19.12.09

          

Samedi 19 Décembre 2009.

Le verdict est rendu.
Mais d'abord, reprenons les choses dans l'ordre.

J'ai tellement mal dormi la nuit dernière que j'ai eu trop de difficultés à me lever ce matin. Ma mère a commencé à criser, forcément. « Ouais, tu vas pas faire que ça de tes vacances » qu'elle a dit ; j'ai pas voulu riposter.
Loyd et moi, on s'est donné rendez-vous en ville à dix-sept heures. Le temps que je me prépare, et c'était bon. Je sais pas pourquoi, j'ai voulu faire un effort, pour une fois. Comme si ça pouvait changer quelque chose après tout...

Après que je sois descendue du tram et que je l'ai rejoins, on s'est embrassés pour se dire bonjour, mais c'était un petit bisou du bout des lèvres genre tout timide, je sais pas trop ce que ça voulait dire à ce moment là, après, j'ai pas voulu en faire trop.
On est partis acheter des bonbons avant de rejoindre le cinéma, comme toujours. C'était comme si rien n'avait changé, pourtant j'avais ce foutu mauvais pressentiment qui persistait en moi, je me sentais toute bloquée.

On a choisi de voir Paranormal Activity. J'étais pas des masses emballée mais pour tout dire j'en avais pas grand chose à faire du film, tout ce que je voulais c'est "qu'on parle ", savoir ce qui se tramait dans sa tête, c'est ça que je voulais.

Juste avant que les bandes-annonces ne commencent, Blandine m'a envoyé un SMS pour demander si elle pouvait m'appeler.
Ça tombait un peu mal, j'avoue, mais vu que ça avait l'air urgent, j'ai dit que oui et je me suis éloignée un peu dans l'allée pour parler tranquillement. Heureusement que la salle de ciné était quasiment vide.

Heureusement oui, parce que j'ai crié un grand « t'as fait quoi ?! » quand je l'ai entendue dire « j'ai couché avec Charles »

On a discuté cinq minutes, je lui ai expliqué que j'étais au cinéma et qu'on se capterai plus tard pour se raconter nos vies en détail, mais je n'ai pas voulu en donner plus justement, des détails.

Quand je me suis rassise, je devais avoir encore l'air choquée de la nouvelle parce que Loyd m'a demandé :
-       Qu'est-ce qu'il y a ? C'était qui ?
-      Blandine., j'ai répondu. Elle vient de perdre sa virginité.
Là, c'est Loyd qui a eu l'air choqué et qui a lancé, étonné :
-       Elle était vierge ?!
J'ai eu un léger mouvement de recul, comme si j'étais outrée. Je l'étais sûrement, en fait.
-       Ben, oui., j'ai dit. Tu croyais quoi ?
-       Non, rien, j'sais pas., qu'il a un peu bafouillé. Enfin, quand tu regardes Blandine, le premier truc qui te vient à l'esprit c'est pas qu'elle est vierge, tu vois.
-       Donc tu fais des raccourcis, en gros., j'ai conclu.
Il a tenté de se justifier :
-       Ben, tu vas pas me dire que... Enfin quand même, Blandine elle fait un peu...
-       Préééjugéééééé., j'ai coupé en chantonnant.

Les bandes-annonces ont commencé après ça. Heureusement, parce que j'avais pas envie d'épiloguer. Ce n'est pas de la sexualité de Blandine qu'on devait parler, après tout.

Je n'étais pas concentrée sur le film. Du tout. En fait, j'avais presque envie qu'il ne se termine jamais, mais si ç'avait été le cas, je serais restée dans l'interrogation pour le restant de mes jours.

Quand on est sortis du complexe, il faisait nuit noire, et la neige s'était remise à tomber. La blancheur des flocons énormes se reflétait dans le lampadaire sous lequel on s'était installés, juste à l'entrée du parking.

Je frissonnais et j'avais pas de capuche ni de bonnet, je me suis vite retrouvée avec les cheveux tout blancs, à frictionner mes bras entre eux pour me réchauffer. Loyd était à une distance raisonnable de moi, j'avais l'impression qu'il n'osait pas se rapprocher. Je me suis appuyée sur le mur, et j'ai posé la question fatidique :
-       Qu'est-ce que tu voulais me dire ?
-       C'est compliqué..., qu'il a commencé, hésitant.
Mon cœur a accéléré d'un seul coup. Comme si le stress avait effacé la sensation de froid, j'ai laissé tomber mes bras ballants le long de mon corps. Loyd en a profité pour m'attraper les mains, comme s'il essayait de me rassurer, pourtant j'ai vu de l'inquiétude dans son regard.
Ses yeux se sont baissés, ses sourcils se sont froncés, et après qu'il se soit éclairci la gorge, il a dit :
-       Je t'assure que je ne fais pas ça de gaité de cœur...
-       Non..., j'ai coupé en soufflant.
Je voyais très bien où il voulait en venir. J'ai quand même matérialisé la question d'une voix brisée :
-       Tu veux rompre avec moi ?
Un instant ses yeux se sont perdus dans le vide, comme s'il réfléchissait, et sa bouche s'est tordue dans une sorte de grimace septique.
-       Ce n'est pas vraiment une rupture...
-       C'est quoi alors ? Un genre de pause ?, j'ai demandé avec un mouvement de recul.
Instinctivement j'ai détaché mes mains des siennes, comme si j'avais voulu l'éloigner le plus possible.
J'ai tout de suite regretté mon geste.
-       Jordanne, c'est compliqué...
-       Alors essaye d'expliquer !, j'ai insisté.
-       Je ne peux pas...
Sa phrase s'est perdue dans un souffle à peine audible. Un bref silence s'est écoulé avant qu'il ne poursuive :
-       Saches qu'en tout cas, tu n'y es pour rien.
-       Et dans deux minutes tu vas me sortir le cliché « ce n'est pas toi c'est moi »..., j'ai maugréé.
Il a lentement nié de la tête.
Je me suis mordue l'intérieur de la lèvre, je savais plus quoi dire. Il a de nouveau attrapé mes mains. Je l'ai laissé faire, j'en avais assez de lutter, je me sentais vidée.
C'est lui qui a brisé le silence.
-       Je t'aime Jordanne, sois en certaine.
Ça m'a achevée.
-       Alors pourquoi est-ce que tu pars ?, j'ai riposté d'une voix brisée en plongeant mes yeux dans les siens.
J'avais la désagréable sensation qu'ils se remplissaient de larmes. C'était sans doute à cause du froid.
-       Je t'ai dit, c'est...
-       C'est compliqué., j'ai coupé. Je sais. J'en ai assez d'entendre cette phrase.
J'ai senti mon portable vibrer dans ma poche, ça m'a sortie de ma torpeur et m'a ramenée, un peu, dans la réalité. J'avais l'impression d'être hors du temps.
J'ai consulté ma messagerie : un SMS de mon père me disant qu'il serait là d'ici dix minutes un quart d'heure. J'ai eu l'impression que ça faisait une éternité.
-       Il va falloir que j'y aille..., a fini par dire Loyd, hésitant.
Par reflexe, j'ai attrapé son poignet avant qu'il n'ait eu le temps de faire le moindre mouvement.
-       Non s'il-te-plaît, reste., j'ai presque imploré. J'ai pas envie d'attendre toute seule dans le froid...
-       Je dois rejoindre des amis en ville, je suis déjà en retard...., qu'il a répondu
Mes yeux se sont baissés, je devais avoir le visage tout peiné, parce qu'il a ajouté :
-       Je suis désolé.
Sans relever la tête, j'ai haussé les sourcils.
Désolé, hein ?
Désolé, ça ne suffit pas.
-       Quand est-ce que tu vas revenir ?, j'ai fini par dire pour faire voler le silence en éclats. Comment même est-ce que je peux être sûre que tu vas revenir ?
-       Je ne sais pas. J'ai des choses à régler, c'est...
-       Compliqué, je sais. Pour la quinzième fois.
J'ai inspiré un grand coup. L'air froid dans mes poumons m'a fait mal. J'avais les cheveux trempés, et les doigts frigorifiés.
Cool, je vais être malade pile pour les vacances. Pile pour Noël.
Loyd a semblé réfléchir et a fini par dire :
-       Je dirais un mois ou deux, grand maximum.
-       Oh, wahoo.
Mon cœur a loupé un battement, mon souffle s'est coupé.
Un mois, c'est long ; deux encore plus.
Qu'est-ce qu'on est censés faire pendant un mois, qu'est-ce qu'on est censés être ? Les questions se sont bousculées dans ma tête sans que je puisse y trouver une réponse.
De toute façon, il n'y en avait pas.
-       Je dois vraiment y aller., a insisté Loyd.
-       S'il te plaît..., j'ai dit sans décrocher son poignet.
À ce moment là, il s'est approché de moi. J'ai cru qu'il allait me prendre dans ses bras ou quelque chose dans ce goût là, mais non.
Au lieu de ça, il a dit « on se reparle plus tard » avec un petit sourire timide, et il m'a embrassée sur le front.

Puis il est parti, et m'a laissée là, transie de froid, à attendre dans la nuit sous la neige qui tombait et redoublait d'intensité.

Alors c'est ça ? Avoir l'impression que son monde s'écroule, que le sol s'effondre sous ses pieds... C'est ça ?

Adossée au mur dans une tempête de neige, juste à l'entrée du parking du cinéma, j'avais l'impression que j'allais tomber six pieds sous terre. Je me serais brisée les deux genoux en atterrissant dessus si j'étais tombée à ce moment là.

Mon père est arrivé quelques minutes plus tard, je n'ai pas décroché un mot de tout le trajet du retour.

En conclusion, mes vacances s'annoncent bien, et la période de Noël, aussi.

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