Les notes de musique inondent la salle de bal telle des bulles de savon. Je passe mes doigts entre les cordes de la harpe avec le plus grand des soins et le plus de concentration possible. Cela fait deux minutes que je joue sans fausse note lorsque d'un coup ma main droite glisse, clôturant ainsi de façon brutal ma prestation tout en faisant sursauter mon professeur de musique.

- Diantre ! s'exclame Sir Cignus. Que s'est-il passé ? Tout commençait pourtant si bien.

Ses paroles pourtant encourageante me donne envie de soupirer.

- Je n'en sais rien, dis-je décontenancé. J'ai un léger mal de crâne. Si il me faut du calme, la harpe ne doit pas m'aider beaucoup.

- Allons, mon rossignol, allons ! Je ne cesse de répété que la musique soigne tous les maux. Imagines, une fois que tu sauras jouer de la harpe à la perfection, tous les garçons seront à tes pieds, envoûté par ces aires que je t'aurais appris.

Si j'avais eu quelque chose dans les mains, je l'aurais très certainement laisser tomber.
C'est la première fois que j'entends Sir Roderic Cignus, mon professeur attitré de harpe et de chant proférer de telle paroles. À cause d'une phrase, je remets toute l'affection que je lui porte en question. Lui aussi a donc hâte de me voir partir ! Mais qu'ai-je fais pour que l'on veuille mon exil loin de l'endroit où j'ai grandi ? C'est donc à cela que sert mon éducation ? À trouver de meilleurs parties pour créer de meilleurs alliances entre nos royaumes ?

- Quelque-chose ne va pas mon petit rossignol ? me demande Roderic, visiblement surprit par l'expression stagnant sur mon visage.

Je m'apprête à ouvrir la bouche lorsque l' une des portes à l'autre bout de la salle s'ouvre. Une silhouette masculine entre dans la pièce. Il ne me faut pas dix secondes pour reconnaître Leyth. Il s'approche sans faire de bruit. Puis sans m'adresser le moindre signe, il s'entretient à voix basse avec Sir Cignus.

Évidemment, leurs mots sont prononcés trop bas pour que je puisse les entendre. Roderic se gratte le menton, signe que le sujet le préoccupe. D'un coup Leyth se tourne vers moi et annonce en essayant de rester calme :

- Princesse, vous devez immédiatement me suivre. Ceci est une affaire d'importance absolue.

Une fois ces mots fini, il se déplace vers la sortie. Je me lève de me siège et le suis tout en plissant ma robe. Il me tient la porte et nous marchons côte à côte dans le couloir.

- Qu'elle est cette affaire absolue ? je lui demande inquiète. Où m'emmènes-tu ? Et où est Shelter ?

- Il est dans sa chambre, ne t'inquiètes pas. Il a eu une crise plus poussée que la dernière fois et il m'a demandé de te voir. Alors nous nous y rendons. Je lui ai préparé une infusion de saule mais elle n'a apparemment pas eu beaucoup d'effets.

Je devais prendre des distances avec Shelter mais j'ai trop peur qu'il lui arrive malheur et suis Leyth sans discuter.