6.1 : Face à face

Xander attendait qu'elle prenne ses jambes à son cou. Il n'avait jamais été très sociable. Déjà adolescent, il avait très peu de copains. Difficile d'expliquer qu'il ne pouvait pas aller faire la bringue avec eux parce qu'il avait peur de les bouffer. Il s'était sciemment éloigné de tout contact qui aurait pu représenter un danger pour son loup.

Alors, voir débarquer cette... putain, elle était jolie avec ses cheveux blonds presque roux, sa peau pâle et ses taches de rousseur. Mais pire que tout, ses grands yeux bleus qui en disaient long sur leur candide propriétaire. Il n'avait vraiment pas besoin de ça, en ce moment.

Seulement, son loup n'était pas d'accord... et il savait très bien pourquoi.

Lorsqu'elle monta les trois marches, le poussant légèrement, il se dit qu'en fin de compte, elle n'était peut-être pas si angélique que ça. Il aurait voulu ne pas bouger, l'obliger à redescendre, mais alors qu'elle le touchait à peine, tous les poils de son corps se hérissèrent et il fut obligé de reculer... sous peine de lui sauter dessus, sur l'instant.

Et merde...

— Vous voulez quoi ? demanda-t-il d'une voix rendue rauque par l'effervescence qui s'était emparée de son corps.

La fille, Eleanor, jeta un coup d'œil à l'intérieur.

— Vos voisins, les Granger, ont fait une mauvaise rencontre, la nuit dernière...

Xander se raidit. Elle se tourna vers lui et l'observa. Elle attendait sûrement qu'il fasse un commentaire.

Il resta silencieux.

Elle scruta son visage jusqu'à le rendre nerveux. Pendant une fraction de seconde, il se demanda si quelqu'un chercherait après elle s'il la tuait. Puis il repoussa cette idée. Son loup commençait à prendre le dessus, et il n'aimait pas ça.

Il n'aimait pas non plus qu'elle le regarde avec une telle intensité.

Comme si elle savait.

— Auriez-vous vu un... gros loup ?

Il sentit qu'elle demandait bien plus que ces simples mots.

— Gros comment ? Il y a pas mal de loups dans ces bois...

Une image lui revint en mémoire : le contact de son corps alors que la bête se frottait contre elle. Son corps réagit immédiatement, et il dut faire un effort surhumain pour rester immobile.

Il l'avait marquée, il le savait. Il lui avait suffi d'inhaler son odeur lorsqu'elle était arrivée, pour comprendre que le loup voulait la faire sienne. Le problème était qu'elle n'était pas comme lui. Ce n'était pas une femelle prête à s'accoupler, c'était une fille terriblement humaine. Et il n'avait pas touché de femme comme elle depuis des années.

— Si vous l'aviez vu, vous n'auriez aucun doute...

Elle avait dit cela presque nonchalamment, pourtant il savait très bien qu'elle le jaugeait. Elle ne lui faisait pas confiance, et devait sentir que quelque chose existait déjà entre eux, sans vraiment comprendre ce qui lui arrivait.

Il ne dit rien et resta là, à la scruter d'un air indéchiffrable.

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