XVI.
Je grelotais. Mes paupières semblaient sellées entre elle et mon coup complètement bloqué. Pourtant, lorsqu'une brise glaciale effleura mes joues, je me vis dans l'obligation de me réveiller. Le souvenir de la veille m'éclata au visage.
Des ceintres tordus jonchaient le tapis de notre entrée. Ces pieds de biches de fortunes n'avaient servi à rien. La porte n'avait pas bougé.
La fenêtre de notre chambre était grande ouverte. Gaïa et moi nous étions endormies juste en dessous. Celle-ci avait fait une crise de claustrophobie. Je lui avais ouvert la fenêtre pour qu'elle se sente mieux.
Gaïa avait la tête passée sa tête à travers la fenêtre. Elle contemplait la rue et laisser son esprit s'évader puisque son corps ne le pouvait plus. Je restais à côté, ne voulant pas envahir son espace vital. Soudain, les coups de klaxons raisonnaient dans la rue et des cris s'élevèrent.
— Viens voir, me souffla Gaïa.
Curieuse, je ne me fis pas attendre pour me placer juste à coté d'elle. Nous étions toutes les deux penchées à travers la fenêtre comme deux vieilles commères.
Eclairée à la lumière des lampadaires, une femme s'était garée en double file et frappait à une porte. Elle hurlait des insultes. Un homme lui ouvrit. Il avait un nourrisson dans ses bras. La femme se figea quelques instants avant de reprendre de plus belle.
— Il s'est passé quoi à ton avis ? l'interrogeai-je.
Gaïa joua avec l'une de ses mèches tandis qu'elle observait la scène quelques instants de plus.
— Je pense qu'elle vient d'apprendre qu'elle n'était en réalité qu'une amante d'un père de famille.
Je hochai la tête. En contrebas, la femme porta une main protectrice à son ventre.
— Elle doit être enceinte, supposai-je. L'homme a l'air aisé, j'espère qu'il trouvera le moyen de l'aider.
Ma colocataire ria jaune et secoua la tête.
— Je ne crois pas non. Cet enfant est un bâtard et nous ne vivons pas dans une utopie.
Elle avait raison. J'aimais croire en la bonté humaine mais j'étais souvent déçue.
— Mais elle s'en sortira, poursuivit-elle. Qu'elle avorte ou non, elle trouvera le moyen de s'en sortir.
— Tu parles en connaissance de causes je suppose.
— Tu supposes bien, si tu veux tout savoir. Cette femme est l'image de ma mère. Quant à cet homme... Disons qu'il est l'image de mon géniteur.
La conversation s'essouffla et je reportais mon attention sur la rue. L'homme avait fermé sa porte et la femme était repartie. Les passants que la scène avait attirés étaient désormais éparpillés sur les trottoirs. C'était comme s'il ne s'était rien passé. Je tournais dos à la fenêtre et m'installai juste en dessous. Gaïa se laissa tomber à côté de moi.
J'avais mal partout et me lever fut un supplice. Je fus tenté de réveiller ma colocataire, mais le cœur n'y était pas. Elle aussi avait passé une terrible nuit. Je m'approchai de la porte. Je voulais essayer de l'ouvrir. Je doutais que l'on viendrait nous chercher lorsque les cours auraient commencé et que nous manquerions à l'appel. Malgré tout, j'avais envie d'un petit déjeuner. Nous n'avions pas pu manger la veille. Il y avait juste eu ce paquet de croustilles. Désormais vide, il posait juste à côté de la poubelle. Quelqu'un avait raté son tir.
Je plongeai ma main dans le sachet. Il n'y avait plus que des miettes.
— Merde, jurai-je.
— Il est fini ?
Je hochai la tête et sortie ma main du paquet. J'en fis une boule pour le jeter dans la poubelle qui se trouvait à l'autre bout de la pièce. Il ricocha sur la poubelle et atterri quelques centimètres plus loin.
— Merde.
Je laissai tomber ma tête contre le mur et fermai les yeux. La fatigue commençait à me peser. Et pourtant, je ne voulais pas me coucher. Je voulais rester avec Gaïa. Malgré ce que nous semblions prétendre, rien de tout cela n'était normal. Nous ne faisions pas de soirées-pyjamas, nous étions séquestrées dans notre chambre. Je sursautais dès que le bois craquait. La voix de l'inconnu me répétait : « Certains disent que les tableaux chuchotent la nuit... ».
Maintenant que je ne pouvais plus manger, je préférai parler pour ne pas penser.
— Tu aurais fait quoi si tu n'avais pas été sélectionnée ici ? demandai-je.
Gaïa fit mine de réfléchir.
— J'avais postulé à plus plusieurs conservatoires. Mais bon, au final, je n'ai été prise qu'ici. Donc si je n'étais pas venue, je serais partie en psychologie. Et toi ?
— Fac de médecine, répondis-je simplement.
Gaïa étouffa un rire.
— Je ne te vois pas du tout dans ça.
— Moi non plus, avouai-je. C'est la lubie de mes parents. Dans ma famille, on est tous médecins. C'est une tradition.
— Tu devrais leur dire que tu guéris les gens avec la douceur de tes mots...
J'acquiesçai en souriant. J'aimais bien cette optique. Peut-être qu'un jour ils l'accepteront aussi.
Lorsque le bois craqua, Gaïa se mit à parler pour ne plus l'entendre. Elle me raconta ses cours de danse et me décrit les étudiants supérieurs qui y participaient. Petit à petit, le son de sa voix s'éloigna et ma vue se troubla. Je ne luttais pas contre le sommeil qui s'emparait de moi.
La poignée était gelée. Si gelée que je crus que ma main allait y rester accrochée. Je tirai d'un coup fort et la porte s'ouvrit. Mon élan m'entraîna par terre et je me retrouvai les fesses au sol. Il y eu plusieurs craquements. Comme des pas de course sur un parquet. Je me relevai aussitôt et plongeai dans le couloir. Je regardai à droite, puis à gauche. L'obscurité m'empêchait de voir.
Je me précipitai vers ma table de chevet et la retournai pour en sortir une lampe de poche. J'éclairai la longue allée de porte et m'y enfonçai. Au fond, un jeune homme marchait.
— Hé ! Toi ! l'interpellai-je en m'approchant.
Il se retourna et cacha son visage, éblouis par la lumière. Cela ne m'empêcha pas de le reconnaître. Ses cheveux en bataille et la soie bleue de son pyjama étaient facilement reconnaissables.
— Encore toi ? fit-il rieur. Tu passes ton temps à me chercher ou bien ?
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