XVII

Je secouai la tête, n'aillant pas envie de rire. Il était seul dans le couloir alors que je venais d'entendre des pas. Ce devait-être lui.

- Tu enfermerais des gens dans leur propre chambre ?

Le sourire narquois de l'inconnu s'envola.

- Hein ?

J'avais testé sa réaction à chaud. Il avait l'air trop surpris pour être au courant de quoi que ce soit.

- Tu as vu quelqu'un passer ? tentai-je malgré tout.

- Non, je suis seul... Pourquoi ?

- On s'est retrouvée enfermées hier soir, avec Gaïa. La porte ne bougeait plus du tout, jusqu'à présent. Et lorsqu'elle s'est ouverte, j'ai entendu des pas.

Il se prit le menton entre deux doigts. Son air ne me disait rien qui vaille. Pourtant, lorsque ses yeux se posèrent sur moi, il avait l'air confiant.

- Le bois gonfle avec l'humidité. Ta porte a dû devenir trop grande pour son encadrement. Et il ne faut pas oublier que ce bâtiment est vieux. Il y a des bruits étranges parfois, mais c'est normal.

Je hochai la tête, peu convaincue. Même en nous y mettant à deux, notre entrée était restée bloquée. Je doutais qu'un peu d'eau pouvait faire ça. Quant aux pas... Oui, ce n'était peut-être que le bois qui travaillait. Mon esprit était embrouillé, je ne savais plus ce que j'avais entendu ou vu. Désormais, je sentais la fatigue et la faim monter en moi.

- Tu devrais retourner te coucher, me conseilla-t-il.

- Il est quelle heure ?

- Un peu plus de cinq heures. Il nous reste pas mal de temps avant que la cantine n'ouvre.

Ma nuit avait dû être bien courte. Je bredouillais quelques remerciements avant d'aller suivre son conseil. Dans la chambre, je ne fermai pas la porte. Je m'écrasai sur mon lit. Lorsque je remarquai que je portais encore les habits de la veille, j'étais déjà bien loin.

◈ ◈ ◈

Des cheveux me chatouillèrent le visage et deux mains froides me secouèrent doucement. Je me retrouvai nez à nez avec Astrid. Je mis un petit moment à me rappeler de ce qui avait été ou non un rêve. Voir Gaïa qui se réveillait au sol fut un bon indice.

- Tout va bien ? me demanda la blonde.

- Je... Je crois.

- La porte était ouverte alors on s'est permis d'entrer, m'expliqua Anaël qui se tenait à côté de Gaïa. Où étiez-vous hier ?

- Hé bien... ici, répondis-je. On s'est retrouvées enfermée toute la nuit, la porte était complètement bloquée.

- On a vu ça, oui.

Par la suite, ils nous expliquèrent leurs longues recherches qui n'avaient abouties que ce matin. Peut-être que j'aurais préféré ne pas savoir, finalement. Cette nuit-là, nous avions comme été coupées du monde avec Gaïa. Malgré tous nos cris et nos coups, rien n'avait été perçu de l'autre côté de la porte. C'était comme si, l'espace de quelques heures, nous avions cessé d'exister.

Cette pensée m'avait coupé l'appétit et ma faim de loup s'était évaporée. Alors que tout le monde avait fini de manger, je n'avais bu que la moitié de mon chocolat chaud. Mes amis discutaient patiemment, mais je commençais par me sentir oppressée par leur attente.

- Allez-y sans moi. Je ne me sens pas très bien, je vais peut-être passer par l'infirmerie.

- Tu es sûre ?

J'hochai la tête, groggy. Je les suivais du regard jusqu'au moment où ils arrivaient devant la sortie. Anaël, qui menait la marcher, faillit se la prendre en pleine face. L'un des deux jumeaux venait d'entrer en trombe dans le restaurant. Je voyais d'ici sa chemise froissée à moitié boutonnée.

- Eugène ! cria-t-il. Cela ne te serait-il pas venu à l'idée de me réveiller ?

Ce dernier, qui était également en chemin pour partir, se figea. D'où j'étais, je n'entendis pas sa réponse. Enervé, Edmond continua de le houspiller tout en continuant de s'habiller. Les élèves avaient tous cessés de parler pour observer la scène.

- Mais tu veux que j'en fasse quoi de ta demi-heure de sommeil supplémentaire si je suis en retard en cours ?!

A nouveau, Eugène lui répondit. Son frère secoua la tête et rejoignit ma table.

- Forcément, râla-t-il à mon égard. Tu es là.

Je roulais des yeux et pris mon chocolat des deux mains pour me donner une contenance.

- Il y a d'autres places, tu sais.

La plupart d'entre elles étaient occupées par des couverts sales, mais il n'avait qu'à les décaler si ma présence le gênait tant. Edmond ne me répondit pas. Il était occupé à découper une poire. Apparemment, il avait abandonné l'idée de demander son petit-déjeuner à un serveur.

- Alors comme ça, on sèche les révisions à la bibliothèque et on arrive en retard le lendemain matin ?

- Tu parles de toi à la troisième personne ?

Edmond rigola jaune. Sa fourchette était orientée vers moi, comme si elle était le prolongement de sa main.

- Figure-toi que l'élève sérieux que je suis a effectivement travaillé hier soir. Toi en revanche, ce n'est pas en restant dans ta chambre que tu décrocheras l'Hydra.

Il y eu un petit « tilt » dans ma tête.

- Ce n'est quand même pas toi qui as bloqué notre porte ?

Il me jeta un regard rempli de dédain.

- Evidemment, je n'ai que ça à faire...

- C'est bon ! Je demande, j'ai le droit ! Et toi qui n'a que ça à faire, comment sais-tu que j'étais dans ma chambre hier soir ?

Il soupira et se leva de sa chaise. Il avait déjà fini de manger sa poire.

- Oh mais tu as quoi contre moi ? Demande à tes amis, ils sont venus voir toute l'école pour savoir où vous étiez passées, toi et ta copine. T'es vraiment parano ma pauvre.

Il partit, encore plus énervé qu'il était arrivé. Je restai quelques secondes là, hébétée. A sa réaction, j'avais l'impression de l'avoir agressé. Finalement, je n'avais plus du tout faim. J'avais l'impression que mon chocolat risquer de remonter.

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Edmond le susceptible et Esmée la cacochyme

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