XIII.

J'avais mis un petit instant pour me calmer et quelques minutes pour rejoindre ma salle de cours. C'était la classe d'anatomie. Je savais qu'il pourrait m'être utile, mais sans plus. Pour les chanteurs, les musiciens, pour tous ceux qui jouaient avec leur corps, c'était vital. Pour moi ce n'était qu'une histoire de détails et de réalisme dans mes histoires.

Le nez dans le plan de l'école, j'avais bien failli percuter un autre élève. Heureusement, son ombre m'avait alerté avant.

— Ho pardon !

Je n'aurais sûrement jamais relevé la tête si cette voix ne m'avait pas parue familière. C'était l'inconnu. Il était encore en pyjama et ses cheveux n'étaient toujours pas coiffés. Il avait les yeux arrondis par la surprise.

— Au fait, merci pour la dernière...

L'inconnu ne s'arrêta pas à mon niveau et poursuivit sa course. J'étais de nouveau seule dans le couloir.

— ...fois ?

Je n'avais même pas pu le remercier de nous avoir guidé. Un peu hébété, je rejoignis finalement la classe.

Ledit Eden s'éclipsa de la salle tandis que je prenais place à côté de ma colocataire. Elle me demanda rapidement comment ça s'était passé et je lui répondis que l'entretient avait été déroutant. Je ne discutai pas plus, désireuse de comprendre la leçon. La professeure était une femme longiligne qui parlait très vite. Elle nous parlait de l'importance de la respiration. Je fus totalement perdue lorsqu'elle nous demanda d'inspirer et d'expirer horizontalement.

Je fus l'une des premières à sortir de la classe. Je m'étirai en attendant le reste de notre petit groupe. Finalement, j'aurais pu rentrer chez moi et revenir, car je n'avais jamais autant patienté. Astrid fut la dernière à sortir, les mains chargées de son manteau et de ses deux sacs.

— Enfin ! pestai-je. Je dois vous raconter quelque chose.

— Ton rendez-vous s'est mal passé ? s'inquiéta-t-elle.

— Hein ? Ha non du tout.

Je leur racontai ma rencontre avec l'inconnu. A vrai dire, il n'y avait que Gaïa que ça intéressait. Les autres ne l'avait jamais vu.

La journée étant finie, nous attendions le dîner dans le foyer des étudiants. Il était juste à côté des dortoirs. Nous discutions avec les autres élèves de la classe, apprenant à se connaître plus largement que la simple présentation du début de matinée. Nous nous questionnons quant au choix de nos options. Si j'avais bien compris, je passerai une grande partie de mes journées en compagnie d'Elliot le poète et d'Edmond. Eux aussi comptaient prendre littérature et langue française.

— Pss... Esmouche !

Je sursautai. Eugène était juste derrière le canapé sur lequel je m'étais installée. Je ne l'avais pas vu. Cependant, je n'avais pas eu besoin de mes yeux pour deviner que c'était lui. Esmouche. Il m'appelait comme ça depuis le CP.

— Qu'est-ce qu'il y a ?

— Tu ne veux pas aller te balader dans le parc ?

Je haussai les épaules avant de le suivre. Le foyer commençait à devenir bruyant de toute manière. Eugène me guida dehors sans l'aide de la carte. Il avait un sens de l'observation remarquable.

Je respirai profondément l'air du jardin. Malgré la fin de l'été, il n'y avait presque aucuns nuages dans le ciel. C'était agréable.

— Tu t'es éclipsée tellement vite ce matin que je n'ai pas eu le temps de te parler, remarqua-t-il.

— Oui, désolée... J'étais contrariée.

— J'ai vu ça. Tu as eu un problème avec mon frère ?

Je marquai un temps de pause. J'avais bel et bien un problème. Mais était-ce la faute d'Edmond ? Absolument pas.

— Pas vraiment... C'est juste qu'il est écrivain.

Eugène ria. Cela lui semblait être pathétique.

— Et alors ? Tu n'aimes pas les gens avec qui tu partages des points communs ?

Je secouai la tête. Cette situation ne me faisait pas sourire.

— Tu ne comprends pas... Ils sont huit en troisième années. Certains d'entre nous vont partir, c'est indéniable. Nous sommes tous en compétition, et Edmond et moi plus que n'importe qui d'autre !

— Bah moi je fais du violon et c'est pas pour autant que je vais m'embrouiller avec tous les autres musiciens...

Agacée, je laissai un soupire s'échapper de mes lèvres. Il faisait comme exprès de ne pas comprendre.

— Oui, mais aucun d'entre eux ne joue de violon, je me trompe ? Et si demain un nouvel élève se pointait, aussi doué que toi dans ta discipline, ne te sentirais-tu pas menacé ?

Eugène considéra finalement ma question.

— Probablement, oui.

Nous nous étions arrêtés à côté de l'écurie. Nous y entrâmes malgré la forte odeur de fumier qui y régnait. Les chevaux ne nous prêtaient aucune attention. Je m'approchais d'un box ou l'un d'eux dormais. Sa robe ébène se soulevais au gré de sa respiration.

— Tu sais monter à cheval ? me demanda-t-il.

Je fis « non » de la tête.

— Moi non plus. Edmond sait, lui. J'aurais dû prendre des cours avec lui, je n'aurais pas été contre une petite balade.

— J'imagine que tu auras l'occasion de monter avec lui.

— J'espère que toi aussi...

Je ne lui demandai pas le sens de ses paroles. A la place, je lui proposai de rentrer.

Je ne retournai pas aux écuries de la semaine. Ni celle d'après, trop occupée par le poids que les options exerçaient sur nous. Je compris bien vite les deuxièmes et troisièmes années qui arrivaient au petit-déjeuner à la dernière minute. Ils essayaient de grapiller quelques minutes précieuses de sommeil. Très vite, nous les imitâmes. La bonne humeur des premiers jours avait été remplacée par un travail intense.

Je m'efforçais d'en faire toujours plus qu'Edmond.Lui semblait être fort naturellement. Je ne l'avais jamais vu à la bibliothèque.Il dessinait sur ses feuilles de cours. Il ne participait jamais. Et pourtant,toutes les félicitations des professeurs lui revenaient.

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