13. Dominique Weasley 🦉
Premier chapitre d'une histoire qui ne verra probablement jamais le jour. À propos de la Next Generation HP, surtout des enfants Weasley. Je bloque depuis que j'ai écrit ce premier chapitre, mais je l'aime trop pour ne rien en faire. En espérant qu'il vous plaira, bonne soirée :)
Tw : mention d'alcool, mention de transphobie, acephobie et arophobie
La taverne est désertée - étrange, pour un vendredi soir. Cela n'arrange pas Bill qui aurait préféré ne pas être trop confronté à ses pensés. Des bruits de sorts de vaisselles leurs parviennent depuis les cuisines, le feu crépite tout près de la table où les deux frères ont pris place il y a déjà plusieurs heures.
« Elle n'a pas parlé de moi, alors ? demande le plus âgé en buvant une gorgé d'hydromel de plus et en passant une main dans ses longs cheveux roux.
- Elle t'a beaucoup insulté. »
La plupart des gens reprochent à Charlie sa franchise. Bill lui en est reconnaissant. Il préfère savoir quand il est la cible de quelqu'un∙e.
« Je ne comprends pas.
- Elle a besoin de temps. Les adolescent∙es sont comme ça. Iels ont besoin de fuir les choses qu'iels ne peuvent pas encore accepter pour se trouver. Elle reviendra un jour.
- Qu'est-ce que tu en sais ? soupire Bill, son doigt rencontrant malencontreusement l'une de ses cicatrices. Tu n'as pas d'enfants.
- J'en ai été un, rappelle Charlie en fronçant les sourcils, je me souviens de ce que c'est, pas toi ?
L'autre s'excuse, mettant cela sur le compte de la fatigue. Son frère ne lui en tient pas rigueur. Il sait que ces derniers temps Bill est irritable. Depuis le début de l'histoire avec Dominique les choses n'ont fait qu'empirer. Non seulement dans la famille, mais aussi un peu partout dans le monde. Comme si on ne pouvait pas vivre une catastrophe sans en attraper une autre.
- Merde- je comprends pas ce que j'ai fait de mal ! Je ne l'ai jamais laissée seule, jamais trop couvée. Je lui ai donné tout l'amour que je pouvais lui donner, elle n'a jamais manqué de rien !
- C'est pas le problème, Billy. Tu sais bien que c'est pas le problème.
- Je l'ai soutenue à chaque fois autant que je le pouvais. Elle ne peut pas me demander de n'avoir aucune réaction, quand même !?
- Malgré nous on fait des trucs cons, tu le sais. Il n'y a pas de parents parfaits. Moi aussi, j'ai fuis le Terrier. C'était moins brutal que Dominique mais, je ressentais le besoin de prendre mon indépendance. Papa et Maman n'étaient pas de mauvais parents, mais il y a des choses qu'iels n'ont jamais pu comprendre.
- Je ne suis pas comme elleux. Je peux tout entendre. Je l'ai fait ! »
Bill se tourne vers le feu et le regarde danser, perdant progressivement sa vigueur.
« Je ne comprends pas pourquoi elle me voit comme quelqu'un d'incapable d'accepter.
- Elle ne te vois pas comme ça, Bill...
- Mais alors pourquoi est-ce qu'elle refuse de me voir ? J'ai forcement fait quelque chose de mal.
- Ce n'est pas toi qu'elle refuse de voir, c'est son passé. Pour avancer. On ne peut pas avancer sans tourner le dos à certaines choses. Elle sera prête à revenir, un jour. Pas maintenant, c'est tout. »
Charlie pose quelque gallions de pourboire sur la table en bois. Il attrape sa valise de sa main droite, de la poudre de cheminette de sa main gauche avant d'adresser des adieux à son frère. Il doit aller jusqu'au porte-au-loin. Retourner en Roumanie. Il ne faut pas quitter des yeux les dragons trop longtemps. Ni Dominique.
« Dis lui qu'elle me manque. » demande le plus grand au dernier moment, ce que son frère lui assure de faire avec un sourire.
Quand sa silhouette prend feu, Bill se sent vide un instant.
La conversation a fait remonté les souvenirs de la période où Charlie a quitté la maison. À cette époque ils étaient seulement deux frères. Les jumeaux étaient petits, Ron venait à peine de naitre. Ça avait été dur de le voir s'en aller. Ce n'était pas dans l'ordre des choses, le petit frère qui partait en premier. Il disait que c'était pour les dragons, Bill avait compris qu'il y avait autre chose dont personne ne parlait. Il n'avait pas saisit la porté déchirante du geste. Est-ce que leurs parents s'étaient senti∙es comme il ne sentait aujourd'hui ?
Il sort de la taverne mélancolique. Une vérification qu'aucun∙e moldu∙e ne regarde, un transplannage et il franchit bientôt la porte de la chaumière. Son coeur est réchauffé de sentir la présence de Fleur au Rez-de-chaussé, de Louis et de Victoire au premier. Il pousse la porte avec un sourire, déposant son manteau en vrac dans l'entrée, là où tout les manteaux gisent.
« Tu rentres tard. lui fait remarquer Fleur.
- Je suis resté boire un coup avec Charlie.
- Il va bien ?
- Comme toujours.
- Et Dominique ?
- Elle s'entend bien avec le nouveau dragonneau, elle l'a appelé Azrael. Elle m'insulte beaucoup.
- Rassures-toi, je suis sûre qu'elle ne parle même pas de moi. »
Si la jeune fille est en froid avec son père, elle a coupé tout lien avec sa mère. La dernière dispute a été celle de trop. Bill ne veut pas y penser, il s'approche de la fenêtre pour contempler la mer qui s'agite dans la nuit. C'est une maison au milieu de nul-part qu'il est heureux d'habiter, il aime le spectacle de l'écume qui se brise et il aime avoir juste à tendre l'oreille pour entendre le bruit des vagues. Sa femme s'approche de lui et passe ses bras autour de son torse pour l'étreindre.
« Victoire a invité Teddy a diné la semaine prochaine. Samedi. Ça te va ?
- À moi oui, c'est à Louis qu'il faut demander.
- La pleine lune tombe jeudi. Il a le temps de se remettre.
- Ce n'est pas à nous de determiner ça. »
Un sentiment de déjà-vu s'empare du couple. Aucun∙e des deux n'a envie de continuer cette conversation.
Fleur dit à Bill que c'est l'heure de diner, de prévenir les enfants.
La chaumière aux coquillages est une maison de bord de mer, décorée comme une maison de bord de mer avec une touche de sorcellerie. Les symboles marins rencontrent les talismans contre farfadets que Victoire déposaient partout quand elle était petite. À l'étage, quatre portes arborent des panneaux de bois blanc sur lesquels des noms sont gravés en écriture d'enfant : Vιcƚσιɾҽ, Lσυιs. Dominique n'a jamais accroché son panneau. On ne savait pas quoi écrire sur celui de Bill et Fleur.
Il dépose le reste de ses affaires sur son bureau puis va toquer à la porte de sa fille, ainsi qu'à celle de son fils pour leurs dire de descendre.
« Je peux entrer une seconde ? » demande-t-il à Louis.
Le jeune homme lui ouvre. C'est un garçon qui a hérité du charme des vélanes mais pas de leurs soin. Cela créait un contraste permanent dans son apparence. Ses cheveux pâles brillent comme du cristal mais s'emmêlent et lui tombent dans les yeux, il porte des vêtements débraillés, toujours tachés de feutres ou de peinture. Sa peau, de nature immaculée, est marquée par endroit de cicatrices. Il y a un nouveau bandage autour de sa main, constate Bill. La chambre est à l'image de l'adolescent, un bazar controlé. Les livres sont soigneusement rangés dans la bibliothèque, mais à l'envers ou laissant voir les pages à la place des tranches. Des dessins magnifiques s'étalent en désordre sur les murs.
« Teddy viendra manger à la maison samedi de la semaine prochaine. Tu seras remis ?
Louis fronce les sourcils.
- Oui papa, je serais remis. Mais je ne serais pas là quand même. J'ai d'autres empêchement que la pleine lune ! Je vais à un concert samedi soir, ça fait des semaines que j'en parle. »
Louis n'est pas un enfant en colère, son caractère sage le rapproche d'avantage de Victoire que de Dominique. Il n'a jamais reproché à Bill sa condition. Il aurait eu de quoi, pourtant.
Quand Bill s'était fait attaqué par un loup-garou sans aucune conséquences sur sa santé mise à part ses cicatrices, il ignorait que la lycanthropie pouvait malgré tout se transmettre à l'un∙e de ses enfants. La famille a été horrifiée de trouver un louveteau dans le berceau du bébé lors de sa première pleine lune. Heureusement, la médicomagie a évoluée, il est aujourd'hui possible de vivre avec la malédiction sans en être trop handicapé∙e. Et des figures de loups-garous positives reconnue dans le monde sorcier telle que celle de Remus Lupin ont aidées à faire changer les mentalités.
On se rassure en se disant que Louis n'a pas une vie aussi douloureuse que ceux des générations passées... mais en faisant cela on nie que sa vie peut-être dure malgré tout. C'est l'une des seules choses qui peut déclencher une dispute entre Louis et sa famille.
Avec Dominique et lui, Bill se sent comme le père le plus malchanceux du monde. Il ne réalise pas qu'il n'est pas le plus à plaindre dans l'histoire. Quand on lui fait remarquer ses maladresses, il se sent stupide, comme ce soir.
« Ne change pas la date pour moi, on a tous des empêchements. Dites à Teddy que je serais content de le voir à Noël. »
Il referme la porte, n'ayant pas l'air de vouloir descendre.
Victoire se tient sur la première marche de l'escalier, la main sur le début de la rampe. Ses longs cheveux clairs dégoulinent jusque dans son dos, elle s'est emmitouflée sous plusieurs couches de pulls. Quand Bill croise son regard elle lui fait un sourire lumineux et demande : « On y va ? » l'air de rien. Et iels descendent ensemble.
✥
La nuit est déjà bien avancée - sans compter qu'il est déjà deux heures de plus qu'en Angleterre - quand Charlie atterri dans la clairière. Les feuilles mortes craquent sous ses pieds et il se crispe de froid. Il a beau avoir l'habitude, c'est toujours surprenant de passer du climat de Londres à celui des bois reculés de la Roumanie. Le souffle des dragons ne tardent pas à le réchauffer. Dans un réflexe protecteur il se précipite vers chacun d'entre eux pour s'assurer qu'ils ne manquent de rien. Vérifier que toutes les tentes et tout les arbres alentours sont sous un sort d'anti-incendie et que les chaines qui retiennent les créatures ne leurs font pas trop mal. Il se revoit tenter de négocier avec ses supérieur∙es pour le bien-être des dragons, argumentant qu'on doit leurs laisser plus d'espace - « un kilomètre pour un dragon c'est comme vivre dans une cabine téléphonique ! » - mais c'était ça ou un zoo. Voir pire. Il est écœuré en pensant à celleux qui s'arrache des vêtements en cuir de dragon pour une fortune.
En jetant un coup d'oeil à Azrael il constate que l'animal a déjà beaucoup grandit depuis la dernière fois qu'il l'a regardé. Il fait maintenant la taille d'un poulain, la couleur de ses écailles a foncés et de petites cornes apparaissent sur le haut de sa tête. Le dragonneau refuse de dormir, perturbant le sommeil de ses parents. Il lui intime de rester calme d'une caresse et s'avance vers sa tente.
Il constate alors que Azrael n'est pas le seul à négliger son sommeil. Dominique s'est installée dans le coin qui sert de salon. Charlie songe que sa mère se mettrait en colère devant tant de désordre. Lui se contente de lever les yeux au ciel.
La jeune fille sent sa présence, lève la tête de son carnet et du téléphone portable posé non-loin pour lancer un joyeux :
« Salut Charlie !
- Qu'est-ce que tu fais debout à cette heure-ci ?
- Azrael est réveillé, alors je suis réveillée. Déclare-t-elle, fière de retourner contre son oncle une phrase qu'il lui a souvent dite. Internet me manque.
Son téléphone est ouvert sur un dessin capturé en ligne qu'elle essaye tant bien que mal de reproduire.
- On essayera de trouver un spot ou la magie ne bloque pas tout la prochaine fois qu'on descendra au village. »
Charlie, n'ayant aucune envie de dormir, s'assoit sur un fauteuil proche de Dominique pour sortir un carnet de sa sacoche et griffonner la fin de ses observations sur la construction du feu à l'intérieur d'un être vivant. Il n'est pas aussi doué en médicomagie animale que ce qu'il aurait voulu mais il s'efforce de comprendre les points les plus indispensables en magizoologie.
« J'ai parlé avec Bill. Dit-il en même temps.
Il voit la main de Dominique se crisper sur son crayon. Mais elle se reprend vite :
- Tu vas me faire la leçon, toi aussi ? J'ai eu des lettres de Victoire, de Lucy et même des messages de Hugo et Roxanne. On dirait que tous∙tes les cousin∙es se sont ligué∙es contre moi !
- Iels s'inquiètent. Iels ne comprennent pas.
- Toi non plus, on dirait !
- Je comprends très bien ! s'emporte Charlie en abandonnant ses notes, fatigué que tout le monde prétende connaitre sa vie mieux que lui, ce soir.
- Non. Tu n'as pas connu l'enfance et d'adolescence vécue dans la peau de quelqu'un d'autre avec le besoin de se cacher, le sentiment d'être différent∙e, la boule au ventre à l'idée qu'on l'apprenne et l'idée de briser ta famille si ça se savait. »
Il ne répond pas, se laissant le temps de se calmer. Lui n'est plus un adolescent depuis longtemps et a entendu toute sorte de choses. Il peut digérer ça sans ressentir le besoin de répliquer. Mais il est tout de même frustré de ne pas pouvoir répondre avec sincérité que si, il sait.
La jeune fille continue, rassemblant ses jambes contre elle :
« Je sais que je fais de la peine à tout le monde en étant qui je suis. Je le lis dans tout les livres moldus qui parle de nous : les parents réagissent toujours mal. Je ne veux pas leurs faire de peine. Iels se sont imaginé avec précision ce à quoi ressemblera ma vie, en dix-neuf ans... et je sais qu'iels n'ont pas imaginé ça. Iels étaient peut-être vraiment heureux∙se d'avoir un fils qui se marierait avec une fille et fondrait une famille. C'est le cycle de la vie, dis-on. Iels étaient heureux∙ses d'avoir fait une personne qu'iels n'auront pas. De lui choisir un prénom que dont je ne veux plus... Je ne suis pas ce qu'iels voulaient. Je suis une personne qu'iels ne connaissent pas. Ça me rend très mal. Je ne veux pas leurs faire de peine. Je ne veux pas qu'iels pensent du mal de moi, je ne veux pas qu'iels se demandent ce qu'iels ont raté pour je sois comme ça. Je ne veux pas voir ce qu'on voit, dans tout ces livres... maintenant que je leurs ai dit je ne peut plus supporter qu'iels continuent de m'appeler par mon prénom de naissance, de me genrer comme avant. Je sais qu'il leurs faut du temps pour s'habituer mais je n'ai pas se temps, moi. J'ai vécu trop longtemps comme ça. Je ne veux pas entendre toutes ces questions, toutes ces remarques qui me feront sentir illégitime alors que j'ai mis tellement d'années à arriver jusque là, à comprendre. Je ne veux pas qu'iels détruisent l'identité que j'ai mis si longtemps à trouver. Je voulais qu'iels ne changent rien. Parce que je suis toujours là même personne. Je n'ai pas changé. Je n'ai jamais été ce qu'iels pensaient, j'ai essayé, ça m'a rendu malade. Je leurs mentait quand je prétendait être un garçon, mais iels préféraient ce mensonge à la réalité... on ne m'avait jamais demandé mon avis. Jamais posé la question. »
Quelques larmes ont dégouliné sur les joues de Dominique. Charlie la laisse continuer, se perdant dans son récit. Ce n'est pas étonnant qu'elle n'arrive pas à dormir si elle garde ça pour elle, tout le temps.
« Je ne trouve pas ça normal d'accepter que depuis que je leurs ai dit et iels ne m'aiment plus. Je suis fatiguée de ces histoires où on montre que c'est tellement dur pour elleux alors que c'est tellement pire pour nous. De penser que nos parents refusent de nous aimer tel∙les que nous sommes vraiment. Qu'iels préfèrent aimer un mensonge plutôt que nous. C'est pour ça que je ne peux pas retourner vivre chez elleux. Iels me poseront des questions auxquelles je ne peux pas répondre. Ils me demanderont pourquoi. Pourquoi ? Pourquoi êtes-vous un homme et une femme, vous ? Comment je compte vivre alors, ce que je compte faire ? Comme tout le monde, me débrouiller. Expérimenter, tomber, me relever, retomber. Mais ses réponses sont toujours moins légitimes quand on refuse d'accepter la vérité. »
Un silence suit. Charlie soupire.
Peut-être qu'à elle, il peut raconter l'histoire ? Il se ravise aussitôt.
« Ta famille t'aime. dit-il à la place. Bill s'est déjà fait aux changements de prénoms et de pronoms. Et le reste de la famille te soutient. Iels ont lutté contre les injustices pendant des années et des années. Surtout pendant la guerre. Et personne n'a jamais eu de problèmes avec Georges et Lee, tu vois bien ! Tout le monde s'en fiche de nos jours. Quand j'étais jeune l'homosexualité était considéré comme une maladie mentale et les autres catégories de personnes n'existaient même pas. Dans votre génération les choses ont évoluées d'une façon qu'on aurait jamais cru possible.
- De l'extérieur, oui. Mais les choses sont encore loin d'être parfaites. Georges et Lee sont peut-être en sécurité au sien de la famille, on ne dit peut-être pas de mal d'eux pendant les réunions au Terrier mais ce n'est pas parce que la famille est cool avec ça que c'est vrai partout. Ce n'est pas parce qu'on ne le dit pas qu'on ne le pense pas. Je suis sûre qu'ils ont peur à chaque fois qu'ils se présentent à de nouvelles personnes, je suis sûre que tout le monde a mis du temps à s'habituer quand ils l'ont annoncé. Et je sais que Roxanne et Fred ont eu du mal à accepter d'avoir deux pères.
Charlie ne peut pas la contredire. Le jour où Georges avait annoncé qu'il était avec Lee, désormais, quelques années après la fin de la guerre, chaque membre de la famille avait eu sa réaction et la plupart n'avaient pas sauté de joie. Il y avait eu beaucoup de surprise. Un sentiment qui peut faire mal dans ses circonstances.
- Mais aujourd'hui tout le monde a compris et ça se passe très bien. Quand on laisse du temps aux gens ils finissent pas accepter.
- Je n'ai pas de temps ! Je n'ai plus de temps à perdre à éduquer, à jouer la comédie, à tolérer les intolérances des un∙es et des autres ! Je veux vivre sans avoir à m'adapter aux injustices. Pour l'instant ma solution c'est de rester ici. C'était la tienne aussi, non ?
- Bonne nuit. » soupire Charlie en se levant.
Il attrape ses bagages pour les emporter jusqu'à ce qui lui serre de chambre, derrière un draps qu'on a dressé pour diviser de la tente. Il se laisse tomber sur le matelas.
Il peut bien laisser Dominique vivre ici encore un temps. Elle dit vrai, lui aussi trouvait un certain réconfort dans l'idée de vivre sa passion loin de tout. Mais ce n'est pas sa passion à elle, de s'occuper des dragons. Et elle ne se rend pas compte à quel point on peut se sentir exclu d'une famille quand on vit loin d'elle.
Chaque fois qu'il revient au Terrier il a l'impression qu'un∙e nouvel∙le enfant est né∙e, que la maison n'a plus la même tête, que les bébés d'hier sont déjà des adultes. À coté il ne semble pas avoir avancé. Il ne regrette pas, il sait qu'il n'aurait pas été heureux avec le même schéma de vie que les autres. Mais parfois un reste de conformisme intériorisé le rattrape et lui demande s'il est sûr, s'il ne serait pas mieux un peu plus comme eux.
Bien sûr c'est différent de Dominique, mais il se souvient de son adolescence. Il se sentait toujours en décalage. Il n'aimait rien de ce qui était à la mode. Il ne s'intéressait ni aux fêtes, ni à sa réputation, ni aux filles. Il voyait ses ami∙es aspirer à une vie d'enfermement, de docilité. Il n'avait aucune envie de grandir et de voir tout ses rêves s'échouer pour se faire remplacer par une routine mécanique, un travail terne, de l'argent sans valeur, une famille sans amour. Aucun intérêt.
Pendant la majeure partie de ses années à Poudlard il avait pensé qu'il devait être cassé. D'autant plus qu'au fil des années, les élèves se préoccupaient de plus en plus de comment gagner sa vie, de qui sortait avec qui, de qui couchait avec qui... ce qui le faisait toujours se sentir très inconfortable.
Il avait longuement tourné en rond, cherchant pourquoi il était tellement à part. Il en était arrivé à une conclusion bizarre qui ne lui convenait pas du tout. Il avait décidé d'en parlé à son frère et meilleur ami, Bill.
« Je n'ai aucune envie de vivre ce genre de vie. a dit Charlie à une heure très tardive où plus personne ne traînait dans la salle commune.
- Hein ? s'était aussitôt inquiété Bill. Pourquoi, qu'est-ce qui ne va pas ?
- Hé bien... tout, en fait. Je n'ai pas envie de travailler dans un bureau tout gris, d'obéir à un patron tyrannique, de ne jamais quitter l'Angleterre. J'ai pas envie d'avoir une grande maison avec une femme et des enfants, un chien et un potager.
- Ça a encore le temps de changer, moi non plus je ne voulais pas tellement ce genre de truc quand j'avais ton âge. En grandissant ça passe.
- Non. Ça passera pas. Je sais que ça passera pas. Je veux voyager, travailler avec des dragons, parcourir le monde. Et je ne veux pas d'enfants. Ni de femme.
- Ok, ok. Rien ne t'empêche d'avoir cette vie là, mais...
- Quoi ?
- C'est un peu radical, tu ne trouves pas ? Je veux dire on dirait que t'es un pèlerin qui va vivre en ermite pour le reste de sa vie. Tu comptes rester juste avec tes dragons pour toujours sans voir personne ?
Charlie avait sentit son coeur se briser un peu. C'est bien ce qu'il s'était dit. Il allait faire de la peine à tout monde. Iels allaient trouver ça triste.
- Je vous aurai vous, et puis j'aurai des ami∙es. Et je ferai quelque chose qui m'intéresse. Je t'assure que je pourrai consacrer ma vie aux dragons.
- Je comprends bien, ça. J'ai remarqué. Tu es passionné c'est génial mais de là à dire que tu va rester... seul.
- Je viens de te dire que je ne serai pas seul ! répéta e plus jeune.
- Tu vois ce que je veux dire. Renoncer à avoir une femme et des enfants...
Charlie a froncé les sourcils et regardé son frère sans comprendre. Comment ça, renoncer ?
- Mais je ne renonce à rien. Je n'en ai vraiment aucune envie.
- Tu ne veux pas de copine ? s'étonna Bill.
- Bah non.
- Pourquoi ? s'étonna-t-il davantage.
- Je sais pas. Je comprends pas ce que vous avez avec l'amour romantique, le... enfin je ne vois pas bien ce que ça vous apporte. Ça fait juste souffrir, c'est une responsabilité en plus, une prison en plus. Pourquoi est-ce que vous ne pouvez pas être simplement ami∙es ? Ça me mets mal alaise toutes ses histoires d'inviter une fille à sortir, de lui offrir des fleurs, de se marier. Ça sonne faux. On dirait que vous jouez des rôles. Même dans les histoires je lève les yeux au ciel quand il y a une nouvelle histoire d'amour. J'attends d'être amoureux, ça ne vient pas. Quand je m'imagine dans ce genre de situation avec une fille que je trouve jolie ça me repousse. Je préfère être seul.
- Tu es timide, c'est pour ça ! Tu as essayé pour de vrai ?
Bill répétait ce que sa tête lui disait à chaque fois.
- Non. Mais j'ai même pas envie d'essayer. »
Le feu avait crépité une fois de plus. Une certaine tension se faisait sentir, sans trop qu'on ne sache pourquoi. Le coeur de Charlie battait à tout rompre, mort de peur.
« Et avec un garçon ? finit par demander Bill.
Charlie s'était beaucoup posé la question, c'était inévitable. Il y avait quelque chose de moins angoissant dans cette idée, peut-être parce que sortir avec un garçon incluait à priori moins de choses romantiques - pas de bouquets de fleurs, pas de mariage. Mais il n'en avait pas envie non plus. Et puis l'idée de tout ce qu'il subirait s'il tentait quoi que ce soit avec un garçon le refroidissait à l'idée d'essayer.
- Pareil.
- Et... sexuellement ?
- Bill ! s'écria l'autre, offusqué.
- Bah quoi c'est un bon moyen de savoir !
- Je ne parle pas de ça avec mon frère. Ni avec personne d'ailleurs. C'est dégueulasse. J'ai quinze ans je suis trop jeune pour penser à ce genre de trucs.
- Pardon ? s'écria l'ainé en écarquillant les yeux. C'est l'âge où on est censé être obsédé par ce genre de trucs ! Tu ne va pas me dire que t'as jamais pensé à ça ? Que t'as jamais eu envie d'une fille ? Que tu ne désir jamais personne ?
- Bah... si ?
Charlie était de plus en plus confus. Une petite voix dans sa tête vint lui répéter qu'il était cassé. Pas normal. Tout ce qui allait avec.
- Je comprends pas. finit par avouer Bill.
- Moi non plus. C'est justement pour ça que je t'en parle. Je commence à me dire que je suis malade. Parce que je suis tout seul à vouloir être comme ça. Et je pensais que ça passerai mais ça fait depuis toujours et ça ne change pas. J'arrive pas à être comme tout le monde. »
Il avait cligné des yeux et laissé échapper une larme. Bill s'était rapproché.
« Désolé, je ne voulais pas te faire pleurer. Je suis pas renseigné sur ça, tu sais. Mais je suppose qu'on aime pas tous la romance ou la sexualité de la même façon. Ça existe les gens qui ne sortent avec personne. Regarde Dumbledore, ou Merlin. Iels ne sont pas forcément malheureux∙ses. Et puis ne t'en fais pas, t'as encore le temps. T'es peut-être juste un peu en retard ? Dans tout les cas je suis sûr que tout va bien se passer. »
Il avait fallut attendre de longues années avant de comprendre qu'il n'était pas cassé et pas seul à ne ressentir ni attirance sexuelle, ni attirance romantique. Et des années de plus pour l'accepter. Comme la vie idéale du parfait sorcier britannique ne lui convenait toujours pas il a accepté le premier emploi de dracologiste qu'il trouvait. Le plus tôt possible. Pour construire sa propre vision de la vie.
Il ne peut en effet pas reprocher à Dominique d'avoir fait la même chose. Fuir pour devenir quelqu'un d'autre - ou plutôt soit-même. Il se promet de le lui dire. Mais pas tout de suite, c'est la semaine avant Noël. Il faut dormir.
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