28 - Héléna: deuxième acte

Héléna ressentit un frisson d'excitation en regagnant l'ambassade. Qui aurait cru qu'elle vivrait une telle aventure pendant son service international ? Elle avait l'impression que son absence avait été longue, mais ce n'était qu'une impression. Christine lui sourit à l'accueil, lui demanda si elle allait mieux, mais ne lui dit pas qu'elle avait l'air différente.

Ce n'était pas le cas, probablement. Pourtant, elle se sentait différente !

- Est-ce que Fohl est rentré ? demanda-t-elle innocemment en pénétrant dans son bureau.

- Oui, ce matin, répondit Thibaut en restant penché sur son ordinateur.

Héléna se lança également dans son travail, tout en guettant les bruits dans le couloir. Hugo allait bien passer les voir, à un moment ou un autre.

On frappa à la porte. Donc ce n'était pas lui.

Pourtant, ce fut bien lui qui entra. Les garçons eurent un air effaré, qui fit sourire Héléna. Cela lui permit d'arborer un air naturel face à Hugo.

- Bonjour à tous, dit-il, avec un ton emprunté.

Un silence stupéfait régna dans le bureau, avant que les coopérants ne se ressaisissent et répondent poliment. Hugo Fohl frappait à la porte et les saluait, quel changement !

- Mademoiselle Michel, vous pouvez venir me porter les dossiers, je vous prie ?

- Oui, monsieur Fohl, répondit Héléna en se levant d'un bond.

- Vous avez le temps, dit Hugo avec un sourire.

- Je suis prête !

Elle en mourrait même d'envie. Elle le suivit, interceptant au passage le regard rieur de Gabriel. Elle suivit Hugo jusqu'à son bureau. Celui-ci ferma la porte derrière elle, et lui demanda tout de suite :

- Vous allez bien, Héléna ?

- Parfaitement. Vous aussi ? Je me demandais si vous alliez revenir à l'ambassade. N'est-ce pas risqué ?

- Je ne pense pas. Quoiqu'il en soit, ne vous en faites pas.

Héléna l'examinait attentivement. Elle remarqua ses traits tirés et son front plissé.

- Vous avez quand même l'air inquiet, Hugo. Y a-t-il quelque chose que je puisse faire ?

- Vous avez déjà fait énormément.

- Disons que j'y ai pris goût, dit-elle avec une tranquille assurance. Si je peux vous aider en quoi que ce soit, n'hésitez pas à me demander.

Visiblement, Hugo hésitait. Il ouvrit la bouche, puis la referma.

- Oui ? insista Héléna.

- Si je vous demande encore de faire une diversion, vous vous en sentez capable ?

Elle s'en sentait capable. Elle se sentait capable de tout !

Son assurance convainquit Hugo. Une heure plus tard, ils se tenaient devant le Ministère de la justice. Il lui expliqua une nouvelle fois son plan, par prudence :

- Je vais demander une audience pour tenter de récupérer le micro. Quand je serai entré, vous attendrez que je vous envoie un appel par téléphone, et là, vous ferez ce que je vous ai dit. D'accord ?

Justement non, Héléna n'était pas d'accord avec le plan.

- C'est trop risqué que vous paraissiez devant Sidek ! Après ce qu'il sait sur vous, et après ce qu'il s'est passé à Padang, vous devez éviter cet homme. C'est moi qui vais demander audience.

- Vous croyez qu'il va vous recevoir ?

- Oui, si je lui dis que je viens pour parler de vous. Je vous appelle quand je suis dans le bureau, vous faites diversion et je récupère le micro.

Hugo était très réticent, c'était visible.

- Je crois que vous avez assez pris de risques pour la semaine.

- Après ça, je n'en prendrai plus jamais ! Laissez-moi vous aider pour ça. Sidek se méfiera moins de moi que de vous.

Elle pensait avoir un argument décisif. Tout en plaidant sa cause, elle lui avait saisi le poignet. Hugo frissonna et finit par céder, à contrecœur.

Elle pénétra dans le Ministère après vérification de son identité et demanda à voir le Ministre, qui la connaissait, annonça-t-elle avec assurance. Elle souhaitait l'entretenir sur Hugo Fohl. Un des secrétaires la reconnut comme la Française qui accompagnait l'ambassadeur et s'était évanouie. Il lui amena une tasse de thé pendant qu'elle patientait, avec un charmant sourire. Héléna attendit une demi-heure, puis fut appelée par le même secrétaire qui la conduisit jusqu'au bureau du Ministre.

Elle avait le cœur battant en se retrouvant face à Sidek. Il s'inclina courtoisement devant elle, un modèle de politesse asiatique. Qui pouvait croire à son implication dans un trafic international ? Héléna esquissa une révérence. Elle était là pour jouer son rôle.

- Vous vouliez me parler de Fohl, mademoiselle. C'est votre chef direct à l'ambassade, n'est-ce pas ?

- Oui, monsieur le Ministre. Il dirige le service juridique...

Héléna avait gardé son téléphone à la main, en pariant que ce comportement très juvénile ne surprendrait pas Sidek. Elle essayait de taper sur la touche appel de son téléphone, sans se faire voir. Elle faillit le laisser choir, le reprit par miracle sans se contorsionner. Elle devait continuer à parler.

- Euh, voilà. Il s'est occupé personnellement de Mathis Monod. Vous savez, notre compatriote...

- Oui, je sais.

- ...qui a été pris avec des stupéfiants sur lui. Il est à la prison royale...

- Oui, je sais cela.

- ... et qui attend son procès. Il a eu seulement l'audition préalable.

Le téléphone vibra un peu entre ses doigts. Appel en cours. Elle devait continuer pour laisser du temps à Hugo.

- Donc, il a rencontré Mathis Monod plusieurs fois en prison. C'est vrai que Mathis connaissait votre fille ?

Sidek l'écoutait d'un air ennuyé, et eut l'air encore plus ennuyé par sa question.

- Ma fille a beaucoup d'amis de toutes nationalités. Elle reçoit beaucoup d'étudiants internationaux. Je ne crois pas qu'elle m'ait parlé de ce garçon.

- Ah ? Parce que Hugo Fohl avait l'air de croire que Mathis avait rencontré votre fille.

- Venez-en au fait, mademoiselle.

- Eh bien...

Héléna commença à être envahie par le stress. Sidek lui paraissait beaucoup plus menaçant, soudain. Elle se força à respirer calmement. Elle pouvait le faire. Elle avait déjà joué un rôle sur une scène, devant des dizaines de gens. Elle pouvait jouer la comédie devant une personne.

Et, soudain, une alarme se mit à sonner.

Héléna sursauta sous la force du bruit.

- Qu'est-ce que c'est ? s'écria-t-elle, montrant la panique qu'elle ressentait vraiment pour d'autres raisons.

- Je ne suis pas sûr...

Sidek se dirigeait vers la porte et l'ouvrit pour regarder dehors.

Héléna bondit jusqu'au bureau et tendit la main vers la lampe. Du bout des doigts, elle fit le tour du socle et sentit le renflement. Elle l'arracha prestement.

Ce micro était minuscule !

Elle le fourra dans sa poche et rejoignit Sidek au moment où son personnel se ruait vers lui en parlant très vite. Elle ne comprit pas, mais le ministre traduisit brièvement :

- Alerte incendie. Il faut sortir dans la cour.

Elle le suivit docilement. La cour se remplissait de monde. Lorsque Héléna fut engloutie par la foule des employés, elle se faufila vers la sortie. Le garde la laissa passer sans lui jeter un regard, beaucoup plus inquiet pour la sécurité de ceux qui restaient dedans.

Héléna marcha à pas pressés vers le coin de l'avenue. Elle attendit Hugo à l'endroit convenu.

Elle le vit réapparaître en courant. Elle lui tendit l'objet. Hugo le prit avec un soulagement non dissimulé.

- A présent, mon implication sera beaucoup plus difficile à établir. Merci, Héléna. Merci mille fois !

Il lui tendit la main puis serra la sienne avec chaleur. Héléna lui rendit son sourire.

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