Chapitre 2 : Une famille au lourd secret
Pour la sécurité de Kardil, Vladis partit chez le frère de son ancien patron, chez les fées, bénéficier de sa protection. Ce dernier ne voulait que protéger son neveu et accepta avec joie de les accueillir. De son côté Véliana envoya une requête auprès de l'ambassadeur principal des elfes pour être muté dans l'empire vampirien. Vladis et elle avaient longtemps débattu à propos de quel pays serait plus amène de les accueillir avec Kardil en toute sécurité. Ils avaient fini par tomber d'accord sur les vampires. Ces derniers étaient des créatures solitaires et nocturnes, ce qui assurait à la petite famille de ne rencontrer que peu de gens et de pouvoir garder le nourrisson à l'abri des regards.
Sa requête lui valut d'être rappelé au pays, comme elle s'y attendait. Véliana était douée, travailleuse et de bonne famille, ce qui pouvait lui faire espérer d'obtenir un jour le poste d'ambassadrice principale, alors elle ne pouvait pas vouloir s'enterrer chez les vampires. Pourtant elle le confirma bien à son supérieur.
— Mais pourquoi ? Vous avez du talent Véliana ! D'ici quelques années vous pourriez prendre ma place.
— J'en suis consciente mais j'ai besoin de m'isoler, de réfléchir à ce que je veux vraiment, prétexta-t-elle.
— Eh bien prenez quelques mois de congé, une année sabbatique mais ça ?
— Vous reconnaissez que je suis douée, alors envoyez-moi là-bas au lieu de me perdre.
— Je ne m'y opposerais pas mais je veux être sûr que ce n'est pas une décision prise à la légère. Être ambassadrice là-bas n'a rien à voir avec le métier que vous connaissez.
— Je suis consciente de tout cela. D'ailleurs j'aimerais avoir Vladis comme assistant.
— Vladis ? L'assistant de Karil ?
— Oui. Il est très efficace, il me sera très utile, surtout qu'on s'entend bien.
Son supérieur la regarda longuement, essayant sans doute de comprendre les raisons de toutes ces décisions, mais renonça en n'y trouvant aucun sens.
— Je n'ai pas d'objection, si c'est ce que vous désirez vous recevrez votre nouvelle affectation dans le mois.
— C'est ce que je veux.
Elle s'inclina devant son supérieur et repartit rapidement, elle avait hâte de retrouver le bébé.
Effectivement une nouvelle affectation arriva rapidement pour Velyna et Vladis. Comme le voulait la tradition elle se présenta seule à sa nouvelle ambassade. Le jeune homme qu'elle remplaçait était des plus enthousiastes de quitter ce pays aussi mort et fut des plus heureux de lui faire un rapport sur son emploi du temps, de lui faire visiter les lieux de lui présenter les autres ambassadeurs et l'empereur. Elle fut tout aussi sympathique avec lui, lui souhaitant une affectation plus trépidante.
Vladis et le nourrisson la rejoignirent très rapidement et commença pour eux une vie nouvelle et les meilleurs moments qu'eux trois ne connaîtraient jamais.
Ils élevèrent Kardil comme s'il fut leur enfant. Ils apprirent aussi à se connaître, s'apprécier et s'aimer. Kardil avait deux ans quand ils lui offrirent alors un petit frère nommé Alvel. Leur fils adoptif fut plus qu'heureux de voir un nouvel enfant dans la famille et fut un grand frère attentionné. Il était heureux, il avait deux merveilleux parents mais ne connaissait personne d'autres et cette solitude commençait à le peser, alors l'arrivée d'une nouvelle tête l'enchanta.
Quand Alvel commença à pouvoir être un compagnon de jeux il commença alors à remarquer qu'il était différent.
Un matin, alors que son père jouait avec eux à l'étage, comme à chaque fois que sa mère recevait des gens, il lui demanda :
— Pourquoi j'ai des ailes papa ?
— C'est comme ça. C'est normal ne t'en fais pas.
— Mais Alvel, maman et toi vous n'en avez pas. Est-ce qu'elle pousse plus tard et tombe quand on devient adulte ?
— Non ! Mais c'est une très longue histoire ! Que je ne te raconterais que dans quelques années.
Et il n'eut pas d'autre choix que d'accepter cette réponse pour l'instant. Et quand il put commencer à jouer avec Alvel il ne s'en préoccupa plus vraiment. Il avait découvert alors avec joie qu'on pouvait se battre avec deux épées, faire la course, ou faire rire son petit frère tout simplement en animant ses dessins. Ils appréciaient aussi jouer à celui qui se transporte le plus loin ou celui qui crée la plus grosse chauve-souris surtout que Kardil gagnait toujours. Ce dernier adorait Alvel, bien plus qu'on aime un frère et celui-ci ne supportait pas non plus d'être séparé de son frère.
Cela arrivait pourtant. Alvel lui avait le droit de sortir, d'aller aux goûters des autres enfants d'ambassadeurs et même parfois d'accompagner sa mère à certaines réceptions. À chaque fois, Kardil espérait que ce serait à lui qu'on demanderait de venir, mais cela n'arrivait jamais, malgré les pleurs, les cris, les supplications ou les colères. Sa mère se contenter de le serrer fort contre elle, le visage désole, et son chagrin le frappait comme un poing en plein ventre. Et il regardait son frère avaler une étrange potion et partir avec sa mère, beau et bien habillé.
Parfois, si le temps le permettait, pour le distraire, son père l'emmenait en pleine forêt se promener.
— Ce n'est pas juste ! se plaignit-il en chutant dans les fleurs bleues un après-midi.
— Je sais mon chéri.
— Alors pourquoi je ne peux pas y aller non plus ! cria-t-il.
Son père soupira.
— C'est comme ça. C'est pour ton bien tu sais. Un jour tu comprendras.
— Mais...
— Si tu grimpais dans cet arbre ?
— D'accord, accepta-t-il avec un grand sourire, sa joie aussitôt revenue.
Car il aimait plus que tout être en hauteur, il montait partout et il adorait particulièrement escalader les branches des arbres. Une fois assez haut, il sauta jusqu'à une autre branche d'arbre sous les applaudissements de son père. Il continua ses sauts, jusqu'à voir une branche particulièrement éloignée, il sauta sûr de lui, il allait y arriver. Pourtant, sans qu'il sache pourquoi, alors même qu'il sautait, la panique le saisit et manque de le faire chuter. Il se rétablit à l'aide de ses ailes et comprit que ce sentiment venait de son père.
Il baissa les yeux vers lui. Effectivement il était blême. Le petit garçon pensait qu'il avait eu peur pour lui, à cause de son saut, mais un ordre envoyé par télépathie lui apprit le contraire.
— Cache-toi tout de suite, rends-toi invisible et surtout ne fais aucun bruit !
Il obéit et se cacha au milieu du feuillage d'un arbre, son père approuva discrètement en sortit son zippeur, sur lequel il tapota fébrilement, de manière à donner l'impression qu'il envoyait un message. Une femme étrange débarqua alors. Habituellement ils ne croisaient personne, les vampires ne pouvant supporter le soleil, ils dormaient la journée, alors il se pencha curieux pour l'observer. Elle avait des oreilles rondes comme il n'en avait jamais vu et des ailes semblables aux ailes de chauves-souris. Elle échangea un salut avec son père et continua son chemin. Ce dernier poussa un long soupir soulagé quand elle fut loin et lui dit :
— Tu peux sortir !
— Qui c'était ? demanda le petit garçon en réapparaissant.
— Une damnée, répondit-il en reprenant le chemin de la maison.
— Tu la connais ?
— Non.
— Alors pourquoi j'ai dû me cacher ?
— C'est comme ça ! Viens ! Il est temps de rentrer.
Il allait protester qu'il venait tout juste de sortir mais il sentait que son père n'était pas d'humeur à discuter.
— Maman est-ce que les damnés sont dangereux ?
Véliana qui bordait son plus jeune fils se tourna vers Kardil et son étrange question.
— Non mon chéri quelle question !
— Ils ont l'air terrifiant, commenta-t-il.
Sa mère s'assit à côté de lui et posa sa main sur la poitrine de l'aîné pour le rassurer
— Eh bien ce sont des créatures qui pourraient te faire du mal, mais elles sont trop bien élevées pour cela.
— Mais s'il y en qui le sont pas ?
— Ne t'en fais pas ! Aryar est là pour nous protéger, les dieux veillent sur nous et la magie nous permet de nous défendre, surtout toi qui es très puissant. Personne ne pourra jamais rien te faire.
— Alors pourquoi papa a pas voulu que la damnée me voit ce matin ?
— Kardil, il faut que tu saches que tu es un garçon très spécial. À tel point que la plupart des gens auront peur de toi et voudront te faire du mal, mais ils ont tort mon chéri. Être spécial ce n'est pas être mauvais.
— Qu'est-ce que j'ai de spécial ?
— Tu as de grands pouvoirs.
— C'est pour ça que j'ai pu sentir la panique de papa ?
— Tu es sûr de ne pas l'avoir juste vu ?
— Non je ne le regardais pas. J'étais concentré sur mon saut et ça m'est tombé dessus.
Il sentit l'inquiétude de sa mère derrière son sourire, mais ne dit rien.
— Dors ! Ne te préoccupe pas de ça pour l'instant. Tu auras tout le temps de le faire bien assez tôt !
Elle déposa un baiser sur son front et quitta la chambre sur la pointe des pieds.
Quand Alvel eut trois ans, leur père ne les rejoignait plus pour jouer mais pour des leçons. Après seulement ils jouaient ensemble. Il apprenait à ses deux garçons à lire, à écrire et à compter. De plus, chaque matin, leur mère leur enseignait la magie et s'assurer avant de les mettre au lit que la leçon avait bien était assimilé. L'aîné des garçons découvrit qu'il était fort, plus que sa mère. Chaque exercice lui venait instinctivement. Et à chaque fois il sentait l'inquiétude de ses parents dissimulée sous des sourires et des applaudissements.
Alors un soir il se décida. Il aurait des explications. Quand après les avoir couché ses parents s'éclipsèrent en bas comme à l'accoutumé pour travailler, il attendit que son frère s'endorme. Mais comme si ce dernier l'avait deviné, il restait éveillé.
— Il faut que tu dormes Alvel !
— Je n'y arrive pas ! Pourquoi tu veux tellement que je dromes ?
— Il faut que je parle à papa et maman.
— Moi aussi alors !
— Non ! Il faut que j'y aille tout seul ! C'est des histoires de grand !
— T'es même pas un grand !
— Plus que toi !
Son frère lui envoya un livre dans la tête et rit quand il le percuta
— C'est ta punition pour dire des bêtises
— Je suis peut-être pas un grand mais ça me concerne !
— Alors moi aussi !
— Ils ne me diront rien devant toi !
— Pourquoi ?
— Parce qu'ils te prennent pour un bébé ! Ecoute, laisse-moi y aller ! Je te raconterais tout après !
— Pour de vrai ?
— Pour de vrai, promit Kardil en enfilant sa robe de chambre.
Son frère se mit à gémir
— Je ne veux pas dormir tout seul.
— Alors attends-moi !
— Mais si les monstres de la nuit ils viennent voler mon âme ?
— Je te mets un peu de lumière, ça leur fait peur !
L'aîné créa une boule bleu irradiant de lumière qui se mit à flotter dans la chambre.
— Bonne chance, souffla Avel.
Avec un sourire son frère quitta la pièce sur la pointe des pieds.
Kardil n'avait jamais eu le droit d'aller en bas. C'était là où travaillaient ses parents, là où ils recevaient leurs invités. Alors le petit garçon avait imaginé le tout telle une grande salle du trône, comme dans les contes, mais en passant la porte interdite il tomba sur un couloir menant à un hall chaleureux et coloré. Il passa sous l'arche menant à la pièce voisine, pièce spacieuse où attendaient plusieurs comptoirs. Ses parents étaient assis derrière l'un d'eux et discutaient :
— On ne pourra pas l'enfermer toute sa vie ! déclara sa mère. Et il a besoin de se sociabiliser aussi !
— On a encore le temps !
— Justement ! Ce n'est pas quand ce sera trop tard qu'il faudra agir !
— Oui mais est-ce qu'il sera en sécurité là-bas ? Peut-être qu'on devrait demander à son oncle où sa mère de tâter le terrain avant de débarquer et de nous le voir arracher.
— Je sais bien, dit sa mère en se levant, mais tu sais comme...
Elle venait de passer devant lui, son regard semblait surpris, apeuré.
— Qu'est-ce que tu fais là ? On t'a déjà dit de ne pas descendre ! gronda-t-elle.
— Il faut qu'on parle ! proclama-t-il d'une voix sérieuse qui ne tremblait pas malgré la peur en entendant le ton de sa mère.
— Quel ton autoritaire ! se moqua son père.
— Vladis ne l'encourage pas !
— Je suis sérieux ! protesta l'enfant.
— Et maman et moi aussi quand on t'a donné cet ordre. C'est dangereux pour toi de rester ici.
— Mais... Je veux la vérité ! Je sais bien qu'il y a quelque chose chez moi qui vous fais peur, que je suis différent. Je veux comprendre c'est quoi et pourquoi ! J'ai le droit de savoir !
Ses parents échangèrent un regard, puis en soupirant sa mère s'accroupit devant lui :
— Mon chéri ce n'est ni le moment, ni l'endroit pour en discuter. Mais sache que papa et moi on n'a pas peur de toi. On a peur pour toi.
— Véliana quelqu'un vient !
Elle se releva paniqué.
— Dans ta chambre ! Vite ! Transporte-toi ! ordonna sa mère. Et ne bouge plus !
Devant leur panique, il ne put qu'obéir. Dans la chambre son frère dormait à point fermé, il fit donc disparaitre l'orbe, et se coucha à son tour en se demandant ce qui pouvait tant terrifier ses parents.
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