XII

C'était une pièce assez simple. Il y avait un bureau et un divan. Des tableaux, évidemment. La plupart étaient très abstraits. D'autres étaient carrément ces fameuses tâches d'encre qui étaient censées révéler notre personnalité. J'y avais cru longtemps. Maintenant, elles me laissaient septiques. Un peu comme les signes astrologiques.

— Alors Esmée, où veux-tu t'installer ?

Je me dirigeai vers le bureau. Cela me paraissait plus correct. Le fameux Richard André Harrot souriait. Il avait l'air si gentil que ça en était presque suspect.

— Comment s'est passée ta rentrée ?

— Plutôt bien. J'ai hâte de la suite.

— Aucun désagrément ?

Je lui racontai brièvement mon passage sur la scène et la honte qui s'en était suivie. Je lui évoquais également ma peur d'être moquée des autres.

— Donc le regard des autres te fait peur ?

Je haussai les épaules.

— Parfois. Est-il même possible de s'en défaire totalement ? Je n'en suis pas certaine...

Il riait et je me renfrognais.

— Bonne observation, Esmée. Tu as raison, d'une certaine manière vous vivons à travers le regard d'autrui. Néanmoins, cela ne doit pas t'empêcher de vivre.

— Ce n'est pas le cas.

Le psychologue marqua quelques notes dans un petit carnet. Je me demandais ce que j'avais bien pu dire d'intéressant.

— Je connais les méthodes du professeur Morot. Vous pensez qu'il s'agit de se ridiculiser. Ne penses-tu pas que chacun d'entre vous a été embarrassé ?

Astrid m'avait dit un truc qui ressemblait. Je me demandais bien à quoi servaient les diplômes qu'il avait accroché sur les murs.

— Certains plus que d'autres, j'imagine.

Il ne me posa plus de questions. Il ne me demanda pas non plus de partir. Gênée par le silence, je posais une question.

— Pourquoi fait-il cela ?

— Vous forcer à jouer avec le ridicule ?

J'acquiesçai.

— Car cet exercice est plus simple qu'exposer ses failles. Mais ne t'inquiète pas Esmée, cela arrivera plus vite que tu ne le penses.

Soudain, ce fut comme si la température de la salle avait chuté. Alors comme ça, ce n'était que le début ? Un sourire mystérieux se traça sur les lèvres de l'hommes.

— Enfin... Nous ne sommes pas là pour ça. Raconte-moi, comment as-tu réagit lorsque tu as reçu ta lettre d'admission ?

Je souris à ce souvenir. La tournure qu'avait pris cette conversation avait presque fini par me plaire. Mais je ne lui évoquai pas mes parents ; je n'avais pas envie de parler d'eux. Je voulais les chasser de ce moment de joie.

— Tu étais heureuse alors.

Ce n'était pas une question et pourtant je me sentie obligée de confirmer. Oui, j'avais été heureuse et je l'étais toujours. J'aurais juste voulu qu'on le soit pour moi. Mais ce n'était pas très grave, je comprenais mes parents dans un sens. La voie artistique n'était pas la plus sûre et j'avais les capacités pour entrer en étude de médecine. Il leur fallait juste un peu de temps.

— Une dernière question et je te libère.

Je me penchai sur mon siège, impatiente d'en finir avec cet interrogatoire. J'étais de moins en moins à l'aise.

— Crois-tu avoir besoin de moi ?

La stupéfaction me cloua le bec.

— De vous ?

— D'un psychologue.

Je battis des cils. J'avais l'impression d'être face à une question piège. Ce n'était même pas comme si mon avis importait puisque je devais le voir à minima une fois par mois.

— Je ne pense pas.

— En es-tu certaine ?

Soudainement je ne l'étais plus. Ses yeux semblaient voir au-delà de mon corps et perçaient mon esprit à jour. Il semblait m'avoir cernée plus que quiconque. Plus que moi.

— Oui. Je vais bien.

Ce n'était pas ce qu'il voulait que je dise. Je doutais de ma réponse qui m'était pourtant bien claire quelques minutes auparavant.

— Dans ce cas, je te programme un rendez vous pour le mois prochain. Le 5 octobre à dix heures. C'est un samedi. On pourra parler du Grand Examen.

J'hochai la tête même si je ne savais absolument pas de quoi il parlait.

— Je peux bien que tu ailles me chercher ...

Il marqua une pause, le temps de mettre ses lunettes et de consulter son ordinateur.

— Eden Ducroy.

J'acquiesçai une nouvelle fois avant de lui souhaiter une bonne fin d'après-midi. Il fit de même et sortie. Sans que je sache pourquoi, mon corps se mit à trembler je dus m'appuyer contre le mur pour ne pas tomber. Des gouttes salées souillaient le sol.

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