Mes vêtements flottent autour de moi dans la noirceur du lac. Je sens mes cheveux bouger au gré de mes seuls remous, car autour de moi, il n'y a rien à part ce liquide sombre et pourtant transparent dans lequel je me trouve. Mes chaussures sont remontées avec mon écharpe fétiche en laine bleue vers la surface. Je les aperçois vaguement à travers mes cheveux qui sont eux en train de flotter au-dessus de ma tête. 

Je n'ai pas choisi de sauter dans cette grande étendue d'eau sombre et sans vie. On m'y a forcé, obligé, poussé. Des mains gantées de noir m'ont heurté pour me faire tomber. Des mains qui ressemblaient à celles d'un fantôme, comme si elles existaient, mais qu'elles s'effaçaient en même temps.

J'ai voulu résister. Mais je suis brutalement tombée de la falaise et, à cause de la surprise due à ma chute vertigineuse, je n'ai pas eu le temps de prendre ma respiration. Mon corps meurtrit à percuter l'eau violemment. Mes pieds se sont pris dans la vase et je sens maintenant mes jambes qui s'enfoncent peu à peu dans cette substance visqueuse. Je suis dans l'eau depuis sans doute trente secondes et, malheureusement pour mes poumons fragiles, je ne suis pas prête de remonter. 

Je n'ai plus la force de retrouver la surface qui s'éloigne doucement de mon regard. Mon corps se vide peu à peu de toute énergie et, je ne pense presque plus tant dis que l'oxygène se fait rare. C'est une sensation étrange de ressentir ce relâchement, cette délivrance alors que la chaleur me quitte. La lune est pleine et je me dis que c'est une bonne soirée pour mourir. Elle me rappelle une vieille histoire, une vieille légende. Mais je ne sais plus laquelle. C'est bizarre, j'ai l'impression que mon cerveau se déconnecte petit à petit.

Alors, j'attends. J'attends dans l'eau glacée. Je ne sais pas ce que j'attends. Peut-être, je ne suis pas sûr, mais au fond de moi, je veux vivre. Mais la mort tarde à venir me chercher. Cela doit bien faire plusieurs minutes que je suis sous l'eau et pourtant, malgré mon corps gelé, malgré mes poumons vides, je reste en vie. Je ne sais pas pourquoi.

Soudain, une lumière aussi vive que le soleil m'éclaire et s'enroule autour de moi. Cette lumière me réchauffe peu à peu. Elle semble presque vivante. Elle me chuchote des choses étranges, des choses folles et impossibles. Elle semble venir de nulle part et être hors du temps. Soudain, je suis prise de spasmes violents et mes poumons se remplissent brusquement d'oxygènes. Pourtant, je suis toujours sous l'eau. Et la lumière continue de me réchauffer ; mon corps brûle maintenant. La chaleur ne s'arrête pas et je sens l'eau autour de moi rentrer en ébullition. Les chuchotements augmentent et percent mes tympans. 

Je crie de toutes mes forces sous l'eau pour exprimer ma rage et ma douleur. Mes poumons se vident à nouveau. Mais l'eau devient toujours plus chaude. Je suis alors de nouveau prise de spasmes cette fois moins violents qui, pourtant, me font ressentir une forte douleur au niveau du thorax, car, je les sens prêt à exploser et mon cœur prêt à imploser sous la charge de travail que je lui impose. Je me débats alors en essayant de m'éloigner du ruban lumineux qui m'encercle et soudain, alors que je m'apprête à nager de toutes mes forces vers le rivage. Une voix retentit.