2.12.09

Mercredi 2 Décembre.

« Je te vois de moins en moins, en ce moment ! »

Ça, c'était la première phrase de Sam quand je lui ai ouvert la porte après qu'elle ait sonné chez moi.
- T'es tout le temps avec ton chéri là, j'en profite que tu sois dispo !, qu'elle a ajouté au moment où je m'écartais de l'encadrement.
J'ai souri et je l'ai laissée entrer : elle avait raison.

On a passé l'aprem ensemble, elle m'a teint les cheveux en rose.
Enfin, c'est pas un rose rose genre rose fuchsia Barbie dégueulasse, c'est plutôt une espèce de rose foncé violine qui tire vers le rouge, je ne saurais pas trop comment décrire mais c'est joli, puis c'est censé partir au bout d'une vingtaine de shampoings. J'avais besoin de changement.

Le reste de notre après-midi entre filles s'est déroulé dans ma chambre, plus ou moins dans le calme. Elle m'a demandé de tout lui raconter, alors je l'ai fait.
D'abord, j'ai commencé par lui expliquer à quel point Loyd était merveilleux et adorable avec moi, elle m'a coupé d'un geste de la main et a dit :
- Non mais ça d'accord j'ai bien compris sinon tu ne serais pas avec lui, mais ce que je veux savoir c'est : est-ce qu'il est réglo ?
- Ben... Oui je suppose que oui., j'ai dit sans trop savoir quoi répondre.
Elle m'a alors fixée avec l'air le plus sévère que je lui ai jamais vu, et m'a dit en pointant un doigt vers moi :
- Tu te protèges au moins ?
J'ai explosé de rire en ayant un mouvement de recul.
- Quoi ?
Elle ne m'a pas laissé finir et a enchaîné :
- Je peux te filer des capotes si tu veux. Il doit me rester une boîte de quand j'étais avec Tim, et vu qu'avec Marta, forcément, on ne s'en sert pas...
À mon tour de la couper d'un geste de la main cette fois.
- Non mais attends Sam, attends. J'ai pas l'intention de coucher avec lui !
- Oh mais tu dis ça maintenant mais tu verras, les hormones ça joue beaucoup., qu'elle a dit d'un air savant.
- Non mais Sam, c'est même pas une question d'avoir envie ou pas, c'est juste que je me sens pas prête c'est tout, je suis trop jeune..., j'ai protesté.
- Et lui, qu'est-ce qu'il en pense ?
Elle s'est roulé une cigarette, j'ai ouvert la fenêtre en grand et fermé la porte à clef pour qu'elle puisse fumer tranquille avant de lui répondre :
- Ben il s'en fiche, il n'est pas avec moi pour ça. Il a dit que si j'étais pas prête il attendrait que je le sois et que c'était même pas la question ; attends meuf ça fait même pas deux semaines qu'on est ensemble en plus.
Elle a aspiré une taffe de sa cigarette, je lui ai dit de faire gaffe et de se coller à la fenêtre pour éviter que ça sente la clope dans la chambre. Ma mère déteste que Sam fume à l'intérieur, mais d'un autre côté c'est ma chambre, c'est mon problème si ça pue le tabac froid. Enfin c'est pas que j'apprécie l'odeur non plus.
Après avoir recraché sa fumée en contorsionnant pour bien le faire à l'extérieur de la pièce, elle a demandé :
- Il a déjà couché lui ?
J'ai secoué la tête négativement.
- Je sais qu'avec son ex ils ont déjà été assez proches, mais jamais jusqu'au point d'être entièrement nus dans un lit et de faire des trucs de nature sexuelle.
Sam a pris un air septique.
Ça me touche qu'elle s'inquiète pour moi, c'est ma meilleure amie, c'est même un peu comme une sœur pour moi ; elle est plus âgée et elle a plus d'expérience sur le sujet, du coup je me sens un peu surprotégée mais d'un autre côté, ça me fait plaisir de voir que je compte pour elle, même si on ne se le dit pas souvent.
- Hum., qu'elle a fait. J'aimerais bien le rencontrer ce jeune homme quand même.
- Viens me voir un soir après le lycée alors., j'ai proposé en haussant les épaules.
Elle a approuvé l'idée avant de me demander mes horaires.
- T'as mon emploi du temps juste là., que j'ai dit en désignant le mur en face de mon bureau d'un coup de tête.
Elle a étudié le sujet tout en s'asseyant en tailleur sur le lit, en face de moi.
- Et sinon ? Raconte moi ce qu'il se passe d'autre dans ta vie en ce moment.

Alors je lui ai raconté.
Je lui ai fait un débriefing de toutes les histoires de cœur du lycée, en essayant d'aller au plus simple.
Ça a donné un discours dans ce style :
- Alors tu vois Sonia – oui la petite qui Vietnamienne pleine de vie avec les tâches de rousseur brunes – oui donc elle, elle est en couple avec un Terminale, Cyril. Blandine sortait avec le pote de ce mec là, Romain, mais ça a cassé un peu avant la rentrée, depuis elle s'est mis en chasse de Charles, tu sais le mec qui lui plait depuis le début de l'année, oh et faut que je te raconte un truc !
J'avais prononcé cette dernière phrase comme si j'allais lui annoncer la nouvelle du siècle, l'accompagnant de grands gestes et de l'écarquillement des yeux typique de la personne qui vient de se souvenir de quelque chose d'important.

C'est ça qu'il y a de génial avec Sam, c'est qu'on ne se voit pas souvent parce qu'on a toutes les deux des vies différentes, on ne s'envoie pas des messages h48, mais dès qu'on se voit on a toujours quelque chose à se dire, nos sujets conversation ne s'épuisent jamais, et on part très souvent dans des fous rires quand on est ensemble.
C'est peut-être ça, la véritable amitié.

Je me souviens d'un soir pendant les vacances d'été, j'ai débarqué chez elle par la porte fenêtre de sa chambre, vu qu'elle dort au rez-de-chaussée, et à peine j'étais arrivée qu'on était déjà en train de rigoler à n'en plus pouvoir respirer, je ne sais même plus à cause de quoi d'ailleurs.
Ça me fait tellement de bien d'avoir une personne comme elle dans ma vie.

Bref, revenons-en au vif du sujet.
Quand j'ai dit « faut que je te raconte un truc » en lui tapant la cuisse pour appuyer mon excitation, elle a pris un faux air choqué en plaçant une main sur son cœur et m'a répondu :
- Oh non mais dingue ! Vas-y raconte-moi !
On a dû attendre cinq minutes, le temps que notre fou rire passe avant que je puisse articuler un mot.
- Sérieusement., j'ai commencé. Elle a repris un air normal, j'ai enchaîné : Lundi – oui ce lundi là oui, on avait tous une pause plus longue à midi, mais genre toutes les classes de Seconde quoi, pas compris pourquoi. Bref, Blandine a proposé qu'on mange à l'extérieur, en ville. On ça voulait dire, tu t'en doutes... Oui Loyd, moi, elle, et Charles. Oui je sais que c'est un prénom de merde, oui. Nan mais Sam si tu me coupes toutes les deux secondes je vais jamais pouvoir finir là.
Nouveau fou rire d'origine inconnue, plus court cette fois ; j'ai continué :
- Donc, après avoir fini de manger, Blandine a proposé qu'on aille se poser à la Grande Place, vu qu'on avait le temps. Y avait un petit rayon de Soleil, il faisait pas trop froid, on s'est posés sur les marches d'un perron dans une rue adjacente. Loyd m'a pris dans ses bras et Blandine s'est rapprochée de Charles de son côté. Ils étaient blottis l'un contre l'autre mais sans pour autant êtres collés de chez collés, enfin tu vois le topo quoi. Du coup Loyd et moi on évitait les démonstrations trop affectives, histoire que ça ne soit pas gênant pour eux, enfin quoi que ça aurait pu leur donner des idées... Bref, on a discuté un petit peu puis Loyd a prétexté devoir aller acheter un truc dans une boutique pas loin, et forcément je l'ai accompagné. On a mis dix minutes à tout casser, et sur le chemin du retour je lui ai dit : « on parie que quand on va revenir, on va les voir s'embrasser ? » « pourquoi tu crois que je voulais m'éloigner ? » qu'il m'a répondu d'un air malicieux. Sauf que au moment d'arriver devant Bland et Charles, rien, le plat total, ils ne se tenaient même pas la main ni quoi que ce soit du genre. Du coup j'ai fait un petit « oh » de déception, et avant même que je puisse me rasseoir Charles a dit : « quoi c'est ça que tu voulais voir ? » et il a attrapé le visage de Blandine pour l'embrasser. Du coup j'ai sautillé intérieurement parce que j'étais super contente pour elle.
Après une brève pause, Sam a conclu :
- Donc elle est officiellement avec lui, ça y est ? Vu qu'avant tu me disais qu'ils avaient l'air d'un couple mais sans l'avoir jamais officialisé...
- Ouaip, un peu comme Loyd et moi quoi., j'ai répondu. Mais je le sens pas ce gars. Charles j'veux dire.
- Pourquoi ?, a demandé Sam en se roulant une nouvelle cigarette.
J'ai haussé les épaules :
- Je sais pas trop, il fait trop... bourge à mon goût. Tu sais que j'ai horreur de juger quelqu'un sans le connaître, mais va savoir pourquoi j'suis vraiment pas à l'aise avec lui. J'ai l'impression qu'on n'a aucun point commun ni aucun sujet de conversation, comme si on venait réellement de deux Univers différents.
- En même temps, ton Univers à toi..., a coupé Sam.
- Oui, admettons., j'ai enchaîné. Mais n'empêche que j'ai l'impression que Blandine et lui c'est voué à l'échec avant même d'avoir commencé, bon après elle fait ce qu'elle veut hein, mais tu sais comme moi que Blandine est plus proche de mon Univers que de celui de ce gars.
Elle a hoché la tête en silence, j'ai ajouté un truc dont je venais de me souvenir :
- Tiens d'ailleurs elle s'est permise de critiquer ma façon d'embrasser récemment.
Sam a froncé les sourcils avant de se lever pour se coller à nouveau à la fenêtre, et de demander :
- Critiquer ta façon d'embrasser ? Comment ça ?
- Ben, la dernière fois on était au foyer avec Loyd, à la pause de 15h, et forcément ben, on était en train de s'embrasser. Blandine est arrivée et a dit un truc du style : « oh mais c'est trop timide comme façon de s'embrasser ça, vous ne vous embrassez jamais vraiment, et pas seulement du bout des lèvres ? » Mais excuse-moi si j'ai pas envie de lui nettoyer la bouche avec ma langue, y a plein de gens autour de nous, la porte du foyer est constamment ouverte donc n'importe quel prof peut passer dans le couloir et nous voir, donc laisse moi embrasser comme j'ai envie d'embrasser, merde.
- Non mais ne fais pas attention., a calmement répondu Sam en recrachant sa fumée. Tu sais comment est Blandine.
- Oui, et tu sais que je l'adore, mais se permettre de faire des réflexions là-dessus...
Dans un grand élan de philosophie, Sam a lancé :
- Tu t'en fiches Jordanne, passe au-dessus, t'es trop susceptible quand tu t'y mets.
J'ai pincé les lèvres, mais elle avait raison. Faut que j'arrête de tout prendre au premier degré et de me vexer pour un rien. Enfin c'est plus facile à dire qu'à faire.

Après avoir écrasé son mégot de clope dans son cendrier de fortune, Sam a relancé la discussion sur un sujet complètement différent :
- Au fait, ça avance vos répètes de musique ? C'est quand le concert déjà ?
- En Mai. Tu pourras venir si tu veux.
- Bah bien sûr que je viendrais, enfin si je peux.
- On en fera d'autres sinon.
- Tu bosses sur quoi en ce moment ?, elle a demandé en désignant ma basse d'un coup de tête.
- Avec les filles on apprend la chanson d'Aloha from Hell que je t'avais faite écouter la dernière fois. Et de mon côté, j'apprends Die, die, die my Darling, de Aiden.

D'ailleurs mon cher Journal, j'ai l'immense honneur de t'annoncer que je t'ai enfin trouvé un nom ! Tu t'appelleras Aiden, en référence à ce groupe là.

Mon journal intime s'appelle Aiden. C'est classe quand même, non ?

Bref, on a continué à discuter musique avec Sam, je lui ai joué quelques notes des morceaux, et on a parlé d'elle.
- Ça va avec Marta ?, j'ai demandé innocemment.
Je sais que parfois, c'est un peu galère entre elles, et puisqu'on était dans les histoires de cœur, autant continuer là-dessus.
- Ouais..., a répondu Sam d'un air que j'ai trouvé peu convaincu. Mais j'ai pas trop envie de parler d'elle, là.
J'ai grimacé en lâchant un « hum », elle a changé de sujet :
- Au fait on devait faire un truc pour mon anniversaire, non ?
- Ah oui, je dois trouver ton cadeau et te faire un gâteau., je me suis souvenue.
- T'inquiète pour le gâteau, m'a rassurée Sam, on mangera des tartines de Nutella avec des bougies dessus.
On a encore explosé de rire en se remémorant toues les après-midis et les soirées qu'on avait passées en compagnie de la bouffe, de notre amitié, et d'un film ou d'une série. Puis j'ai demandé :
- Ça fait quoi d'avoir dix-huit ans ?
Sam a haussé les épaules.
- Bof., qu'elle a fait l'air pas emballée du tout par le fait d'être majeure. Honnêtement ça change pas grand chose. Je sais juste que maintenant, je peux légalement partir de chez mes parents quand je veux, et ça tu vois c'est plutôt cool.
- Tu vas le faire ?, j'ai demandé, même si je connaissais déjà à moitié la réponse.
Elle a hoché la tête.
- Dès que j'ai fini la fac. Enfin en admettant que j'aille jusqu'au bout.

On a fini notre réunion amicale assez tard, elle est même restée manger. Pâtes à la bolognaise.
J'ai pas bossé de la journée, du coup j'ai dit à mes parents que Sam m'avait un peu aidée sur les maths, histoire de les rassurer. C'est à moitié vrai, elle m'a expliqué une méthode que elle avait apprise quand elle était en Seconde, mais je l'ai notée dans un coin sans qu'on s'attarde dessus plus que ça.
Sam adore les maths, même si elle a fait une filière L aussi. Je sais pas comment elle fait. La première fois que je l'ai appris, j'étais tellement choquée.
- Quoi t'aimes les maths ??, que je lui avais demandé.
- Mais oui ! Attends les maths c'est trop facile, surtout quand t'es en L, c'est le meilleur moyen d'augmenter sa moyenne et d'avoir des points d'avance pour le bac !
Parle pour toi, Sam.

Au final, elle est repartie vers 20h30, et je l'ai raccompagnée chez elle en bas de la rue avant de remonter chez moi en traînant des pieds.
Tant pis pour mes devoirs, je les ferais demain aux intercours.
Là présentement, je suis trop fatiguée.

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