26- Héléna: retour au réel

C'était la fin de la parenthèse « espionnage international » dans la vie d'Héléna Michel, simple citoyenne française. Le plus frustrant, c'est qu'elle ne pourrait en parler à personne.

Elle s'écroula sur son lit après avoir pris une douche rapide, et dormit douze heures. Elle avait sur son portable une dizaine de messages, mais elle ne répondrait que lorsqu'elle serait capable de formuler une phrase cohérente.

Elle se sentait fière d'elle-même. Elle avait vécu l'aventure de sa vie, et elle était heureuse de l'avoir vécue avec Hugo. Elle n'avait pas osé le lui dire, pourtant. Il était beaucoup plus gentil qu'avant, mais il restait très correct, pas du tout familier. Elle lui avait demandé s'il était un genre de James Bond. Quelle question idiote... Elle espérait qu'il oublierait ça très vite.

Alors qu'ils étaient sur le chemin du retour, il lui avait demandé si elle allait bien. C'était la première fois qu'il s'inquiétait pour elle.

— Comment vous sentez-vous, Héléna ?

— Pas brillante, avait avoué Héléna. Mais ça va. Je ne vais pas m'écrouler comme une fleur fragile, si c'est ça que vous craignez.

— Non, je ne le crains pas. J'ai bien vu que vous étiez solide. Vous avez déjà fait du camping, des trucs comme ça ?

— Oui, lors de randonnées. Je connais la montagne, quand elle n'est pas trop haute. Pas la jungle, en revanche...

— Vous avez été très bien.

Héléna eut un frisson de plaisir. Elle ne l'avait pas retardé et elle n'avait pas été un poids dans sa mission. Un bon point pour elle !

Elle revit dans sa tête le Hugo Fohl strictement habillé et rasé de près, celui de l'ambassade, puis celui qu'elle avait côtoyé pendant deux jours. Après plusieurs jours dans la jungle, il arborait une barbe naissante qui lui donnait un air de baroudeur. Avec sa tenue beige et kaki, il ressemblait plus à Indiana Jones qu'à James Bond. Si les autres coopérants avaient pu le voir comme ça, ils le jugeraient différemment !

D'ailleurs, si les garçons savaient ce que Hugo avait fait, ils le traiteraient avec davantage de respect. Mais ils ne le sauraient jamais. Héléna n'en soufflerait mot à personne. Peut-être que si elle-même lui témoignait davantage de respect et de sympathie, le comportement des garçons s'alignerait sur le sien ?

Elle lui avait demandé comment il était devenu... enfin, il savait quoi. Elle n'arrivait même pas à le dire. Il avait ri.

— J'ai intégré la DGSE sur concours, je suis un fonctionnaire de catégorie A. C'est très banal, non ?

— Mais votre famille sait ce que vous faites ?

- Absolument. Nous sommes officiellement rattachés au Ministère de la Défense. Bien sûr il y a une certaine confidentialité sur la teneur des missions. Si ça vous intéresse, vous devriez consulter le site Web.

Les services secrets avaient un site Web ?! Décidément, elle était bien ignorante.

Elle appela ses parents, comme elle le faisait régulièrement. Elle ne dit mot de son escapade et fit comme si ces derniers jours avaient été très ordinaires. Oui, elle allait bien, non, elle n'avait aucun symptôme de malaria, oui, tout le monde était très gentil, non, elle ne regrettait toujours pas son affectation en Asie.

Elle appela également Gabriel. Celui-ci eut l'air très soulagé de lui parler.

— Tu vas bien ? Tu es sûre ?

— Je suis sûre !

— Tu ne peux vraiment pas me dire où tu étais et ce que tu as fait ?

— Cela ne concerne pas que moi, donc je ne peux pas.

— Quelque chose de romantique ? insinua Gabriel.

— Pas du tout !

Non, dormir dans la jungle, échapper à des trafiquants n'était pas romantique. En revanche, cela avait été une incroyable aventure. Héléna sentait qu'elle avait grandi et mûri.

— On prend un verre ce soir, tu veux venir ? demanda Gabriel.

Héléna accepta. Il fallait qu'elle retrouve une vie normale.

Dans un bar, elle retrouva les trois coopérants, ainsi que Sophie. Celle-ci avait fini par être acceptée et intégrée. Elle était bien autre chose que son physique et ses maladresses, c'était une fille agréable et drôle.

Sophie lui sourit sans rien dire. L'accueil des garçons fut plus exubérant.

— Ah, enfin ! s'écria Léo. Tu nous as inquiétés, avec ton malaise.

- Blanchard est passé aujourd'hui, il voulait voir si tu étais bien au repos comme il te l'avait ordonné, dit Gabriel avec un sourire amusé.

— ... et Sophie lui a renversé du café dessus ! compléta Léo, hilare.

Sophie rougit, puis eut un air très surpris quand Héléna lui serra la main énergiquement.

— Merci, Sophie. Je savais que je pouvais compter sur toi !

— Je me suis occupé de tes dossiers, ajouta Gabriel. Tu n'as donc pas de retard de saisie.

— Merci beaucoup, dit Héléna. Si jamais tu as besoin d'aide un jour, siffle-moi !

— Je ne siffle pas les filles. Je croyais que c'était clair.

Léo, Thibaut et Sophie levèrent les yeux avec un bel ensemble, et le regardèrent, bouche bée.

Gabriel continua :

— Si tu étais un beau garçon, on en reparlerait !

Héléna éclata de rire et lui posa un baiser sur la joue. Sophie se pencha vers Gabriel et lui donna également un baiser.

— Tu es un garçon super, Gabriel, dit-elle avec son charmant sourire.

Thibaut et Léo prirent un air blasé.

— C'est bien connu, c'est ça qu'il faut pour avoir la côte avec les plus jolies filles..., plaisanta Léo.

— Ouais, soupira Thibaut. Je suis jaloux.

Héléna glissa doucement à Gabriel :

— Je suis très fière de toi.

Gabriel haussa les épaules avec un petit sourire.

— Blanchard nous a demandé si on avait de tes nouvelles, dit Léo pour reprendre la conversation. Et Christine aussi.

— Comment fait-elle pour tout savoir ? Je vais finir par croire que Christine a installé des micros dans tous les services !

— Une espionne de plus à l'ambassade ? glissa Gabriel innocemment.

Héléna lui jeta un regard d'avertissement, tout en enchaînant pour ne pas laisser cette pensée s'ancrer dans l'esprit des autres.

— J'ai surtout dormi, puisque l'ambassadeur m'avait dit de prendre quelques jours.

— C'est bien parce que c'est toi, lança Thibaut. Si l'un de nous faisait un malaise, on pourrait toujours se brosser pour avoir un congé, tiens !

— Ne sois pas jaloux, objecta Gabriel. Tu ne sais pas faire la révérence, toi ! D'ailleurs il faudra que tu nous dises comment tu as appris à faire ça, Héléna, parce que ça peut servir. Tu as été présentée au palais de Buckingham ?

— Non, j'ai fait de la danse classique...

Déception générale. Décidément, la vie d'Héléna n'avait rien de romantique.

— Au lieu de me huer, dit-elle à Léo, dis-nous quelque chose en chinois.

—Tadja hao ! Wo xue xi putonghua.

— Traduction?

— Bonjour à tous, j'étudie la langue chinoise.

— Tu vas tout déchirer à Taïwan !

— Xiexie !

Puis chacun rentra chez soi. Gabriel raccompagna Héléna, qui décidément ne voulait pas rentrer seule la nuit.

- Je peux te poser une question ? commença Gabriel.

- Pose toujours.

- Qu'est-ce que tu trouves à Fohl, sérieusement ?

Loin de vexer Héléna, cela la fit rire.

- Ce que je lui trouve ? Super sérieux, super intelligent et super courageux, c'est mon genre !

- Super courageux ?

- Je ne te raconterai rien, alors crois-moi sur parole !

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