22 - Hémoglobine sur les quais de Seine

Paris, Vacances de la Toussaint.

POV Andréas.

Les jours passent, chaque moment étant un trésor de plus à ajouter à notre collection de souvenirs. Paris, avec ses mille facettes, nous a envoûtés. Les vacances s'écoulent peut-être à une allure de dingue, mais elles sont remplies d'une intensité et d'une joie que je n'oublierai jamais. Ce soir-là, après une journée particulièrement chargée en découvertes et en rires, nous décidons de prolonger notre aventure avec une expérience unique. La lune, éclatante et pleine, baigne la Seine d'une lumière argentée. Les rives parisiennes, habituellement bruyantes et animées, sont ce soir envahies par une atmosphère de mystère et de tension. Kaline, Carmen et moi avons décidé de nous faire une soirée cinéma en plein air, un écran géant monté sur la berge projetant un film d'horreur rétro. Les couvertures éparpillées sur l'herbe humide et quelques lanternes disséminées ajoutent une touche de chaleur à cette nuit d'automne. Kaline, passionnée par les films d'horreur, a choisi de nous emmener voir un classique. Un vieux chef-d'œuvre des années 80, où les effets spéciaux sont aussi kitsch que terrifiants. Dès les premières notes de la bande sonore sinistre, Carmen se recroqueville un peu plus sous sa couverture, ses grands yeux suivant chaque ombre sur l'écran avec une terreur palpable.

T'es sûre que ça va aller, Carmen ? Demanda Kaline un sourire rassurant aux lèvres.

Carmen lui lança un bref regard, essayant de paraître plus détendue qu'elle ne l'était réellement.

— Oui, oui, ça va, répondit Carmen, la voix tremblante légèrement malgré elle. C'est juste ... un peu intense, c'est tout.

Kaline haussa un sourcil, visiblement peu convaincue. Elle se pencha vers elle, ses lèvres s'approchant de son oreille.

Mais bien sûr ! poule mouillée va ! Murmura-t-elle, la voix teintée d'une malice affectueuse. Pas la peine de mentir !

Kaline avait ce don particulier de détendre l'atmosphère, même dans les moments les plus stressants.

— Mais ce n'est pas grave, je t'adore quand même ! Chuchota-t-elle en lui faisant un clin d'œil.

Nous nous sommes installés confortablement, un peu à l'écart de la foule qui s'est rassemblée pour profiter de la projection. Les rires et les murmures des autres spectateurs semblent lointains, presque irréels. L'ambiance est à la fois conviviale et inquiétante, un contraste que j'apprécie particulièrement. J'aime ce frisson de peur mêlé à la chaleur rassurante de l'amitié. Assis entre Carmen et Kaline, je me perds dans mes pensées. Les scènes sanglantes, bien qu'artificielles, réveillent en moi des souvenirs douloureux. Chaque éclat de sang sur l'écran ravive les images de mon agression, ces moments de douleur et de confusion qui ont marqué ma mémoire. Je sens mon cœur battre plus fort, mon souffle devenir irrégulier. Les cris des personnages à l'écran résonnent dans ma tête, se mêlant aux cris que je n'ai jamais pu oublier. Kaline, absorbée par le film, tourne de temps en temps la tête vers nous. Elle rit parfois devant les effets spéciaux exagérés, trouvant un plaisir pervers dans les scènes d'horreur grotesque. Mais en voyant mon expression, son sourire se fige. Elle remarque mes poings serrés, la crispation de mes mâchoires, et comprend instantanément. Sans un mot, elle se rapproche de moi, glissant une main douce et apaisante sur mon bras.

Andréas ? Ça va ? T'es tout blême ! Murmura-t-elle, sa voix trahissant une anxiété qu'elle s'efforçait de masquer.

Andréas incline la tête, tentant de maîtriser son malaise.

Oui, c'est juste... Le film, ça me rappelle des choses, répondit-il d'une voix tremblante, le regard fixé sur l'écran mais l'esprit ailleurs.

Carmen, à ma droite, me regarda avec des yeux plein de compréhension. Elle savait ce que j'avais traversé, connaissait les démons qui me hantaient encore. Rien n'était vraiment réglé pour moi; il suffisait d'un rien pour que tous mes souvenirs refassent surface, violents et intraitables. Sans un mot, elle se blottit contre moi, offrant sa chaleur et sa présence pour chasser les ombres qui menaçaient de m'engloutir. Elle se souvenait de toutes les fois où j'avais été là pour elle, ce lien indéfectible qui nous unissaient et nous avaient sauvés plus d'une fois. Kaline, toujours attentive, sentit l'urgence du moment. Elle pencha la tête vers moi, son regard doux mais concerné.

Tu veux qu'on parte ? Demanda-t-elle doucement prête à tout pour alléger sa détresse.

Non, restons... Ça va aller, marmonna-t-il, un léger tremblement dans la voix, trahissant ses mots.

Carmen sent qu'il tremble légèrement. Elle se tourne vers Kaline, un regard de détresse dans les yeux. Un regard qui ne demandait qu'une chose, sortir Andréas de cette situation.

On devrait peut-être vraiment partir, chuchota-t-elle.

Kaline acquiesçait, et ensemble, elles m'aidaient à me lever. Nous quittions discrètement la foule, nous éloignant de l'écran et du film. Nous marchions le long de la Seine, la fraîcheur de la nuit nous enveloppant. Les filles m'entouraient, formant un bouclier humain contre mes démons intérieurs. Nous trouvions un banc un peu plus loin, sous un grand arbre dont les branches offraient une couverture protectrice. Je m'asseyais, la tête entre les mains, tentant de reprendre mon souffle. Kaline s'asseyait à côté de moi, posant une main sur mon épaule, tandis que Carmen s'agenouillait devant moi, prenant mes mains dans les siennes.

Andréas, tu n'es pas seul. On est là pour toi, dit-elle doucement.

Je levai les yeux, croisant le regard de ses amies. Leur présence, leur soutien inébranlable, faisaient plus que n'importe quelle parole. Je respirai profondément, sentant l'étau de l'angoisse se relâcher peu à peu.

Merci, murmura-t-il enfin les yeux brillants de gratitudes.

Carment sourit, se relevant pour s'asseoir à côté de lui.

c'est ce que font les amis, non ? Dit-elle avec une simplicité qui me réchauffa le cœur.

Oui, c'est ce qu'on fait, confirma-t-elle.

Nous restâmes là, sous l'arbre, en silence, écoutant les murmures de la Seine et le chant des grillons. Le film continuait de projeter ses ombres effrayantes sur l'écran loin derrière nous, mais ici, sous la protection des branches, je me sentais en sécurité, entouré par ceux qui m'aimaient.

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