38 - Des vacances stimulantes
Conflans-Sainte-Honorine, mercredi 3 janvier 2024, 11 h 00.
Les jours se succédaient tranquillement au manoir Haddad, où le groupe avait trouvé un rythme apaisant dans l'atmosphère enveloppante de l'hiver. Yasmina, toujours aussi accueillante, veillait à ce que chacun se sente comme chez soi, transformant le manoir en véritable cocon de chaleur et de convivialité.
Cela faisait déjà plusieurs jours qu'ils étaient arrivés au manoir, et une routine agréable s'était installée. Après une matinée calme, Yasmina proposa une activité inhabituelle pour la saison, un barbecue d'hiver dans le jardin enneigé. Tous se mirent rapidement en action pour déneiger une zone et préparer le feu.
—Je crois que c'est la première fois que je fais un barbecue avec des gants et un bonnet ! S'exclama Kaline tout en ajoutant du bois dans le brasero.
—Ma mère a toujours eu des idées farfelues, ajouta-t-il en attisant le feu. Mais, il faut avouer qu'avec elle au moins on ne s'ennuie pas.
Andréas, rougi par le froid, sourit en se tenant les mains près du feu pour se réchauffer.
— Ça change des salles de danse surchauffées, en tout cas.
Amine et Carmen s'activèrent autour du feu, préparant les légumes et les brochettes. Les frôlements de leurs mains devinrent plus fréquents, et chaque contact, aussi discret soit-il, envoyait des frissons à travers tout le corps de Carmen.
POV de Carmen
C'est mon imagination qui me joue des tours ou je me fais des films ? Non, il n'a pas dû le faire exprès, c'est impossible autrement. Je me surprends à chercher sa présence, ses gestes et ce sourire en coin qu'il m'adresse parfois, comme si nous partagions un secret silencieux. J'avoue que je ne sais plus trop quoi penser. Jusqu'à maintenant, il m'avait bien fait comprendre que nous ne serions qu'amis. Et à présent, j'ai l'impression qu'il me cherche. Pourtant, rien n'a changé, ou alors je suis folle. Il m'obsède tellement que je me monte la tête toute seule ? Faut que j'en parle avec Andy, on verra bien ce qu'il pense de tout ça.
Un peu plus tard dans la journée...
Ce jour-là, le manoir s'animait d'une effervescence particulière, transformé en un véritable refuge artistique par l'arrivée impromptue des amis d'Amine. Parmi eux, Sybille, une jeune femme à la chevelure noire comme l'ébène, portait une longue jupe bohème qui flottait autour d'elle à chaque mouvement. Les doigts fins de Sybille glissaient sur les cordes de sa guitare comme une caresse, créant des mélodies douces qui semblaient suspendre le temps. À ses côtés, Marek, un grand gaillard à la barbe broussailleuse et au rire facile, frappait doucement un djembé, son rythme naturel ajoutant une profondeur apaisante à l'ensemble. Ava, quant à elle, faisait glisser un archet sur les cordes d'un violon avec une grâce fluide ses longs cheveux bruns, tressés avec quelques fleurs sauvages séchées, ondulaient doucement à chaque mouvement.
Tous ensemble, ils formaient une harmonie surprenante, chaque note s'élevant dans l'air du manoir comme un souffle de vie. La voix douce de Sybille, mêlée aux accords de sa guitare, enveloppait la pièce d'une chaleur réconfortante, apaisant les esprits et les cœurs. Carmen, assise en tailleur sur un vieux tapis persan, se laissa emporter par l'ambiance, un sourire aux lèvres, ses doigts tapotant légèrement son genou au rythme de la musique. Son regard ne cessait de revenir à Amine, dont les yeux pétillants et le sourire en coin témoignaient de la joie qu'il éprouvait à partager ce moment avec elle et ses amis, dans cette bulle de créativité et de simplicité.
Avec le crépuscule tombant tard et le froid mordant de l'hiver dehors, les soirées s'étiraient souvent tard dans la nuit, rythmées par des discussions philosophiques, après avoir dégusté des pâtes végétariennes préparées par les amis d'Amines, tout le monde se retrouva dans le salon, attiré par la chaleur de la cheminée où Yasmina et Malika faisaient griller des marrons. Les crépitements des marrons qui éclataient sous la chaleur se mêlaient aux rires et aux discussions animées.
Andréas, enveloppé dans une couverture, se prélassait dans le canapé, observant le feu avec une expression tranquille. Kaline, assise à côté de lui, le bouscula doucement de l'épaule.
—À quoi tu penses, toi ?
Andréas sourit légèrement.
—À rien de particulier. Juste... Je me sens bien ici.
Carmen se tenait près de la cheminée, savourait un marron chaud tout en écoutant les conversations des amis d'Amine. Ils racontaient des histoires fascinantes de leurs voyages et de leurs expériences artistiques, captivant l'attention de Kaline et d'Andréas, qui écoutaient attentivement, fascinés par ces vies si différentes de la leur.
L'odeur douce et fumée des marrons commençait à envahir la pièce, rappelant à tous des souvenirs d'enfance et des soirées d'hiver en famille comme ce soir. Carmen s'avança pour prendre le bol de marron qui était resté sur la table basse. C'est le moment que choisi Sybille, pour lui poser une question.
—As-tu déjà voyagé ? ou penser à découvrir le monde au-delà des frontières ?
Carmen et Andréas se mirent à sourire, surpris par la question.
—euh... Tu sais qu'on vient de Barcelone, n'est-ce pas ? Donc, techniquement, on a déjà voyagé au-delà des frontières. Répondit-Carmen morte de rire.
—Lol, je ne parle pas de petites vacances pas loin. Dit-elle.
—Sybille, tu y vas un peu fort sans savoir, intervient Amine.
—Nous sommes espagnols, et nous sommes venus vivre en France. Nous ne sommes pas juste en vacances.
—Punaise ! Vous n'avez même pas d'accent, c'est dingue ! s'étonna Ava.
—C'est l'avantage d'avoir de la famille française. On pratique la langue depuis toujours.
—Ok, je comprends mieux. Alors, je repose ma question, mais en élargissant le périmètre ! Mdr, c'est-à-dire en dehors de la France ou de l'Espagne ?
—Oui, j'y ai déjà pensé. Mais bon, on ne fait pas toujours ce qu'on veut.
— Ils ont tout juste 18 ans aussi, ajouta amine. À cet âge, on a beau être majeur, on n'est pas vraiment libre de sa vie, murmura-t-il
Leurs mains se frôlent de nouveaux alors qu'ils partageaient le bol de marron. Ce simple geste, si naturel mais chargé de sous-entendus, fit battre le cœur de Carmen un peu plus fort.
—Détrompe-toi, enchaîna Carmen, ce n'est pas notre âge qui fait que nous ne sommes pas libres.
—Ah oui ! Bon sujet ça ! La liberté, intervient Marek. Qu'est-ce que vous pensez de la liberté ? Est-ce que c'est quelque chose qu'on peut réellement atteindre, ou est-ce que c'est juste une illusion ? Lança-t-il, la tête appuyée contre le canapé, le regard perdu dans les flammes.
Kaline, assise près d'Andréas, haussa les épaules.
—Je pense que la liberté, c'est un choix personnel. C'est décider de ne pas laisser les autres ou les circonstances dicter qui vous êtes.
—C'est plus facile à dire qu'à faire, répondit Carmen.
Andréas soupira, hésitant. Il jeta un regard furtif vers Kaline et Amine, qui attendaient en silence.
— Vous savez que j'ai un problème avec le contact, dit-il enfin, la voix légèrement tremblante.
Kaline hocha la tête avec douceur, tandis qu'Amine esquissa un sourire encourageant.
Andréas baissa les yeux, une boule se formant dans sa gorge. Il prit une grande inspiration, cherchant le courage de continuer.
— Mais est-ce que vous savez pourquoi ? Demanda-t-il, sa voix se brisant légèrement.
Il fit une pause, sentant le poids des mots qu'il s'apprêtait à prononcer.
— Je... Je ne veux pas entrer dans les détails, commença-t-il avec hésitation. L'année dernière, j'ai été agressé. Ce jour-là, tout a basculé.
Kaline et Amine échangèrent un regard inquiet.
— J'ai fini dans le coma, continua Andréas, sa voix devenue plus basse, presque un murmure. Et après ça... De longs mois de rééducation. Mais ça ne s'est pas arrêté là.
Il fit une pause, cherchant les mots pour exprimer ce qu'il ressentait.
— Depuis mon agression, ma mémoire... est comme bloquée, dit-il en posant une main tremblante sur sa tempe. Impossible de me souvenir de cette nuit-là. Impossible de me rappeler de celui qui m'a fait tout ce mal.
Un silence pesant s'installa dans la pièce, chacun absorbant l'ampleur des paroles d'Andréas.
— Et comme si ça ne suffisait pas, ajouta-t-il avec amertume, ce malade me poursuit toujours. Je sens sa présence, même sans le voir. Et cette haptophobie... C'est comme si je n'avais plus aucun contrôle sur ma vie.
—Putain, je comprends mieux votre phobie sociale avec les réseaux sociaux et tout, dit Karine doucement, en cherchant ses mots. Je trouvais ça chelou, de ne pas vouloir de TikTok, Insta, snap ou même Facebook. Ça doit être épuisant de devoir toujours être sur tes gardes, de ne jamais pouvoir vraiment te détendre.
Ses mots résonnèrent dans l'air, lourds de douleur et de désespoir. Amine fit un pas vers lui, avec l'envie de poser une main rassurante sur son épaule, mais il se retint, conscient de la réaction d'Andréas.
Andréas hocha lentement la tête, une larme silencieuse glissant le long de sa joue.
Carmen prit une minute pour réfléchir, appréciant la chaleur de la cheminée.
—Pour moi, la liberté est une question de courage. Avoir le courage d'être soi-même, peu importe ce que cela signifie. C'est oser suivre ses rêves, même quand on a peur.
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