XXI.
Nous étions allées à la bibliothèque. Nous ne pouvions pas nous permettre de louper chaque rendez-vous. Mon tirage était resté secret aux yeux d'Astrid et Anaël. D'un accord tacite, nous avions décidé de nous taire. Je n'avais pas envie de les affoler alors que nous n'étions sûres de rien.
Et puis, plus que ça, je craignais de ne pas être crue. Cette peur l'emportait, je le crois bien.
J'essayais d'oublier momentanément cette histoire en me concentrant sur mon travail. Je n'avais toujours pas d'idée précise pour le Grand Examen, et cela devenait affolant.
- Esmouche ?
Je levai la tête. Eugène m'avait appelé, accompagné de son frère. Je l'interrogeai du regard.
- J'ai tenté quelques compositions pour le Grand Examen, tu pourras me dire ce que tu en penses ?
- Si tu veux oui, mais je suis loin d'être musicienne...
- C'est pour ça que je le demande à toi. Je veux que ma musique puisse être ressentie par n'importe qui. Et puis... Tu ne risques pas de t'inspirer de moi...
Je comprenais. Moi-même n'irait pas demander son avis à Edmond. Déjà car je ne l'appréciais pas, mais surtout, je ne voulais pas qu'on me pique mes idées.
Il faudrait déjà que j'en ai pour commencer...
- Okay pas de soucis. Je te rejoindrais à la troisième salle de musique après le diner, ça te va ?
Il me remercia avec un grand sourire enthousiaste. Alors qu'ils allaient partir, j'interpellais son frère.
- Edmond ! Tu as demandé à Eliott de me prendre les cours ?
Il ouvrit la bouche et ne dit rien pendant un instant.
- Merde ! jura-t-il finalement.
- T'es sérieux ?!
Il se frotta le bas du visage pour cacher son rire.
- On dirait que oui... Bon, ne t'inquiète pas, Esmouche, dit-il en s'éloignant. Ce n'était pas bien intéressant.
Mon dieu. Mais pourquoi lui avais-je demandé un service déjà ? Son occupation principale consistait à me nuire. J'allais devoir demander toutes les feuilles au professeur. Déjà qu'il n'avait pas l'air de bien m'apprécier...
- Comment as-tu réussi à te faire un ennemi alors que nous sommes ici depuis même pas un mois ? demanda curieusement Astrid.
C'est vrai que je n'avais jamais parlé à personne d'Edmond ou même d'Eugène. Mes amis n'étaient pas présents lorsque je leur parlais.
- C'est simple : nous sommes tous les deux écrivains. L'un de nous deux devra probablement dire au revoir à Ange de Vallier à la fin de l'année scolaire. Ça ne sera pas moi. Et puis tu l'as vu ? Je ne savais pas qu'il était possible d'être aussi désagréable.
Astrid hocha la tête.
- Tu es sûre que l'un de vous deux est voué à partir ?
Je me craquais les doigts, mal à l'aise. Je n'aimais pas la tournure que prenait cette conversation. Je n'étais sûre de rien, et au final, nous étions tous rivaux ici. J'avais juste présumé que c'était Edmond ou moi.
- Eh bien... Tu as déjà vu deux diplômés qui partageaient la même discipline ?
- Je t'avoue que je n'avais jamais regardé...
La conversation s'essouffla. Je soupirai, m'allongeai sur ma chaise. J'avais une grosse page blanche dans la tête et j'avais l'impression de ne rien pouvoir y faire. Mes doigts pianotèrent un moment sur la table avant qu'une fille de la table d'à côté me demande d'arrêter. Je l'insultai dans ma tête.
- Je peux lire tes paroles ? demandai-je à Astrid, en espérant me libérer de mon manque d'inspiration.
Elle accepta et me passa sa feuille. Elle écrivait petit et je mis un petit moment à m'y habituer.
Brise ces barreaux, tu en as la force
Arrache ces racines et cette écorce
Jette-toi dans mes bras sous une pluie de feuilles jaunies
Et savoure l'odeur chaleureuse des cookies
Comme je m'y attendais, elle avait fait quelque chose de génial.
- Tu fais une drôle de tête, tu aimes bien ? Après ce n'est que le refrain... Et je peux encore l'améliorer.
- Hein ? Si si, c'est super bien. Je vais juste aller prendre l'air, j'étouffe un peu.
Je pris mes affaires et me carapatais de la bibliothèque. La chanson d'Astrid n'avait pas eu l'effet escompté, c'était même l'inverse. Je croisais Eliott en sortant. Je ne lui adressait qu'un signe de tête puisqu'il n'avait pas mes cours.
- Esmée ! Attends !
Il posa son sac sur le sol. Il fouilla dedans, et je me demandais comment il pourrait y retrouver quoi que ce soit. Ce n'était qu'une montagne de feuilles et de paquets de chips ou de bonbons. Après avoir posé la moitié de ses affaires sur le sol, il sortit une pochette plastique débordante de feuilles.
- Voilà tes cours !
Je le bénissais.
- Tu y as pensé ? Merci !
- C'est surtout Edmond qui m'a demandé, mais je prends quand même. Bref, Daisy m'attend, j'y vais. Salut !
Il mit une main dans son sac pour écraser ses affaires et ainsi faciliter sa fermeture. Il me fit un petit signe de la main et s'engouffra dans la bibliothèque. Moi, je m'en éloignai, de meilleure humeur qu'en y entrant.
Lorsque j'étais en panne d'inspiration, j'avais plusieurs solutions. La première consister à écouter de la musique. Ici, malgré le nombre de musiciens, cela restait compliqué. Depuis que j'avais déposé mon téléphone dans le petit bac blanc, mes oreilles étaient en manque de mélodie. Ensuite il y avait les musées. Et l'art visuel, plus précisément. Mais cette ce château n'était pas qu'une école. C'était une galerie à part entière. Depuis des décennies qu'il existait, chaque travail des élèves y été exposé. Pour l'instant, je n'avais obtenu aucun résultat concluant. Il ne me restait donc plus qu'une solution : marcher dehors. Dans le calme de la nature ou dans l'agitation de la ville, qu'importe.
Chanson Cookie de Saona
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top