🦉 SECONDE CHOUETTE 🦉

Son sac à dos se balançait au rythme de sa démarche, il avait pris toutes ses économies. Jusque là, il n'en avait pas dépensé beaucoup car il économisait afin de s'acheter un ordinateur fixe plus performant que son petit ordinateur portable qui ne fonctionnait que par intermittence. Il s'approcha des deux adolescents qui ne l'avaient pas entendu arriver.

- Elyse, Pierre. Je dois aller à Londres, vous pourrez prévenir papa si je ne suis pas rentré à son arrivée ?

- Pourquoi tu ne lui envoies pas juste un message ? Si tu as un portable, c'est pour une bonne raison !

- Il ne veut pas que je le dérange à son travail. Laissez tomber, je lui enverrais si je suis en retard au pire. À ce soir.

Graham tourna les talons en se dirigeant vers la porte d'entrée. Elyse commença à protester mais il avait déjà passé la porte d'entrée. Le voyage ne sembla durer qu'un bref instant pourtant il se retrouva déjà à deux rues de Charing Cross Road. L'endroit était bondé en ce samedi après-midi et les gens marchaient d'un pas pressé, entraient et sortaient des boutiques qui bordaient les rues.

Graham les traversèrent d'un bout à l'autre, zigzaguant dans les allées sans repérer d'hommes en noir ni même d'individus particulièrement louches. Il regretta son excursion quand il regarda la dernière – ou première – échoppe de Charing Cross Road.

Les vitres crasseuses laissaient à peine deviner l'intérieur pourtant les odeurs de bières et une odeur fort désagréable comme celle de la moisissure complétait le tableau sinistre du vieux bar en décrépitude.

Les gens ne semblaient jamais y entrer ni en sortir. Pire encore, ils semblaient tout naturellement éviter l'endroit, quitte à passer sur l'autre trottoir plutôt que croiser le chemin de cette boutique lugubre. Personne pourtant ne semblait prêter attention à quel point ce bar divergeait des autres boutiques et personne n'y jetait le moindre coup d'œil – aussi curieux soit-il.

Tout le monde sauf Graham qui eu une drôle de révélation : qui donc à part des personnes louches iraient dans un tel endroit où il paraît si facile de se fondre dans l'ombre et l'anonymat ? Alors il prit son courage à deux mains et poussa les portes du Chaudron Baveur.

Une odeur de fumée et l'alcool lui prit au nez et il se mordit la lèvre pour ne pas tousser afin de ne pas attirer l'attention sur lui. Malgré sa retenue, toutes les têtes se tournèrent brièvement dans sa direction sans pour autant s'y attarder.

Les conversations reprirent à voix basse sauf une table la plus au centre où trois hommes brayaient leurs exploits, mais Graham n'y prêta pas attention. Il avisa les clients de l'échoppe dont un le marqua profondément car il était de très petite taille et ses traits étaient si disgracieux qu'on aurait pu croire à une déformation anormale si son visage n'avait pas été à ce point symétrique. Les traits profondément creusés, les oreilles longues qui finissaient en pointe... il ne ressemblait aucunement à un humain. C'était la première fois qu'il voyait une personne naine de sa vie et il ne les avait pas imaginés ainsi. Le jeune feignit son indifférence en se dirigeant d'un pas lourd auprès du barman.

- Heu...

- Bonjour, tu veux quoi ?

- Un coca s'il vous plaît

Il jeta un coup d'œil autour de lui en frottant ses cheveux broussailleux, en proie au stress.

- J'ai pas ça, désolé.

- Alors... un Fanta ou n'importe quelle limonade.

L'homme grogna un tantinet avant de lui proposer un choix au menu du bar.

- J'ai de l'eau gazeuse si tu veux.

- Non... Bah, donnez-moi juste un verre d'eau plate. Merci.

Le grand homme grinça des dents en lui tendant le verre remplit préalablement d'eau du robinet. Le récipient était sale et l'eau blanche indiquait probablement un fort taux de calcaire. Mais Graham, enclin au stress et poli par nature, avala quelques timides gorgées. Le peu d'eau qu'il ingurgita lui fit un bien fou et il vida le verre d'une traite. Le barman le remplit aussitôt.

- Je vous dois combien ? demanda Graham.

- Rien, c'est juste de l'eau.

- Ah... bien. Merci beaucoup dans ce cas. Dites-moi, je suis un peu confus mais je peux vous poser une question, même si elle vous paraît étrange ?

Graham pensa qu'il ne risquait rien à paraître ridicule car il ne remettrait probablement plus jamais les pieds dans cet étrange établissement.

- Bien entendu gamin.

- Alors... Avez-vous déjà vu des hommes tout vêtus de noir, plus précisément de grandes robes noires et... avec des chapeaux... pointus ?

Graham s'empara du plan dans sa poche arrière, continuant son explication en bégayant davantage. Il commença à dire qu'il avait entendu quelqu'un parler de tels hommes et qu'il était à leur recherche, indiquant sur sa carte les rues qu'il avait parcourues aujourd'hui.

- Tu es étudiant à Poudlard toi aussi ?

Le coupa un jeune homme un poil plus âgé que Graham. Il désignait la lettre qui dépassait de la poche de son jean. Graham rougit en enfournant les papiers plus profondément. Son interlocuteur avait des cheveux noirs de jais qui partaient dans tous les sens et un sourire espiègle.

- Tu... tu connais Poudlard ?

- Évidemment, je vais entrer en cinquième année. Et puis, il s'agit quand même de la meilleure école de sorcellerie du monde.

- De sorcellerie ? Est-ce vraiment une espèce de... secte ?

- Et puis quoi encore ? Ne me dis pas... Nom d'un chaudron, serais-tu un moldu ?

Au son de cette phrase, les conversations moururent aux quatre coins de la boutique et chacun semblait retenir son souffle, mis à part un ou deux oiseaux qui piaillaient à tout rompre. Graham chercha dans sa mémoire tout le vocabulaire qu'il avait appris au cours de sa vie pourtant il n'avait aucune mention de ce qu'était un moldu. Alors il l'avoua sur un ton bas.

- Un moldu ? Je suis désolé mais je ne sais pas ce que c'est. C'est une insulte ?

Bien que Graham n'ait jamais été insulté ni pris pour cible dans son école élémentaire, il avait quand même vécu diverses scènes de violences verbales et physiques et en gardait des souvenirs répugnants. Le fait de se faire insulter sans même savoir de quoi le dégoûtait.

Le jeune homme aux cheveux noirs l'entraîna à une table isolée des autres. Graham ne savait pas ce qui l'attendait et ses muscles se crispaient, tendus, sur le qui-vive. Son escorte s'adressa à la salle en quelques mots qui firent frissonner Graham :

- Je m'en occupe.

Le point positif, se murmura Graham au fond de lui, était que cette phrase avait visiblement eu l'avantage de rassurer les clients et de détourner l'attention sur lui. Du moins, en grande partie. Son interlocuteur posa un long bout de bois tordu sur la table en maintenant son regard sur lui.

- Où as-tu trouvé cette lettre ? demanda agressivement le garçon qui lui faisait face. Il se sentait pris au piège entre le siège et la table de bois brut.

- Je l'ai reçu, cet après-midi. Un... un hibou me l'a donné.

- Ton nom est sur la lettre ?

- Oui

Graham lui tendit. Les papiers tremblotaient ou plutôt sa main qui les tenait tremblait.

- Par la barbe de Merlin. Tu n'es donc pas un moldu mais bien un sorcier... Graham Dursley.

- Un sorcier ? C'est une blague. Je parie que c'est un coup d'Elyse et de Pierre. Comment ils t'ont-ils convaincu de jouer le bourreau ?

- Je ne sais même pas de qui tu parles. Ce n'est pas une farce. Réfléchis, dans tes souvenirs, il ne s'est jamais rien passé d'inexplicable, quand tu étais en colère ou bien très heureux ?

Graham réfléchit sérieusement à la question, malgré sa colère grandissante. La réponse finit par lui venir, aussi froide qu'elle était vraie.

- Non. Jamais.

- Bizarre, cette phrase avait convaincu mon père qu'il était un sorcier, pourtant. Peut-être que tu es vraiment un moldu et que la directrice s'est trompée.

- Un sorcier ? Tu fais bel et bien partie d'une secte de gens qui délirent alors ?

Il se leva, en proie à la rage.

- Et puis, qu'est-ce qu'un moldu à la fin ?

Graham ne s'énervait jamais mais exceptionnellement, ses émotions formaient un tourbillon qu'il peinait à contrôler. Heureusement, le jeune homme restait imperturbable, peut-être avait-il été habitué à ce genre de situation.

Ce garçon lui avait demandé s'il s'était passé quelque chose d'étrange quand il s'énervait ou quand il avait été rempli de joie. Peut-être pour se moquer de lui ?

Aussi loin que lui remonte ses souvenirs, il ne s'était jamais réellement mis en colère ni n'avait ressenti de bonheur sincère. Depuis petit, il se sentait comme né dans la mauvaise famille, avec la mauvaise personnalité.

Graham sentait ses doigts se crisper et ses yeux le brûler. Il avait honte, était en colère. On avait pu rire de lui et le railler à cause de sa curiosité dévorante et de son ennui perpétuel. Il méritait ce châtiment, cette entrevue gênante qu'il ne contrôlait nullement. Il serra les poings et se rassit en fermant les yeux, respirant avec force.

- Un moldu est un humain dépourvu de pouvoir magique. Avant que tu ne dises quoi que ce soit, je devrais te faire visiter un endroit. Tu changerais peut-être d'avis après cela.

- Sur quoi veux-tu que je change mon opinion ?

- Sur la magie. Tu verras que je ne suis ni un charlatan ni un menteur. Si tu as pu trouver cette boutique, c'est bien parce que tu n'es pas un moldu.

- Tout le monde peut y entrer...

- Oui mais la majorité des gens l'évite. Tu avais remarqué ? Ils sont incapables de s'en approcher.

- Peut-être car c'est un endroit sinistre et que ça pue la bièr-

Le barman jeta un œil au garçon qui ravala ses mots. Le jeune homme aux cheveux noirs s'adressa une fois de plus aux clients du Chaudron Baveur, leur annonçant tout net que Graham était un sorcier. Quelques personnes lui souriaient à présent et une main lui adressa de petits mouvements de poignets comme une sorte de salutation.

- Je t'amène au chemin de traverse. Tu y trouveras tout le matériel scolaire dont tu auras besoin à Poudlard.

- Minute, je n'ai jamais dit que j'allais aller dans cette école pour les fous !

- Dans ce cas, tu changeras bientôt d'avis.

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