L'homme, qui patientait derrière une colonne, s'avança enfin.

Vêtu d'un simple jean et d'un t-shirt noir, il contrastait totalement avec le vieil homme, toujours penché vers le vide nocturne. Pourtant, son allure martiale en aurait effrayé plus d'un. Mais aucun ne connaissait son fardeau. De fines veines emplies de noirceur couraient le long de son cou, de son cœur et de ses tempes, et voilaient son regard.

Le silence s'éternisa un moment infini avant qu'il ne prenne la parole.

— Des nouvelles ?

L'homme secoua la tête et passa une main lasse sur son visage. Une profonde affliction émergea, pendant quelques secondes, de ses yeux aussi noirs que l'obsidienne.

— Je ne peux pas rester longtemps, déclara-t-il. C'est l'effervescence en bas. Les choses se confirment et ça risque d'exploser d'un jour à l'autre.

Ses traits tirés témoignaient de la pression qui pesait sur ses épaules.

— Nous avons encore besoin de toi.

Il secoua la tête.

— Père, je...

Le vieil homme à la barbe blanche se tourna enfin vers lui.

— J'ai besoin d'être... p-purgé...

Les mots avaient été jeté avec difficulté, presque arrachés par la nécessité.

— Je sais.

Il posa une main sur son cœur, et une lumière opalescente l'enveloppa avant de pénétrer la poitrine de l'autre homme. Aussitôt, ce dernier balança sa tête en arrière en un gémissement. Il n'y avait ni plaisir ni douleur dans ce son. Juste un simple relâchement de la tension accumulé dans son corps.

Le temps resta suspendu une éternité avant que cela ne cesse.

Lorsque ce fut fini, le regard de l'homme avait perdu son voile funeste, et les veines noires s'étaient estompées.

— Tu dois repartir. Tu es le seul à pouvoir maintenir l'équilibre.

Il hocha la tête et voulut s'écarter légèrement, mais il ne pouvait se soustraire à la main posée sur sa poitrine. Son corps était irrésistiblement attiré par la clarté salutaire à son âme. Le vieil homme détacha enfin ses doigts et se pencha pour baiser son front.

— Ton sacrifice ne sera jamais vain.