7.9 : Un peu plus bas sous terre
Les mains dans les poches de son jean usé, ses baskets raclèrent le sol tandis qu'il avançait dans le boyau sombre qui le menait vers quelqu'un qu'il n'avait pas vraiment envie de voir.
Cette histoire d'apocalypse pouvait être une aubaine pour lui, tout comme elle pouvait amener son lot de problèmes. Et des problèmes, il en avait déjà par-dessus la tête. À cette idée, un soupir de lassitude s'échappa de sa bouche.
Il passa une main dans ses cheveux noirs, les ébouriffant au passage.
Sa dernière visite en haut l'avait miné plus qu'il ne l'admettrait jamais. Il revoyait encore le visage de son frère, hostile. Un roc contre lequel il n'avait pas fini de se heurter.
Des milliers d'années de réclusion, de combats, et de haine. Pour la première fois depuis plusieurs générations, il remettait en question son choix.
La fin approchait, il le sentait dans ses tripes. Sa peau vibrait à l'approche des ténèbres. Il devrait bientôt choisir son camp.
Il scruta un long moment les lourdes portes de bronze avant de se décider à les pousser.
Devant lui, une pièce seulement éclairée par les feux qui brûlaient dans des immenses cheminées ardoise. Sur les murs, des ombres mouvantes dansaient au gré des flammes, comme si des esprits pris au piège cherchaient à s'enfuir de cet antre souterrain.
— Rassure-moi, tu ne restes pas assis là toute la journée, Hadès ?
L'homme en question — ou plutôt le Dieu — se redressa et s'adossa contre le fauteuil de marbre sombre. Il ne prit pas la peine de se lever pour accueillir son invité.
— Lucifer, murmura-t-il pensivement, que me vaut l'honneur de ta visite ?
Lucifer grimaça.
Personne n'était jamais foutu de l'appeler correctement... c'était vraiment agaçant.
— On avait rendez-vous, non ?
Hadès fronça les sourcils et appuya les coudes sur ses genoux.
— Le messager n'est pas arrivé ?
Lucifer se tourna vers les portes de bronze, comme si ce dernier allait se présenter dans l'instant.
— J'ai fait écarteler pas mal de personnes ces temps-ci, rétorque Hadès avec flegme. Il faisait peut-être partie du lot.
Il haussa les épaules et se fut au tour de Lucifer de froncer les sourcils.
Et c'est lui qu'on appelait le monstre, l'engeance du mal, le Diable... whaou, super...
— Tu sais qu'on a fait des trucs sympas depuis le moyen-âge, pour éviter la torture ? ironisa Lucifer.
Hadès lui jeta un coup d'œil désabusé.
— Et c'est beaucoup moins drôle depuis, rétorqua-t-il, imperturbable.
Lucifer secoua la tête et abandonna. Pas moyen de discuter avec un dieu, ils faisaient tous un complexe de supériorité.
Il ouvrait la bouche pour parler quand une paire de mains l'enlaça. Un corps se colla contre son dos et provoqua un frisson sensuel qui le traversa de la tête aux pieds.
— Perséphone, laisse mes rendez-vous tranquilles.
Hadès regardait sa femme se frotter avec indécence contre Lucifer, pourtant les traits de son visage ne trahissaient aucune émotion. Il ne paraissait même pas ennuyé de la voir caresser un autre homme.
— Il n'est pas humain, celui-là, susurra-t-elle. Il pourra durer plus longtemps...
Perséphone contourna l'ange déchu et prit son visage à deux mains pour lui donner un baiser électrique.
Lucifer aurait pu jouir rien qu'avec sa langue. Il poussa un gémissement de plaisir.
C'était quoi, déjà, le risque de se faire une Déesse mariée ?
Inconscient du danger — disons plutôt qu'il n'en avait rien à faire —, il posa les mains sur les fesses galbées de la jeune femme pour la plaquer contre lui et la dévorer plus profondément encore.
À son tour, elle émit un petit cri de plaisir. Impossible de résister au désir insatiable de Perséphone.
Un soupir se fit entendre derrière eux.
Ok, stop. Se mettre Hadès à dos n'était pas une bonne idée.
Lucifer trouva la force de rompre le baiser. Essoufflé, il observa la beauté blonde dont le visage affichait à présent une moue enfantine. Il la tenait à bout de bras, et admira ses boucles dorées, ses courbes généreuses à peine cachées par sa robe longue de lin transparent.
Il avala douloureusement sa salive.
Qui aurait cru que les enfers abritaient un bijou si fabuleux ?
Il lutta pour revenir à la réalité, alors qu'Hadès patientait, aussi stoïque qu'une statue de marbre.
Il repoussa prudemment Perséphone.
Dieu seul savait ce qu'une Déesse vexée pouvait vous faire subir...
— Chérie ? fit Hadès pour détourner son attention.
Cette dernière se dirigea vers lui avec plus de promesses dans le regard qu'une jeune mariée lors de sa nuit de noces.
Lucifer posa ses yeux ailleurs. Non qu'il soit embarrassé d'assister aux caresses des deux amants ; il avait eu son lot d'orgies. Seulement, cet échange lui rappelait trop qu'il n'aurait jamais ce que possédaient Hadès et Perséphone : la confiance et l'éternité à deux. Il ne partagerait jamais son chemin, et la solitude lui pesait. Il ne pourrait jamais remplir le vide laissé en lui par sa chute.
Pour le bien de l'humanité.
L'amertume le submergea et comme souvent en ces moments-là, son attitude s'en ressentit.
— C'est bon ? On peut passer à autre chose ?
Son ton hargneux eut raison du couple, qui s'écarta enfin. Il patienta encore quelques secondes, le temps de voir disparaître la Déesse aux cheveux d'or, puis il fixa Hadès.
Ce dernier haussa un sourcil sardonique, comme s'il savait ce qu'éprouvait Lucifer et qu'il s'en réjouissait.
Foutus Dieux, leur seul plaisir était de manipuler les sentiments des autres.
— Bien. (Hadès se rencogna dans son fauteuil.) Pourquoi es-tu ici ?
— T'as pas entendu parler d'Apocalypse, récemment ?
Hadès perdit son air railleur et fronça les sourcils, chose qui amena l'ange déchu à lever les yeux au plafond.
— T'as vraiment un problème avec ta connexion internet, mec.
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