Aujourd'hui, la mer fait ses adieux
Du sable dans les cheveux et du sel sur les joues.
Anna, petite fille qui montre fièrement ses deux mains grandes ouvertes lorsqu'on lui demande son âge, fait face à l'immensité sombre qu'est la mer.
Anna aime la mer.
Elle aime l'odeur âcre de l'écume qui remplit ces poumons alertes lorsqu'elle part à la chasse aux mouettes, courant à perdre haleine sur le sable durcit par le passage incessant des vagues. Elle aime la douceur du sable blanc glissant à travers ses petites phalanges rosées, que le vent emporte, grain par grain, loin d'elle. Elle aime écouter et regarder les vagues qui naissent, émergeant dignement de l'eau salée, puis qui meurent, s'échouant en mousse blanche au bord de ses bottes en caoutchouc. Elle aime les petits poissons gris, les méduses abandonnées, les dunes qui montent jusqu'aux cieux...
Elle aime sentir son corps frémir sous une brise maritime bien fraîche.
Elle aime lorsque son cœur tambourine fort contre sa poitrine.
Elle aime quand son âme vibre devant l'infini des eaux.
Oui, Anna aime la mer.
Mais aujourd'hui Anna est triste. Infiniment triste.
Bientôt, Anna ne verra plus la mer qu'elle aime tant, elle ne verra désormais que sa mère, qui ne l'a jamais aimé.
Du sable dans les cheveux et du sel sur les joues.
Le vent s'amuse à emmêler les cheveux ébènes de la petite fille. Des mèches rebelles s'échappent de sa tresse à moitié défaite pour venir balayer son visage. Les derniers rayons de soleil reflètent sur ses pommettes les chemins tortueux de ses larmes. Son esprit est emmêlé comme une pelote de laine, il est compressé comme du papier froissé. Et il y a cette effroyable vérité qui tourne encore et encore dans sa tête.
Tout va changer.
Mais Anna ne veut pas que tout change. Anna ne veut pas partir. Pourquoi on ne lui demande donc pas son avis ? Pourquoi elle ne peut pas choisir ?
Elle veut rester ici, près de la mer, loin de sa mère.
Anna ferme ses paupières aussi fort qu'elle peut, ses sourcils se froncent et confèrent un petit air sévère à son visage d'ange. Elle secoue violemment sa tête de gauche à droite, tout en enfermant rudement ses doigts dans ses petits poings colériques.
Non, non, non et non, elle ne veut pas partir.
De nouvelles larmes viennent perler au coin de ses yeux innocents. Les vagues, tendres amies complices, lui souffle, en se brisant sur le rivage, une idée bien téméraire.
Anna retrouve alors son petit minois angélique et ouvre des yeux pétillants d'espoir. Et si elle se cache ? Elle pourrait ainsi échappée à la terrible sentence, qui est d'aller vivre avec sa mère.
Elle se détourne de la mer pour observer les alentours. Son regard kaki balaye la plage, elle voit une étendue de sable, et personne d'autre qu'elle pour la fouler. Enfin, presque personne. Anna laisse sortir de sa gorge une plainte de désespoir lorsque que ses yeux tombent sur une femme au visage sévère, un téléphone collé à l'oreille, et deux hommes aux traits sérieux, qui la fixent intensément. L'éclat d'espoir s'envole alors des yeux de l'enfant, laissant place à un voile terne de tristesse. Où donc se cacher sur une plage ?
Anna laisse son regard glisser vers les dunes, au loin. Là-bas, elle pourrait se cacher. Mais les deux hommes la regardent. Si ils la voient courir vers les montagnes de sable, ils vont la rattraper en quelques foulées. Ses petites jambes ne lui permettront jamais d'arriver aux dunes avant eux.
Le désespoir gagne la petite. Elle, d'habitude si pleine de vie et joyeuse, se sent vide à l'intérieur. Elle regarde sa main devenu blanche par le froid du vent marin. Elle est vide elle aussi. Il manque quelque chose à cet endroit. Quelque chose qu'elle a envie de serrer très fort en ce moment. Quelque chose qu'elle ne pourra plus jamais serrer.
La dame à l'air sévère retire le téléphone de son oreille, puis avance à grand pas vers Anna. La petite ne peut s'empêcher de reculer par méfiance. Arrivée à sa hauteur, la femme se baisse légèrement en fléchissant les jambes et affiche sur son visage un sourire mielleux. Anna sait immédiatement que le sourire est faux. La dame lui tend alors une main gantée.
"Allons, c'est l'heure d'y aller. Tu viens ?"
La question sonne comme un ordre. Anna ne répond pas. Elle ne bouge pas. Il n'y a que son regard qui se tourne une dernière fois vers la mer.
Une dernière fois.
Le bleu infini devant elle.
La tristesse infini en elle.
La mer dans les yeux, le cœur qui tangue, la gorge nouée.
Une main cherchant la sienne.
Une faible résistance.
Du sable dans les cheveux et du sel sur les joues.
Et cette pensée qui ne part pas, cette question à laquelle personne ne répondra.
"Papa, pourquoi t'es parti ? "
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