L'amour porte ses fruits
Il faisait un temps radieux. Le ciel totalement bleu, découvert. Les fleurs alléchaient les yeux et nourrissaient le nez tandis que toutes sortes d'animaux gambadaient dans les jardins. Le monde entier souriait, riait, et Naëlle se sentait terriblement seule.
Assise sur ce banc, elle regardait dans le vide.
Quel contraste saisissant que la tristesse de cette fille et la joie de l'été ! Mais pourquoi pleurerions-nous l'hiver, ririons-nous l'été et nous battrions-nous sous l'orage ? Je ne sais pas. Naëlle non-plus ne savait pas. Les sentiments humains atteignent rarement le ciel, et il est vrai que l'horreur de la mort et la folie des hommes se distingueraient mieux dans une nature optimiste.
Que le ciel était beau, sur la ville surpeuplée, et que Naëlle était triste, dans ce splendide été !
Téléphone à la main, elle venait d'apprendre la nouvelle. Sa mère était morte, il y a quelques jours à peine. Des années qu'elle n'y était pas retournée, dans cette campagne où elle avait grandi, loin d'ici. Des années qu'elle ne l'avais pas revue, des années sans penser à elle, des années à l'oublier.
Pourtant, du haut de ses vingt-quatre ans, elle se souvenait très bien de ce jour lointain.
-Naëlle, ma chérie ?
-Oui Maman ?
-Viens, j'ai une surprise pour toi !
La petite fille qui devait avoir six ans s'était dirigée en courant vers celle qui lui avait donné la vie et tant d'amour jusqu'ici. Sa mère se trouvait dans le grand jardin, le minuscule pied d'une jeune pousse d'arbre dans la main.
-Viens ma chérie, la héla-t-elle. Je vais te proposer quelque chose. Nous allons planter cet arbre et bien nous en occuper. Comme ça, dès que je le verrai, je penserai à toi.
-Moi aussi je penserai à toi Maman, répondit la petite.
-Oh, tu es un amour, mon trésor, la gratifia la mère d'un gros bisous et d'une courte étreinte.
Mère et fille s'étaient alors mises à l'œuvre. Elles avaient veillé des années durant ur l'arbre qui s'avéra être un citronnier.
Mais un jour tout changea. Naëlle entendit ses parents se chamailler derrière une porte. Assez courant, me direz-vous. Oui, assez courant. Et Naëlle, qui devait avoir onze ans tout au plus, ne s'inquiétait guère de ces haussements de ton. Mais cette dispute-ci n'a malheureusement pas fini sur une réconciliation, mais sur un assortiment séparation-juge-divorce ; qui avait un goût amer pour la jeune fille.
Après choix de la juge, elle partit vivre avec son père, en ville, et y resta pendant au moins sept ans. Elle partit ensuite faire ses études, sans jamais une pensée pour sa mère, qui était restée seule tandis que son père s'était remarié.
Naëlle prit alors le train, jusqu'à cette campagne où elle avait grandi. Elle prit le taxi, le bus, tout ce qu'il fallait pour retrouver la maison de sa mère.
Accompagnée d'un homme qu'elle savait dans l'héritage, elle entra dans la vieille demeure qui semblait mal en point.
-Ça fait un moment qu'elle ne faisait plus le ménage et ne s'occupait plus de son jardin, à part d'un seul arbre, allez savoir pourquoi... lui expliqua l'homme.
Elle entra en silence, sans répondre. Elle vit que, fidèle au dires de l'homme, la maison n'était pas en bon état. De la poussière recouvrait le sol ainsi que chaque meuble. Seuls quelques cadres n'étaient pas sales et luisaient comme au premier jour. Ils la représentaient elle, Naëlle, avec ou sans sa mère, souriant, du haut de ses onze ans tout au plus.
Lorsqu'elle sortit, la jeune femme put constater que l'herbe atteignait une hauteur record pour un jardin, et que les arbres n'étaient pas taillés, entourés de fruits décomposés et de bêtes, étreints de gui ou de lierre.
Tous sauf un. Au milieu de cette jungle, le citronnier persistait, rayonnant. Autour de lui, l'herbe était bien coupée. Le petit arbre était bien taillé, bien entretenu, et de petits fruits jaunes citron perçaient au bout des branches.
-Je ne sais pas pourquoi elle s'obstinait à s'occuper de ce petit arbre, reprit l'homme. Mais en tout cas, c'est en taillant ce citronnier qu'elle est morte. Un accident. Sa maladie ne lui donnait pas la possibilité de s'en sortir.
Naëlle regarda le petit arbre. Si beau, si joyeux... Il la représentait, elle, pour sa mère, et représentait sa mère pour elle. En réalité, il représentait leur amour mutuel. Elle avait coupé les ponts et laissé à l'abandon cet amour autrefois si fort. Sa mère l'avait entretenu, durant toutes ces années, mais cet amour unilatéral avait fini par la tuer.
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Et voilà, c'est un texte sur le thème "citron" pour le concours de @--may-- .
Bonne journée ! (n'oubliez pas de commenter et d'aller voter chez may si vous aimer !)
Coco.
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