42 - L'instant « T » ou tout bascule




Paris, samedi 13 janvier 2024, 17 h 45.

POV Carmen.

C'est l'heure de la rencontre. Je suis debout devant la grille de l'internat, les mains enfoncées dans les poches de mon manteau pour cacher mes tremblements. Je sens mon cœur battre la chamade, mes pensées tourbillonnantes dans ma tête comme une tempête. Les minutes semblent s'étirer interminablement, et chaque seconde qui passe amplifie mon anxiété. Et s'il était en colère ? Et s'il ne veut plus jamais me parler ? Ou pire, s'il veut m'humilier parce que je l'ai embrassé comme ça, sans prévenir... J'ai honte. Je me mords la lèvre, luttant contre l'envie irrésistible de faire demi-tour et de m'enfuir à toute vitesse vers la sécurité de ma chambre à l'internat. Je suis folle d'avoir accepté de le voir ici. Je n'ai jamais été aussi embarrassée de ma vie. Peut-être que je devrais y aller, oui... Personne ne me verrait partir. Je pourrais simplement disparaître avant qu'il n'arrive, comme ça je n'aurais pas à affronter tout ça... Mon cœur s'emballe encore plus à cette pensée. Mes mains deviennent moites, et je sens comme une boule se former dans mon estomac. Je jette un regard autour de moi, cherchant une issue de secours, un moyen de m'échapper de cette situation avant que... Et c'est à ce moment-là que je le vois. Amine marche vers moi depuis le bout de la rue, sa silhouette se découpant dans le crépuscule. Il porte un blouson en cuir brun, qui lui donne un air détendu, presque trop à l'aise pour la situation. Son visage est difficile à lire d'ici, mais je peux voir qu'il m'a déjà repéré. Je suis figée, incapable de bouger, comme si mes pieds étaient collés au sol. Respire, Carmen, respire, tentant de calmer le flot incessant de mes pensées et de doutes qui m'envahissent. Tout va bien se passer. Ce n'est qu'une discussion. Je peux le faire. Mais chaque pas qu'Amine fait vers moi amplifie mon angoisse. Les questions se bousculent dans ma tête. Est-ce qu'il a compris ce que j'ai voulu dire ? Est-ce qu'il a ressenti la même chose que moi ? Est-ce qu'il va se moquer de moi ou m'ignorer complètement ? Je serre les poings dans mes poches, mon souffle devenant plus court à mesure qu'il se rapproche. Une vague de panique me submerge, et j'envisage sérieusement de me retourner et de courir, de laisser cette rencontre derrière moi. Mais il est déjà trop tard. Amine est à quelques mètres, et je n'ai plus d'autre choix que de l'affronter.

— Salut, dit-il en arrivant à sa hauteur, la voix douce mais teintée d'une certaine réserve.

— Salut, répond Carmen, sa propre voix à peine plus qu'un murmure. Il y a un moment de silence gênant. Carmen se mord la lèvre à nouveau, essayant de trouver les mots justes, mais sa gorge est sèche, et elle se sent complètement perdue. Le froid de l'air semble s'intensifier autour d'eux, et elle lutte pour ne pas céder à l'envie de détourner le regard. Amine observe Carmen, semblant peser ses mots. Finalement, il inspire profondément et brise le silence.

— Je... je suis désolé de ne pas avoir répondu plus tôt, commence-t-il, les mains dans les poches, comme s'il cherchait à se protéger du froid et de la situation. J'étais juste... surpris... je suppose. Carmen hoche la tête, le cœur battant encore plus fort maintenant qu'elle est face à lui. Elle cherche ses mots, se remémorant ce qu'Andréas lui a dit. Sois claire et honnête.

— Écoute, Amine, je suis désolée si je t'ai mis mal à l'aise, dit-elle rapidement, la voix tremblante. Je... Je ne savais pas vraiment ce que je faisais. J'étais juste... tellement prise par le moment, par tout ce qui s'était passé pendant les vacances, et... Elle s'arrête, se mordant la lèvre à nouveau.

Amine la regarde attentivement, attendant qu'elle continue.

— Ce que je veux dire, c'est que... je t'apprécie vraiment, ajoute-t-elle, les joues en feu. Et je ne voulais pas gâcher notre amitié ou quoi que ce soit. J'ai juste... agi sans réfléchir.

Suite à cette déclaration, Carmen se tourne brusquement, le cœur battant, et s'élance vers le portail de l'école comme si sa vie en dépendait. Cette fois-ci Amine est prêt. Avant qu'elle n'ait le temps de protester, il la retient par la main, l'attire brusquement contre lui. Pressant son corps contre le sien. Il caresse sa joue du revers de la main, se penche vers elle et l'embrasse. Pas un simple baiser volé comme l'autre jour, non le vrai baiser de cinéma, profond, passionné qui fait s'arrêter le temps. Carmen est littéralement emportée par l'intensité du moment, ses lèvres répondant à celles d'Amine avec une ardeur insoupçonnée. 

Carmen sent une chaleur inattendue monter en elle, un mélange de confusion et de soulagement intense.

Elle recule d'un pas, encore sous le choc, tandis qu'Amine, un sourire en coin, se redresse. Ses yeux brillent d'une lumière douce, et quelque chose dans son regard la rassure malgré son cœur battant la chamade.

Elle n'arrive pas à comprendre ce qui vient de se passer. Une seconde auparavant, elle était sur le point de fuir, incapable de supporter le poids de l'incertitude. Et maintenant, elle se retrouve dans les bras d'Amine, la tête encore chamboulée par le baiser qu'il vient de lui donner.

— Voilà, les compteurs sont à zéro, murmure-t-il avec un sourire malicieux, son souffle chaud contre son oreille. Moi aussi, j'en avais très envie.

Il recule lentement, sa main effleurant son visage une dernière fois avant de se glisser dans sa poche. Carmen reste figée, la bouche légèrement ouverte, ses pensées embrouillées par le mélange de sensations qui l'envahissent. Elle sent le rouge lui monter aux joues, mais pour la première fois depuis des jours, ce n'est pas de l'embarras. C'est autre chose.

Amine s'éloigne avec une nonchalance qui tranche avec l'intensité du moment qu'ils viennent de partager. Elle le regarde partir, incapable de dire quoi que ce soit, son cœur battant encore fort dans sa poitrine. Chaque pas qu'il fait semble faire redémarrer le temps, et elle a l'impression que toute la rue qui avait retenu son souffle jusqu'à maintenant se remet à respirer peu à peu.

Autour d'elle, des murmures commencent à s'élever. Les élèves qui avaient été témoins de la scène ne peuvent s'empêcher de commenter, certains affichant des sourires amusés, d'autres des expressions de jalousie. Carmen entend des rires étouffés, des chuchotements, mais tout cela semble distant, comme un bourdonnement lointain.

Finalement, elle se ressaisit. Ses mains tremblent encore, mais elle se force à inspirer profondément. Elle tourne la tête vers le portail de l'académie et aperçoit Andréas, adossé à la grille. Il est là depuis le début, offrant sa présence comme un soutien invisible.

Le regard d'Andréas est plein de douceur, et un sourire complice étire ses lèvres. Il lui fait un petit signe de la main, comme pour dire "bien joué". Carmen sent son cœur se réchauffer à cette vue. Elle s'avance vers lui, ses jambes toujours un peu flageolantes.

— Tu étais là tout le long ? Demande-t-elle.

Andréas acquiesce, un éclat de malice dans les yeux.

— Toujours, répond-il avec un clin d'œil. Je ne pouvais pas manquer ça.

Carmen rit doucement, une sensation de légèreté s'installant enfin en elle. Elle se sent soudain plus détendue, comme si le poids de ses angoisses venait de se dissiper dans l'air frais du soir. Elle ouvre la bouche pour remercier Andréas, mais à ce moment-là, elle sent son téléphone vibrer dans sa poche.

Elle s'arrête, surprise, et sort son téléphone. Son cœur s'emballe de nouveau en voyant le nom d'Amine s'afficher sur l'écran. Une autre vague d'émotion la submerge, mélange d'excitation et de nervosité.

Elle déverrouille l'écran et ouvre le message. Les mots d'Amine apparaissent, simples et directs.

Je suis content qu'on ait enfin mis les choses au clair. On se voit demain ? Au Bohême, après mon service. Je suis du matin, donc je finis à 11 h 00. Vraiment hâte de te revoir]

Carmen ne peut s'empêcher de sourire, une chaleur douce se répandant en elle. Elle relève la tête et croise le regard d'Andréas, qui la fixe avec une expression curieuse.

— Alors ? Demande-t-il, incapable de dissimuler son intérêt.

Elle mordille sa lèvre inférieure, un sourire indécis se dessinant sur son visage.

— Il veut qu'on se voit demain, murmure-t-elle, presque comme si elle n'y croyait pas elle-même.

Andréas hausse les sourcils, une étincelle de plaisir dans les yeux.

— Eh bien, qu'est-ce que tu attends ? Lui dit-il en riant. Vas-y, dis-lui oui !

Carmen ne peut s'empêcher de rire, sentant enfin le poids de ses incertitudes se dissiper. Elle tape rapidement une réponse sur son téléphone.

Carmen [ Avec plaisir. À demain.]

Elle envoie le message et, pendant un moment, elle reste là, son téléphone serré contre sa poitrine, un sourire radieux sur le visage. Pour la première fois depuis longtemps, elle se sent en paix, prête à affronter ce que la soirée pourrait lui apporter.

— Merci, Andréas, murmure-t-elle, levant les yeux vers lui.

— Pour quoi ? Lui répond-il en souriant. C'est toi qui as fait tout le boulot.

Elle hoche la tête, mais elle sait que sans lui, sans sa présence constante et rassurante, elle n'aurait jamais eu le courage de se confronter à ses propres sentiments. Elle lui donne une accolade rapide, pleine de gratitude.

— Bon, je dois y aller, dit-elle finalement, les yeux brillants d'excitation. J'ai un date demain.

Andréas lui lance un regard malicieux.

— Un date, hein ? Fais attention, Carmen. Je risque d'être là pour jouer les chaperons.

Elle rit et lui tire la langue avant de se diriger vers le bâtiment de l'internat. Chaque pas est léger, chaque respiration est plus facile. Elle se sent vivante et heureuse.

Alors que Carmen et Andréas disparaissaient derrière les murs de l'académie, un regard insistant continuait de les suivre, invisible depuis la rue, mais dangereusement proche.

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