5. enn∙amies
média : Thirteen, Catherine Hardwicke (2003)
« J'ai enfin compris que ça ne sert à rien de jouer un rôle. Je n'ai plus envie d'être cool, parfaite ou populaire. Le prix à payer est trop élevé. Je préfère être moi-même et m'entourer de véritables amis. » - Cathy Cassidy, Miss pain d'épices
tw : amitié toxique (?), TCA, idées suicidaires, santé mentale, automutilation, mentions de mort et un poème moyen de quand j'avais 14 ans.
Parfois, j'entends encore sa voix. Je sens encore ses yeux. Et tout ce qu'elle disait me revient. Je sais qu'elle était tout ce que je voulais être et que quand je la voyais je ne réalisais toujours pas comment une fille aussi parfaite avait pu choisir d'être mon amie. Elle était ma guide, mon savoir, mon exemple...
Je me souviens de la rencontre. Nous étions à côté le premier jour de sixième. Un jour, où, comme à chaque rentrée, je m'étais appliquée à me maquiller et à me coiffer pour ressembler à une fille que je n'étais pas.
Elle a aimé mes cheveux raides, mes habits dénudés et mon mascara noir... elle a été séduite par toutes ses choses que je me mettais en me persuadant que ça me faisait ressembler à une vraie fille, une ado populaire... l'inverse totale de la petite gamine bizarre dont on s'était moqué pendant toute la primaire.
Elle m'avait invité à manger et nous étions devenues inséparables. Elle m'avait appris à être belle, désirable, plaire aux garçons... parfois je me dis quelle se l'apprenait aussi à elle-même. Parce que même si je la voyais comme un ange de la popularité je réalise aujourd'hui qu'elle avait mon âge et que, comme tout∙es les autres, elle cherchait à trouver sa place en copiant ses anges à elle.
Et puis ses préoccupations et les miennes avaient changés. Je lui avait découvert un point commun avec la vraie moi, pas avec celle que je faisais semblant d'être : nous détestions toutes les deux notre vie.
Nous voulions maigrir et mourir. Et quand nous étions ensemble, nous étions des âmes sœurs. À deux nous étions encore plus puissantes. Nous nous faisions du mal. Pas vraiment l'une à l'autre, mais à nous même. Quand elle allait mal je me devais d'aller mal aussi, et avec elle il fallait aller mal. Le plus mal possible.
Il n'était plus question de garçons ou de magazine people. Il était question de mort, de suicide, de contrôle, de perfection... faire peur aux gens, ressembler à des cadavres à cause de nos cernes et de nos os, c'était une fierté. Les cicatrices étaient belles... les maladies qui ont finit par nous piéger étaient des amies en plus dans notre duo. Et personne ne voyait rien.
Il était si facile de mentir à mon père quand il s'inquiétait. Il suffisait de lui faire croire que c'était l'adolescence et que pour une fois j'avais trouvé une vraie amie, qui ne riait pas de moi.
Les jours avec elle passaient à toute vitesse tant j'étais heureuse. C'était aussi fort que de l'amour seulement, je ne la voulais pas elle, je voulais être elle. Je voulais sa vie, pour qu'on soit pareilles.
Je ne sais pas pourquoi d'ailleurs... mais sa vie détruite et tout ses défauts me semblaient parfaits. Ça avait l'air beau d'être aussi triste. Cool d'être malade.
Et j'ai eu se dont j'avais rêvé. Je suis devenue comme elle. J'ai parlé avec tout ses démons, dansé avec la mort, hurlé sur mon père, je me suis fais du mal encore et encore... j'ai même penser à me tuer. Non pas parce que je voulais mourir, mais parce que je voulais que les autres voient sur mon corps toute la peine qu'il y avait dans ma tête.
Ce n'était pas la fautive, mais elle m'avait emporté dans un monde où plus rien n'avait d'importance. Où la vie n'était qu'un enchaînement vide de journées qu'il fallait détruire pour espérer ressentir quelque chose. Dans la vie que je m'étais construite avec elle, il faisait froid, tout était sombre, la folie était une qualité et le suicide un acte courageux. La mort était tellement belle...
Jusqu'à ce qu'elle ne manque de prendre l'une d'entre nous. Juste le soir, ou, en colère contre elle, je pensais :
Ouvre les yeux : on est pas amies
On passe plus de temps à se parler sur internet que dans la vraie vie.
Ta mère est une psychopathe, manique, elle te maltraite
Toi tu continues à me dire qu'elle est parfaite.
J'ai décidé d'arrêter d'être gentille avec toi
J'ai décider de montrer au monde que j'étais une connasse
Comme toi
Je suis en colère. J'avance.
Si les gens sont gentils c'est pour se donner bonne conscience.
Ils se disent que si ils sont sympas ils iront au paradis
Le paradis n'existe pas, à la fin y a que du vide.
Pourquoi on a peur de la mort au point d'inventer des dieux ?
Qu'est ce qu'il y a de si terrifiant à quitter un monde ou les gens sont des merdeux?
Ils disent qu'ils vous aiment pour que vous les aimiez en retour
J'ai jamais compris pour quoi les gens aimaient tant l'amour.
Ils en ont fait des bouquins, des romans, des chansons pétés
Quand on est pas amoureux ont vous voit comme des cons en manque de LSD
L'amour vous dites que c'est génial quand vous vous embrassez
Une semaine plus tard vous êtes en train de chialez.
J'ai décidé d'être une connasse et de le montrez,
Je me retiens plus de vous insultez.
Jusqu'à maintenant j'ai tout fait pour plaire aux gens,
Pour qu'ils me voient comme une fille sympa, polie, pleine de sentiments
Pourquoi est ce que je devrais leurs plaire ?
Je sais que dans mon dos, ils me traitent de "sale merde".
De toute façon je suis l'héroïne de ma vie
Je peux bien vous égorger
Je mourrais dans l'oubli
Ouvre les yeux, tu verras bien, on est pas amies.
Je tranche mes poignets tout les jours et tu n'as jamais réagi.
Un jour, ma nouvelle sœur qui tombait de plus en plus, est tombée pour de bon. Nous étions en classe, elle était au tableau, et son corps à l'agonie est passé au stade d'après. Je crois que moi aussi je suis tombée aussi tant j'ai eu peur pour elle.
La terre a arrêté de tourner. J'ai cru que mon coeur se déchirait. Je n'avais pas encore pris conscience ďà quel point je tenais à elle. Si elle mourrait, je savais que je me tuerai aussi.
J'ai passé des heures aux urgences, sans rien faire d'autre que fixer l'un des murs blancs, en imaginant la douleur de vivre sans elle et en réfléchissant à la façon dont je pourrais me tuer.
Mais on m'a dit qu'elle était vivante. Ce n'était rien de grave, juste un petit manque de sucre qu'elle avait juré de rattraper. Je savais qu'elle ne le ferait pas.
J'aurais voulu lui dire que ça ne valait pas le coup, que maintenant elle pouvait arrêter de se faire du mal et que je l'aimerai quand même. Tout ce qui comptait c'était qu'elle continue à vivre. Son poids on s'en fichait, on s'en fichait qu'elle soit cool, non ?
Si je quitte la vie ça fera plus de place pour les gens qui la méritent
Ceux qui vivent avec un but, ceux qui sont uniques.
Il y a aussi ceux qui vivent sans se poser de questions
Qui ont appris à accepter cette illusion.
Si je vous fais la morale c'est parce que je me déteste
On est pas tous des salauds, au contraire
Chacun d'entre nous a quelque chose de beau
Je suis persuadé t'es une conne parce que j'en suis une
Je traine un sac rempli de culpabilité et d'amertume
De toute façon je suis l'héroïne de ma vie
Je peux bien vous égorger
Je mourrais dans l'oubli
Ouvre les yeux, tu verras bien, on est pas amies.
T'as vu les cicatrices, sur mes poignets, mais tu n'as pas su quoi dire.
On est amies mais j'ai le sentiment que je te mérite pas
Viens on oublie toutes les disputes et on vit avec ça
J'ai envie de vivre avec toi juste une dernière fois
On se rejoindra au paradis qu'il existe ou pas
On doit arrêter d'essayer d'être seulement cools
On a qu'une vie autant en profiter, on décora la foule
On est amie, je t'aime, tu m'aimes et je veux pas que ça change
Je prendrais soins du monde jusqu'à ce qu'on soit tous des anges.
Mais je n'ai jamais pu lui dire tout ça.
Nous avons été séparées après cet épisode et j'ai aussitôt recommencé à être moi-même. La vraie moi. Si le prix à payer pour être celle que je voulais était si élevé je n'en voulais pas.
Je n'avais pas eu le temps de tomber aussi malade qu'elle, et recommencer à vivre fût facile. Excepté pour se sentiment qui me tiraillait le coeur quand je pensais à elle. Je voulais lui parler, lui dire au moins au revoir, pardon, et lui donner du courage pour sortir de la vie toute sombre dans laquelle elle s'était si profondément enfouie. Mais ni mon père, ni ses parents n'acceptaient que je la voie. Il était unanimement admit que nous étions toxiques l'une pour l'autre et que nous ne devions pas nous reparler avant très très longtemps.
Je trouvais ça injuste. Mais maintenant je comprends. Nous étions nos propres démons. Je la tirerai vers le bas, elle me tirait vers le bas et si ça continuait, le seul endroit où nous nous retrouverions côté à côté, se serait le cimetière. Je fuyait donc la meilleure amie que je n'avais jamais eue pour retrouver mon éternelle et paisible solitude.
Il ne fallait plus trop y penser. Je ne voulais plus être comme ça. Je ne tirerai plus de fierté à l'idée d'être malade, plutôt de la peine. Deux années d'adolescence gâchées par des préoccupations morbides. Maintenant, je voulais retrouver celle que j'étais avant d'entrer en contact avec la personnalité dévoreuse de vie qui m'avait volé mon adolescence. Je voulais être celle qui pouvait danser, parler, sourire, dormir... une vraie humaine. Pas l'esclave de mon cerveau autoritaire.
J'ai ressorti mes pulls orangés, mes salopettes, tout les aliments interdits, toutes les choses qui me faisaient plaisir et dont je m'étais privée... et je ressentais déjà tellement plus de choses qu'à l'époque où j'aimais souffrir pour sortir de mes sentiments anesthésiés.
C'était tellement agréable de manger du gras, du sucre... de dormir toute la nuit, d'avoir plein d'énergie, d'avoir le cerveau tellement léger et libre. Je ne comptais plus, je ne me mettais plus la pression et je comprenais enfin pourquoi les gens accordaient autant d'importance à la vie, à la joie, à l'amour... c'était aussi beau que le monde froid et glacial. Aussi beau que son monde à elle.
Et cette année j'entrais au lycée ! L'occasion de me faire de vrai∙es ami∙es avec qu'il ne faudrait pas suivre à en mourir pour correspondre. Elle était loin... ou du moins j'aimais le penser... en réalité elle était dans un coin de ma tête. Tout le temps.
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