Chapitre 10: Alicia.


-Lève toi, on doit partir, me dit Rebecca de sa bonne humeur habituelle. 

J'ouvre les yeux et me lève avec difficulté. Je me lave à la va vite au bord de la rivière.
   
-Est-ce que l'on va manger aujourd'hui? demandai-je, sentant mon ventre émettre un long grognement.

-Évidemment que non, on s'est déjà bien assez nourri hier, répondit-elle en me toisant de haut.

Je jure à voix basse, j'ai tellement faim. Cela fait plus de deux semaines que nous sommes partis, je pensais que l'on s'habituerait à cette sensation qui me déchire le ventre. Je me sens faible, j'ai maigris de façon considérable. Je n'ai que de la peau sur les os. Heureusement que je n'ai pas de miroir; mon reflet me ferait peur.

Justin me manque de plus en plus. J'ai tellement envie de lui parler, de m'excuser. Je me sens seule, si au moins Rebecca me parlait, cela nous passerait le temps. J'ai envie de l'étrangler à chaque fois qu'elle me parle. Elle me considère comme une gamine de quatre ans, ce qui a le don de m'exaspérer. Je fais ce qu'elle me dit car c'est grâce à elle que je vais revoir ma famille. J'aimerais vraiment lui dire ce que je pense de sa façon de me parler, et ce n'est pas l'envie qui m'en manque. La seule chose qui me fait tenir, c'est que je vais revoir Lucille; je suis euphorique à chaque fois que j'y pense. Ils me manque vraiment, mes frères aussi. Je ne suis pas très proche d'eux, mais je les adore quand même.

Les jours passent, l'angoisse grandit en moi. J'ai peur de ne pas arriver en Italie. Nous traversons maintenant des villes, toujours la nuit. Aucun custodias ne nous a repéré, mais nous, nous en avons vu plusieurs. Je vois les armes accrochées à leur ceinture. Quand je pense à ce qu'elle peuvent faire, je sens des sueurs froides glisser tout le long de mon dos. Le plus dur est de faire passer les chevaux. J'ai mis de la neige sous leurs sabots pour diminuer le bruit. Nos juments sont plutôt calme, ce qui nous arrange beaucoup.

Il fait nuit, mon coeur martèle dans ma poitrine. J'ai l'impression d'entendre ses battements affolés dans le silence glacial. Nous sommes cachées derrière une fontaine, des custodias nous ont repéré. Ils nous cherchent, savent que nous sommes quelque part dans les parages. Je vois une panique incontrôlable sur le visage de Rebecca. Cela me fait encore plus peur. Elle a toujours été impassible, c'est cela qui me faisais garder mon calme les autres fois. Ses doigts sont crispés sur ses genoux, son regard est empli de terreur. Son souffle est saccadé, tout comme le mien.

-Cherchez les! Dépêchez vous bande d'abrutis, ils ne doivent pas être bien loin! hurle une voix rauque.

Mon sang se glace dans les veines, mes yeux me piquent. Nous ne pouvons pas rester ici, mais nous ne pouvons pas partir non plus; nous allons nous faire tuer.

-Il faut faire diversion, laissons partir les chevaux, et nous pourrons nous enfuir, chuchota-t-elle en un murmure affolé.

-Mais ça va pas non, on ne peux pas les sacrifier! Tu ne dois vraiment pas être dans ton état normal, tu adores ta jument. Je pensais même que tu me proposerai à moi de partir pour te laisser une chance de survivre! m'énervai-je, tout en essayant de ne pas parler trop fort.

-Tais toi espèce d'idiote, tu vas nous faire repérer! On aura tout le temps de se disputer après, si on arrive à survivre. Il faut qu'on fasse quelque chose, sinon on est morte.

-Je cours jusque la petite rue là-bas, puis je fais un pic de glace immense. Après je te rejoins et on a plus qu'à prier pour ne pas se faire tuer.  

-Non, c'est beaucoup trop dangereux pour toi!

-Parce que tu t'inquiète pour moi maintenant? Ma décision est prise, j'y vais. Ne me suis pas et sauve ta peau. Occupe toi bien de Prune si il m'arrive quelque chose.

J'allais partir lorsqu'elle me rattrapa par le poignet. Elle planta son regard dans le mien et me fixa intensément pendant plusieurs secondes.

-Essaie de me pas mourir. Allez cours!

Je pars et sprint jusqu'à la petite rue qui se trouve à une quinzaine de mètres. Mes poumons sont en feu, je n'ai jamais couru aussi vite. Quand j'arrive enfin à l'abri, mes jambes me lâchent. Je me rattrape au mur à la dernière seconde. Je reprend mon souffle, puis crée le pic de glace.

Je cours à en perdre haleine. J'entends les custodias arriver dans notre direction, ils hurlent. Le chemin entre la rue et la fontaine est très court, mais j'ai l'impression qu'il dure une éternité. J'entends les coups de feu. J'entends leurs pas qui se rapproche. J'entends Rebecca qui hurle. J'entends les chevaux qui s'affolent. Je sens une balle fuser à quelques centimètres de mon oreille.

La panique s'empare de moi, je cours encore plus vite. Mon endurance n'aura servit à rien. Je hurle de douleur lorsque je sens une balle s'enfoncer dans la chair de mon dos. Mon souffle se coupe instantanément et je m'écroule à terre. Ma vue devient floue. Je plaque ma main à l'endroit de la douleur, le sang coule à flot. Je sens le liquide sombre s'incruster sous mes ongles, couler entre mes doigts. Rebecca court vers moi, j'essaie de lui crier de partir; je n'y arrive pas.

Je sens une vague de chaleur, j'ouvre de nouveau mes yeux; j'essaie de ne pas m'évanouir. Rebecca nous a protégé par un dôme en feu. Elle me prend dans ses bras et court. Les custodias nous rattrape, je ne me rends même plus compte de ce qui se passe. C'est comme si j'étais spectatrice de cette misérable scène. Je souffre, je n'arrive presque plus à respirer. Rebecca me hisse sur sa jument, puis prend la mienne par les rênes. Je sens Luna prendre son élan et partir au galop. La dernière vision que j'ai, ce sont les custodias qui nous tirent de nouveau dessus. Puis je m'évanouis...Ou je meurs.

 

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