18. Psychomagie 🦉
Ce dessin m'appartient, si vous me le piquer j'irai hanter vos cauchemars
Tw : tentative de suicide, automutilation, depression, validisme/psychophobie
J'aimerais vous raconter que c'est arrivé un jour de pluie, ou bien au milieu de la nuit. C'était ce que Sirius espérait : que ce putain de ciel allait verser des larmes, que les autres allaient fermer leurs gueules et ravaler leurs rires. Mais ce jour là, comme tout ceux qui avait précédé, la voute céleste restait désespérément bleue, les sourires désespérément gravés sur les visages.
Tout juste avant que Remus ne se lève, il s'était endormi des larmes séchées sur les joues et le mental en pièce. Il s'était réveillé dans l'après-midi, dans le même état et il n'avait même pas eut envie de se lever. C'était un week-end, et, de ce qu'en disait le dortoir vide, ses amis avait trouvé à s'occuper sans lui alors il n'avait aucune raison de sortir du lit.
Une seule chose l'y poussa.
Une obsession qui l'habitait depuis des mois. Une chose morbide dont il avait désespérément envie et qu'il touchait déjà du bout des doigts. Il n'avait pas l'intention d'invoquer Atropos, juste de jouer un peu avec le fil. Se pencher tout près de la mort le temps d'une valse et espérer que ça allait lui redonner l'impulsion. L'envie de vivre. Comme une décharge électrique. Il était épuisé d'avancer dans la fumée et de se sentir appelé par le vide, il voulait retrouver une porte de sortie et il savait que ça reviendrait, comme les fois d'avant, mais... il en avait assez d'attendre, d'attendre, pour constater chaque matin que rien n'avait changé.
Il ferma les rideaux d'un geste brusque, manquant de les arracher de leurs trigles et enfila l'un des hoodies de James avant de s'enfermer dans la salle de bain.
Le sol y était froid et les murs blancs évoquaient enfin un endroit digne de porter la désolation. Il s'assit par terre et senti la fraicheur remonter de sa peau partout dans son corps. Il pressa les manches du vêtement contre lui. Ça sentait comme James et ça faisait du bien, parce qu'il avait l'impression que son ami était là, il se re-projetait du temps où ils étaient tout les deux à la maison, quand ça allait bien. Ça lui manquait, cette soirée où ils avaient veillé jusqu'à ce que Fleamont ne doivent leurs faire passer un marché pour qu'ils arrêtent de chanter. C'était un mois plus tôt, mais il avait l'impression de n'avoir jamais connu autre chose que le malheur.
Il ne pleura pas. Il ne parla pas. En fait il ne pensa pas. Son corps effectuait les gestes comme une chorégraphie, dans un état second. Son esprit comme ses yeux ne voyaient que de la brume, il n'entendait qu'un bourdonnement lointain. Sa tête était vide, happée par le néant.
.
« Le néant ? répéta James, puisque cela semblait être le sujet.
- Ouais, ton cerveau pauvre con, c'est le néant ? T'as l'air sur une autre planète.
Il était incapable de retrouver ce à quoi il pensait un instant plus tôt ou de déterminer combien de temps il avait laissé ses pensés dériver sans prêter attention à la conversation. Il se maudissait pour ça. Parfois, il aurait aimé avoir un autre cerveau. Les autres n'avaient pas l'air d'avoir ce genre de problèmes.
Barnes, qui le jugeait de son air suffisant, par exemple, l'impressionnait en secret par sa rigueur. Lui pouvait se lever à l'heure, arriver à l'heure, accomplir toutes les tâches qu'il avait à faire en une journée sans même avoir à faire de listes, ne rien oublier, ne même pas se sentir écrasé, rester motivé, être attentif. Pour les gens comme lui la vie devait être ridicule tant elle était facile. James avait peu de choses à faire mais il en oubliait toujours une dans le lot. Quand il arrivait par miracle à tout réussir, c'était sa capacité de concentration qui s'évaporait. Oh, il savait se donner à fond dans un match de Quidditch, sans rien négliger, mais écouter les conversations des autres gars dans le vestiaire, c'était une autre histoire. Et mine de rien il ne pouvait pas l'éviter, car pour un meilleur jeux il fallait une équipe soudée, ce qui passait par rire au blagues de Phipps et écouter les histoires de coeur de Mitford. Il n'avait même plus Sirius plus l'aider à surmonter ça, il n'avait pas été retenu aux sélections, cette année.
- Je donnerais beaucoup pour être sur une autre planète et ne pas avoir à voir ta gueule. »
Il récupéra ses affaires sur le banc. Aspirant à sortir vite en claquant la porte pour une note plus théâtrale mais il ne pouvait pas se le permettre, il devait s'assurer qu'il n'avait rien oublié : l'uniforme de Quidditch tout entier était là, sa baguette magique aussi, de même que la vieille cravate qu'il continuait de laisser trainer dans son sac en se promettant de la remettre dans sa valise un jour, mais impossible de mettre la main sur ce fichu hoodie. Il avait du le laisser dans le dortoir.
Il ignora les protestations de Barnes, mis le sac sur son épaule et attrapa son balais pour regagner le château et la tour des Gryffondor avec la ferme intention de s'écraser sur son lit de dormir.
Lorsque James ouvrit la porte du dortoir il fut quelque peu soulagé de n'y trouver personne. Il adorait ses amis, mais il n'avait aucune envie de leurs parler en ce moment. Il était vidé de son énergie, n'avait aucun arguments quant aux devoirs que Remus lui implorerait de faire et aucune patiente pour écouter les histoires de Peter. Et puis, ses derniers temps, Sirius était bizarre.
Il jeta son sac dans un coin de la pièce, se débarrassa de ses chaussures et plongea dans son lit.
La voix de sa mère lui ordonnant de ne pas se dormir au beau milieu de la journée pris place dans sa tête, suivie de près par la pensé qu'après un entrainement pareil, il devait prendre le temps de se laver.
Et merde, voilà ce qu'il avait oublié de faire hier.
L'idée était là, trop tard pour la faire partir. Il ne pourrait pas trouver le sommeil avant d'avoir écourté cette trop longue liste de choses à faire. Il se redressa à contre-coeur, choisi un tas de vêtements propre et appuya sa main contre la poignée de la salle de bain, s'attendant à la voir s'ouvrir. Mais elle était verrouillée.
« Oh. Y a quelqu'un là dedans ? »
À cette heure là, Peter et Remus devaient trainer à la bibliothèque pour réviser sur le contrôle de Métamorphose de la semaine suivante et le cinquième gars restait là le moins longtemps possible. L'occupant de la salle de bain était par conséquent sans doute Sirius. Pourtant il n'entendait pas le bruit de la douche, du coupe-ongle ou les mélodies des Sex Pistols que son ami se plaisait à fredonner.
« Patmol ? »
Un mauvais pressentiment s'infiltra sans ses muscles en même temps qu'il continuait de frapper à la porte d'une main, de saisir sa baguette de l'autre.
Alohomora
« Attention, j'entre. »
Il poussa la porte avec lenteur d'abord, prêt à désamorcer d'une blague ou à porter tout les problèmes du monde. Pour Sirius, il lui restait de l'énergie. Quand il eut décidé qu'il regardait à l'intérieur pour de bon, tout accéléra. Les battements de son coeur, d'abord, et puis le temps. L'urgence.
Merde
merde
merde
Sirius était assis par terre en sueur, en larmes et le souffle suffocant. Il serrait son poignet gauche de toutes ses forces mais cela n'empêchait pas le sang de se répandre sur sa peau, ses vêtements, puis sur le sol, mêlé à ses larmes. James ne tarda pas à le rejoindre par terre, attrapant une serviette et la pressant contre les plaies, horrifié de la trouver trop vite imbibée de sang. Il y avait comme une torsion dans ses entrailles, nourrie d'adrénaline empoisonnée qui disait : je vais perdre Sirius.
Je ne veux pas perdre Sirius.
C'est mon meilleur ami et c'est comme mon frère. C'est l'une de mes personnes préférés. On se comprends, avec lui les choses sont simples. Avec lui un jour comme les autres est à marqué d'une pierre noire et je me sens comme si j'étais invincible. Je ne me suis jamais senti comme si j'avais à changer face au sourire de Sirius.
Et lui ?
C'est égoïste si je lui en veux ? Sa vie c'est une partie de la mienne, s'il part je crois que je ne pourrais pas m'en remettre. Je crois que je ne pourrais jamais regarder ce à quoi le monde ressemble sans Sirius. Une nuit sans étoiles, quel intérêt ?
Il a envie de le serrer dans ses bras pour être sur qu'il ne lui échappera pas. Il n'est pas sur que le jeune homme lui permettra.
Ne sois pas impulsif. Aujourd'hui c'est ses besoins que tu dois placer avant les tiens. N'importe laquelle de tes actions pourrait le tuer.
S'il se concentre, il peut réussir ce sort de cicatrisation.
Mais
Mais si Sirius veut mourir pour de vrai, ce serait cruel de le ramener, non ?
« Je peux te soigner ? »
Il ne répond pas, putain. Il ne hoche même pas la tête. Maintenant c'est la colère qui se fait une place. Comment tu peux me faire ça, putain ? T'imagines ce que ça va être pour moi, de vivre avec ton fantôme ?
Mais t'as du culot, toi. Il faut qu'il essaye de se tuer pour que tu le regardes ? T'étais où quand il avait besoin de toi, hein ? C'est lui qui devrait être en colère.
Il se rend compte qu'il sanglote.
« Sirius, est-ce que tu m'autorise à te soigner ?
Sirius ?
La première coupure l'a réveillé de l'élan de mort qui avait pris possession de son corps mais c'était trop tard. Personne ne l'entendrait crier à l'aide, d'ici. Il n'avait pas imaginé que le sang coulerait autant, que son coeur se débattrait à ce point. Une tentative de suicide, dirait-on ? C'était juste pour se réveiller.
Il avait prié toutes les entités des cieux pour qu'un de ses camarades ouvre la porte mais, désormais, il était mort de honte.
Coupable des réactions de James, premières d'une longue série. Coupable de cette lueur dans ses yeux qui brulaient de peur et de questions. Il ne le regardera plus comme avant. Combien de temps faudrait-il avait qu'ils ne puissent rire tout les deux ? Il s'en voulait de l'avoir effrayé. Peut-être que ça allait changer les choses pour toujours ? On ne traite pas pareil celleux qui agissent d'une façon qu'on ne comprends pas.
Il n'avait pas imaginé que James en aurait quelque chose à faire, en fait.
Il hocha la tête et regarda l'étincelle s'échapper de la baguette pour aller ressouder son épiderme, réparer ses veines, pour que sa peau arrête de le piquer. Il sentit son corps moins faible, même s'il gardait la sensation d'être perdu au bout du monde.
Il serra son meilleur ami dans ses bras de avec le peu d'énergie dont il était encore capable et il parla enfin, d'une voix cassée.
« Je suis désolé que tu ai vu ça. »
« J'ai mis du sang partout sur ton hoodie.
James le regarda comme s'il avait parlé dans une langue étrangère, ce qu'il crut avoir fait tant du français lui échappait dans ce genre de situation, quand il était en détresse. Mais le garçon à lunettes avait compris car il finit par répondre, riant malgré lui de soulagement :
- On en a rien à foutre de mon hoodie, Sirius. »
★
« Quel hoodie ?
- Le rouge, avec le blason Gryffondor !
- Non, je l'ai pas vu. répondit Remus en fourrant le sac de vêtements dans la machine à laver, ce qui faisait rire son copain. Il continuait d'utiliser la méthode moldue quand une méthode sorcière bien plus simple lui tendait les bras, sans doute juste parce qu'il aimait cette routine, ou parce qu'il trouvait hypnotisant de regarder le tissu tourner en rond dans le tambour. Sirius se hissa sur l'une des machines voisines tandis que l'autre vérifiait à gauche, puis à droite avant de jeter un sort d'accélération de lavage - cellui qui avait inventé ce sort, tout comme Remus, avait vraiment du temps à perdre. Une dame les regarda d'un drôle d'air depuis les portes vitrés de la laverie, allez-savoir si elle avait vu Remus sortir sa baguette ou si c'était l'allure de Sirius qui ne lui revenait pas. Celui-ci tourna de nouveau la tête vers son petit-ami.
- Tu es sûr ? Vermillon, pas bordeaux.
- Je connais tes vêtements, Sirius, je les lave toutes les semaines. Mais j'ai pas vu ce truc depuis des mois. C'est James qui doit l'avoir.
- Non, il me pique jamais celui-là.
- James n'a aucune idée des vêtements qu'il a ou pas, c'est la personne la plus désorganisée que je connaisse.
- Pas pour ce hoodie, insista Sirius qui était sur la défensive sans le vouloir, il est important pour nous deux. »
Remus releva la tête et rencontra le regard du jeune homme, étonné de cette véhémence, juste pour un vieux pull. En temps normal il pouvait être très sérieux ou au contraire s'amuser d'un rien, mais il était très rare de se trouver face à un Sirius Black démuni. L'un de ses yeux brillait et il triturait la manche droite de son pull à la façon de James ou de Remus, qui répétaient toujours des mouvements d'agitations. Sirius ne faisait jamais ça.
Remus s'approcha doucement, attrapant la main agitée pour la glisser dans la sienne.
« Qu'est-ce qui se passe ?
- Rien. glissa l'autre du bout des lèvres.
Le son de sa voix sonna creux entre eux deux, créant une barrière invisible que Remus traversa d'un nouveau geste tendre. Il sentait l'anxiété qui habitait son petit-ami à la hauteur de la sienne les soirs de pleine lune, et, comme une révélation, il baissa les yeux vers les mains tremblantes qu'il confortait dans les siennes. Non loin de la paume marqué des lignes d'avenir, il y avait le poignet, caché par un bracelet de force. Même un jour comme celui-ci où ils n'étaient sorti que pour aller à la laverie, où il avait enfilé des vêtements au hasard à toute vitesse en laissant tomber son look de rockeur il n'avait pas ôté ce bracelet. Un rappel à un style dans lequel il se sentait lui-même, pensait souvent Remus, mais une larme coula sur la joue de Sirius au moment où il senti le regard sur l'intérieur caché de son poignet, devinant ce qui s'y trouvait.
- Sirius ?
- Je suis désolé. »
.
« Désolé, sérieusement !? Tu crois que je vais me contenter de ça ? Je t'ai donné deux mois, pourquoi tu as attendu la derrière minute ?
Lily s'égosillait, faisant les cent pas dans le salon, fulminante de colère. Elle avait déjà tout à gérer dans cette maison, elle ne pouvait pas en plus penser à la place de son mari.
- De quoi ? vint demander la petite silhouette de Harry depuis la porte entrouverte de sa chambre.
- Rien mon chéri, ce sont des histoires de grands, se força à sourire James, vas plutôt faire tes devoirs.
- Mais j'ai fini !
- Va lire un livre, alors ! s'écria Lily, nettement moins indulgente.
Harry, que cette activité ne réjouissait gère, grogna. Il avait un mal fou à lire, surtout quand le livre ne parlait pas de sorcellerie ou de Quidditch.
- Je sais que j'aurais du m'y pendre plus tôt mais je... ne pouvais pas. Tu sais que pour moi c'est compliqué ce genre de truc.
- Ouais, facile à dire ! Ça s'apprends, l'organisation, par Merlin ! Arrêtes de te prétendre différent. Tu es paresseux et tu procrastines, la voilà, la différence !
- Paresseux ? répéta James, scandalisé. Tu te rends compte de l'énergie que me demande chaque journée que je passe sur Terre ? J'ai un travail, un enfant, des amis, une femme, une maison desquels je dois prendre soin !
- Moi aussi, figure toi ! Si ça te demandes trop d'efforts, peut-être qu'avoir la femme en moins te feras du bien !
James resta muet, si choqué que sa voix s'étrangla dans sa gorge. Il ne voulait pas perdre Lily, pas pour ça. Mais il faisait déjà de son mieux ! Il avait envie de lui dire que c'était tout aussi dur pour lui, que lui aussi aurait préféré avoir un autre cerveau, savoir faire ce qu'on attendait de lui, être motivé et prêt à tout accomplir sans faiblir, sans se laisser distraire, sans se perdre dans des méandres de préoccupations complètement différentes de ce qu'on attendait de lui, mais de toute sa vie, rien n'avais changé. Il était bien conscient de ses défauts, il aurait aimé être différent mais il avait beau se battre contre lui-même tout les jours, il n'y arrivait pas. Comme si c'était inscrit sous sa peau pour toujours, encré en lui à jamais.
- Wow.
Lily avait changé de visage, et, déjà elle regrettait ce qu'elle avait dit et arborait un air coupable. Elle était épuisée de cette vie d'adulte avec tant de choses à gérer, cette charge constante sur les épaules de devoir penser à tout et s'occuper de tout le monde mais elle ne voulait pas perdre James pour autant, l'amour de sa vie, elle ne voulait pas lui faire de mal.
- Je suis désolée je-
DING DONG
»
Iels s'arrêtèrent l'un∙e comme l'autre, figé∙es dans leurs poses de disputes alors qu'Harry sortait de nouveau de sa chambre, tressautant d'avoir vu Sirius et Remus depuis la fenêtre, des feuilles d'automnes tombant sur leurs manteaux. Avant que Lily et James n'ai trouvé une excuse pour les éviter et avant que Remus ne puisse frapper le moindre coup sur la porte, Harry, ravi d'être utile, avait décidé de leurs ouvrir.
« Oh, salut bonhomme, t'es pas censé être à l'école ? dit Sirius d'une fausse voix enjouée qui fit réaliser à tout le monde excepté Harry que quelque chose n'était pas normal. Depuis le salon, les parents abandonnèrent leurs discorde pour rejoindre leurs amis sur le seuil et les inviter à entrer non sans une certaine tension.
- C'est les vacances. Justifia Lily, Et on ne va pas tarder à rejoindre Ron au parc, hein petit dragon ?
Elle attrapa Harry et le fit mettre un manteau non sans l'avoir encombré d'un bonnet et d'une écharpe qu'il essaya d'enlever immédiatement.
- Je peux vous accompagner ? s'empressa de demander Remus, sentant qu'il fallait mieux que Sirius parle seul avec son meilleur ami dans un premier temps.
- Bien sûr ! s'écria Lily sentant l'importance de la demande et heureuse de pouvoir se changer les idées. Puis, prenant le temps de considérer James : Je t'aime.
- Moi aussi. » souffla-t-il alors qu'il refermait la porte derrière le trio, se retrouvant seul avec Sirius.
.
« Quoi, "Sirius" ?
- Qu'est-ce qui ne va pas avec Sirius ? répéta Lily en attrapant la main de son fils pour le faire traverser la route. Le petit s'amusait à faire craquer les feuilles mortes sous ses pas et a laisser trainer sa main contre les murs, portails et voitures qu'il rencontrait.
- Oh. Je n'ai pas trop envie d'en parler, là... Et toi, avec James ?
- Quoi, "James" ?
- Vous étiez en train de vous disputer tout à l'heure, désolé d'avoir interrompu c'était... vraiment urgent.
- Je me doute. »
La jeune femme repoussa une mèche rousse lui tombant sur le visage, ajusta son long manteau et accepta de lâcher la main de son fils tout en refusant de le lâcher du regard.
« James m'épuise, avoua-t-elle. Il dit qu'il fait des efforts mais il est incapable d'accomplir les tâches les plus simples. J'ai l'impression d'être avec Harry ! (elle baissa d'un ton pour que le petit garçon ne l'entende pas, bien que ce dernier ne prête aucune attention à elleux.) Déjà qu'avec lui aussi on a quelque soucis, je n'ai pas besoin d'autres préoccupations. Il exagère. Si je peux faire ce qu'on me demande, moi, qu'est-ce qui l'en empêche !? Il n'est pas moins intelligent qu'un autre. Et puis je sais qu'il en est capable, il sait faire ce qu'on lui demande, je l'ai déjà vu. Pourquoi dès fois et pas d'autres ?
- Oh, réfléchit Remus tout en continuant de marcher, les yeux perdus dans le vague. Tu sais des fois c'est...
Comme il ne continuait pas, Lily se tourna vers lui et l'encouragea d'un mouvement de tête.
... Dès fois on a des trucs dans la tête qui font que les choses qui on l'air simples ne le sont pas ou qu'on arrive a faire les choses parfois mais pas tout le temps. Pour moi, les relations sociales sont un véritable enfer, par exemple, je ne sais pas bavarder, alors que toi tu arrives sans problèmes à savoir ce qu'il faut dire quand il faut le dire sans t'y être entrainé. J'ai carrément un carnet où je prends des notes sur ce que je dois dire - n'en parle à personne. Pourtant, parfois, quand je suis dans une situation de confiance comme maintenant, je parle sans réfléchir, je me permet de dire ce que je pense.
- C'est pas pareil, Rem', tu es... tu as un handicap.
- Tu peux dire "autiste", tu sais, taquina le loup-garou, ce n'est pas un gros mot.
- Ok, soit. Mais James n'a rien.
- Même s'il n'a pas de handicap, s'il a une difficulté ça revient au même. Il faut essayer de le comprendre plutôt que de le blâmer. Il a des difficultés alors, comme pour l'autisme, tu peux chercher des solutions pour l'aider à s'organiser- Même si c'est aussi à lui de le faire ! s'empressa-t-il d'ajouter en voyant le visage de Lily, c'est un adulte. Et puis, tu sais, je commence à croire que James a quelque chose. Et Harry aussi.
Lily avait fait de nombreuses recherches sur l'autisme lorsque Remus lui avait annoncé son diagnostique qu'il connaissait pour lui-même depuis des années mais qu'il s'était efforcé de vouloir faire confirmer par un professionnel. La jeune femme s'était rendu à la bibliothèque et avait épluché tout les livres sur le sujet, avait appris à se réjouir aux cotés de son meilleur ami de savoir que depuis tout ce temps il y avait une explication à ce qu'il avait toujours vu comme une malédiction, une mauvaise volonté de sa part à refuser de rentrer dans le monde malgré tout les efforts qu'il fournissait.
C'est pour cela qu'elle était aussi sûre d'elle lorsqu'elle assurait que James ne souffrait pas du même trouble que Remus, même sous un forme différente : il était sociable, extraverti, accro aux changements, toujours en retard et désorganisé au possible. Le contraire de Remus.
- Tu crois ? dit-elle sans y croire.
- Tu devrais te renseigner sur le trouble du déficit de l'attention. Ou inviter James à le faire.
- Je suis épuisée. soupira-t-elle. Je ne suis pas psy !
Elle s'arrêta, frottant le bout ses doigts contre ses paupières closes, se reprenant très vite :
... Non, tu as raison. Les gens qu'on aime on doit les accepter comme ils sont. Je dois faire ce que je peux pour le soutenir... mais je n'en peux plus. Être une femme c'est vraiment quelque chose.
- Oui, ça, j'imagine. Mais la solution c'est d'en parler avec lui, de faire des compromis. »
La voix de Remus se brisa sur la dernière syllabe, alertant Lily et Harry qui regardait la rivière depuis le pont de pierre. Iels s'arrêtèrent de marcher, l'adulte sentant ses yeux se brouiller de larmes alors que l'enfant demandait pourquoi Moony pleurait.
« Je suis triste parce que Patmol est triste. expliqua Remus, qui trouvait plus aisé de parler à Harry et qui avait toujours considéré qu'il valait mieux expliquer que de tout garder secret - sauf quand on parlait de lycanthropie.
- Pourquoi Patmol est triste ? demanda Harry.
- Ça, je ne sais pas. »
.
« Tu ne sais pas ?
- Je ne sais pas, soupira Sirius, démuni.
Il comprenait désormais ce que Remus avait put ressentir lorsqu'il parlait de la sensation constante d'être un poids pour les autres et de ne rien pouvoir y faire. Il ne voulait pas qu'on souffre à cause de lui, mais ne savait pas comment arrêter de souffrir.
- Il y a forcément une raison, Sirius. On essaye pas de... se tuer, comme ça.
- Je n'ai pas essayé de me tuer.
- Tu t'es fait du mal. Comme la dernière fois.
- Je ne voulais pas mourir. Je voulais... toucher le fond pour pouvoir remonter.
James s'appuya contre la table en bois sur laquelle on mangeait souvent, glissant ses mains sous ses lunettes pour se frotter les yeux et digérer l'information. Avaler sa culpabilité, l'impression que tout lui échappait et la façon dont, malgré ses efforts, il restait aveugle aux fois où Sirius allait mal. Mal au point de se faire mal pour essayer de trouver une porte de sortie. Pourquoi n'était-ce pas lui qu'il venait voir dans ses moments ?
- Mais pourquoi ? Tout le monde descend pas si bas. Tu n'en a aucune idée ? Tu ne t'es pas levé, hier matin en décidant qu'aujourd'hui tu allais faire ça alors qu'il y a un mois tu organisais un concert dans un bar et tu étais triste je cite de "n'avoir qu'une seule vie, parce que ce n'était pas assez pour tout faire".
- Si, c'est à peu près comme ça que ça s'est passé.
James le considéra, perdu et inquiet.
- Ça n'a pas de sens.
- Je sais ! explosa Sirius, de colère et de peine. Je sais que ça n'a aucun putain de sens ! Pourquoi est-ce que tu crois que je m'en veux à ce point ? Je me bas avec ça depuis mon adolescence ! Mon cerveau est foutu ! Je suis barré.
- Arrête. temporisa James en s'approchant. Je ne voulais pas dire ça. Si ça a du sens pour toi, alors ce n'est pas insensé.
- Sauf si mon esprit est insensé. Je déteste mon cerveau, Prongs. Je déteste ce putain de cerveau. Je le comprends pas.
La phrase secoua l'autre qui se figea, horrifié d'entendre la violence de ses paroles de la bouche d'un autre alors qu'il se l'était tant répétée à lui-même. Comment Sirius pouvait-il maudire son cerveau ? Son cerveau c'était lui ! Comment Sirius Black osait-il se détester ?
- Ne dis pas ça, s'il te plait. Ne te déteste pas. Je veux pas que tu te déteste. Je t'aime, je veux que tu t'aimes. »
Sirius regardait dans le vide, se laissant tomber sur un canapé, James à ses cotés qui se força à ne pas bouger la jambe. Il prit une grande inspiration, se souvenant des cris stridents de son ami la dernière fois qu'il avait abordé ce genre de sujet, deux ans plus tôt.
« Tu ne veux pas retourner voir le psychiatre ? Pas l'ancien, un autre. Je crois que ça pourrait te faire du bien.
Sirius ne se fâcha pas, il n'en avait pas la force. Il s'effondra plutôt, sentant tout remonter, tout recommencer, aucune issue sauf cette foutue vérité qui le bouffait. Si c'en était une. Ça ou la mort.
Il avait mille fois crié son désamour pour les psys et leurs séances au prix exorbitant, leurs fâcheuse tendance à tout ramener à l'enfance, à la sexualité ou aux deux en même temp sans jamais donner de solution. Le visage à la con de Freud qui le fixait depuis le petit cadre de vert alors qu'il s'efforçait de ne pas parler de magie. Les mots que le vieux barbu lui avait sorti, qui lui avait valu de quitter la séance sans payer, en claquant la porte et puis de courir chez James sans dire l'essentiel, tourner autour du pot, cacher, enfouir, faire comme si ça n'existait pas. Même à son meilleur ami, son frère, il ne pouvait pas le dire.
- Ça pourra jamais me faire du bien, s'il est d'accord avec l'autre.
James tiqua.
- Il a dit quoi, l'autre ?
Sirius avala sa salive, senti une larme, chassa la main de son meilleur ami de son épaule, se détachant du reste du monde alors qu'il balançait les syllabes bleues dans sa tête, s'extirpant d'une bulle dans le vide. En faire des sons, le dire à James, le prononcer. Il n'avait pas le temps d'hésiter mais il en trembla plus tard. James allait entendre le mot et prendre peur de lui, comme il avait eu peur de lui en le découvrant capable de se faire mal, de faire mal. Comme lui-même avait peur de lui ou de ce qu'il pouvait devenir avec cette étiquette sur le front. Parce qu'avec trois syllabes viennent la surprise, la crainte, le rejet.
... Sirius ? Il a dit quoi ?
- Il a dit bipolaire.
Il a dit bipolaire, l'autre. Brisé, instable, pathétique, obligé, limite, atroce, incurable, révolté, euphorique. Il a eu le temps d'en plaquer, des mots, autant sur lui que sur ce con de psy qui a peut-être tout inventé mais qui avait l'air sur de lui, et qui avait pas mal d'arguments.
Sirius n'ose par se confronter de nouveau à James. Il ferme les yeux, n'écoute plus. Il ne veut pas entendre le tournant, perdre James quand il sortira du silence.
- Oh.
Ça y est. Il la sent, la fissure sur son coeur. D'ici peu il l'aura perdu pour de vrai, l'envie de vivre.
... Mais, c'est pas grave, tu sais.
- C'est pas grave ? répète Sirius ahuri.
- Non, c'est pas grave, enfin ! Ton cerveau gère mal ses humeurs, la belle affaire ! Je ne veux pas diminuer ce que tu vis, mais tu n'as pas à te détester pour ça. Je ne te détesterai pas pour ça. Ce n'est pas une raison pour détester quelqu'un.
- Pas une raison ? Tu sais qui d'autres était bipolaire, James ?
Le garçon à lunettes haussa les épaules, confus.
- Ma mère. »
Oh.
Ils restèrent dans le canapé un moment, blotti l'un contre l'autre jusqu'à ce que le ciel ne commence à s'assombrir par la fenêtre et qu'on entende les voix de Lily, Remus et Harry derrière la porte d'entré prévoyant de creuser une citrouille avec des lunettes, comme celle de l'enfant.
« Le problème de ta mère ne venait pas de la bipolarité, Sirius, chuchota James avant qu'iels ne reviennent. C'était une suprémaciste sang-pur marié de force à son cousin qui ne valait pas mieux qu'elle et qui avait en plus un problème d'alcool. Toi tu n'as jamais été violent, tu es quelqu'un de formidable en couple avec un gars formidable que tu aimes pour de bon. Tu ne sera jamais comme ta mère, bipolaire ou pas.
Mais je retourne voir quelqu'un, s'il te plait. Je ne veux pas te perdre. »
.
5145 mots. Je crois que c'est le chapitre le plus long que je n'ai jamais écrit. J'espère qu'il vous a plu malgré ses anachronismes, inexactitudes, bonds dans le temps et gravité de ses sujets.
Ça fait du bien d'écrire sur l'amitié, je ne sais pas pourquoi j'ai passé temps d'années à écrire sur un sentiment que je ne ressentais pas à la place. Ça fait du bien d'écrire sur la santé mentale, aussi. Combinée à Harry Potter, je ne pouvais pas rêver mieux. Mais je suppose que vous ne nourrissez pas un intérêt sans failles pour les troubles mentaux de votre coté, alors ça ne vous intéressera peut-être pas et j'en suis désolé∙e, mais, pour moi ce chapitre était libérateur.
Prenez soins de vous
<3
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