiffeurs s'approchaient des sièges des deux garçons.

-La boule à zéro ! s'exclama l'employé en charge de la magnifique chevelure de Cathy. C'est bien ce que tu veux comme coupe, mon garçon ?

-Wesh ! T'as fumé ou quoi ? Sur la vie, jamais tu m'fais la boule à Z sinon j'te défonce zebi, répliqua le garçon brun.

David pouffa silencieusement de rire pendant que les deux coiffeurs s'échangeaient des regards d'incompréhension.

-Okay, okay, reprit l'homme. Qu'est-ce que tu veux alors, mon garçon ?

-Bah j'veux juste pas ressembler à une gadgi pour la rentrée. T'as qu'à me faire les contours et couper un peu d'sus. Après, wallah, c'est pas moi l'coiffeur.

-Très bien ! Des contours pour monsieur ! acquiesça l'employé en attrapant ses ciseaux avec un clin d'oeil pour Cat.

-Et toi, tu veux aussi les contours ? demanda le coiffeur derrière David.

-Euh non merci, s'empressa de répondre le blondinet. Si vous pouviez me couper les cheveux de manière égale un peu plus court que les épaules, ce serait parfait.

-Ce sera fait !

Et le second coiffeur fit tourner le fauteuil de David, de façon à ce que son crâne soit penché contre le lavabo. Il attrapa une sorte de pommeau de douche et de l'eau chaude commença à asperger les cheveux de David.

-Navré, bonhomme, mais si tu veux que je te coupe les cheveux de manière égale, avec les boucles que tu as, il faut passer tout ça à l'eau ! rétorqua l'homme, légèrement amusé.

Et il continua de mouiller les cheveux du blondinet tandis que Cat narguait ce dernier du regard, le mot "mouton !" formé silencieusement par ses lèvres goguenardes. David se contenta de lui tirer la langue, toutefois rieur.

Une demi-heure plus tard, les deux garçons étaient sortis de l'enseigne aux bras de Maria Lejuste, arborant leur nouvelle coupe toute fraîche. David, dont les boucles blond-roux lui tombaient autrefois sur les épaules, avait à présent sur le crâne une espèce de perruque de clown, à la seule différence que ce n'était pas une perruque mais ses vrais cheveux. Cat, pour sa part, avait les cheveux quasiment rasés sur les côtés et avait insisté pour que le motif "CAT" y apparaisse. Le haut de sa tête était pourvu d'une touffe de cheveux noirs, ce qui donnait au garçon un petit côté "cité", réflexion parfaite de son passé. David trouvait que la nouvelle coupe de son ami lui allait à ravir. Toutes les filles de CE2 tomberaient vite amoureuses de lui, songea-t-il avec une pointe d'amertume. Il était néanmoins un peu moins satisfait de sa propre coiffure et appréhendait déjà les moqueries de ses camarades.

-Alors, les garçons, vous ne regrettez pas votre passage chez le coiffeur ? demanda gaiement la mère de David.

-Mmm... grommela le blondinet.

-Nan ! s'exclama Cat en fourrant une de ses mains dans chevelure sauvage de son frère adoptif. Wallah maintenant, chais comment j'vais t'appeler Dave !

-Comment ?

-Moumoute !! explosa-t-il de rire.

Et Maria se mit également à rire, sous les yeux boudeurs de son fils.

-Arrêtez, c'est pas drôle ! Je voulais juste qu'on cesse de me prendre pour une fille, mais maintenant tout le monde va se moquer de moi à l'école... gémit David.

-Si y a un seul FDP qui te traite de mouton, la vie de oim, j'lui fracasse la teuté contre son bureau, déclara Cat protecteur. Parce que d'jà t'es mon mouton. A oim.

David eut l'impression de fondre tant il était touché par la déclaration de son ami.

-Euh... c'est pas nécessaire. Tu peux juste leur dire que c'est méchant peut-être ? répliqua-t-il timidement. Ça devrait suffire...

-Ben voyons ! rétorqua Cat en levant le sourcil, exaspéré.

Et ils éclatèrent tous les trois de rire avant de poursuivre leur chemin jusqu'au domicile familial où Armand Lejuste les attendait avec des assiettes pleines de côtes de bœuf cuites au barbecue.


***

Domicile des Lejuste, le 4 septembre 2011.

-Cat ! David ! Vous avez bien fait vos cartables ?! cria Maria Lejuste depuis l'escalier.

-Oui !! répondirent les garçons en chœur alors qu'ils se préparaient à se mettre au lit.

-Et vous vous êtes bien lavé les dents ?!

-Oui, Maman ! répliqua David légèrement exaspéré en se faufilant sous ses draps.

-Trois minutes complètes ? demanda Maria alors qu'elle pénétrait dans la chambre des garçons, son mari sur ses talons.

-Oui...

-Trois cent soixante secondes, wallah j'ai compté ! précisa fièrement Cat.

Maria Lejuste l'embrassa sur la joue en souriant avant de se pencher sur son propre fils pour déposer un baiser sur front. Armand quant à lui préféra checker Cat.

-Il semblerait que tu sois prêt pour le grand jour, bonhomme ! lui dit-il avec un clin d'œil pour son fils adoptif.

Cat se contenta d'hausser les épaules avant de répliquer d'une voix neutre en joignant les mains :

-Inchallah.

Et tous les quatre pouffèrent de rire. Armand Lejuste tira joyeusement l'oreille de David puis les deux adultes quittèrent la chambre après avoir éteint la lumière.
Les deux enfants étaient à présent seuls dans la pièce. Leur pièce à eux.
Bien que la maison des Lejuste comprenait assez de salles pour que tous ses habitants puissent avoir la leur, Cat et David avaient catégoriquement refusé de faire chambre à part. Officiellement, c'était pour éviter à Cat, qui n'avait jamais vécu dans une si grande demeure auparavant, de faire des cauchemars. En réalité, c'était surtout pour continuer de discuter entre eux tard dans la nuit, mais bien sûr, ça, les garçons ne l'avaient pas mentionné à leurs parents.

-Cat ?

-Hmm ?

-T'es pas un peu stressé pour demain ? demanda timidement David.

-En vrai, nan, le sang, répliqua le brun. T'façon, ça peut pas être pire qu'avec Sherekan. C'est pas trois tit-pe et une poufiasse qui se fait appeler "maîtresse" qui vont foutre les j'tons. Et tant qu'chuis avec toi, frère, ça m'va.

-Oh... Cat...

-Toi tch'es stressé par contre.

Bien que la lumière soit éteinte David pouvait deviner que Cat venait de froncer les sourcils.

-T'inquiète, frère, ça va aller...

-Je ne sais pas... répondit David, embarrassé. J'ai peur que les autres se moquent encore de moi. Et puis, je n'ai pas beaucoup d'amis...

-T'as moi. Ch'rai avec toi H24, Dave, coupa Cat.

-Tu n'auras pas honte de rester de rester avec un mouton ?

-Toujours mieux qu'un porc ! s'exclaffa le brun, goguenard.

David pouffa silencieusement de rire. Décidément, Cat avait un don pour lui remonter le moral.

-Allez, bonne nuit ! Et merci de m'avoir rassuré...

-Azy, c'normal, le sang. Tch'es mon fraté, oublie pas.

Le blond acquiesça, sachant pertinemment que son ami ne pourrait le voir et tous deux se turent. Mais David ne s'endormit pas immédiatement cette nuit-là, encore trop perturbé par ses pensées. Le lendemain il allait retrouver ses camarades de l'an passé, ses amis de l'école. C'était aussi le retour des leçons, des contrôles, du bulletin de notes... Il aurait sans doute un nouvel enseignant. Serait-il sévère ? Serait-il compréhensif à l'égard de Cat ? Et ses camarades... Allaient-ils accepter son frère adoptif ? Toutes ces questions refusaient de quitter son esprit. Pour se rassurer, David songea à ses cahiers tous neufs qui sentaient bon le papier, à l'agenda Harry Potter que ses parents lui avaient acheté, à son nouveau cartable vert et orange, assorti à sa trousse, et dont les fermetures éclair étaient en forme de skateboard. Et puis, surtout, il pensa à Cat. Son Cathy qui resterait à ses côtés, qui le ferait sans doute rire en classe et qui jouerait avec lui pendant les récréations... Tout allait bien se passer.
Et ce fut sur ces beaux songes qu'il s'endormit finalement, mettant un terme à son insomnie.

***

École Marie Curie, le 5 septembre 2011.

-Cathy Badboy ! appela Mme Vialard, la maîtresse des CE2, alors que les élèves attendaient en rang devant leur nouvelle classe. Tu peux t'asseoir au deuxième rang à gauche, à-côté d'Emilie.

-Wesh, alors d'jà, tu - vous m'appelez Cat, rétorqua le frère adoptif de David. Si vous êtes pas teubé, vous r'gardez c'est marqué sur ma teuté.

Et tous leurs camarades se mirent à rire tandis que Cat pointait du doigt ses fameux contours faits deux jours plus tôt chez le coiffeur du quartier. David expira de soulagement. Manifestement, Cat avait retenu la leçon sur le vouvoiement pour s'adresser aux adultes. Le point « Ne jamais répondre à la maîtresse » n'avait cependant pas été intégré...

-Un peu de silence, les enfants ! Je peux très bien vous punir le jour de la rentrée - eh oui ! fit Mme Vialard, la maîtresse, en haussant le ton. Cat -elle insista sur son nom - pour ta part, je te prie de ne plus te faire remarquer : la prochaine fois, tu auras un point rouge.

-Wallah c'est quoi un point rouge ?

-Très bien, tu veux jouer au pitre dès le premier jour, je vois... coupa la maîtresse d'une voix un peu plus aigüe que d'ordinaire.

-La vie d'ma daronne, chais pas c'est quoi un point rouge ! protesta Cat furieux.

David aperçut nerveusement Mme Vialard se diriger vers son bureau pour en retirer un coupon rectangulaire de papier écarlate, et le tendre avec véhémence au garçon insolent.

-Starfoullah, m'dame ! Vous vous êtes trompée ! Ça c'est un rectangle c'est ap un point !

Et toute la classe explosa à nouveau de rire à l'exception de Cat - qui semblait à peine être conscient de l'irrespect de ses propos-, David qui appréhendait la tournure que les choses allaient prendre pour son ami, et de toute évidence, leur enseignante qui semblait avoir pris une teinte rougeâtre à la suite des paroles du garçon.

-Tu veux que je t'envoie chez la directrice ? demanda-t-elle froidement.

-Pour lui dire que vous savez pas faire la différence entre un point et un rectangle ? rétorqua Cat avec toute l'insolence dont son regard était capable.

Mme Vialard inspira avec force, l'air de franchement se retenir de frapper son élève.

-Bon, reprit-elle après quelques secondes de tension. Va t'asseoir à-côté d'Emilie, qu'on n'en parle plus.

Cat haussa les sourcils, mais s'exécuta sous l'œil soulagé de David. Il en profita sur son chemin pour jeter discrètement son point rouge - qui n'en était pas un - à la poubelle pendant que Mme Vialard appelait d'autres élèves à prendre place aux bureaux qu'elle leur indiquait. Au plus grand déplaisir de David, Emilie, la voisine de table de Cat, commençait déjà à faire la discussion au garçon brun qui n'en paraissait pas mécontent.

-David Lejuste ! appela l'enseignante, le retirant de ses pensées. Tu peux installer tes affaires à la droite de Jean.

David prit son cartable et se faufila entre les rangées d'élèves avant de prendre place sur une chaise libre juste à-côté d'une fille aux cheveux roux flamboyants et qu'il connaissait déjà depuis plusieurs années : Jean Jeulin.

-Dave ! s'exclama-t-elle en silence. Contente de te voir !

-Tu as passé de bonnes vacances ? renchérit le garçon à la gauche de Jean et qui n'était autre que Clément Jeulin, le frère de cette dernière.

Clément avait les cheveux aussi noirs que sa sœur les avait roux. Le garçon portait un t-shirt Dragon Ball Z et une trousse délavée assortie avec un porte-clés arborant le drapeau de la Chine. Jean avait également un porte-clés-drapeau (aux couleurs de la France pour sa part) accroché à son sac d'école.
David avaient toujours bien aimé les deux frère et sœur, c'était sans doute les deux seuls amis qu'il avait dans la classe en dehors de Cat. Ils s'étaient rencontrés lorsqu'ils n'étaient encore que des bambins, Jean et Clément étant les enfants d'anciens clients de son père qui avaient fini par devenir des amis.

-Jean ! Clément ! murmura David en espérant que ses chuchotements ne seraient pas entendus par la maîtresse - hors de question de se prendre un point rouge dès la rentrée. C'est cool qu'on soit sur la même rangée. J'ai passé de super vacances et vous ?

-Papa n'a pas pris de vacances - tu connais les hommes politiques... commença Jean en hochant la tête. Mais Maman devait se rendre en tant qu'ambassadrice en Chine et elle a accepté qu'on vienne avec elle à condition que la nounou nous accompagne aussi...

-On y restés deux semaines et c'était génialissime !!! coupa Clément dont on voyait aisément les yeux briller d'adoration.

-Ouais mais c'est quand même un peu une dictature, quoi, reprit Jean, bien moins enthousiaste. Je suis contente de vivre en France !

Clément grommela quelque chose qui ressemblait vaguement à : « Oui mais toi aussi... », avant que sa sœur ne demande à David sans accorder attention à son frère :

-Et toi, tu as fait quoi Dave pendant ces vacances ?

David s'apprêta à ouvrir la bouche pour leur répondre quand soudain, Mme Vialard haussa la voix pour faire cesser les bavardages. David et tous les autres se turent pour écouter l'enseignante et les consignes qu'elle donnait. Elle leur distribua des carnets de liaison gris dont ils durent remplir les premières pages concernant leurs informations personnelles, leur emploi du temps pour l'année surchargé de cours de mathématiques et de français, des fiches pour la cantine et pour l'infirmerie destinées aux parents ainsi que des fichiers d'exercices dans différentes matières (comme si leurs cartables n'étaient pas déjà assez lourds).

La maîtresse prit ensuite grand soin de leur expliquer son système de points verts ou rouges en fonction du comportement des élèves - en regardant Cat en particulier - et celui des tâches à réaliser comme distribuer les feuilles ou effacer le tableau selon un principe supposé « innovant » et qui pourtant n'avait pas grand-chose de différent avec celui qu'avait instauré le maître de David en CE1 - et qui n'avait pas fait long feu.

David n'aimait pas trop cela, contrairement à une grande majorité d'élèves surexcités qui constituaient sa classe. Il n'avait pas besoin de bons points pour se comporter correctement ou qu'on lui attribue un rôle particulier qu'il ne ferait jamais (car il avait bien remarqué que les enseignants, lassés, finissaient toujours par oublier le système d'attribution de rôles). En un sens, il avait un peu hâte d'entrer au collège afin de ne plus être traité comme un enfant en bas âge.
David regarda Cat distraitement. Il lui semblait que son ami était du même avis puisqu'il avait la tête affalée sur le bureau, peinant à écouter Mme Vialard sans bâiller. Le garçon brun se retourna vers le blondinet et lui adressa un clin d'œil pour le plus grand plaisir de David, qui ne put s'empêcher de sourire - assez bêtement à son avis.

Quand l'enseignante eut fini toutes ses explications insipides, celle-ci ordonna à ses élèves de se mettre en rang deux par deux afin de se rendre en récréation. David eut un pincement au cœur en voyant la petite Emilie donner la main à son frère adoptif en début de rang alors que lui-même devait se tenir à-côté de son voisin de droite, Nathan Levrête, un garçon assez populaire et turbulent, que David n'avait jamais su apprécier en deux ans de primaire. Heureusement pour lui, Nathan ne lui donna pas la main comme Emilie l'avait fait avec Cat et ils avancèrent silencieusement dans les couloirs de l'école jusqu'à la cour de récréation où les enfants s'éparpillèrent bruyamment alors que la maîtresse allait s'asseoir sur un banc abrité par le préau.

David, Jean et Clément, qui n'étaient pas loin dans le rang, furent presque immédiatement rejoints par Cat, qui par chance ou par magie - on ne sait pas -, avait réussi à se débarrasser du pot de colle qu'était sa voisine de table.

-Cat ! s'exclama David, soulagé de retrouver enfin son frère adoptif. Je te présente Jean et Clément Jeulin. C'est des amis.

Clément lui fit un petit signe tout en lui adressant un sourire radieux tandis que Jean tendait une main solennelle au nouveau venu qui lui fit un check à la surprise de la jeune rousse qui s'attendait à une poignée de mains.

-Wesh ! Moi chuis Cat, l'ro-fré adoptif de Dave ! déclara-t-il fièrement et le blondinet se sentit rougir.

-Ravie de te rencontrer ! fit Jean en lui adressant un clin d'œil.

-Dis Cat, est-ce que tu aimes bien la nourriture asiat' ? commença le frère de cette dernière comme si la question lui tenait vraiment à cœur.

-Clément ! souffla Jean exaspérée.

-Wesh ? La quoi... ?

Mais Clément n'eut pas le temps de s'expliquer : un autre groupe de CE2 venait à leur rencontre.

-C'est toi le nouveau ? Cat, c'est ça ?

Nathan Levrête était à la tête de leur petite bande constituée uniquement de garçons populaires qui ne s'étaient jamais intéressés à David, Jean et Clément. Mais évidemment, un nouveau, c'était un phénomène de foire, alors, Cat leur attirait des touristes... Un peu plus et Nathan et sa troupe sortaient leurs appareils photo, songea David, exaspéré.

-Ouais. Toi tch'es qui ? rétorqua Cat, légèrement grincheux.

-Nathan Levrête.

-Wallah... Ton nom il m'dit un truc... dit le brun perplexe. Genre je crois Morgan il m'en a parlé une fois...

-C'est qui Morgan ? demanda Nathan.

-Et pourquoi t'as une cicatrice sur le front, Cat ? renchérit un autre garçon du nom de Pierrick.

Cat fronça les sourcils. David savait que les garçons lui avaient fait repenser à son passé et c'était une chose dont son ami se serait volontiers passé. Il aurait bien aimé intervenir pour dire à Nathan, Pierrick et tout le reste de laisser Cat tranquille mais ce dernier rétorqua avant même qu'il puisse ouvrir la bouche :
-C'est les haendecks qui posent des questions comme aç. Z'êtes pas des keufs, que je sache ?

-Des... quoi ?

-Des policiers, répondit David. Dans tous les cas, ce ne sont pas vos histoires.

-Je crois pas t'avoir sonné, sale juif ! cracha Nathan.

Jean et Clément écarquillèrent grand les yeux, ahuris par l'insulte. Pierrick et le reste se mirent à ricaner comme des hyènes, faisant sourire Nathan. Sourire qui s'effaça dès l'instant où Cat et Jean se jetèrent sur lui. Le brun lui décocha une bonne droite tandis que Jean lui assénait des coups de pieds dans le ventre.

-T'insulte plus mon pote, espèce d'enfoiré ! j'vais t'défoncer ta gueule de tafiole ! hurla Cat, fou de rage, en appliquant à la lettre ses paroles.

Pierrick et les autres garçons s'étaient enfuis en direction du préau, criant à en perdre la voix « Maîtresse ! Maîîîî-treeeesse !! » pendant que David et Clément tentaient vainement de calmer Cat et Jean qui s'acharnaient encore sur le pauvre Nathan.

-Cat Badboy ! Jean Jeulin ! Arrêtez-vous immédiatement ! aboya Mme Vialard, hors d'elle.

Des éclairs semblaient jaillir des yeux de la maîtresse. Jean cessa sur le champ de frapper le garçon, l'air mi-honteux mi-furieux. La fillette regardait le sol. Cependant, il en fallait plus pour stopper Cat Badboy qui répétait toujours à bout de souffle : « T'insulte plus mon pote, sale bâtard ! » en ponctuant chaque mot par des coups.

L'enseignante dut même appeler d'autres collègues pour réussir à séparer Cat et Nathan, sous les yeux abasourdis de David, Clément, Pierrick et les autres garçons. Elle demanda ensuite à Emilie qui jouait à la corde à sauter avec ses amies, d'accompagner Cat et Jean dans le bureau de la directrice et fit envoyer Nathan à l'infirmerie.

-Vous trois ! s'exclama Mme Vialard en désignant David, Clément et Pierrick d'un geste sec de la main. Pouvez-vous m'expliquer ce qu'il s'est passé ?!

-C'est le nouveau et Jean, Maîtresse ! s'empressa de répondre Pierrick sans laisser le temps aux deux autres de répondre. Ils se sont jetés sur Nathan comme des sauvages pour le frapper !

-C'est pas toute la vérité ! protesta furieusement David, déterminé à défendre son meilleur ami, quitte à se faire l'avocat du diable.

-Il a raison, madame, rajouta calmement Clément. Nathan a insulté David.

-C'est vrai, ça ? demanda Mme Vialard, les sourcils froncés à tel point qu'ils se rejoignaient presque.

Pierrick ouvrit la bouche pour répondre mais David le coupa net :

-Oui. Il m'a traité de « sale juif ».

Ses joues se mirent à rougir. David n'avait jamais crié sur tous les toits ses origines : sa mère lui avait dit de rester discret à ce sujet sous prétexte que les gens en général dans l'histoire, n'avaient jamais beaucoup apprécié les Juifs. Et il en avait eu la preuve ce jour-ci...
Mais ses amis, eux l'avaient soutenu. Cat et Jean s'étaient même battus pour lui, quittes à être punis, et ça le touchait plus qu'il n'aurait su le dire.

-Bon, on verra ça ce soir dans le bureau de la directrice avec vos parents. Insulte ou pas, cela n'excuse en rien leur comportement de brute, rétorqua Mme Vialard avant d'appeler les élèves à se mettre en rang pour retourner en classe.

Ils entamèrent ensuite une leçon de grammaire portant sur la classe des mots. David n'écouta pas vraiment les explications fournies par la maîtresse, les yeux rivés sur la chaise vide de son meilleur ami.

Cat et Jean les rejoignirent un quart d'heure plus tard, silencieux, sous les murmures curieux de leurs camarades tandis que Mme Vialard les informait qu'elle les avait « mis dans le rouge » pour toute la semaine. Lorsqu'elle prit place sur la chaise voisine, David constata avec une once de culpabilité, que Jean avait les yeux humides. C'était un peu de sa faute, si son amie et Cat avaient maintenant des ennuis. Alors, pour se faire pardonner, il déchira discrètement un bout de feuille de son cahier de français et écrivit dessus :

Merci d'avoir pris ma défense.
Je suis vraiment désolé...
David

Et il fit glisser le petit papier sur le bureau de Jean qui lut son petit mot. Elle lui adressa ensuite un sourire larmoyant qu'il essaya de lui rendre.
A midi, les quatre amis se rejoignirent à une des tables du self. Le repas fut plutôt silencieux. On n'entendait que les tintements de leurs couverts et les claquements de leurs mâchoires tandis qu'ils avalaient leurs assiettes de purée de pommes de terre et de saucisses (Cat et David avaient discrètement donné les leurs à Jean et Clément, soupçonnant les chipolatas de la cantine d'être faites de viande porcine). Une table plus loin, Pierrick, d'autres garçons populaires ainsi qu'un Nathan rafistolé tout juste sorti de l'infirmerie, leur adressaient des grimaces.

-Challah s'ils continuent ces bâtards, j'vais niquer leurs grands morts... grogna Cat entre ses dents après quelques minutes.

David le vit serrer les poings sur sa table.

-Ça n'en vaut pas la peine, Cat... dit-il.

-J'l'ai t'jours pas envoyé à l'hosto, s't enfoiré...

-C'est pas nécessaire... maugréa timidement le blondinet.

-Tu te fous d'ma gueule Dave ?! Ce fils de schlag t'as insulté, ce bâtard ! Wallah il mérite qu'j'lui fasse la peau !

-Peut-être, répliqua David agacé, mais je mérite pas que tu te fasses punir pour moi...

-Non mais Dave, c'était de l'antisémitisme ! s'exclama Jean. C'est très grave ! Il fallait bien qu'on lui fasse regretter ses mots et qu'il soit puni pour ça.

-Et vous n'auriez pas pu... attendre que les autorités s'en chargent, par exemple ? demanda-t-il mi-navré, mi-exaspéré.

-« Attendre que les autorités s'en chargent » ! Nan, mais tu l'entends Cat ? reprit Jean ahurie. On voit que ses parents travaillent dans le judiciaire !

-Genre ça pourrait même être une phrase de condé, ça, approuva Cat en hochant la tête de droite à gauche l'air passablement irrité.

-Clément défends-moi un peu ! coupa David en sollicitant le seul de ses amis qui ne s'était pas jeté sur Nathan.

-Désolé, mais je ne suis pas avocat, répliqua-t-il en levant les bras en l'air. Et c'est vrai qu'en général je suis contre la violence - c'est pourquoi je suis pas intervenu - mais si tu veux mon avis, Dave, Nathan est vraiment allé trop loin. Ils ont raison, tu sais...

-Hmm... Ouais... grommela David en portant une nouvelle cuillère de purée à sa bouche. N'empêche que ça aurait été plus simple si vous aviez juste prévenu la maîtresse. Eux ne s'en sont pas privés...

-Tchu m'connais, le sang. Chuis pas une poucave et puis j'péfère la manière forte, se défendit Cat en faisant craquer ses jointures. Morgan il disait qu'c'était comme ça qu'fallait faire, askip, pour dresser les tit-pe qui font iech.

-Et on voit ce que ça a donné sur toi, répliqua David avec superbe.

Cat lui adressa un sourire laissant apparaître toutes ses dents, manifestement ravi que son frère adoptif lui ait lancé cette pique.
-Ah mais ça, c'parce que moi chuis pas un gros boloss comme l'autre enfoiré. Moi j'pleurais pas quand on me tabassait. Jamais. Lui, il a chialé comme une gadgi !

Jean et Clément se lancèrent des regards remplis d'incompréhension. David ne leur avait rien raconté de Cat, et il ne comptait pas le faire sans son accord. Il fit donc signe aux deux autres de ne pas poser de questions et ces derniers acquiescèrent discrètement.

-La directrice a appelé nos parents, reprit Jean comme si de rien était. C'est quand même bien que ton père soit avocat, Dave. J'espère qu'il va pouvoir plaider notre cause !

-Espère surtout qu'il ne soit pas trop furax, oui ! rétorqua le blondinet. Il fait vraiment peur quand il est en colère !

-Il m'battra ap, j'le sais, déclara Cat, blasé.

-C'est certain, rétorqua David. Mais je vois la privation de dessert arriver de loin, par contre.

-Honnêtement, et avec tout le respect que j'ai pour ta mère, Dave, si le dessert c'est sa fameuse tarte à la rubarbe, je suis pas sûr que ce soit une grosse perte pour Cat ! fit Clément.

Et tous les quatre éclatèrent de rire, sous le regard mauvais des occupants de la table de Nathan, avant de terminer leurs assiettes, un peu plus gaiement qu'au début du repas. Une fois que ce fut fait, ils sortirent dans la cour afin de profiter du beau temps dehors. Par chance, Jean avait apporté un paquet de cartes et ils s'étaient assis en cercle sur le sol de bitume, à l'ombre d'un tilleul pour faire une partie de kems. Cat et David s'étaient bien évidemment mis ensemble pour jouer et avaient battu Jean et Clément à plate couture.

La maîtresse appela les CE2 à treize heures trente et conduisit le rang d'élèves dans une salle où un photographe de profession avait installé tout son matériel : ils allaient faire la photo individuelle et la photo de classe. Mme Vialard les appela un par un suivant l'ordre alphabétique pour les faire asseoir sur un petit tabouret juste en face du photographe qui lançait des expressions telles que « Patate pourrie ! » ou bien « Cheese banane ! » dans l'intention de faire sourire les élèves malgré eux, tout en appuyant sur un bouton de son appareil à plusieurs reprises.
David avait un peu cligné des yeux quand l'homme avait appuyé sur le flash et il espérait que cela ne se verrait pas trop sur sa photo. Déjà qu'il avait une tête de mouton...

Ils firent ensuite la photo de classe, dans la cour de récréation où des tables et des bancs avaient été disposés à cet effet. David et Cat avaient été placés côte-à-côte au troisième rang, sur les tables, avec les élèves de taille moyenne, dominant les premiers et deuxièmes rangs d'élèves. Pour la photo « rigolote », les deux amis avaient passé leur bras derrière la tête de l'autre pour lui faire « les oreilles de lapin » tout en tirant la langue. Comme l'avait si bien fait remarquer Cat avant que le photographe n'immortalise le moment, David ressemblerait à un mouton croisé lièvre roux en train de bêler sur la pellicule et tous deux en avaient bien rit en rentrant en classe.
David était content de voir son meilleur ami s'amuser malgré l'incident malheureux de la matinée.

L'après-midi, Mme Vialard leur dispensa un cours d'arts plastiques de quelques minutes durant lesquelles ils purent dessiner à leur guise. David écrivit les lettres « CAT » dans un style street art avec ses feutres de couleurs, en se promettant de le donner à son frère adoptif à la récréation. Jean, quant à elle, avait essayé de reproduire aux crayons, le fameux tableau d'Eugène Delacroix : La Liberté guidant le Peuple, bien qu'il ne l'aurait pas deviné si elle ne le lui avait pas dit - ce qu'il eut l'intelligence de ne pas mentionner à la jeune rousse, contrairement à Clément. Jean avaient furieusement rétorqué à son frère que son portrait de Mao Zedong ressemblait plutôt à un croque-monsieur raplapla.

-T'as quand même reconnu que c'était Mao ! murmura Clément, satisfait tout en gommant quelques traits sur sa feuille.

Jean, vexée et les oreilles plus rouges que ses cheveux, s'en était retournée à son œuvre d'art, déterminée à prouver qu'elle aussi était capable de produire quelque chose dont on pouvait distinguer les traits. Clément adressa un sourire complice à David par-dessus l'épaule de sa sœur et tous deux réprimèrent un fou-rire. Qu'est-ce qu'il n'aurait pas donné pour avoir Cat pour voisin à la place de Nathan ? Ils auraient tellement ri, tous les quatre, ensemble...
Puis la maîtresse sonna l'heure de la récréation de l'après-midi. David plia son dessin en quatre et le glissa dans une des poches de son jean avant de se mettre en rang. Pour sa plus grande joie, Cat avait délaissé Emilie et avait pris la main de David, à la place. Une fois arrivés dans la cour, David sortit le papier de sa poche et le tendit joyeusement à son meilleur ami.

-Oh... fit Cat la voix remplie d'émotion en découvrant le dessin.

Le brun sembla hésiter à étreindre son frère adoptif, puis se ravisa pour se contenter d'un check. David sourit, à moitié soulagé et déçu. Il y avait tous leurs camarades autour et David n'avait pas besoin de moqueries supplémentaires, mais d'un autre côté, il n'aurait pas refusé un câlin de son Cathy. Tant pis, ce serait pour ce soir. Après l'engueulade de ses parents...

-Cimer le sang ! lança Cat. Azy j'ai aussi fait pour toi le truc, mais j'ai ap fini...

-Tu me le donneras quand il sera terminé alors.

-Yep !

-Alors, les gars, ça vous dit une bataille cette fois-ci ? demanda Jean en sortant son jeu de cartes de sa poche.

-Allez ! s'exclamèrent David, Cat et Clément en chœur.

***

École Marie Curie, un peu plus tard en fin d'après-midi.

-C'est assez sérieux, vous savez. Le premier jour de la reprise, de surcroît... Cat et Jean ont eu un comportement exécrable ! s'enquit la directrice.

La fin des cours avait sonné depuis au moins dix bonnes minutes et Mme Vialard avait ordonné à David, Cat, Jean, Clément, Nathan et Pierrick de rester dans la classe des CE2. La directrice les avait ensuite rejoints, ses talons claquant bruyamment dans les couloirs, puis ce fut le tour d'Armand Lejuste, de Mme Jeulin et de Mme Levrête. Chacun des parents se tenait derrière ses rejetons, écoutant pour le moment, le discours de la directrice, Mme Oliveras.

-Deux contre un ! Enfin, Jean, tu n'as pas honte ? s'exclama Mme Jeulin à l'adresse de sa fille.

-On n'a pas fait attention à ça, Cat et moi. On était tellement furieux parce que Nathan avait insulté Dave qu'on s'est emportés... minauda Jean en regardant ses pieds.

-La bonne excuse ! coupa Mme Levrête d'une voix claire et tranchante.

-Mais c'est vrai ! protesta Clément. Votre fils a traité David de...

-De sale juif, trancha Cat froidement.

Les quatre femmes dans la salle émirent des « oh ! » choqués. David et Armand eurent quant à eux la même réaction : ils grimacèrent silencieusement.

-C'est une affirmation très grave, les enfants ! déclara la directrice, légèrement secouée.

-Surtout très vraie, répliqua Jean. On a plusieurs témoins !

-Pierrick a tout vu ! poursuivit Clément en pointant l'acolyte de Nathan du doigt.

Tout le monde se tourna alors vers Pierrick qui semblait à présent quelque peu intimidé.

-Est-ce vrai, Pierrick ? Nathan a dit cette insulte à David ? demanda la maîtresse.

Le regard du garçon fit des allers et retours entre les yeux de Mme Vialard, ceux de Nathan, Mme Vialard et encore Nathan avant de bégayer en se tordant maladroitement les mains :

-Euh... p-peut-être...

-Cela importe peu ! rétorqua Mme Oliveras. Rien ne peut excuser l'attitude qu'ont eu Cat Badboy et Jean Jeulin.

-Rien ne peut excuser également des actes et des paroles antisémites, lança M. Lejuste de sa voix d'avocat. Permettez-moi, mais je pense qu'on ne doit pas tolérer l'antisémitisme - ni aucune forme de racisme - surtout au vu des tristes évènements qui ont eu lieu le siècle précédent. Vous semblez croire, Madame, que l'attitude de mon fils adoptif et de sa camarade est largement plus répréhensible que celle du petit Nathan, et vous savez, les nazis vous donneraient raison !

La directrice baissa honteusement la tête. David trouvait que son père était allé un peu fort dans son parallèle avec les nazis, mais il se doutait que c'était une de ses techniques d'avocat pour essayer de faire passer l'accusé pour la victime ou au contraire, d'enfoncer le coupable.

-Bien sûr, Monsieur ! Nathan sera puni en conséquence, déclara finalement Mme Vialard. Mais tout de même ! Il nous a fallu appeler plusieurs collègues à l'aide pour parvenir à maîtriser Cat. Je n'ai jamais vu une telle violence chez aucun autre enfant de toute ma carrière...

Cat sembla se renfrogner.

-J'aimerais discuter de choses sérieuses entre adultes, si vous permettez, reprit le père de David. Les enfants, si vous voulez bien patienter dans le couloir...

David, Cat, Jean, Clément, Nathan et Pierrick sortirent de classe de CE2 avant que M. Lejuste ne ferme la porte et après que Mme Jeulin leur ait crié : « Et pas de bêtises hein ! ».

-Alors comme ça ton père, c'est un avocat ? demanda Nathan goguenard en rompant le silence. Moi qui croyais que tous les juifs étaient banquiers !

-Tu as quoi contre les juifs ? fit David alarmé.

-Oh rien... mentit Nathan sous les rires de son acolyte. C'est juste que suis étonné, c'est tout...

-Bah moi chuis étonné que ta daronne ait pas ramené son cul à poil. Askip quand on s'appelle « Levrête », on file direct dans l'industrie des films X, rétorqua Cat.

Clément et Jean se lancèrent un regard ahuri, Pierrick ouvrit grand la bouche - ce qui lui donnait l'air vraiment stupide- et Nathan semblait lutter de toutes ses forces pour ne pas se jeter sur Cat. Ce dernier, quoiqu'il soit plus petit que Nathan de plusieurs centimètres, le toisait du regard. Il avait fier allure, songea David, qui ne pouvait s'empêcher d'admirer l'audace et la posture de son meilleur ami.

-Tu parles pas de ma mère comme ça, espèce de... !!

-Bah déso, mec, mais sur la vie de oim t'es un gros FDP. Donc logiquement c'est ta faute, zebi, si ta daronne c'est une...

Mais par un heureux hasard, on ne sut jamais vraiment ce qu'était Mme Levrête, selon Cat puisque cette dernière leur ouvrit la porte à ce moment précis en leur déclarant qu'ils pouvaient à nouveau rentrer dans leur salle. Ce qu'ils firent sans un bruit. Cat en profita pour lancer des regards narquois à Nathan dans le dos des adultes.

-Il a été convenu que vous rédigerez tous les trois une rédaction expliquant pourquoi vous avez agi ainsi et en quoi votre comportement est nocif pour le vivre en société, mais également des excuses à l'élève que vous avez blessé par vos actes ou par vos propos, expliqua Mme Oliveras. De plus, vous devrez réaliser des affiches pour l'école. Jean et Cat, la vôtre devra se charger de prévenir contre la violence, et Nathan, contre la discrimination.

-Et bien sûr, ajouta Mme Vialard, vous êtes tous les trois dans le rouge jusqu'à la fin de la semaine !

-Vous pouvez rentrer chez vous, reprit la directrice. Et que cela ne se reproduise plus.

-Oui, madame... grommelèrent Cat, Jean et Nathan tandis que tout le monde sortait de la salle de classe des CE2.

Armand Lejuste discutait à présent de banalités avec Mme Jeulin, leurs enfants sur leurs talons, tout en traversant les couloirs et escaliers divers du bâtiment. Clément racontait avec passion son voyage en Chine à un Cat légèrement réticent.

-Je l'aime beaucoup, Cat. C'est un warrior, murmura Jean à l'oreille de David.

-C'est sûr que vous allez bien vous entendre. Toi aussi, tu es une battante, répondit David avec un léger clin d'œil.

-Dans tous les sens du terme, hélas ! dit-elle théâtralement.

Et tous deux réprimèrent un fou-rire.
Cat et Dave finirent par saluer leurs deux amis, promettant d'apporter de nouveaux jeux pour les récréations du lendemain.

-Cathy, David, dans la voiture ! invectiva M. Lejuste.

Les deux garçons s'installèrent à l'arrière du véhicule, un peu trop joyeusement au vu des évènements précédents.

-Euh... cimer hein, pour le p'tit coup de pouce... dit Cat à l'adresse du conducteur après s'être éclairci nerveusement la gorge.

-Privé de dessert, fut la seule réponse d'Armand.

-Azy, rassure-iom, mec. L'dessert, c'est la tarte à la rubarbe de la daronne, là ?

Le père de David se retourna alors pour faire face aux deux garçons et tous trois explosèrent de rire avant de démarrer en direction de la maison où les attendait Maria Lejuste et sa fameuse tarte. Après tout, cette première journée d'école ne s'était pas si mal déroulée, songea joyeusement David en adressant un large sourire à son meilleur ami qui s'empressa de lui donner le câlin qu'ils avaient tous les deux tant attendu.

***

Domicile des Lejuste, le 10 septembre 2011.

-Alors, Cat, tu as des idées ?

C'était samedi après-midi, et David et Cat avaient invité Jean et Clément chez eux afin réaliser l'affiche de prévention contre la violence des deux élèves turbulents et qu'ils devaient rendre ce lundi-là. Durant la semaine, David avait aidé son meilleur ami à faire sa rédaction (Armand Lejuste avait toutefois insisté pour que Cat la recopie entièrement afin de s'entraîner à écrire). Cat avait également fait de plates excuses préparées sur un papier pour Nathan. Il ne restait à présent plus que l'affiche et Jean et Cat s'étaient accordés pour en faire une en commun. Bien sûr, David et Clément s'étaient empressés de leur proposer leur aide et c'est ainsi que les quatre garnements s'étaient retrouvés, munis de feuilles canson et de crayons de couleurs, dans le jardin des Lejuste.

-Ouais ! répondit Cat. Genre, wallah, on pourrait tagger l'affiche.

-C'est pas une mauvaise idée, renchérit David. Mais pour tagger quoi exactement ?

-Des bougs en train d'se friter ?

-Oui ! s'exclama Jean remplie d'enthousiasme. Et en bas de l'affiche j'écrirai des phrases de prévention du genre : « La violence c'est mal » ou « Si un autre élève vous embête, ne le frappez pas mais appelez un adulte ».

-Okay, mais vous avez de quoi faire des tags ? demanda Clément.

Cat lui adressa un immense sourire.

-Notre placard en est plein ! déclara David avec un clin d'œil. Cat, tu vas les chercher ?

Mais le jeune brun avait déjà disparu à l'intérieur de la grande maison et ressurgit quelques minutes plus tard, les bras chargés de ses précieuses bombes à peinture de diverses couleurs.

-Wesh ! C'parti ! s'exclama-t-il en agitant une des bombes avant de l'actionner et de tagger l'ensemble de feuilles collées entre elles qui devait leur servir d'affiche.

Quelques minutes plus tard, Cat avait terminé son chef-d'œuvre, sous l'œil ébahi de ses camarades. David ne pouvait s'empêcher d'admirer le talent de Cat pour le dessin (d'autant plus qu'il était plus difficile de manier la bombe à peinture que le crayon). David repensa alors au dessin que lui avait promis Cat le jour de la rentrée. David avait hâte que son ami l'achève. Il était certain que ce serait magnifique et l'accrocherait sans doute sur un mur de sa chambre...

-Genre là, tch'attends ça sèche après tchu peux écrire tes trucs, là, dit Cat à l'adresse de Jean qui hocha la tête.

Maria Lejuste arriva pile poil à ce moment avec un plateau chargé de verres, d'une carafe de jus d'orange et d'une assiette de cookies faits maison. Les quatre enfants la remercièrent chaleureusement avant de se jeter comme des goinfres sur les biscuits - qui s'avérèrent largement plus comestibles que la tarte à la rubarbe de Maria - et se servirent en boisson.
Une fois qu'ils furent repus, que Cat eut lâché un : « Starfoullah, j'veux tous les jours des cookies, la vie de oim, c'est trop la base ! » et que la peinture eut fini de sécher, Jean écrivit ses fameuses phrases de prévention au feutre noir en grosses lettres, juste en dessous de l'illustration de Cat. Leur affiche était vraiment très réussie, songea David, ravi pour ses deux amis. Et tous les quatre se tapèrent dans la main, satisfaits du travail accompli. Ils rangèrent ensuite tout le matériel ainsi que leur affiche à l'intérieur et Maria leur proposa à nouveau de ses délicieux cookies pour le plus grand plaisir de Cat.
Après qu'ils aient passé le reste de l'après-midi à jouer sur la Nintendo DS à Mario Kart avec David et son frère adoptif, Jean et Clément furent ramenés chez eux par Armand Lejuste.

Une fois que le père de famille fut rentré au domicile, les Lejuste passèrent à table - ou plutôt devant la télévision. Cat et David avaient supplié leurs parents de commander des pizzas pour les déguster devant un bon film. Maria Lejuste, qui avait passé sa journée au fourneau à cause des cookies, ne fut pas bien difficile à convaincre.
Ainsi, David mordait dans sa part de pizza aux anchois qu'il partageait avec son meilleur ami (M. et Mme Lejuste, quant à eux, avaient préféré une végétarienne), devant Totoro, un film d'animation japonaise, que Clément leur avait vivement recommandé. Les deux garçons allèrent ensuite se coucher, sans discuter contrairement à leur habitude, sans doute épuisés par leur activité de la journée.

***

Domicile des Lejuste, le même jour tard dans la nuit.

David fut soudainement réveillé par un bruit de métal qui s'entrechoque dans un vacarme sans nom. Il entendit ensuite quelques jurons, provenant du même endroit.

-Cat ? demanda-t-il en reconnaissant la voix de son ami. Tu fais quoi ?

-David ?! P'tain !

Le blondinet se leva, les membres toujours un peu engourdis par le sommeil avant de se diriger vers l'interrupteur de sa chambre pour allumer la lumière. Il découvrit alors un Cat, vêtu d'un jogging noir et d'un sweat violet à capuche, un sac à dos sur l'épaule et une ribambelle de bombes à peinture à ses pieds. David comprenait à présent ce qui était à l'origine du bruit métallique qui l'avait tiré de son sommeil...

-Tu fais quoi ? répéta-t-il, suspicieux.

-Euh...

Cat avait les joues pourpres et semblait être très embarrassé d'avoir été pris sur le fait par David. Ce dernier fut surpris de penser que cela donnait un petit côté fort mignon à son bad boy et il se mit à rougir également avant de détourner son regard vers les bombes de peintures... Et c'est là qu'il comprit.

-Tu voulais sortir dans la rue pour faire des tags, c'est ça ?

Cat haussa les sourcils de surprise avant de répondre, gêné :

-Ouais, t'chas capté, le sang... Ça me manque trop... l'affiche ça m'y a fait penser, tchu vois...

-Tu peux pas sortir dans la rue à une heure pareille ! s'exclama David, furieux que son ami ait pu considérer de prendre un aussi gros risque. C'est trop dangereux !

-J'ai ap peur du danger, t'sais, frère, répondit Cat d'une voix qui se voulait rassurante. 'Faut qu'j'retourne au tieks... j'peux ap tenir comme aç...

David fronça les sourcils à ces mots. En réalité, il n'était pas tant en colère contre son ami de prendre des risques. En fait, il lui en voulait d'avoir envisagé de prendre des risques sans lui en parler, sans l'impliquer...

-Alors je t'accompagne ! déclara férocement David.

-Dave...

-Y a pas de « mais » ! C'est plus sûr à deux. Et en plus, comme ça, tu pourras m'apprendre à tagger.
Cat lui sourit et acquiesça silencieusement.

-D'accord, alors on ira à ton quartier en skate, ce sera plus vite fait. Attends juste que je m'habille et pendant ce temps, tu peux mettre les bombes dans ton sac -et sans faire de bruit cette fois, dit David.

-Okay, le sang...

Et tandis que Cat se retournait pour s'exécuter, David retira son pyjama et enfila un jean, un sweat orange fluo ainsi que ses baskets. Il attrapa sa planche de skate et celle de Cat qui venait de refermer son sac. Il leva le pouce en l'air. Tous deux sortirent de leur chambre en prenant soin de l'éteindre et descendirent les escaliers à pas de velours pour éviter de réveiller leurs parents. Une fois arrivés devant l'entrée, David tourna les clés dans la serrure et ouvrit la porte. Les deux garçons sortirent dans la nuit après avoir fermé le domicile à double-tour.
David et Cat avaient ensuite déposés leurs planches de skate à terre avant de grimper dessus et de rouler une bonne demi-heure jusqu'à atteindre leur destination : l'ancien quartier de Cat.

Les deux garçons descendirent de leur skateboard. Cat détaillait les tours de HLM de ses beaux yeux sombres et hantés. On entendait des voix d'hommes au loin - sans doute rendues un peu trop criardes à cause de l'alcool. Cat pressa le pas, semblant chercher quelque chose ou quelqu'un. David le rattrapa sans un bruit. Le garçon brun finit par s'arrêter au pied d'un immeuble particulièrement délabré et vandalisé de toutes parts.

-Là, dit-il en pointant du doigt un endroit où le sol était taché. C'est là qu'ils...

Cat s'effondra avant d'achever sa phrase. Il était à genoux, les mains à terre, le visage pantelant et le corps tremblant. Le garçon semblait torturé... David lâcha immédiatement son skate et se précipita sur son ami.

-Cat ! s'écria-t-il inquiet. Qu'est-ce qui...

-C'est là qu'ils l'ont buté, coupa le brun dans un murmure glacial.

David se tut immédiatement. Cat ne lui avait jamais reparlé de la mort de son ancien mentor, Morgan Gray, depuis qu'il l'avait fait en mai dans le parc, quand Cat avait des ennuis avec la justice. Mais le fait était là... Ça ne quitterait jamais son ami... David avait souvent été réveillé par les cris de son ami pendant les deux derniers mois... Cat, dans ses cauchemars, hurlait le nom de Morgan et le blond se doutait qu'il revoyait en rêve, encore et encore, comment son mentor avait était abattu... C'était sans doute d'une violence inouïe... quelque chose de traumatisant... Lui-même se souvenait douloureusement de la mort de son grand-père maternel qui avait fait une crise cardiaque juste devant ses yeux avant de rendre l'âme... David ressentit un pincement au cœur et les larmes lui montèrent aux yeux. Il comprenait un peu ce que pouvait ressentir Cat en cet instant...

Alors il attrapa son ami avec force et le serra contre lui. Cat ne protesta pas et laissa David lui caresser les cheveux et le dos, le bercer par ses étreintes si chaleureuses...
Une larme du blondinet s'écrasa sur la joue du brun.

-Tu pleures ? demanda ce dernier d'une voix beaucoup plus douce que d'ordinaire.

Et Cat le regarda droit dans ses yeux verts et humides en cet instant. David observa attentivement les prunelles noires de son ami... Elles étaient si hypnotisantes...

-C'est juste que... Je t'aime... Je t'aime et tu souffres...

Le garçon brun lui adressa un sourire timide avant de se lever de tendre une main à David qui l'imita.

-Faut aller d'l'avant, frère ! Allez, viens on tag.

Ils avancèrent jusqu'au mur de l'immeuble déjà recouvert de tags que contemplait David tandis que son ami sortait les bombes à peinture de son sac. Le blondinet reconnut avec émotion la signature de Cat inscrite sur divers endroits du mur. Le brun lui envoya une bombe que Dave attrapa à la volée.

-J'vais te montrer.

Cat commença à asperger le mur de peinture violette, et traça en gros les lettres « MORGAN » qu'il enjoliva de manière professionnelle, en n'oubliant pas de dessiner les ombres et les reflets. Il avait rajouté une grande croix dorée derrière le nom de son mentor et le résultat bluffant.

-Wow... murmura David en contemplant l'œuvre de son ami. C'est magnifique ! Tu es vraiment très doué...

-Wesh, à ton tour, le sang !

Mais les deux enfants furent interrompus dans leurs activités illicites par deux voix graves d'homme. Sur le moment, David eut peur que ce soit la police. Il ignorait que c'était en réalité bien pire que cela...

-Cathy Rémi ? demanda l'homme qui était chauve.

-Putain... C'est la hess, murmura Cat subitement pris de panique.

-Mais oui c'est bien lui ! Je le reconnais ! s'exclama le second homme qui était quant à lui trapu.

Les deux hommes s'approchèrent d'eux. Cat mit rapidement son sac sur son dos et tournait la tête de droite à gauche l'air de chercher désespérément un moyen de s'enfuir.

-C'est qui ? demanda David la voix tremblante.

-Des gars d'Sherekan, murmura Cat entre ses dents.

-Aïe...

-T'es pas le bienvenu ici, morveux ! déclara la chauve menaçant. Mais maintenant que t'es là, on va pouvoir te faire la peau.

-Hé, regarde ça, Kaïs ! Il a taggé le nom d'son petit copain... T'sais, celui qu'on a buté à la Kalash, dit l'homme trapu d'une voix moqueuse en pointant l'œuvre de Cat de son gros doigt.

David vit le sang de son ami ne faire qu'un tour. Cat brandit sa bombe en direction de l'homme et aspergea ses yeux de peinture. Ce dernier poussa un cri de douleur.
David observait la scène de plus en plus en proie à une crise de panique. Ça n'allait pas du tout ! Cat et lui risquaient d'y passer... Il l'avait su. Cette escapade était beaucoup trop dangereuses et ils payaient à présent le prix de leur témérité... David pria intérieurement pour que les hommes ne soient pas en possession de kalashnikovs ni d'aucune autre arme... Ils étaient trop jeunes pour mourir...

Le chauve se saisit de Cat et commença à lui donner des coups dans le ventre, pendant que son collègue se tordait toujours de douleur. David hurla mais l'homme ne s'arrêta pas de battre son frère...
Son frère qui était à présent en sang, au sol, tout près de son skate...
Dans un élan qu'il ne semblait pas maîtriser, David attrapa sa planche à roulettes, la brandit en l'air et puis l'abattit de toute la violence dont il était capable sur le crâne chauve de l'agresseur. L'homme s'effondra sous le coup et David aperçut un liquide rougeâtre couler le long de sa nuque. Le skate, quant à lui, s'était cassé en deux.

Cat se redressa sur ses pieds, un œil au beurre noir et le nez en sang. David ne l'avait pas entendu crier de tout le long de son supplice... Mais il n'y avait pas une seconde à perdre... Les cris des deux hommes allaient sans doutes en rameuter toute une troupe.

-Vite ! s'exclama Cat alors qu'il grimpait sur sa propre planche à roulettes. Monte derrière moi !

David s'exécuta en une demi seconde, et s'accrocha au torse de Cat comme si sa vie en dépendait - ce qui n'était pas loin d'être le cas. Ils s'enfuirent en vitesse du quartier délabré, laissant les deux hommes hurlant de douleur derrière eux.
Ils arrivèrent quelques minutes plus tard devant leur maison familiale - étonnamment, le retour avait été de durée beaucoup plus courte qu'à l'aller - essoufflés, pantelants, les vêtements couverts de peinture et de sang.
David ouvrit rapidement la porte d'entrée et tous deux se faufilèrent à l'intérieur, à peine conscient qu'ils venaient d'échapper à un destin plus que funeste. David ne préférait même pas penser à ce qui aurait pu leur arriver...

-On va faire comment pour expliquer à mes parents que j'ai plus mon skate ? demanda David, inquiet.

-C'est une excellent question, ça ! s'exclama une voix furieuse.

La lumière du salon s'alluma, révélant M. et Mme Lejuste, encore en robe de chambre, l'air plus en colère que jamais. Les sourcils de son père étaient agités de tics nerveux, sa mère, elle, avait les bras croisés sur sa poitrine et ses lèvres tremblaient. Même lorsqu'il était sorti en douce le soir de son anniversaire pour essayer son nouveau skateboard et qu'Armand Lejuste avait dû le chercher au poste de police, ils avaient l'air moins furieux qu'à présent...

-BON SANG MAIS QU'EST-CE QUI VOUS EST PASSE PAR LA TETE ?!! hurla Maria.

-Regardez dans quel état vous êtes !

-Quelqu'un vous a agressé ?!!

-On exige des explications ! ordonna froidement Armand.

Cat et David se jetèrent un coup d'œil embarrassé. Aucun d'eux n'avait imaginé que leurs parents les prendraient la main dans le sac. C'était presque pire que l'assaut des deux hommes... David pouvait lire la déception et la colère dans leurs yeux. Et Cat allait sûrement avoir beaucoup d'ennuis... David aurait dû l'empêcher de sortir... C'est sa faute...

-C'ma faute, déclara Cat. J'voulais tagger et David m'a suivi pour m'protéger.

-Mais vous vous êtes battus ou quoi ?! questionna Maria complètement ahurie.

-Des hommes de Sherekan nous ont repérés, expliqua David.

-Pas très contents d'nous voir... grommela Cat.

-Mais on a réussi à s'enfuir !

-Est-ce qu'ils vous ont suivis... ? demanda son père.

David pouvait lire la peur dans ses yeux. Cat et Dave échangèrent un regard muet.

-Je ne crois pas... dit David, espérant de tout son cœur que c'était bel et bien vrai.

-Très bien. Je vais aller faire une déposition, c'est plus sûr, annonça Armand en enfilant un manteau par-dessus son pyjama ainsi qu'une paire de chaussures en cuir. Maria, soigne-les en attendant, s'il te plaît.

La mère de famille hocha la tête en signe d'approbation avant d'emmener les deux garçons dans la salle de bain pendant qu'Armand sortait déjà dans la rue. Cat et Dave se lavèrent rapidement, puis Mme Lejuste appliqua une pommade sur l'œil au beurre noir de Cat et vérifia que son nez n'était pas cassé. David, quant à lui, assura à sa mère qu'il n'avait rien.
Ils finirent par se mettre au lit avant que leur père ne soit rentré et dormirent jusqu'à midi le lendemain. Personne ne parla beaucoup de tout le reste du weekend.

***

École Marie Curie, le 12 septembre 2011.

-Franchement, ça rend super bien ! déclara fièrement Jean.

Leur affiche était à présent clouée sur un des murs de la cour de récréation.

-J'avoue !

-Wesh, ça m'fait penser qu'j'ai un truc pour oit, Dave ! s'exclama Cat en sortant une feuille de sa poche et qu'il s'empressa de donner à David.

Ce dernier découvrit alors le plus beau dessin qu'on lui avait jamais offert. Il s'agissait d'un cœur humain écarlate, plutôt réaliste, et dont les veines et artères étaient reliées aux bords de la feuille. L'organe était transpercé par une flèche, et dégoulinait de sang. C'était à la fois horrible et magnifique...
Et surtout... Sur le cœur, était écrit « David », et les plumes de la flèche formaient les lettres « CAT »...

Son vrai cœur, celui qui battait dans sa poitrine, fit une espèce de looping - en tout cas, c'est comme ça que David l'avait ressenti. Il resta bouche bée, incapable de dire un mot, tant le dessin le touchait...

Mais Nathan et ses acolytes l'extirpèrent rapidement de sa joie.

-T'as vu ! Il lui a dessiné un cœur ! Ha ha ! La honte, c'est les filles qui font ça !

-Normal c'est des pédés !

-Berk !

David fronça les sourcils sous les ricanements lointains de ses camarades. Leur comportement l'énervait, mais heureusement, Cat ne semblait pas avoir entendu leurs remarques, visiblement trop occupé à expliquer au groupe d'Emilie comment il avait réalisé l'illustration de leur affiche. Et puis aussi, David était perplexe... Il avait déjà entendu cette insulte - une des favorites de Cat - mais n'avait jamais vraiment prêté attention à sa signification... Il songeait à lui demander des explications. Mais, la cloche sonna la fin de la récréation de l'après-midi et les CE2 durent retourner en classe pour suivre leur dernier cours de la journée du lundi : géométrie.
Bientôt, Cat et Dave furent rentrés chez eux, et avant de se pencher sur ses devoirs, David décida d'accrocher le dessin de son meilleur ami juste au-dessus de son lit. De cette façon, il pourrait s'endormir en pensant à Cat... Son Cathy...

Ce dernier se trouvait dans la pièce et l'observait l'air rieur, en train d'essayer de fixer le dessin au mur. Puis il s'avança afin d'aider le blondinet. Quand le papier fut correctement scotché au mur au bon endroit, David se précipita sur lui pour lui faire un câlin par derrière.

Mais, contre toute attente, Cat le repoussa violemment et il s'écrasa au sol. David se retint de pleurer, le rejet de son meilleur ami lui avait fait plus mal que sa chute...

David ne comprenait pas ce qu'il venait de se passer... Son Cathy...

-Plus jamais ! Plus jamais par derrière tch'as pigé ??! aboya Cat alors qu'il tremblait de tous ses membres.

-Je... Cat... Pourquoi... ? gémit-il au bord des larmes.

Cat lui lança un regard meurtrier avant de détourner les yeux. David se redressa... Personne ne lui avait jamais dit que c'était mal de faire un câlin par derrière... Ses parents s'embrassaient souvent de cette manière... Pourquoi son frère adoptif avait-il réagi ainsi ?

David songea que cela devait lui rappeler un mauvais souvenir de son enfance dans son quartier délabré auprès de Morgan et des sbires de Sherekan... Il n'insista donc pas plus. Cat lui en parlerait s'il le souhaitait le moment venu... Il préféra changer de sujet et se rappela subitement de la question qui lui trottait en tête depuis quelques heures déjà.

-Euh... Cat... C'est quoi exactement un « pédé » ? demanda-t-il timidement.

Cat se retourna pour lui faire face à nouveau, il s'était calmé. David évita de lui préciser que l'insulte avait été portée à leur encontre.

-C'est un keum qui kiffe les keums.

C'était donc ça... Une insulte à l'encontre des homosexuels... Et on les accusaient d'en être. David ne put s'empêcher de rougir.

-Et... c'est mal... ?

-Les pédés, ça m'dégoûte, rétorqua Cat froidement.

-Mais... Et si j'en suis un... ? murmura David.

Cat ne répondit pas et se contenta de regarder son frère dans les yeux, avant de quitter la pièce à grands pas.
Cette fois-ci, David ne put retenir ses larmes de se déverser sur ses joues constellées de taches de rousseur. Ce fut la dernière fois qu'il entendit Cat prononcer le mot « pédé ».

***

École Victor Hugo, le 29 juin 2011.

Cat et David étaient sortis du gymnase où se tenait le bal du lycée. David avait prétexté des maux de tête pour pouvoir se défaire des - bien qu'adorables - sœurs Miney. Son ami avait eu la bonté de le suivre. Le bruit de la musique et des cris s'estompait à mesure qu'ils marchaient dans la cour quasiment déserte. Seuls James et Ginny étaient visibles au loin.
Les deux jeunes hommes s'assirent nonchalamment sur un banc.

-J'en connais deux qui vont bien ken, ce soir, starfoullah, lança narquoisement Cat en observant du coin de l'œil James et Ginny s'embrasser.

David éclata nerveusement de rire.

-C'est bien mal connaître la sœur de Percy !

-C'pas faux...

Tout redevint silencieux, et la tension monta alors que les deux adolescents ne cessaient leurs embrassades. David détourna le regard, assez embarrassé. Il sentait en lui quelque chose frémir, tout près de son cœur. Aussi, des gouttes de transpiration s'étaient mises à perler sur son front et quelque chose lui disait que cela n'avait rien à voir avec la chaleur de l'été.

Il était seul à seul avec Cat.
Leurs doigts se rejoignaient presque sur le banc...

Rien que cette idée le faisait trembler et son cœur battait à présent à tout rompre... Qu'allait-il faire ? Allait-il oser, lui, David Lejuste, qui avait si peur du rejet... Lui qui tenait tant à Cat Badboy... Allait-il briser leur amitié ?
Mais le cerveau de David ne fonctionnait plus. Aucun de ses membres lui obéissait. C'était la panique complète...

Sans vraiment le vouloir, David se leva du banc pour faire face à Cat, et sans pouvoir contrôler ses gestes, finit par s'asseoir sur les genoux de son ami, ses jambes de part et d'autre des siennes...
Son cœur n'avait jamais battu si fort, il avait le souffle court.

-D-David... bégaya Cat, la voix tremblante. Tchu fais q-quoi... ?

-Ce que je rêve de faire depuis tout ce temps...

Les mots lui avaient échappé... Il se vit saisir le col de la chemise de Cat de ses deux mains, un peu trop brusquement. Les yeux noirs du bad boy étaient au moins aussi effrayés que les siens en cet instant... Jamais David n'y avait lu la peur auparavant... David vit ensuite leurs deux visages se rapprocher inexorablement... Il sentit les lèvres fines de Cat échouer sur les siennes qui remuaient de manière fougueuse... Une sorte de décharge électrique parcourut son corps et David cambra l'échine, brisant le baiser, brisant le maléfice... Il avait reprit ses esprits et c'était si bon...

-David... gémit Cat.

David avait à nouveau le contrôle de ses gestes et il savait ce dont il avait envie en ce moment. Alors, pour la seconde fois, il attira le visage de son bad boy contre le sien et l'embrassa langoureusement. Leurs bassins se touchaient presque à présent...

Cat passa une main dans la chevelure aux boucles d'or de son ami et l'embrassa en retour de manière sauvage. Un peu plus tard, il soulevait David du banc et le plaquait violemment contre un mur, sans pour autant que leurs lèvres ne s'éloignent une seule seconde. Cat tenta de défaire le nœud papillon de son ami. Ce dernier le repoussa et le fit chanceler : Cat tomba à terre, sur le dos et David se jeta sur lui et l'embrassa avec passion tout en arrachant les boutons de la chemise lilas du bad boy pour caresser son torse.

Puis, subitement, David se leva et s'éloigna de Cat à grands pas dans la cour. Cat, qui était toujours au sol, ne songea pas à le rattraper...
Les larmes perlaient sur les joues du jeune hommes aux boucles blondes, un léger sourire triste collé au visage. C'était la première et dernière fois qu'il embrassait Cat. Le moment avait été merveilleux - peut-être le plus beau de toute sa vie - mais c'était terminé... Il ne pouvait pas se permettre ce genre relation avec son frère adoptif, pour des raisons évidentes... Et parce qu'il refusait de risquer de le perdre à tout jamais. Son Cathy... C'était ce qu'il avait de plus précieux au monde...

Il essuya ses larmes avec un coin de sa chemises, réprimant des sanglots.
Quelqu'un le serra alors dans ses bras. Par derrière...

Cat l'avait finalement rejoint...

-David... murmura Cat.

-Je t'aime... Je t'aime mais j'ai si peur de te perdre à cause de ça... pleura David en se retournant pour faire face au brun qui le dépassait de plusieurs centimètres.

David plongea ses yeux verts dans les iris noires de Cathy, s'y noyant presque.

-Tu ne me perdras pas, David, dit Cat qui avait enlevé le masque grotesque de bad boy qu'il affichait en permanence devant les autres. Tu ne me perdras pas parce que je t'aime.

Et les deux jeunes hommes s'étreignirent avec force et amour, comme au temps où ils étaient enfants.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top