Chapitre 6: Alicia.
-Alicia! Réveille toi! cria une voix enfantine.
Léana me regarde d'un air boudeur, les bras croisés sur son ventre. Quand elle remarque que j'ouvre les yeux, elle affiche une mine joyeuse.
-Ah, enfin! Dépêche toi de te préparer, il est déjà midi, me dit-elle.
C'est la première nuit ou je ne fais pas de cauchemar. Je me sens tout de suite mieux, comme si j'avais un poids en moins sur la poitrine. Je suis plus reposée, mes membres ne sont plus engourdis. Lorsque je me regarde dans le petit miroir de la tente, je vois que je vais mieux. Les cernes immenses qui étaient sous mes yeux ont presque disparues, mon teint est un peu moins pale. Mes joues sont toujours creusées par le manque de nourriture, mais j'ai une bien meilleure mine. Je prends une grande inspiration, des larmes coulent, mais ce ne sont pas des larmes de tristesse; c'est l'espoir de retrouver un bonheur perdu. Je sors de la tente et me dirige vers la rivière.
Je fais un brin de toilette à la va vite à l'aide d'un gant, puis me coiffe. Mes cheveux sont fourchus, il faudrait que j'arrive à les couper moi même. Je pars prendre un élastique que j'attache au niveau de mes épaules. J'ai un couteau dans ma main, je me demande si je ne devrais pas dire à Jade de le faire. Je finis pas le faire, la lame glisse dans mes cheveux et je vois des mèches blondes tomber à terre. Je regarde mon reflet dans l'eau de la rivière, le résultat n'est pas très droit; c'est correct tout de même. Cela fait bien longtemps que je n'ai pas eu les cheveux coupés aussi court, je les ai toujours eu à la taille; désormais, ils sont aux épaules. Je ne sais pas vraiment pourquoi j'ai voulu qu'ils soient si courts, sans doute parce que j'avais besoin de changer un peu.
Je repars ensuite au camp, tout le monde s'est réunis autour du feu. Rose est en train de parler, je m'approche pour mieux entendre.
-...Nous n'avons pas le droit de rester cacher indéfiniment dans ces forêts. Il va falloir nous battre, nous battre pour la liberté, pour avoir le droit de vivre comme nous le souhaitons. Il faut tout d'abord s'organiser, nous sommes peu nombreux, la première étape sera de rassembler tout les sorciers susceptibles de nous aider. Ensuite viendra le temps des attaques et des renseignements. Nous allons enquêter sur l'ennemi, il faudra attaquer les postes de custodias, mais aussi se battre contre notre propre peuple. Vous devrez peut-être affronter votre famille, vos amis, vos anciens collègues de travail ou voisins. Nous allons rentrer en guerre, ne l'oubliez jamais. Ne perdez pas espoir, nous les vaincrons. Un jour nos clans serons unis, nous vivrons en paix, je vous l'assure. Je ne serais peut-être plus de ce monde pour voir cette merveille accomplie, mais je veux un avenir meilleur pour tout les jeunes. Les purpuras gagnerons!
Nous sommes tous en train de l'applaudir, même moi. Des personnes se mettent à crier, à scander des phrases de rébellion. Rose se tient droite, un immense sourire aux lèvres. Elle ordonne à la foule de se calmer, le bourdonnement cesse petit à petit.
-J'ai une grande nouvelle à vous annoncer. Certains sont déjà au courant, mais avaient l'interdiction d'en parler. Vous avez presque tous entendu parler des colliers, ces fameux colliers magiques qui permettraient de pouvoir se toucher. J'ai l'honneur de vous dire que nous les avons trouvés!
Des gens hurlent, pleurent de joie. Je vois des dizaines de personnes se regarder intensément. Rose fait un signe à Emelynne et une autre femme d'âge mur. Elles avaient déjà commencé à reproduire les colliers. Je me décide à aller les aider, Justin arrive quelques secondes plus tard.
-Tu... Tu t'es coupée les cheveux? me demanda-t-il, incrédule.
-Oui, ça te pose un problème? lui répondis-je agressivement malgré moi.
-Non, ça te va bien. Tu es toujours aussi belle.
Il baisse les yeux et commence à aider les autres. Je ne sais pas quoi répondre, donc je ne dis rien. Nous emmenons les colliers jusqu'à Rose ensemble. Elle est en train de commencer à les distribuer, les personnes se mettent en rang et attendent patiemment leur tour. Ils ont tous des mines réjouies, certains ont encore les yeux rouges et les joues humides. Je porte la main à mon cou, je touche mon propre collier. Nous avons tous fait pour les avoir, au péril de notre vie, et j'ai tout gâché. Justin essai de me parler, mais je ne l'écoute même plus, je l'agresse à chaque fois. Je ne suis qu'une égoïste, je ne pense qu'à moi. Je m'éloigne pour me sentir mieux, tout en sachant qu'il en souffre. Je sens les larmes monter, ma gorge se serre. Je cours dans les bois avant que quelqu'un ne me vois.
Je me suis adossée à une pierre recouverte de mousse verte claire. Je me sens un peu mieux, mes larmes ont cessées. Je m'apprêtais à repartir lorsque j'entendis des pas.
-Il ne faut pas que les autres l'apprennent, Rose ne le permettrait pas. Elle veut que nous restions tous dans la colonie, d'après elle, c'est trop dangereux de repartir.
-Je ne sais pas, j'ai envie de revoir notre famille, mais elle a raison, ça pourrait mettre notre vie en danger.
-Et alors, ta famille n'est rien pour toi?! Tu veux les abandonner alors que ce sont eux qui t'ont tout donné?!
Il y a deux femmes, l'une est plus agée que l'autre, plus autoritaire. J'attends qu'elles reprennent leur conversation. L'une d'elle souffle bruyamment, je l'entends jurer.
-Écoute moi bien Emma, je pars, avec ou sans ton autorisation, je n'en ai rien à faire.
-Je ne vais pas venir, je suis désolée. Je te promets que je ne dirais rien. Tu es ma soeur et je t'adore, alors fais attention à toi, je t'en supplie. Tu vas me manquer Rebecca.
-Toi aussi, mais je reviendrais, ne t'inquiètes pas pour ça. Prends bien soin de toi petite soeur. Maintenant rentre au camp, j'ai besoin de réfléchir un peu, seule, ici.
-D'accord, à tout à l'heure.
Il faut que je sorte de ma cachette, elle pourrait peut-être m'aider. Je me lève lentement, je suis dos à elle. Je me racle la gorge.
-Qu'est ce que tu fais là?! s'écria-t-elle.
-Excuse moi, je vous ai écouté. J'ai besoin de savoir où tu vas, j'ai vraiment besoin de revoir ma famille.
-Je ne t'emmènerai pas avec moi, même si tu veux aller au même endroit que moi, c'est compris? me menaça-t-elle en s'avançant.
-S'il te plait, il faut que je les revois. Ma tante s'est fait tuer, il faut que je leur dise. J'ai aussi une petite soeur à qui je tiens beaucoup, il faut que je la vois.
Elle parut hésiter quelques instants, ses yeux se perdants dans le vide.
-Je vais réfléchir, j'accepterais peut être. Je pars en Italie, et vu ton accent je suppose que c'est là que tu veux te rendre aussi.
-Effectivement, quand pars tu?
-Dans la nuit de demain. Je sais que c'est tôt, mais c'est comme ça. C'est quoi ton nom? me questionna-t-elle.
-Alicia, et toi c'est bien Rebecca?
Elle hoche la tête. Elle doit avoir tout juste la vingtaine, mais son visage crispé en permanence la vieillit. Elle est vraiment maigre, ses pommettes sont creusées. Elle a un nez très fin, et un teint aussi pale que la neige. Ses yeux gris me confirment que c'est bien une sorcière du feu.
-Tu dois faire tes adieux à quelqu'un? m'interroge-t-elle.
-Oui...Enfin non, je vais leur faire une lettre.
-Il y a un garçon?
-Oui, mais c'est compliqué en ce moment._dis-je en rougissant.
-Je t'ai souvent vu te disputer avec lui, un certain Justin, je me trompe? Un des petits fils de Rose.
-C'est bien lui.
-Ça a l'air d'être un gars bien, je l'ai souvent vu essayer de te remonter le moral, dit-elle en me regardant sévèrement.
Sa phrase retentit à mes oreilles comme une accusation; c'est ce que c'est d'ailleurs. Chacun de ses mots remuent le couteau dans la plaie, me fait sentir encore plus mal que je ne le suis déjà. Je parlerais à Jade de mon voyage, je lui dirais de veiller sur Léana. Quant à Justin, je lui laisserais une lettre, je pense que ce sera plus simple pour nous deux.
-Prépare tes affaires pour le voyage, je m'occuperai de voler un peu de nourriture. A demain.
Elle tourne ensuite les talons et part en direction du camp, me laissant seule ici.
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