VIII
Un sol noir. Des sièges bordeaux molletonnés. Des rideaux rouges roi. Tout indiquait une salle de théâtre à l'ancienne. Mais il y avait l'odeur des pop-corn caramélisés et le vidéoprojecteur sur la scène qui indiquait les nombreuses soirées cinémas qui s'étaient déroulées ici. Ils ne menaient pas lorsqu'ils disaient que ce château était notre maison. Nous y avions un libre accès tant qu'aucun interdit n'était bravé.
Maintenant que l'on avait eu un aperçu de cette pièce cela ne servait plus à rien d'y rester. La classe pouvait retourner dans le couloir et je pourrais poursuivre ma discussion avec Edmond.
Mais Mme la directrice avait décidé d'expliquer toutes les règles de cette pièce. C'était pourtant évident : elle était en libre-service mais nous devions la laisser aussi propre que nous l'avions trouvée. J'avais des fourmilles dans les jambes.
— Nous allons maintenant procéder à la suite de la visite...
Enfin ! Je m'étais déjà retournée pour me diriger vers la porte de sortie. Celle-ci s'ouvrit avant même que je l'atteigne. Je n'avais pas de pouvoirs surnaturels, c'était un homme qui venait d'entrer. Il était petit, presque chauve avec un gros nez. Il faisait tourner un trousseau de clé autour de son doigt. Un agent d'entretien ? Pas sûre, il était habillé normalement. Peut-être était-ce un surveillant ou quelque chose comme ça. La directrice se retourna et afficha un sourire sur son visage. Ce n'était pas son amant tout de même ?
— André ! Vous tombez merveilleusement bien.
Ledit André sourit malicieusement. Si cette expression airait bien à l'inconnu ou alors à Edmond, je trouvais que cela lui donnait plutôt l'air d'un pédophile. C'était juste mon avis.
— Mes chers élèves, je vous présente M. Morot. Votre professeur de théâtre. Il s'agit de l'un des cours qui vous sera commun à tous.
Il ne manquait plus que ça. Un professeur qui surgissait au pire moment.
— Je préfère dire « cour d'expression de soi », précisa M. Morot. Cela permet de comprendre plus en profondeur la nécessité de ma classe. Evidement guys : que serait l'art sans l'émotion ?
Le professeur était désormais en face de la directrice. Elle devait faire deux têtes de plus que lui. Il était ridicule. Enfin il en avait l'air. J'osai espérer que les professeurs de cette école étaient compétant. Lui était juste un peu étrange. Et un peu anglophone. Logique, nous étions en Ireland. Ha ha.
M. Morot ne nous attarda pas plus longtemps. Il avait à faire, paraissait-il. Heureusement. Edmond et moi étions les premiers à sortir.
— Donc tu n'as jamais reçu mes lettres ? chuchota-t-il.
Je secouai la tête.
— Absolument pas. Quand j'étais plus jeune, je demandais souvent à mes parents de venir passer les vacances chez vous. Ils m'ont toujours répondu que c'était impossible. Que vous refusiez. Je suppose que toi non plus tu n'en as jamais entendu parler ?
Nous nous arrêtions de parler encore une fois. Notre conversation était ponctuée de longues pauses durant laquelle nous rentions dans les différentes pièces de château. Nous étions passé par le couloir des musiciens. Elle était composée de plusieurs pièces insonorisées. Il y avait la salle des instruments à vent, celle des cordes et puis celle des percussions. Tous les instruments étaient en libre-service et aucune dégradation ne serait permise. Allait-elle répéter ces mêmes instructions à chaque fois ?
— Je n'ai jamais entendu parler de vacances avec toi, avoua Edmond. Ni de toi tout cours. Tu es même sûre que tes parents en avaient parlé aux miens ?
J'ouvris la bouche pour dire quelque chose mais rien de sortit. J'aurais pu défendre mes parents. Pour dire la vérité, j'en avais même envie. Rien ne me prouvait leur innocence. C'était même tout le contraire. Je le savais au fond de moi, que chacune de ces demandes étaient comme des bouteilles jetées à la mer.
— Non. Je n'en suis pas sûre.
J'étais déçue par eux. Ils s'étaient toujours opposés à mon rêve, celui de devenir écrivaine. Mais à Edmond ? Ses parents étaient loin d'être des scientifiques, c'était vrai. Etaient-ils allés aussi loin ? Etaient-ils responsable de l'éloignement d'Edmond et moi ? Je commençai à croire qu'ils avaient provoqué leur déménagement.
Nous continuâmes la visite en silence. Je n'avais plus trop envie de parler. Je ne repris que plus tard alors que nous visitions le jardin.
— D'ailleurs, quel est ton talent ?
Le brun haussa les sourcils.
— Désolée... Je n'ai pas trop écouté les présentations tout à l'heure...
Il prit un air gêné.
— Je suis un écrivain. Comme toi.
Mon ouïe se troubla pendant un instant. J'avais l'impression de me noyer hors de ce monde. Puis je refis surface. La lumière me paraissait trop vive, les bruits trop fracassants et les odeurs trop nauséabondes.
Un écrivain. Comme moi. Je me réjouissais toujours de trouver quelqu'un capable de partager mes goûts. Pas maintenant. Les diplômés d'Ange de Vallier étaient peu nombreux. Tellement peu nombreux qu'il ne restait en général qu'un étudiant par discipline. Autrement dit, ce serait lui ou moi. Je lui jetai un regard. Il le savait lui aussi. Nous étions désormais rivaux. Jamais je ne le laisserais gagner.
J'avais envie de vomir. Autour de nous, les élèves étaient émerveillés par les chevaux. Moi, je n'étais que dégouté par le fumier. Seulement par le fumier. Pas par cette amitié tuée dans l'œuf. Certainement pas.
— Tout va bien ?
Edmond avait grandi dans une famille d'artiste. Il avait baigné dans cet univers depuis la naissance. C'était sûrement grâce au piston qu'il était là. Il avait bien plus de chances que moi.
— Esmée ?
J'allais devoir travailler deux fois plus. C'était injuste. Lui pouvait échouer. Il avait bien plus de cartes en mains que moi. Et pourtant, c'était celui qui avait le plus de chances de réussite. Je bouillonnais de jalousie.
— Il faut que j'aille voir Gaïa.
Des larmes commençaient à me brûler les joues. Je les essuyai avec rage. Je ne savais même pas pourquoi je pleurais. Pourquoi fallait-il que je me mette à chouiner dès que l'occasion s'y prêtait ?
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