Un auteur dans son univers (1)
Un jour des plus banal, vous vous réveillez dans l'un de vos livres.
Vous vous trouvez face à une scène que vous connaissez bien, puisque vous l'avez écrite. Vous profitez donc de l'occasion pour la changer, afin que sa finalité soit différente, ou non.
Dans cette activité, nous avons proposé à nos adeptes les choix suivants :
1 - Intégrer une scène de l'un de leurs livres dans leur propre corps. Ils devaient interagir avec leurs personnages, sans que ceux-ci aient conscience que l'auteur est leur créateur.
2 - Intégrer une scène de l'un de leurs livres dans le corps de l'un de leurs personnages. Deux consciences dans un même corps. L'auteur qui venait d'entrer dans son personnage pouvait ainsi manipuler le corps, tout en communiquant avec son personnage dans sa tête. Personne ne devait remarquer l'imposture.
Tout en restant fidèle à eux-même, nos auteurs devaient interagir et intervenir dans l'action, tout en essayant de faire en sorte que personne n'apprenne leur réelle identité.
[Attention potentiel spoil si vous connaissez et n'avez pas terminé les histoires suivantes]
***
culpabilisateur avec une scène dans "Plus fort que ça, tome 1 : Je t'haine"
C'est un début d'après-midi d'été, le soleil est au plus haut dans le ciel et accable le Sud de la France de sa chaleur. Aujourd'hui, au lieu d'avoir le cul vissé sur une chaise à taper sur mon ordinateur, je suis à l'abri sous la tente de mon établi de marchand. En plein coeur de mon histoire ! Lors de cette saison où les touristes bondent les plus grandes villes à la recherche de trésors à remporter chez eux, je n'hésite pas à me cacher sous cette couverture afin d'avoir l'air de vendre de multiples livres anciens et plus récents. Il y a quelque chose de fascinant chez les lecteurs, les amoureux des livres. Les bouquins que j'expose sont comme des chatons qui attendent d'être adoptés. Et comme un animal choisit toujours son maître, les livres, eux, sont tous destinés à quelqu'un de bien précis.
Là, installé dans ma chaise de camping bon marché, à siroter un verre de citronnade à la paille, un vieux classique d'Oscar Wilde dans les mains, j'observe d'un œil curieux chaque passant par-dessus les pages. Même si, j'aime observer l'humain à son insu, je dois bien avouer que mes regards indiscrets sont là pour une bonne raison. Aujourd'hui, j'attends Allan et Vincent. Normalement, ils ne devraient plus tarder, leur mission étant de faire quelques courses pour la soirée en compagnie de leurs colocataires. Et si tout se passe bien, Allan devrait s'arrêter à mon stand et faire une petite bêtise qu'il n'est pas censé faire. Mais ce moment d'égarement, je vais le rectifier. Cet été, telle est ma mission ultime : changer le cours de l'histoire.
Ils en mettent du temps.
Je continue à lire brièvement les lignes de mon livre, mâchouillant la paille en plastique entre mes lèvres. Je commence à m'impatienter, et ce n'est pas les quelques clients observant les livres en silence, sourire aux lèvres, qui vont m'aider à passer le temps. Heureusement pour moi, mes prières ont été entendues, et Allan fait son apparition, s'arrêtant face à une pile de livres un peu poussiéreux. Quant à Vincent, celui-ci trace son chemin, ne remarquant même pas que son petit protégé s'est arrêté. Maintenant, il me suffit d'être encore un peu patient.
Allan est rêveur, enfermé dans sa tête — et ses émotions — alors qu'il parcourt les livres en les caressant de sa main. Il se pose mille et une questions, se demandant si la vie, ou le « destin » comme on aime l'appeler, avait prédit tout ce qu'il se passe entre lui et son Vincent.
Ahhh Allan... si tu savais !
Je suis ton destin. Tu es mon enfant, et Vincent est aussi le mien. Vous n'êtes frères que par ma créativité, mais vous êtes aussi des inconnues, je n'avais pas prévu de vous faire vivre tout ça. Et il est vrai que j'aurais pu mieux te façonner, avec moins d'anxiété et beaucoup plus de courage. Ce serait plus facile pour toi, n'est-ce pas ? Mais à mes yeux, tu es parfait tel que tu es. Ta sensibilité est ton charme.
Allan saisit enfin le livre qui lui est destiné pour quelques minutes : What Every Man Thinks About From Sex ? De Sheridan Simove. Il ne connait pas ce livre, et encore moins l'auteur. Quelle idée j'ai eu de lui destiner ce livre ! Mais c'est pour la bonne cause. La tête toujours dans les nuages, il se met à l'ouvrir et sourit face aux pages blanches que contiens le livre.
Eh oui bonhomme, les hommes ne pensent à rien d'autre que le sexe !
Il est amusé par l'ouvrage, un sourire illuminant son visage frêle, tout comme le reste de son corps. D'habitude, Allan est du genre à se cacher derrière ses bouclettes brunes, mais c'est amusant de le voir s'ouvrir sans même qu'il ne s'en rende compte. Voilà que maintenant il s'apprête à faire sa bêtise, et bien évidemment, afin de ne pas me faire repérer, je fais mine de ne pas regarder.
Celui-ci commence à gribouiller quelque chose sur les pages blanches du livre. Et je me souviens encore de ce qu'il écrit :
« Je pense au rire de Vincent.
Je pense à nos excursions.
Je pense à ses épaules.
Je pense à ses grains de beauté en triangle.
Je pense à son sourire.
Je pense à sa main sur ma joue.
Je pense à la touche d'orange dans ses yeux.
Je pense à Vincent.
Vincent.
Vince.
V. »
Oui Allan, tu ne penses qu'à lui, je le sais, espèce de petit cœur toute moue !
Il repose le livre là où il l'a trouvé, dans l'espoir qu'un jour quelqu'un tombera sur ces mots et se dira qu'un jour, deux jeunes garçons se sont aimés le temps d'un été, ou plus. En bref, il est tellement épris d'amour qu'il souhaite marquer le monde de sa relation. Quel romantique... mais le problème, c'est qu'il ne dévoile jamais ses sentiments, et bien que Vincent soit un protagoniste intelligent, il n'a pas encore le don de lire dans les pensées. Ce petit fourbe devrait normalement rejoindre Vincent, échanger quelques mots avec lui par des sous-entendus et faire un vœu dans la fontaine. Mais merde ! Non, je veux qu'il puisse enfin comprendre que Vincent est bon pour lui. Et je veux que l'autre fourbe qui fait ses courses le comprenne également.
Aimez-vous clairement, merde !
Pour ça, je me dois d'intervenir alors qu'Allan est prêt à repartir. Sitôt, je me lève de ma chaise, délaissant toutes mes activités afin de m'adresser à lui.
— Alors, jeune homme, à quoi pense un homme mis à part au sexe ? demandé-je, un petit brin de malice dans la voix.
Allan se pétrifie, incapable de me parler de Vincent, ni même de m'avouer qu'il a écrit dans un livre qu'il n'achète même pas.
— Euh... Je. Enfin, tente-t-il d'articuler, apparemment mal à l'aise. Sûrement à pleins de choses ! finit-il enfin par répliquer.
Un sourire se glisse sur mes lèvres.
— Attendez-moi là, j'ai quelque chose pour vous, continué-je.
Il a l'air intrigué, même si je suppose qu'il s'imagine que je vais lui sortir ma plaque de police des livres, et que je vais le condamné pour vingt-ans de prison ferme avec pour seule lecture des pages blanches dans lequel il ne pourra pas gribouiller.
— Je pense sincèrement que ce livre est fait pour vous ! dis-je tout en me retournant, lui tendant un bouquin sans poussière, puisqu'il est neuf.
Intrigué, Allan finit par se rapprocher du stand et attrape l'ouvrage que je lui tends. Il en observe la couverture qui est neutre : noire, avec son titre recouvert de blanc. Ses sourcils se froncent, il ne comprend pas tout de suite pourquoi ce livre est fait pour lui.
— « Plus fort que ça » ? Il n'y a même pas le nom de l'auteur... qui est-ce ? me questionne-t-il, intrigué.
— Tu le découvriras bien assez tôt. Je te conseille de le lire rapidement.
Il se met à balayer les pages et s'arrête net après le chapitre dix-neuf. Les expressions de son visage sont perplexes. Curieux, il me pose une nouvelle question.
— Pourquoi est-ce qu'il n'y a que des pages blanches après le chapitre dix-neuf ?
J'aimerais m'empêcher de sourire, mais je n'y parviens pas. Ainsi, pour garder ma couverture et ne pas lui montrer que je suis son propre créateur, je réponds simplement.
— Oh ça... c'est parce que c'est à toi d'en écrire la fin de l'histoire. Je te l'offre, prends-le ! Et file donc de là, dis-je tout en le chassant d'un faible geste de main, retournant à mes occupations.
Je l'observe reprendre son chemin avec hésitation, se retournant parfois vers moi, mais feuilletant brièvement mon livre — son histoire — tout en marchant.
Oui, parfois, il faut se regarder agir. Il faut savoir se reconnaître, se regarder dans le miroir et ne pas se mentir. Peut-être que si Allan prend conscience de son propre comportement, de ses peurs mais aussi de ses rêves et désirs, alors, il sera apte à guérir et à laisser une chance aux cadeaux que la vie lui offre.
Vie mon petit Allan, la vie est belle ! Tu es le seul à construire ton enfer, tu es le seul à pouvoir en sortir.
***
Messorem666 avec une scène dans "Sur les traces de l'Éventreur"
Le vent ébouriffe mes plumes, tandis que je vole sous celle qui fut appelée Séléné dans un temps perdu. C'est au seuil d'un archaïque château, niché au cœur de la forêt de Wistman's, que je reprends ma véritable forme.
Me demandant pourquoi une voie inconnue, mais qui pourtant semble résonné comme une façon plus humaine de ma personne celle-ci me souffle au cœur de la soif que tuer c'est mal, bon j'ai l'impression que je dois m'expliquer à ce que l'on pourrait nommer une conscience ou une sorte d'alter-ego que le sang à meilleur goût à la source !
Un trajet qui d'ordinaire aurait duré des semaines à cheval, là finalement je l'ai parcouru en vingt minutes seulement. C'est dans de telles circonstances, que je me dis qu'avoir des ailes s'avère particulièrement pratique, et particulièrement contre nature... La ferme conscience ; ou qui que tu sois !
Dans mon dos se trouve l'une des forêts les plus terrifiantes de l'Angleterre et devant moi se dresse un château tout droit sorti de l'imagination la plus torturée chose surprenante, si moi je suis plus fasciné que terrifier, ma conscience me dit de partir en courant, car là seule chose qui m'attend en ses lieux sont des monstres et du sang, bordel moi aussi j'en suis un pourquoi je devrais avoir peur des miens, foutu conscience !
Celle-Ci me murmure que malgré ma morsure, je reste un homme. Son portail de fer où la tête de méduse est sculptée avec une précision folle me fait penser à la patte du maître de Cabestany, mon frère verse une unique goutte de sang dans la bouche de la créature mythologique et le portail s'ouvre dans un grincement d'outre-tombe.
C'est avec assez peu d'appréhensions que je suis mon aîné à travers le jardin à la française, moi en tout cas, car ma conscience elle frisonne, c'est même possible que ce soit sa faute. Je me vois empaler sur les houx et les ronces, alourdies de mûres.
Nous suivons le chemin ardoisé jusqu'au château moyenâgeux, qui est doté d'innombrables tours tortueuses et pointues comme des aiguilles.
Celles-ci sont parsemées de meurtrières et de fenêtres rouges et délabrées, tenant plus du vitrail. C'est en cheminant dans ce parc bien plus grand et délabré que le bon sens l'exigerait que je sois pris de curiosité. Que me veut donc le maître des loups ? Songè-je. J'ai pourtant suivi le moindre de ses désirs ! Un étrange pressentiment me dit que d'aller contre ses ordres, se rapporterait à une condamnation à mort, ma conscience semble pour une fois d'accord avec moi. Une fois arriver devant la porte, mon frère me demande de l'ouvrir moi-même. Pour comprendre le fonctionnement, c'est assez simple. Au centre de la porte, est sculpté un motif représentant Fenrir. La gueule de celui-ci est en relief.
Je place ma dextre dans la bouche du monstre et m'entaille le doigt sur ses crocs d'ébène les traditions vampiriques sont véritablement étranges me souffle ma conscience, je tente de lui répondre que les vampires ne sont pas humains, il est donc pas étonnant que certaines de leurs mœurs soient différentes. Soudain, je sens mes yeux me démange légèrement, signe qu'ils ont virés à l'écarlate.
Sous l'omniprésente odeur de sang qui se dégage de l'ouverture entrouverte, ma conscience semble être nauséeuse tendit que moi cela me donne simplement faim, je m'allume donc une nouvelle cigarette dans l'espoir de me calmer.
Depuis que je ne crains plus le cancer, ma consommation a doublé voir triplé. On dirait que même la mort n'a pas guéri mon addiction à la nicotine ou alors j'aime tout simplement le goût, car celle-ci représente mon Graal personnel
Tout de même, les cigarettes destinées aux vampires ont une odeur très légère, ce qui est plutôt agréable, car notre odorat surhumain ne se retrouve pas agressé.
Après avoir parcouru de nombreux couloirs dans lesquelles l'ébène côtoie le velours et l'or, les uniques décorations sont des tableaux de maître qui évoquent des batailles sanglantes qui me fascinent autant qu'elle me tétanise, est-il réalisable de tuer sa propre conscience ? Bordel ferme là, l'humanité est un fléau !
En y regardant de plus près, je crois apercevoir des vampires que j'ai déjà croisés vêtu d'armure médiévale aux crocs déployer. Leurs yeux semblent renvoyer les sept feux de l'enfer tel des lanternes au cœur de la bataille. En passant devant un des plus gros tableaux, je vois un vampire qui est représenté en armure noire, assis sur une pile de cadavres. Ses cheveux blancs sont trempés de sang, l'immortel est en train d'empaler un humain sur une lourde épée brisée sérieusement, pouvons-nous encore considérer cela comme de l'art, c'est abominable d'être à ce point fier de tuer ! Ou d'être fier d'exposer son inhumanité, cette fois-ci la voix me parle franchement et deviens distincte en me disant :
"— Humanité est une question de point de vue, de mentalité ce n'est pas ton régime alimentaire aussi sanglant sois t'il, qui t'ôte le droit d'être humain.
— Qui es-tu donc, ta voix me semble familière, mais à la fois elle ne l'est pas ?
— Oh je te connais mieux que tu le crois l'épervier, la faucheuse, ou encore le dragon noir, quel que soit ton nom ou ta race, je resterai celle qui te connaît le mieux.
—Curieux.
— Un petit conseil, avant de te laisser en paix le maître des loups ne mérite pas ta loyauté ! La seule chose qui intéresse cet antédiluvien est ton sang.
— Merci mère.
— Pourquoi mère ?
— Je ne sais pas, cela me semblait naturel de le dire.
— Appelle-moi plutôt créatrice. "
***
avec une scène dans "Pour un regard de toi"
Je me réveille avec un mal de crâne atroce. Mais qu'est-ce que... Dans ma tête, j'entends des dizaines de pensées qui ne sont pas les miennes. Je suis dans le noir, les yeux fermés, les émotions sens dessus dessous. Je pousse un cri en maintenant mes mains sur mes oreilles quand quelqu'un me prend dans ses bras et me parle, d'une voix bien réelle :
— Abby, reviens... Ab... Reviens près de moi.
Cette phrase me calme instantanément. Bordel, qu'est-ce que je fous là, moi ?
— Matthew ? Qu'est-ce qui se passe ?
Je me pose plus cette question à moi-même, étonnée de voir l'objet de mes fantasmes devant moi. Il a la décence de ne pas y répondre et me serre fort contre lui, tout en déposant un tendre baiser sur ma nuque. Je frissonne. Matthew Murdock est en train de m'embrasser...
— Alors, en fait, c'est moi qu'il embrasse, pas toi.
Oh, nom de... Je réalise que je ne suis plus chez moi, mais bel et bien dans le corps de mon héroïne, en proie à une colère noire qui va lui faire faire une énorme bêtise.
— Je peux savoir ce que tu fais dans mon corps ? C'est quoi, encore, ça ?
Trouve quelque chose, il ne faut pas qu'elle apprenne qu'elle est le fruit de ton imagination.
— Je ne sais pas. Je me suis sentie... happée, et me voilà.
— Dans mon corps ? C'est peut-être une extension de mon pouvoir...
Elle réfléchit et je me reconcentre sur Matthew. Je pose mes mains sur ses joues pour redresser son visage vers le mien. Qu'il est beau... Et il semble si triste. En même temps, il voit l'amour de sa vie sombrer, ce n'est pas étonnant. J'approche mes lèvres des siennes.
— Non, mais, je peux savoir ce que tu fais ?
La voix d'Abby dans ma tête, dans sa tête, est passablement énervée. Je contrôle donc son corps, elle n'est plus que simple spectatrice. Et si c'était l'occasion de l'empêcher de foutre sa vie en l'air ?
— Je vais embrasser le beau gosse qui nous tient dans ses bras.
— Qui ME tient dans ses bras ! Dégage de mon corps !
— Non. Je lis tes pensées qui sont maintenant liées aux miennes. Tu comptes vraiment abandonner ce garçon pour aller affronter des gangsters ? Sérieusement ? Tu n'as pas peur qu'il t'arrive des bricoles ?
Matthew nous regarde avec intensité et j'arrête ma conversation interne. Alors qu'Abby hurle, je pose mes lèvres sur les siennes, aussi douces que j'ai pu l'imaginer. J'intensifie mon baiser, trop heureuse de pouvoir enfin en profiter. Quant à mon héroïne, elle me traite de tous les noms. Matthew devient entreprenant et elle se crispe.
— Je ne sais pas qui tu es, mais j'apprécierais que tu n'en profites pas.
Je romps mon étreinte avec le beau brun et me recroqueville dans ses bras, me laissant bercer tandis que j'entame une conversation avec ma création.
— Et pourquoi ça ? Après tout, tu comptes bien l'abandonner, non ?
— Ce n'est pas ce que tu crois.
— C'est pourtant bien ce que je vois dans tes pensées. Quel gâchis !
— Tu ne peux pas comprendre.
Je l'imagine souffler en croisant les bras. Si, je comprends. C'est à cause de moi qu'elle se retrouve avec un passé houleux dans lequel elle a souffert.
— Qu'en sais-tu ? Tu as trouvé un homme merveilleux qui t'aime et toi, tu veux tout plaquer pour une vendetta qui, à coup sûr, ne t'apportera que du malheur.
Je ne le sais que trop bien...
— Pourquoi veux-tu à tout prix te venger ?
— Ils ont tué mes parents.
— Et crois-tu que tu sortiras vivante de ce merdier ? En plus, tu vas lui briser le cœur, à ton amoureux...
— Il ne sera pas heureux avec moi.
— Seulement si tu laisses la colère t'envahir.
Matthew s'allonge, nous emportant avec lui pour s'endormir sans lâcher sa bien-aimée. Je ne laisse aucun répit à Abby. Je tente de lui prouver par A + B qu'elle finira mal en s'engageant sur la voie de la vengeance et que Matthew, sans aucun doute, ne finira pas mieux qu'elle. Alors qu'en restant tous les deux, il est certain qu'ils surmonteront leur passé et apprendront à lier leurs pouvoirs pour faire le bien.
— Je ne sais pas qui tu es, mais je vais réfléchir.
— J'espère que tu feras le bon choix, celui qui vous rendra heureux, tous les deux.
— Tu peux quitter mon corps, maintenant ?
— Je vais essayer. Adieu, Abby.
Je laisse sa conscience s'endormir et ferme les yeux. Je sombre à mon tour et, lorsque je me réveille, j'ai réintégré ma vie.
***
Mayarahnee avec une scène dans "Rivera - T2 : Exception"
Maya.
La tête vrillée par un double marteau piqueur, je grogne en enfouissant mon visage dans l'oreiller. Je me suis encore couchée trop tard, cette nuit. La faute à cette satanée grognasse qui me scie les nerfs. J'écris, je râle, j'efface, je m'arrache les cheveux, je réécris, je souris, j'efface tout. Saloperie.
Mayaaaaa...
Aigüe, presque criarde, la petite voix s'impatiente. Bizarre. Je connais cette voix, mais ça fait longtemps que je ne l'ai pas entendue résonner dans ma tête. Et clairement, je ne l'ai pas sonnée de si bon matin.
SANS DÉC, ELLE VA ARRÊTER DE PIONCER, LA PATRONNE ?!
Je sursaute, manque de tomber du lit, me raccroche in extremis à une élégante lampe sur pied qu'aux dernières nouvelles, je ne possède pas. Le ciboulot en vrac, je bâille avec une grâce toute relative et cligne plusieurs fois des yeux. Mais... C'est quoi, cette chambre ?
Attention, pétage de plombs dans trois, deux, un...
Statufiée, je guigne avec effarement la vaste pièce aux murs céruléens. Le dressing gigantesque, la commode en acajou, la baie vitrée, les fringues éparpillées un peu partout. Mince, on se croirait dans...
Ça te la coupe, hein ? Va dans la salle de bain, tu vas piger le délire.
Pas bien sûre d'en avoir envie, j'obéis néanmoins et, preuve qu'on peut toujours repousser son seuil de tolérance, ne m'évanouis pas quand le miroir me renvoie le reflet d'une petite blonde aux billes sombres. Pas plus lorsqu'un cri s'échappe de mes lèvres, ou quand mes doigts triturent furieusement les ondulations dorées qui encadrent mon visage.
Meghan ?!
Eh ouais ! Je sais pas ce que t'as fichu, mais va falloir qu'on en cause. J'suis pas certaine d'adhérer à ta nouvelle connerie. En attendant, je commence ma garde dans moins d'une heure, alors, si tu pouvais activer le mode rapide, que je me prenne pas une énième saucée de Pearce...
Euh... Tu planes, Meg, je ne suis pas pas interne ! Le peu que j'ai appris, je l'ai dégoté sur internet, à grand renfort de haut-le-cœur, grimaces et jurons dégoûtés ! Alors, ton stage en chir...
T'inquiète, je ne bosse pas, aujourd'hui. P'tite séance de routine en médecine légale, tu ne feras rien de bien dramatique aux patients, huhuhu...
Bon sang, j'avais zappé les autopsies... Non. Non, non, non. Hors de question que je fourre mon nez là-dedans ! Je vais appeler Pearce et lui dire que c'est mort. Sans mauvais jeu de mots.
T'avise même pas d'essayer. J'ai une néphrectomie planifiée mercredi et j'ai encore plein de questions, donc tu m'enfiles cet uniforme et hop, on déguerpit ! Par contre, on la joue discrète, aujourd'hui. Manquerait plus qu'on nous grille.
Non, mais Meg, je ne vais pas aller à l'hôpital... dans ton corps ?!
Pourquoi pas ?
Parce qu'on a rien en commun, toutes les deux ? Parce que t'es une garce qui se fiche de tout et de tout le monde ? Parce que je risque de gerber avant même de franchir la porte de la morgue ?
Hé, je ne me fiche pas de tout le monde !
C'est une catastrophe. Me voilà bloquée dans le corps d'un de mes personnages, sans solution immédiate pour en sortir. Est-ce qu'il va falloir que je me jette sous une bagnole pour rompre le sort ? Que je déniche une sorcière qui m'apprendra un rituel vaudou pour me renvoyer d'où je viens ? Que je...
Waouh ! Bon, la cinglée : on redescend. C'est la merde, mais c'est pas une catastrophe. Tu aurais pu tomber sur pire, franchement. Tiens, l'asperge stressée, au hasard. Ça va le faire, ok ? Je te guiderai et Pearce ne s'apercevra de rien. Je te promets que ça peut fonctionner. Tu n'es pas aussi idiote que tu le croies et ensemble, on peut tout déchirer.
Oh... C'est gentil, Meghan. Ça me tou... Pff. Tu ne le penses pas vraiment, hein ?
Nan. Alleeeez, magne-toi !
Aussi enthousiaste qu'on puisse l'être à la perspective de trifouiller un macchabée non consentant, je revêts l'informe tenue réglementaire dans laquelle j'ai imaginé ma petite doc et coiffe approximativement sa tignasse comme elle en a l'habitude avant de descendre l'escalier d'un pas lourd, l'estomac en pleine partie de Rubik's Cube. Alors que je longe le couloir du rez-de-chaussée, je perçois du mouvement dans le grand salon, ainsi que deux voix masculines que je connais par cœur sans jamais les avoir entendues en vrai.
Non. On trace, Maya.
Tu as raison. Mieux vaut ne pas savoir ce que ça donnerait si je les voyais, si je leur parlais, si je les touchais...
Et pourtant, devant l'embrasure du salon, mes jambes s'arrêtent toutes seules, ma tête dévie légèrement, mes yeux se posent sur eux...
— Oh, bordel...
— Salut, Meggie ! s'exclame le plus jeune, le sourire jusqu'aux oreilles. Bien dormi ?
Stupéfiée, je reluque de bas en haut mon personnage préféré. Exactement comme je l'ai pensé. Grand et fin, une bouille d'angelot innocent atténuée par deux iris azur emplis de malice. Il porte même le t-shirt Pikachu zombie du premier chapitre d'Exception... Mince, il est parfait.
— Peek...
Sans comprendre comment ni pourquoi, je bondis sur lui et l'enserre de toutes mes forces.
— Pardon, pardon, pardon ! hoqueté-je, quasi démente. J'ai carrément déconné avec toi, et je suis teeeellement désolée ! J'te promets que j'me rattraperai, mais je...
Stop, stop, STOP ! D'où je m'excuserais, moi ?! Il me doit tout, ce môme ! Un peu de dignité, bordel !
À contrecœur, je relâche un peu mon emprise sur le jeune homme qui me dévisage, ébahi. À travers les yeux de Meghan, Peek m'apparaît immense, et pourtant, je ne vois que le gamin de Hialeah qui dealait pour survivre dans la rue.
— Je t'aime, piaillé-je sans réfléchir.
Oh, putain ! Ma réputation, quoi...
— Euh... ok, sourit-il, finalement amusé par mon sketch. Je t'aime aussi, Meggie. Tu veux bien me libérer ?
Empêtrée dans un imbroglio d'émotions, j'acquiesce fébrilement et me détourne du gamin, pour me prendre en pleine gueule le jugement narquois du sulfureux chef de gang.
— Décidément, ça va pas mieux.
Crève, charogne.
— Gnnh.
EXCUSE-MOI, MAYA ?!
Incapable de sortir un truc intelligent, je tourne les talons et m'enfuis du salon en essayant de faire comme si je n'avais pas le diable aux trousses.
— Hey, Atwood ! me hèle le Latino.
Échec.
Dans la cour extérieure, je pile devant la piscine rectangulaire, plus grande que dans mon imagination. Les lèvres pincées, j'endure les exhortations criardes de la petite blonde à la jouer blasée alors que mon palpitant se croit en plein cent mètres haies.
Quand Tobias déboule à mes côtés, l'ombre d'un sourire à la commissure des lèvres, la certitude d'un désastre imminent ne tarde pas à s'imposer dans ma caboche. Non seulement il va me griller en moins de temps qu'il n'en faut pour le déplorer, mais je suis à peu près certaine qu'il ne laissera pas la responsable de ses tribulations s'en tirer sans une sévère mise au point.
— T'as un truc de prévu, après ta garde ?
Oh, cette phrase... Je la connais, elle sort du chapitre vingt-deux, encore en rédaction, et je sais parfaitement ce qu'elle sous-entend. De l'alcool, des joutes verbales et pas beaucoup de vêtements. Encore.
Faut dire qu'il verse pas dans la subtilité, lui.
Coupable. Qu'est-ce que je lui réponds ?
Qu'on a rencard avec un meilleur coup que lui.
Probablement écarlate, je soutiens vaille que vaille le regard taquin de mon diabolique Latino et bredouille, stupide :
— Oui, je... Je dois retrouver Nolan.
— Deux soirs de suite ? s'étonne-t-il, sans bouger d'un pouce.
De quoi j'me mêle ? Renvoie-le dans ses buts, qu'on dégage.
— Ben... oui.
— Qu'est-ce qu'il te fait de si exceptionnel, ce débile ? insiste-t-il, un sourcil arqué.
Mue par une pulsion aussi puérile qu'irrépressible, je ricane nerveusement, comme à chaque fois qu'un mot dérivé d'exception apparaît dans cette histoire. Ou que j'annonce à mes lecteurs « un nouveau chapitre d'Exception ». Ou que je me dis que c'est vraiment un titre de merde pioché à l'arrache un soir où j'avais sifflé trop de cidre.
Mon stress désamorcé, je guigne avec indulgence l'enfant terrible de mon histoire. Il est insupportable d'arrogance et ça m'a pris tout le premier tome pour l'admettre, mais il me plaît comme ça, mon affreux.
Pétries de bienveillance, mes considérations volent en éclats lorsqu'un index importun s'immisce sous l'élastique de mon pantalon et m'attire plus près du Cubain.
— T'as perdu ta langue, Caperucita ? susurre-t-il, suave comme pas permis.
— Hiiiiii..., gloussé-je avec une maîtrise relative de ma dignité.
À sa mine ahurie, je me fends d'une mimique penaude et confesse, mi-amusée, mi-embarrassée :
— « Caperucita ». Ça m'fait tout drôle de t'entendre le prononcer. J'aime bien ta voix.
Mais arrête, bordel ! Déjà qu'il se la pète à mort, si tu lui donnes des arguments pour m'enfoncer, j'te dis pas comme je vais galérer dans les prochaines semaines !
Si le soulagement m'enveloppe désormais, chez Tobias, c'est plutôt l'incompréhension qui domine. L'attitude de la blonde en face de lui ne collant pas avec le caractère infect qu'il côtoie au quotidien, il fronce les sourcils et m'envisage, méfiant :
— Tu te sens bien ?
C'est marrant comme dans sa bouche, tout ressemble de près ou de loin à une insulte.
— Bien mieux que tout à l'heure, en fait ! sourié-je en me dégageant de sa prise insolite. Désolée, mon loup, je dois aller bosser.
Satisfaite de cette rencontre inattendue, j'ébauche un pas en direction des grilles quand la silhouette imposante du Latino se dresse à nouveau devant moi.
— Dans cinq minutes, assène-t-il, péremptoire. Quand tu te seras changée.
— Changée ?
Le coin de ses lèvres s'étire, et le fameux rictus canaille dont j'abuse allégrement dans Exception se dévoile, juste avant que son propriétaire ne se penche et murmure au creux de mon oreille :
— Me remercie surtout pas, tu sais que j'adore faire ça...
Je n'ai pas le temps de répliquer qu'une brusque poussée sur le flanc gauche me déséquilibre. Une demi-seconde plus tard, alors qu'une voix dans ma caboche beugle un juron adéquat et que la sensation de chute décharge une bouffée d'adrénaline dans mes membres, je réalise ce qu'il vient de faire. Mais ce n'est qu'au moment où l'eau tiède de la piscine se referme au-dessus de ma tête que mes pensées se synchronisent avec celles de Meghan.
Tobias, sale petit enfoiré de mes deux, tu vas me le payer !
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