Chapitre 4 : Le poids des larmes


Kardil connu quelques jours tranquille avec sa mère. Il n'était pas toujours mécontent de l'absence de son frère, il pouvait prendre son dragon, dormir sans être réveillé par des pleurs et pouvait adapter son emploi du temps. Mais malgré ses avantages son père et son cadet lui manquait terriblement, il sentait comme un vide, l'ambiance n'était plus vraiment la même sans eux et il rêvait de pouvoir les embrasser de nouveau. Bien sûr sa mère était là, mais même si il adorait leurs moments en tête à tête cela ne suffisait pas et elle avait bien plus de travail sans Vladis pour la seconder.

Cela ne faisait pas une semaine qu'ils étaient partis que sa mère le leva aux aurores. Elle avait nouée ses cheveux en une queue haut sur son crâne, portait une robe longue que les fentes montant jusqu'à ses cuisses permettaient de dévoiler ses sandales hautes, les manches évasées laissant les épaules nues et au décolleté à jabot dévoilant les pierres qu'elle portait. Kardil la voyait rarement habillée de cette manière.

Dehors il faisait encore nuit quand elle ouvrit les volets.

— Debout ! On a été convoqué au port ! annonça-t-elle.

— Pourquoi ?

— Je n'en sais rien.

Elle semblait préoccupée. Alors Kardil ne protesta pas. Il mangea en silence tandis que sa mère s'agitait. Il se laissa vêtir lui aussi d'une robe longue fendue aux manches évasées. Elle lui noua une ceinture autour de la taille, ordonna ses cheveux avec amour et ils enfilèrent chacun un poncho et enfila un bonnet sur la tête de Kardil. Main dans la main ils rejoignirent le vaisseau e arrivèrent au port en moins d'une heure. Il n'avait rien dit, sentant sa mère extrêmement tendue.

Elle se posa à l'aerogare, soupira la peur au ventre et activa l'ouverture des portes. Ils allèrent de nouveau main dans la main, lui sautillant et chantonnant pendant que celle qui l'avait élevée observait nerveusement les alentours.

En arrivant au port même ol croisèrent des elfes vêtues comme eux, ou en armure, mais également des créatures diverses en tabard et pantalon blanc avec aux pieds des bottes sombres qui claquait sur le sol.

— Qui se sont maman ? interrogea l'enfant.

— Des pacificateurs ! Ce n'est pas bon signe.

Elle s'agenouilla devant son fils alors et le dévisagea avec gravité :

— Écoute-moi attentivement ! Si on te demande tu es un orphelin, mi-fée mi-ange qu'on a recueilli. Tu n'enlèves pour rien au monde ce bonnet sur ta tête et tu restes près de moi. Les pacificateurs pourraient très facilement te reconnaître. Voilà les clefs du vaisseau ! Je les dépose dans ta poche en sécurité. Si je te le dis tu te transportes là-bas immédiatement sans réfléchir, tu t'y caches, t'y enfermes et m'y attends jusqu'à ce soir. Si je ne suis pas de retour... pars chez les elfes. D'accord ?

— D'accord.

L'inquiétude de sa mère était contagieuse. Cette dernière lui fit un grand sourire sincère, ses yeux pétillant de bonheur. Ce serait la dernière fois qu'il en verrait un tel sur son visage. Passant sa main froide sur la joue de l'enfant, elle se releva et serra fort sa main.

Elle rentra dans un bâtiment, s'adressa à l'accueil et on les mena dans un salon où les attendaient des damnés, des lycanthropes, quelques elfes et d'étranges êtres aux yeux jaunes et cheveux brillants.

— Des immortels ! lui expliqua sa mère en soufflant.

A tous elle offrit un sourire cordial avant de s'assoir.

— Qui sont tous ces gens ?

— Des proches de ceux qui ont pris le bateau de papa et Avel.

D'autres arrivèrent. Encore et encore. La salle était pleine.

— Quelqu'un sait ce qui se passe ? demanda un vampire à voix haute.

— J'ai entendu une rumeur sur une épidémie ayant touché le bateau, les survivants seraient en quarantaine ! affirma une voix féminine.

Kardil se blottit plus encore contre sa mère.

— Une épidémie de quoi exactement ? questionna dubitativement une autre. Parce que....

Une elfe aux très longues oreilles s'élevant même au-dessus de sa chevelure châtain et vêtue de la même écharpe que sa mère pénétra dans la salle.

— Véliana voulez-vous bien me suivre ?

Elle se leva, Kardil sur ses talons et lui emboitèrent le pas. La tension dans l'air était palpable. Ils croisèrent de nombreux pacificateurs dans les couloirs, des vampires aussi dans d'autres uniformes.

Ils entrèrent dans un bureau assez sommaire. L'elfe s'assit d'un côté et la petite famille de l'autre. L'inconnue fixa son regard sur Kardil avec insistance, Veliana se justifia alors :

— C'est un enfant que j'ai recueilli !

La suspicion naquit sur les traits de la femme.

— Aux dernières nouvelles vous n'aviez qu'un enfant à charge.

— On l'a recueilli il y a peu.

— Quand exactement ? Et comment est-il venu ici ?

— Ambassadrice je suis ici pour une bonne raison qui n'est pas ce garçon je suppose. Nous pourrons en discuter plus tard si cela vous chante.

— Vous avez raison. Une fâcheuse nouvelle je le crains. Le bateau qu'a pris votre assistant et votre enfant n'est jamais arrivé.

Une main familière écrasa celle de Kardil dans la sienne.

— Où est-il ?

— Pris par les arkasistes.

— Non ! Vous faites erreur ! Ce bateau était bien trop grand.

— Ils ont dû tous s'unir pour le prendre. On l'a retrouvé coulé déjà avec de nombreux corps à l'intérieur.

Veliana ferma les yeux, comme si cela pouvait effacer cette scène, ses mots, les faits.

— Non ! Non ! Ca ne peut pas être vrai.

— Véliana !

— Il doit y avoir des survivants ! Ils vous attendent quelque part. Il faut que vous alliez les chercher.

Et elle éclata en sanglot.

— Oh mon bébé ! gémit-elle. Ce n'est pas possible !

Un immense flot de peine, de chagrin venu de sa mère submergeait Kardil , le recouvrit et l'envahit comme jamais il n'en avait ressenti. Il aurait voulu faire quelque chose mais ne comprenait pas ce qui se passait.

— Maman tout va bien. Avel est avec papa.

Les deux adultes se tournèrent vers lui, sa mère bouleversée et l'autre.... L'autre il sentait sa haine contre lui, sa peur, ses soupçons.

Il ressentit une étrange envie de faire taire tout ça.il n'était pas dangereux.

— Veliana il faut que vous alliez prévenir les autres ! dit l'ambassadrice en ne le quittant pas des yeux.

— Quoi ? gémit sa mère d'une voix rauque et horrifiée.

Tant de peine chez elle, tant de fardeau. Il aurait voulu l'envelopper dans un cocon de douceur.

— C'est votre devoir ! affirma l'elfe fermement.

— Mon devoir ? Je viens juste d'apprendre que mon fils et mon compagnon sont....

Elle ne put finir sa phrase, Kardil sentait toujours cette immense vague de chagrin qu'elle émettait.

— Tout ce que je vais faire c'est rentrer chez moi et faire mon deuil !

— Vous allez rester plutôt ! Les pacificateurs voudront voir le garçon.

Kardil sentit le regard de l'inconnue se river sur lui. Il était froid et cruel. Sa mère se leva brusquement mais d'un geste l'autre l'immobilisa.

— Je vais les appeler immédiatement !

Cette fois le petit-garçon comprenait. Cette femme voulait le vendre, elle faisait souffrir sa mère aussi. Il ne pouvait pas le permettre.

— Ce n'est qu'un enfant ! supplia sa mère.

« Va t'en ! » cria-t-elle dans son esprit. Mais il ne pouvait pas l'abandonner, pas quand elle avait si mal au fond de son cœur.

— Je ne crois pas qu'il devrait vivre.

— Comment pouvez-vous dire cela d'un enfant ?

« Pars au vaisseau et va t'en ! »

— Ce n'est pas un enfant c'est un monstre Veliana.

Un monstre ? Il n'était pas un monstre ! Cette femme était le monstre ! C'état elle qui l'appelait ainsi, elle qui voulait les faire souffrir, elle qui avait brisé le cœur de sa mère.

— Non ! cria-t-il en se levant. Je suis un bon garçon et vous allez libérer ma mère.

Elle tendit la main vers l'appareil de communication il tendit alors la main pour l'arrêter guider par sa peur et sa colère. Elle hurla, serrant sa main contre elle tandis qu'il se sentait mieux que jamais, libre, fort. Il continua alors et elle s'effondra.

— Arrête ! Tu vas la tuer ! s'interposa sa mère.

Sa poigne serra son bras, juste assez pour qu'il n'ait pas mal mais qu'il sente sa force quand même. Il se tourna vers sa mère, bouleversé. Il aurait pu aller au bout. Et le pire c'est qu'il aurait aimé ça.

Qu'avait-il fait ?

Il observa la femme allongée au sol. Peut-être bien qu'elle disait vraie, peut-être bien qu'il était un monstre. Désespéré il se blottit contre sa mère qui l'entoura de ses bras.

— Ne t'en fais pas ! Maintenant il faut qu'on rentre au plus vite.

Elle le porta et le serra fort contre elle puis il sentit un frisson et ils apparurent à la maison.

— Et le vaisseau ?

— On le laisse ! Pas le choix ! Il faut prendre des affaires ! Alors prends le plus important pour toi ! Moi je vais faire de même et on part !

— Et papa et Avel ? Ils vont revenir. On doit prendre des affaires pour eux....

Un sanglot s'échappa des lèvres de sa mère qui porta son poing à la bouche le temps de sa calmer avant de se mettre à hauteur de son fils :

— Mon chéri, papa et Avel ils sont...

Elle ferma ses yeux d'où coulèrent une larme de chaque côté qu'il observa descendre le long de ses joues comme hypnotisé.

— Ils sont partis, lâcha-t-elle en rouvrant ses yeux.

L'attirant contre elle, elle le serra fort en pleurant dans son cou.

— Oui mais ils vont revenir, dit Kardil sûr de lui.

— Non. Non. Ils... Ils sont dans cet autre monde où les dieux ne peuvent plus jouer avec nous.

— Mais non maman je sais qu'on va les retrouver.

— Oui un jour, mais dans très très longtemps.

Elle baissa la tête, pleurant toujours. Kardil lui pourtant sentait au fond de lui qu'il reverrait Avel. Il ne pourrait en être autrement.

— Il faut qu'on s'en aille maman, rappela-t-il.

— Oui, oui. Va dans ta chambre prendre quelques affaires !

Et visiblement plus animée elle se releva et ils avancèrent vers les chambres. Arrivée dans la sienne Kardil se sentit triste. Il aimait cette pièce, il y avait tant de bons souvenirs, il ne voulait pas y renoncer.

Il prit quelques vêtements, sa chemise de nuit, le plus difficile fut de choisir des jouets. Puis il se demanda quoi prendre pour Avel quand il serait de retour. Il prit alors leurs épées et sa peluche favorite en forme de licorne. Il se tourna vers le dragon de son frère, hésitant. Mais il lui semblait qu'il devait rester ici. Il prit néanmoins le livre que son père souhaitait qu'il apprenne en son absence.

Il rejoignit ensuite la chambre parentale où sa mère, allongée sur le lit, sanglotait. S'asseyant à ses côtés il caressa ses cheveux et lui rappela encore :

— Il faut y aller maman !

Tournant vers lui son visage inondé de larme elle caressa ses boucles rouges :

— Je suis navré Kardil mais c'est tellement dur.

— Tu peux le faire ! Prends juste un peu et c'est bon. Moi je l'ai fais regarde ! Et tu es bien plus forte que moi !

— Oh Kardil ça je n'en suis pas certaine !

Mais elle se leva et rejoignit la penderie. Elle serra en sanglotant certaines affaires de son père mais en sélectionna quelques unes. Elle prit également les tous premiers chaussons d'Avel, ce qu'il portait quand il n'était qu'un nourrisson. Ils étaient si petits.

Elle lui tendit ensuite un livre :

— Contes et légendes de Fantastika, lut-il.

— On contait te l'offrir pour tes sept ans mais.... Bon si on prenait quelque chose de papa et d'Avel et qu'on l'enterrait dans le jardin, comme un petit souvenir d'eux.

Cela lui semblait bien alors il courut reprendre le dragon et rejoignit le jardin toujours couvert de neige, maman arriva en serrant entre ses doigts un simple ruban. Un ruban coloré qu'il avait déjà vu son père arboré quelques fois accroché à sa robe quand il sortait pour quelques cérémonies.

Ensemble, les doigts nus, ils creusèrent deux petits trous, sa mère pleurant à chaude larmes, leurs doigts rougissant et brûlant de froid. Ils n'étaient pas profonds mais cela leur suffisait. Elle les enroula chacun dans un vêtement et les disposa dans les trous.

Agenou dans la neige ils les contemplèrent un moment, en silence, serré l'un contre l'autre. Ils songèrent à tous ces moments passés ensemble, aux éclats de rires, aux colères, aux pleurs. Tous ces moments qui avaient fait d'eux une famille, tous ces moments envolés et partis à jamais.

Alors sa mère éleva ses deux mains, les deux trous se creusèrent plus profondément et de la terre et des racines les recouvrit jusqu'à que des petites fleurs bleus recouvrit l'un des trous et des vertes sur l'autre. Elle se leva et posa la main sur l'épaule de Kardil :

— Il est plus que temps d'y aller.

Main dans la main ils rentrèrent dans la maison, firent flotter jusqu'à eux leurs affaires. Une dernière fois ils observèrent cette maison où ils avaient été si heureux. Sa mère défit son écharpe d'ambassadrice qui tomba au sol et ils disparurent.



A l'aérogare de la ville Veliana prit deux billets et ils montèrent dans la cabine d'un vaisseau. Elle s'assit à une fenêtre le regard triste, il s'installa sur ses genoux à la fois triste de dire adieux à cette vie mais aussi excité par la vie nouvelle qui s'approchait.

Au bout d'un moment le vaisseau décolla. Ils quittaient le pays, la vie de famille, tout ce qu'ils avaient aimés et connus. Sa mère le serra et pleura de nouveau le visage collé contre son crâne, laissant tomber ses larmes dans la chevelure de Kardil jusqu'à ce que les larmes se tarissent pour un moment. Il sentit en frissonnant les goutes qui glissaient sur lui, tandis que le chagrin de sa mère le submergeait et le glaçait jusqu'au fond de son cœur. 

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