Elle était rentrée en claquant la porte d'un coup. A bout de souffle d'avoir fait le dernier kilomètre en courant mais heureuse d'être enfin arrivée. Du salon, elle entendit sa mère lui demander la paperasse du Bureau. Enawelle se sentit gênée. Tout à sa découverte, elle avait complètement oublié les papiers ! C'était bien la première fois que cela arrivait, preuve -selon elle- que la situation était grave. Elle se déchaussa pour entrer dans le petit salon au papier peint décrépit et alla s'asseoir à coté de sa mère sur le vieux canapé familial. Tymon était déjà là. Comme à son habitude il avait prendre les transports en commun en fraude. Plus personne dans la famille n'y prêtait attention. Reprenant son souffle, Enawelle annonça le plus calmement du monde :
-Il y a un problème. Les gens sont devenu des zombies.
Sa mère et son frère la regardèrent d'un œil rond avant de retourner à leurs occupations. Ty' finissant un écrit pour la fac, ou, plus exactement, recopiant celui d'un ami et sa mère se replongeant dans les informations télévisées.
-Pourquoi personne ne m'écoute ? Enawelle s'était relevée pour face face à sa mère. Il y a un truc qui ne va pas et c'est grave !
-Ena, tu vas bientôt avoir 18 ans. Répondit sa mère d'une voix lasse. Tu ne crois pas qu'il serait temps que tu arrêtes de te raconter des histoires à toi même et que tu sortes un peu. Je m'inquiète pour toi tu sais.
Exaspérée, la jeune fille lança un dernier regard à sa mère avant d'abandonner la partie. Mme Lancaster avait beau être une personne extraordinaire, elle n'apportait jamais beaucoup de crédit aux élucubrations de sa fille. La guerre l'avait rendue pragmatique. Elle avait eu la chance, si l'on pouvait parler ainsi, d'habiter dans une zone ayant plus ou moins échappée aux bombardements atomiques. Hélas, cela n'avait pas empêché son époux de se faire emporter par la guerre. Elle n'avait jamais vraiment eu la confirmation de sa mort mais, depuis le temps, il aurait été vain d'espérer.
Emilia Lancaster avait été une belle femme dans sa jeunesse et, bien que la souffrance ait fortement marquée ses trait, on pouvait encore deviné la grâce dont le monde l'avait pourvu. Sa fille avait hérité de ses cheveux noirs de jais ainsi que de ses yeux clairs, tout le contraire de son fils qui, à chaque foi qu'elle le regardait, lui rappelait douloureusement son mari perdu.
Avec un soupir, la mère regarda sa cadette monter les escaliers avant d'entendre un brusque claquement de porte à l'étage.Elle avait beau aimer ses enfants plus que tout il fallait reconnaître que l'imagination débordante d'Enawëlle était loin d'être simple à gérer au quotidien. Secouant sa tête, Emilia augmenta le volume de la télévision.
On parlait encore du delonisme. Après tout, il était vrai que le leader de cette religion avait désormais à peu près autant de pouvoir que le Gouverneur du Continent. De plus, ce qu'il disait était loin d'être inintéressant et, de plus en plus, Emilia commençait à avoir l'envie de se convertir à cette foi nouvelle.
A l'étage, pendant ce temps, Enawelle mettait au clair ses idées, allongée à plat ventre en travers de son vieux matelas qui lui servait de lit. Plongée dans ses pensées, elle écrivait. Elle écrivait le refus de comprendre de sa mère, le sourire moqueur de son frère quant à son annonce, la crainte qui s'était emparé d'elle lorsqu'elle avait compris ce qui n'allait pas. Elle n'était pas folle, cela elle en était persuadée. Rageusement, elle tapa du point sur son cahier, l'envoyant valser au bout de la pièce. Elle en avait plus qu'assez de passer pour une gamine qui ne savait rien de la vie et qui réinventait le monde en guise exutoire.
Enawëlle se redressa et se mit en tailleur en face du seul meuble de sa chambre : son miroir. C'était son truc à elle quand elle était énervé et qu'elle en avait assez d'être incomprise par tout le monde. Elle s'assaillait en face du psyché et plongeait son regard dans celui de son double.
L'image que lui renvoyait la glace était banale en somme. Des cheveux mi-longs rarement coiffés et une mèche qui lui cachait souvent les yeux. Yeux qu'elle avait noisette très claire, presque couleur ambre, tranchant avec ses cheveux, ce qui était en partit la raison pour laquelle elle les cachait. Elle n'aimait pas qu'on la remarque, ça n'apportait jamais rien de bon.
Plongée dans l'observation minutieuse du miroir, la jeune fille se laissait aller. Elle se balançait, d'avant en arrière, d'avant en arrière, plus vite de plus en plus vite jusqu'à ce que tout ce mélange, le regard de sa mère, le rire de son frère, les gens au regard mort, et dans le miroir, deux yeux noisettes qui continuaient de la fixer. Soudain, elle s'arrêta comme elle avait commencé, d'un coup, sans raison. Juste le temps de remettre ses idées au clair. Si personne ne la croyait, elle allait devoir leur prouver qu'ils avaient tord.
Pourquoi ? Elle ne le savait pas vraiment. Ce n'était pas dans sa nature de s'affirmer pour ses convictions. Elle avait plutôt l'habitude de les garder pour elle, en silence. Après tout, pourquoi ses idées vaudraient-elles mieux que celles de ceux qui étaient au pouvoir ? Mais cette fois-ci elle allait essayer, car quelque chose n'allait pas et il lui fallait trouver quoi.
Et vite.
Dans les ténèbres délabrés les ombres dansent et un homme depuis longtemps oublié commence seulement à s'amuser.
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