An 2045, Angleterre

Cela allait bientôt faire sept ans que la guerre était terminée. Sept ans de ce que les politiciens s'évertuaient à appeler "la paix". Néanmoins ils se refusaient toujours à admettre que, s'ils avaient mis fin aux attaques biochimiques c'était pour la survie de la race humaine et non en vu d'une réconciliation quelconque pour atténuer des conflits qui, de toute manière, ne seraient jamais résolus. Le tiers restant de la population mondial le savait bien lui. Il essayait simplement d'oublier et vivre de nouveau.
Malgré la nuit qui venait de tomber, une lumière persistait à la fenêtre du dernier étage d'un vieil immeuble londonien à première vue abandonné. Dans la pièce, une silhouette s'évertuait à taper sur son clavier d'ordinateur.Elle était assise là depuis tellement de temps qu'elle aurait bien été incapable de dire combien. Des heures? Des jours? Cela importait peu au fond. Seul comptait le résultat.
Devant ses yeux, des lignes de code défilaient,incompréhensibles pour quiconque essaierait de regarder. La silhouette au contraire -on devinait que c'était un homme-, semblait parfaitement savoir ce qu'elle faisait, ses doigts fins volant sur le clavier tels ceux d'un pianiste sur son instrument. Enfin! Après presque six ans et demi d'acharnement il touchait finalement au but!Plus que quelques lignes à entrer et tout serait terminé. Ou plus exactement, tout pourrait vraiment commencer.
Dans la pièce seulement encombrée de matériel informatique, le visage de l'homme uniquement éclairé par l'écran d'ordinateur avait une inquiétante teinte blafarde encore accentuée par le bleu polaire de ses yeux. A côté de lui gisaient des restes de ce qui ressemblait vaguement à un repas, intact.
Un crissement le fit se retourner brusquement en direction de la fenêtre. Vaguement inquiet, il scruta l'horizon.Personne. De loin, on pouvait apercevoir les quartiers chics de Londres, encore en reconstruction et, plus au nord, les lumières de la banlieue semblaient encercler la ville endormie. Dans le ciel obscur, des oiseaux volaient à la recherche d'une quelconque nourriture, leurs cris sinistres et l'état de désolation actuel du quartier ne donnait guère envie de s'y aventurer et encore moins d'y vivre.
Et pourtant, le jeune homme était là, continuant a taper sur son clavier, impassible à toute perturbation extérieure. Ils'accorda cinq secondes pour remettre en place une mèche sombre qui lui gênait la vison puis reprit son pianotement infernal.
De l'étage inférieur des bruits semblaient monter mais à cela non plus il n'accorda pas d'intérêt; probablement des rats. Il continua à coder pendant encore une vingtaine de minutes puis soudainement il cessa tout.
Dans la pièce où le silence était seulement interrompu par le bourdonnement des machines, le temps semblait s'être suspendu. Le jeune homme, prénommé Killian, relu une énième fois le programme qu'il venait de terminer. Tout semblait cohérent jusque dans les moindres détails. Satisfait et soulagé, il se leva de son vieux fauteuil défoncé, appuya négligemment sur une dernière touche de son clavier et quitta la pièce sans un bruit.Nul n'aurait pu soupçonner qu'une présence humaine venait de passer presque sept ans enfermé dans cet ancien bureau d'un haut fonctionnaire de la City.
Sur l'écran de l'ordinateur désormais abandonné, des lignes de programme continuaient inlassablement à défiler. Le processus était enclenché, il n'y avait plus qu'à patienter.