Chapitre 6
Cela allait bientôt faire cinq joursqu'ils marchaient, en direction de Calais dans le but de pouvoirtraverser en direction de Londres. Ils ne savaient pas exactementquelle distance les séparaient de leur but, se contentant de suivreune vieille carte poussiéreuse ramassée par Tymon durant un raiddans un village et essayant le plus possible d'éviter les grandsaxes de circulation. Les Autres étaient partout, dans les villes,les villages. La plupart du temps, ils vivaient, comme des gensnormaux si ce n'était qu'ils ne laissaient paraître aucune émotion.Mais, dès lors qu'un épargné était dans les alentours, ilsn'avaient de cesse de le traquer pour le mettre à mort. Tymon avaitété témoin de ce phénomène plus de fois qu'il ne l'auraitsouhaité sans jamais le dire à sa sœur. Elle n'avait pas besoin deça.
Pourtant, le sixième jour, il n'eutd'autre choix que de l'emmener avec elle en ville. Il s'était renducompte que, seul, il ramenait trop peu de vivres pour subsister assezlongtemps et les raids répétés leur faisaient perdre du temps. Deplus, elle n'avait eu de cesse de lui demander de venir depuis qu'ilss'étaient mit en route, ne comprenant pas son refus. Pour laprotéger qu'il avait dit. La bonne blague ! Enawëlle étaitparfaitement capable de se débrouiller, dans la mesure où ils necroisaient pas d'Autres. Dans le cas contraire, il craignait qu'ellesombre de nouveau et ils n'avaient pas de temps à perdre avec ça.La protéger, donc, seulement il n'avait pas précisé de qui.
Comme à son habitude lors de leurspauses, Enawëlle était assise par terre en train d'écrire sur soncarnet. Tymon avait renoncé à chercher à savoir ce qu'elle ygriffonnait. Du moment que ça lui évitait de perdre pied, toutallait bien.
Il s'approcha d'elle en silence et luitendit un sac vide sans mot dire. Enawëlle ferma son cahier et leprit sans un mot. Enfin! Son frère lui faisait suffisammentconfiance pour qu'elle l'accompagne en ville. Il avait beau eu direqu'il y allait seul pour la protéger, elle savait pertinemment quece n'était pas la vraie raison. Ty' avait peur d'elle. Peur de sesréactions, peur de son attitude. Il n'y avait pas de quoi pourtant.Elle allait bien. C'est ce qu'elle se disait depuis qu'ils étaientpartis. Elle avait remisé dans un coin de son cerveau les imagesmacabres et les yeux morts. Les défunts ne pouvaient pas leur fairede mal et il n'y avait qu'à éviter les Autres. C'était simple enfait. Il n'y avait pas lieu de s'en faire. C'est ce qu'elle écrivaità chaque arrêt dans son cahier, comme pour se convaincre qu'elleavait raison.
En se levant, elle vit bien le regardinquiet que lui jetait son frère mais elle n'y fit pas attention. Ilallait devoir apprendre à lui faire confiance. Un jour il ne seraitplus là pour veiller sur elle. Ils quittèrent donc le chemin deterre qu'ils suivaient depuis un moment pour se diriger prudemment endirection de la petite bourgade située à environ un kilomètre.
-Ty' tu pense pas que se serait plusrapide si on taxait une voiture quelque part ? Pour lesprovisions, la sécurité, tout ça. Ce serait plus simple.
- Si on en trouve une en état demarche, pas trop défoncée, avec de l'essence et sans Autres autour,oui aucun problème, répondit sarcastiquement le blond. Sinon, oncontinue à marcher.
Et ils continuèrent.
Ils avaient bien essayé de trouver un véhicule mais c'étaitpeine perdue. Les moyens de locomotion à moteur étaient déjà rareen temps normal, mais, depuis le bug, il était devenu quasimentimpossible d'en trouver un fonctionnel. La plupart étaienttotalement inutilisables et le reste était au mains des Autres.Pendant un temps, ils avaient pensé à prendre des vélos, beaucoupplus faciles à trouver, mais la nécessité d'emprunter des cheminsdétournés, souvent caillouteux les rendaient difficilementutilisables. La seule alternative était de marcher.
Ce qu'ils avaient pris de loin pour une petite ville s'avéraitêtre en fait beaucoup plus grande, une fois à proximité. Mauvaisenouvelle ça. Plus les villes étaient grandes, plus les Autresétaient nombreux. Leur objectif était de trouver une habitationquelconque où ils pourraient trouver à manger. Surtout éviter lesmagasins, où les gens se trouvaient bien souvent.
Enawëlle avançait aux cotés de son frère, plongée dans sespensées.Soudain, elle vit ce dernier lui faire signe. Elle regardadans la direction qu'il lui indiquait. Une fenêtre brisée, juste endessous d'une vieille bannière pacifiste. L'endroit avait l'airdésert. Ils se glissèrent entre les morceaux de verre brisé pourse retrouver à l'intérieur. L'endroit devait être abandonnédepuis longtemps. Il y régnait une odeur de renfermé qui prenait àla gorge. Mais au moins, pas d'Autres en vue. Enawëlle se dirigea endirection de la kitchenette tandis que son frère vidait les placardsdu salon.
Premier placard : vide. Deuxième : idem. Dans letroisième, elle trouva une boite de conserve dont la date étaitpassée depuis bien longtemps. Ça ferait l'affaire. Le reste de lacuisine était désespérément vide de toutes choses utiles.D'autres étaient sûrement passé avant eux.
Elle allait retourner voir son frère, munie de son faible butinquand, derrière elle, elle entendit un bruit. Un craquement, discretmais impossible à ignorer dans le silence qui régnait dans lapièce. La meilleure idée aurait été de partir directement, commecela avait été son intention première mais elle ne le fit pas.Quoi qu'il puisse arriver, elle devait faire face. Elle savait quec'était une mauvaise idée mais elle avança tout de même endirection d'où elle avait cru -avait entendu, se reprit-elle- lebruit. La fenêtre, la petite fenêtre de la cuisine. Ça venait delà. Son cœur battait beaucoup trop vite, elle retenait son soufflemais, déterminée, elle écrasa son visage contre la vitre.
En face d'elle, deux yeux bleus totalement vides la fixait avecattention.
La jeune fille recula d'un coup. Marchant à reculons, elle nequittait pas du regard l'Autre qui la fixait. Il n'avait pas l'air devouloir bouger, mais, derrière lui, encore plus arrivaient,s'appuyant contre la vitre en mauvais état. Celle-ci n'allait pastenir encore bien longtemps et, au moment ou elle se briserait, leschances de survie de son frère et elle s'amenuiseraient tout autantpensa sombrement Enawëlle.
Toujours à reculons, sa boîte de conserve vissée dans la main,elle finit par rejoindre Tymon dans le petit salon. Au granddésarrois de la brune, lui aussi fixait une fenêtre, celle-là mêmepar laquelle ils étaient entrés. Il avait tenté de la boucher tantbien que mal avec tout ce qui lui était passé sous la main maiscela ne durerait pas éternellement.
Enawëlle se maudit intérieurement. Une nouvelle fois, toutétait sa faute. Si seulement elle n'avait pas insisté pour partiravec son frère, si seulement elle ne s'était pas approchée decette foutue fenêtre, si seulement...
Non ! Elle aurait tout le temps de s'en vouloir lorsqu'ilsse seraient tiré de ce pétrin. Car ils allaient s'en tirer n'est cepas ? Dans son dos, elle sentait la présence rassurante de sonfrère. Ils allaient s'en sortir, il y avait toujours une solution.Serrant plus que jamais sa conserve dans la main, Enawëlle sepréparait au pire, cherchant tous les échappatoires possibles.
Mais il fallait se rendre à l'évidence : ils étaient prisau piège. Comme pour confirmer cette douloureuse réalité, uncraquement retenti de la cuisine. La vitre était brisée. Les Autresarrivaient.
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