2 - Entre deux mondes
Une âme se présente aux portes du purgatoire lieu de transition entre Gaïa, Eden et le Shéol. C'est le passage obligé de toute âme qui vient de quitter son corps, avant d'être envoyé selon le registre de ses choix de vie soit à Eden, soit au Shéol.
Un jeune homme noir avec des dreadlocks assez courtes l'accueille. Ce dernier est vêtu d'un jean décontracté, accompagné d'un débardeur assorti, son look est complété par des baskets confortables. Au cou, il porte un énorme pendentif en forme de clé, qui attire immédiatement l'attention. Ce jeune garçon n'est rien d'autre que Saint Pierre lui-même le gardien des clefs du royaume des cieux.
(portrait de ST PIERRE )
La salle d'attente est pleine comme à son habitude, cependant une sorte d'effervescence inhabituelle se fait sentir dans le hall, plusieurs personnes courent dans tous les sens des livres et des parchemins dans les mains. L'âme qui vient tout juste d'arriver est le centre de toutes les attentions, elle est emmenée dans une autre pièce.
— Jeune homme arrivant de Barcelone, mort brutale, pauvre chou, le départ n'a pas été de tout repos. Bon, la question n'est pas là, où dois tu aller ? Éden ou Shéol ? Marmonna Saint Pierre en consultant ses registres.
— Hein ? Quoi ? Bafouilla l'âme, visiblement perdue.
— Laisse tomber les questions mon garçon, j'ai d'autres problèmes à gérer que de te donner des réponses sur tout ! Bon reprenons depuis le début, comment t'appelles-tu ?
— Andréas Cabell
Saint Pierre fronça les sourcils en vérifiant à nouveau ses listes.
— Ok, c'est bien ce qu'il me semblait. Mais alors pourquoi est-ce que je ne te trouve pas sur mes fichues listes ? Ça n'est jamais arrivé depuis la création de Gaïa... De l'inédit !
À ce moment-là, une petite blonde portant de grosses lunettes sur le bout du nez entra dans la pièce.
— Alors, Pénélope, donne-moi une bonne nouvelle ! grogna Saint Pierre, impatient.
— Pierre, c'est une histoire de dingue ! Je ne comprends pas ! Il ne figure pas sur la liste des êtres vivants de Gaïa, non plus. En fait, il ne devrait tout simplement pas exister, c'est possible ça ? Cet Andréas n'est inscrit nulle part, sur aucune de nos listes ! L'informa Pénélope, perplexe.
Saint Pierre se frotta les tempes, essayant de contenir sa frustration.
— Mais qu'est-ce que c'est que cette histoire, c'est tout bonnement impossible ce que tu me racontes là ! Tu le vois bien tout comme moi ! Il est juste là, il n'est pas apparu comme ça par magie sans que l'on soit au courant !! Envoie une convocation à Gabriel dit lui que c'est une urgence. En attendant, mets-moi cette âme en quarantaine, car finalement, on ne sait pas trop ce qu'elle est.
— Attendez deux secondes, j'ai le droit de donner mon avis ? C'est quoi votre quarantaine-là ? Je dois vraiment y aller ? c'est pas dangereux ? Protesta Andréas.
— Bon, on se calme monsieur le parano, répliqua Pénélope avec un sourire en coin. C'est juste la salle de pause. On n'a jamais eu de quarantaine ici. Et puis juste comme ça en passant, vous êtes déjà mort en fait, il n'y a plus grand-chose de dangereux pour vous, déclara-t-elle en refermant la porte derrière elle.
— Comment ça, je suis mort ? Punaise, c'est vraiment le rêve le plus bizarre que j'ai jamais fait, murmura Andréas, abasourdi.
Un peu plus tard dans la journée ...
Saint Pierre tenta désespérément de se concentrer sur une liste de nouveaux arrivants de Gaïa, mais avec « le bug de la matrice » se trouvant dans sa salle de repos, il lui était impossible de prendre des décisions concernant les aiguillages à faire entre Eden et le Shéol. C'est à ce moment qu'il sentit un souffle sur son oreille ...
— Nom de ... Nom de ... Gabriel, à quoi tu joues ? Heureusement que je ne peux pas mourir d'une crise cardiaque, s'exclama-t-il en sursautant.
— Holà ! Fais gaffe à ce que tu dis, pas de blasphème ! Répondit Gabriel morte de rire. Salut Little Pi ! Que me vaut l'honneur de cette convocation d'urgence ? La dernière fois que tu m'en as envoyé une, c'était pour l'arrivé de Constantine, je me rappelle la panique dans ton regard, tu te demandais s'il n'y avait pas d'erreur dans le registre, vu qu'il avait tenté de se suicider quand il était ado.
— Ok, c'est bon, je n'étais pas censé savoir qu'il avait joué les héros juste avant de mourir, c'est sûr que sacrifié sa vie pour sauver une âme du Shéol ça remet le compteur à zéro.
— Oui, mais tu sais bien que le registre ne se trompe jamais.
— Ouais et bien permet moi d'en douter. Je vois bien que tu rigoles, que tu ne me prends pas au sérieux. Mais là, soyons clair, je ne sais pas quoi faire ! J'ai besoin de toi pour envoyer un message à l'Éternel.
Gabriel perdit son sourire en voyant l'expression inquiète de Saint Pierre.
— Pierre, t'as bien conscience qu'on ne peut pas le déranger comme ça pour un rien, juste parce que t'as du mal à gérer ta baraque !! Plaisanta-t-elle.
— Gab, je ne déconne pas, c'est grave.
— C'est bon, j'ai compris. J'arrête les piques inutiles. Raconte-moi, qu'est-ce qu'il t'arrive ?
— J'ai accueilli une âme un peu plus tôt aujourd'hui, on a cherché son nom pendant trente plombes sur les listes et on ne le trouve nulle part ! Expliqua Saint Pierre, l'air désemparé.
— Ha ! Effectivement, ça peut poser un problème, ils sont vraiment nuls dans ton service, comment peut-on perdre un nom ? Ironisa Gabriel.
— Tu te fous de moi ? On n'a rien perdu du tout. Il n'est inscrit ni sur la liste d'Eden, ni sur celle du Shéol, mais le plus étrange, c'est qu'il n'est pas non plus inscrit sur celle des êtres vivants de Gaïa, ni avant, ni jamais !
Gabriel se renfrogna, réalisant la gravité de la situation.
— Ok, ok, je me rends. Comment s'appelle-t-elle, ton âme non inscrite ?
— Andréas Cabell. Il arrive tout droit de Barcelone.
— Quoi ? Le petit est déjà là ? Mais il a quel âge, 17 ans si je ne me trompe pas ?
— Tu le connais ?? Alors qu'est-ce que c'est ?? Et surtout, qu'est-ce que j'en fais ?
Gabriel hésita un instant.
— Heu ... Eh bien, c'est compliqué et sur le coup-là, tu as raison. Nous avons besoin des conseils de l'Éternel. Où est l'âme du gamin ?
— Je l'ai mis en quarantaine dans la salle de repos, déclara Saint Pierre.
— Ok, je reviens dès que l'on aura les instructions de Père, dit Gabriel avant de disparaître.
— Ça me va, mais ne traîne pas, ça met un bazar de tous les diables dans mon service et ça gossip dans tous les couloirs depuis ce matin, tellement que j'en ai mal au crâne ! Il va me falloir une éternité pour remettre tout le monde au boulot après cette histoire.
— Oui, oui, t'inquiètes je gère.
Saint Pierre soupira de soulagement, puis retourna à son travail, bien que la présence de cette âme continuait de le distraire. Quelques minutes plus tard, Gabriel réapparut.
— Alors j'en fais quoi de ton passager clandestin ? L'interrogea Saint Pierre, levant les yeux de sa pile de papiers.
— Allons dans ta salle de repos, ça m'évitera de me répéter, répondit Gabriel.
Andréas était toujours dans cette fameuse salle de repos, quand il entendit tout à coup comme un bruissement d'ailes. Il se retourna et vit un petit bout de femme avec des cheveux blonds presque blancs, courts, et aux yeux bleu turquoise, toute de blanc vêtue. Au même moment, la porte s'ouvrit laissant apparaître Saint Pierre.
— Bonjour Andréas, je m'appelle Gabriel. Je sais que tu as eu une éducation religieuse avec ta mère, donc tu dois avoir une petite idée de qui nous sommes Pierre et moi ? Commença Gabriel.
— D'après ce que j'ai pu comprendre, je suis mort et je me trouve au purgatoire dont Pierre est le gardien et vous, vous êtes l'archange Gabriel, c'est ça ? Affirma Andréas en riant, incrédule.
— Et bien, il est perspicace le petit ! Tu diras merci à tes catéchistes, ils ont fait du bon boulot, rétorqua Gabriel avec un sourire.
— Mais bien sûr ! Et la marmotte elle met le chocolat dans le papier d'alu, bon assez rigoler, vous êtes qui ? Demanda Andréas, perplexe.
Saint Pierre se renfrogna.
— Mais c'est quoi ce comique du dimanche ? Tu viens de le dire qui on est, andouille !!
— Disons que Saint Pierre en jean, baskets, avec des dreads, et l'archange Gabriel, le haut commandeur des armées célestes, une fille... Ça ne fait pas très crédible ! Bon, perso, je pense que soit on m'a assommé, sois je dors, et que tout ça est un rêve un peu chelou sorti tout droit de mon imagination, expliqua Andréas.
— Il commence un peu à me fatiguer ton non inscrit Gab, c'est quoi le problème avec mon jean et mes baskets ? Et elles sont bien, mes dreads, non ? T'aurais préféré quoi ? La toge et la longue barbe, c'est ça ? Non, mais sérieux d'où il sort ce petit crétin ? Râla Saint Pierre.
Gabriel éclata de rire avant de le calmer d'un geste.
— Du calme little Pi, comprends-le. C'est l'image que nous avons pour Gaïa, tu sais bien que ça ne vient pas de lui. C'est dû aux différentes représentations que les hommes ont fait de nous à travers les siècles. Est-ce que je me plains moi ? On n'arrête pas de m'imaginer en mec ultra balaise ou en androgyne, tu te rappelles le film qu'ils ont fait sur John ? Sérieux, j'ai l'air de ressembler à Tilda Swinton ?
— Mouais, c'est clair, John lui, c'est keanu Reeves qui a eu le rôle, vla la gravure de mode, alors que bon en vrai, c'était pas vraiment le canon des canons. D'ailleurs, je me demande toujours qui a bien pu cafter sur son histoire ? Se questionna Saint Pierre, pensif.
Gabriel secoua la tête, amusée.
— Enfin bref, c'est pas grave. Je sais qui je suis, c'est le principal. Donc maintenant gamin, garde tes réflexions pour toi et vu que les présentations sont faites, allons dans le vif du sujet. En arrivant ici, tu aurais dû être envoyé soit à Eden ce que vous appelez le paradis, soit au Shéol, autrement dit en enfer. Cependant, pour pouvoir y accéder, tu dois être inscrit sur la liste de Gaïa ce que tu appelles la terre. Mais là où ça se complique, c'est que tu es ce qu'on va appeler un non inscrit, tu n'es pas un être crée selon la volonté de l'Éternel.
— Hein quoi, comment ça ?? Mais je suis quoi alors ? Demanda Andréas déconcerté.
Gabriel baissa les yeux avant de répondre.
— Ça mon garçon, je ne suis pas censé t'en parler, tu devras le découvrir seul. Comme tu n'étais pas sur la liste de Gaïa, nous n'avons pas pu comptabiliser l'ensemble de tes choix de vie, ce sont ces derniers qui nous permettent de décider de ton sort lors de ton arrivé ici. L'Éternel te fait une proposition qui me semble raisonnable d'accepter. Nous allons ajouter ton nom à la liste de Gaïa aujourd'hui, et ton âme réintégrera ton corps juste après. Au vu de la manière violente et horrible par laquelle tu es arrivé ici, il te donne une nouvelle chance de vivre sur terre. Mais attention, à partir de ton réveil tous tes choix pèseront sur la balance final le jour de ton retour parmi nous. Comprends-tu ce que cela veut dire ?
— Que je vais pouvoir retrouver les miens et vivre ? Supposa Andréas, les yeux écarquillés.
— Oui, c'est exactement ça, confirma Gabriel.
— Heu... C'est sérieux ça ? On a vraiment le droit d'effectuer une nouvelle résurrection ?? Pétard de pétard !! Je ne sais pas ce que notre père a prévu pour toi, mais dit toi juste que le seul qui a eu droit à cela jusqu'à présent, c'était son fils ! Et crois-moi ça, ce n'est pas rien. S'exclama soudain Saint Pierre, qui avait écouté jusque-là en silence.
Gabriel hocha la tête en signe d'approbation.
— Ok Pierre, fait le nécessaire et renvoie-le, ordonna Gabriel.
— Pas de soucis. Tiens, au fait, je l'attribue à quel gardien, du coup, vu qu'il n'en avait certainement pas ?
— Laisse-moi m'occuper de ça, j'ai ma petite idée. Je dois voir quelqu'un à ce sujet, répondit Gabriel.
— Très bien, allez viens suis moi, j'ai du boulot et de la paperasse par-dessus la tête avec cette procédure, j'espère que tu t'en monteras digne. Alors tout d'abord, procédons à ton inscription sur le registre, dit Saint Pierre en pianotant sur son clavier. Ok, voilà qui est fait. Ensuite, tu vois la porte là-bas, lorsque je te ferais signe ouvre là et entre dans la brume, je me charge de programmer ton corps comme lieu d'atterrissage. C'est bon, vas-y, bon retour sur Gaïa petit et vis ta vie à fond, ne reviens pas trop vite surtout !
Andréas entre dans la brume et disparaît.
— Et voilà ! Une bonne chose de faite ! S'exclama Gabriel, satisfaite. Dis-moi, ils vont le prendre pour un dingo en bas, s'il se met à raconter tout ce qu'il a vu ici, non ? Demanda Gabriel inquiète.
— T'inquiètes normalement, il ne devrait garder aucun souvenir de son passage au purgatoire, répondit Saint Pierre.
— Tant mieux ! Bon, va falloir que j'y aille. Je dois mettre la main sur le futur gardien du gamin et je n'ai pas la moindre idée d'où est ce qu'il se trouve en ce moment. Lança Gabriel.
— Hé ben ! Avec le passif qu'il a celui-là, je lui souhaite bien du plaisir, au gardien, lança Saint Pierre en se tournant pour ajouter quelque chose. Ah ! Au fait je ... Non mais elle est sérieuse, là ? J'ai l'air d'un con, moi, à parler tout seul comme ça... ! À chaque fois, c'est pareil !
Il se retourna vers les âmes et les anges qui s'étaient attroupés à l'entrée de la salle de repos, curieux de la situation.
Bon, allez, allez ! C'est fini le cirque, tout le monde retourne à son poste ! Ordonna-t-il.
Au même moment dans un hôpital de Barcelone...
Dans le couloir, une femme pleure. Deux aides-soignantes passent et la regarde.
— Regarde, chuchota la première tout en jetant un coup d'œil rapide vers la silhouette de la femme, assise dans le couloir. C'est Madame Cabell la mère du gamin de la chambre 212. Tu sais celui de la morgue !
La seconde hocha la tête, l'air intriguée.
— Tu connais Betty ? C'est l'assistante qui bosse à la morgue. Elle m'a dit que le légiste est sous anxiolytique. Apparemment, on est pas prêt de le revoir !
— Ah oui ? J'en ai entendu parler. C'est walking dead, cette histoire ! Incroyable ! C'est flippant quand même, murmura-t-elle frissonnant légèrement. Heureusement que je ne bosse pas dans ce service.
— Attention, elle va t'entendre !
— Mais non, c'est bon, regarde, elle va voir le médecin, répondit la seconde en s'éloignant, tout en continuant leur échange à voix basses.
Mme Cabel, le visage ravagé par l'angoisse et les cernes trahissant des nuits sans sommeil et beaucoup de larmes, s'approcha du médecin qui feuilletait distraitement le dossier de son fils.
— Docteur, pensez-vous qu'il se réveillera un jour ? Demanda-t-elle d'une voix tremblante.
Le médecin, un homme d'une cinquantaine d'années, au visage marqué par les difficultés du métier, leva les yeux du dossier. Il inspira profondément, choisissant ses mots avec soin.
— Mme Cabell, nous n'arrivons toujours pas à comprendre ce qu'il s'est passé avec votre fils, commença-t-il doucement, son ton empreint de gravité. Le légiste ne s'en est toujours pas remis, vous savez. Il y a de quoi faire une crise cardiaque avec ce qu'il a vécu ! Le cœur de votre fils s'est arrêté pendant trente minutes... Comment a-t-il pu redémarrer comme ça tout seul ? Ça relève du miracle ou de la sorcellerie ! Vraiment.
Il fit une pause, luttant contre l'incrédulité qui ne cessait de le hanter depuis cet événement.
— Physiquement tout à l'air de fonctionner normalement, poursuivit-il en croisant le regard inquiet de Mme Cabell. Mais... il n'y a plus d'activité cérébrale. Trente minutes sans irrigation... Son cerveau ne sera très certainement plus fonctionnel. Vous devriez vous préparer à ce qu'il reste dans un état végétatif permanent.
Mme Cabell hocha la tête, mais ses yeux trahissaient une douleur immense, mêlée d'un refus obstiné. Elle retourna vers la chambre de son fils, ses pas lourds résonnant dans le couloir désert.
Une fois auprès de son fils, elle s'agenouilla à côté de son lit, serrant sa main froide entre les siennes, des larmes silencieuses roulant sur ses joues.
— Andy, mon amour réveille-toi ! Souffla-t-elle, sa voix brisée par les sanglots. Tu es trop jeune pour que tout s'arrête maintenant. Je refuse de m'y résoudre. Je vais prier encore et encore, je refuse de t'abandonner.
Soudain, un faible gémissement se fit entendre, suivi d'une voix rauque et hésitante.
— Mmmmh... Maman... C'est toi ? J'ai mal partout. Je suis où là ?
(portrait de L'ARCHANGE GABRIEL )
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