15 - Méfiance et attirance

Paris, Académie des Arts, 17 octobre 2023, 16 h 00.

POV Andréas.

J'entre dans la salle de rééducation avec une appréhension familière. Naël m'attend déjà, prêt à commencer notre séance du jour. Je sens mon cœur s'accélérer à la simple vue de cet homme.

— Prêt pour aujourd'hui ? Demanda Naël avec un sourire encourageant.

J'acquiesce, mais mon esprit est ailleurs. Depuis la cérémonie des flocons, je ne peux m'empêcher de revoir le visage de Naël dans la foule. Cette présence obsédante m'a suivi partout, me donnant l'impression qu'il n'est jamais très loin.

Cela fait cinq minutes que la séance a commencé. Le petit gymnase de l'académie est silencieux, baigné dans une lumière douce qui filtre à travers les rideaux tirés. Les murs, recouverts de miroirs, semblent agrandir l'espace et reflètent chaque mouvement. Je suis allongé sur le tapis de rééducation, la jambe tendue, concentré sur l'exercice. Naël reste à une distance respectueuse. Le silence est uniquement brisé par ma respiration et ses instructions.

— Respire profondément, et essaie de relâcher la tension, murmura Naël, d'une voix calme, presque apaisante.

Il est aux petits soins, comme à son habitude, et fait tout pour éviter tout contact. Je sais que c'est difficile pour lui. Le toucher est une nécessité dans son travail, mais pour moi, chaque contact est une épreuve à surmonter. Malgré sa gentillesse, je ne peux m'empêcher de remarquer quelque chose d'étrange dans son comportement, un air de mystère qui m'intrigue et m'inquiète à la fois. Au fil des séances, cette sensation de malaise s'intensifie. J'ai réellement l'impression de le voir partout. Je n'arrive pas à m'expliquer ce sentiment d'être constamment surveillé. Génial, un stalker à Barcelone, un autre à Paris... Il ne me manquait plus que ça ! Je dois vraiment arrêter de me monter le bourrichon. C'est sûrement dans ma tête que tout ça se passe ! Je dois mettre tout ça de côté et me concentrer sur mes exercices.

Il est difficile de ne pas remarquer les regards en coin et les réponses évasives à mes questions. Bref, tout ce qu'il faut pour alimenter mes angoisses. Je ne comprends toujours pas la raison de sa présence à la cérémonie. Pendant une pause entre les exercices, je me décide à lancer le sujet avec une pointe d'appréhension dans la voix.

— Dis-moi, qu'est-ce que tu faisais à la cérémonie des flocons l'autre soir ? Demanda-t-il directement, brisant la quiétude de la pièce.

Naël relève la tête, surpris. Il reste cependant à une distance respectueuse, comme s'il savait que s'approcher davantage pourrait créer une tension inutile.

— Quoi ? Répondit-il, feignant l'étonnement. Je n'y étais pas. Tu sais, moi, une fois ma journée terminée, je me casse. Je ne vais pas errer dans les couloirs de l'académie, répondit-il d'une voix assurée. Tu as dû me confondre avec quelqu'un d'autre.

Mais quelque chose dans sa voix sonne faux, et je ne suis pas prêt à le laisser passer.

— Je sais que c'était toi, Naël. Pourquoi me mens-tu ? Insista-t-il, l'incrédulité perçant dans sa voix.

— Je te l'ai déjà dit, Andréas, je n'y étais pas. Pourquoi ça t'obsède autant ?

Je serre les dents, sentant la frustration monter en moi.

— Parce que je te vois partout, même en dehors des séances. C'est comme si tu étais là pour me hanter.

Merde ! Pourquoi j'ai dit ça comme ça ? Génial, je vais passer pour un taré maintenant !

Le silence qui suivit était lourd, chargé de tensions inexprimées. Naël s'approcha doucement, réduisant l'espace entre nous, sans pour autant franchir la barrière du contact.

— Peut-être que c'est plus simple que tu ne le penses, murmura-t-il, ses yeux cherchant à capturer mon regard. Peut-être que tu me vois justement parce que tu as envie de me voir ? Son ton ambigu laissa planer une multitude de significations.

— Tu as envie de me voir, Andréas ?

Je sens une chaleur envahir mon visage, un mélange de surprise et d'embarras.

— C'est ridicule ! Rétorqua-t-il, mais ma voix manque cruellement de conviction.

La proximité de Naël, son parfum, sa présence, son regard... Tout me trouble. Il esquisse un sourire, un de ceux qui pourraient faire fondre l'Antarctique.

— Oh, vraiment ? Répliqua Naël, comme s'il connaissait déjà la réponse.

POV Naël.

Après cette confrontation, je ressens un immense soulagement lorsqu'Andréas ne pose pas d'avantage de questions. Bien que j'aie nié ma présence à la cérémonie, je sais que mon mensonge aurait été difficile à maintenir si Andréas avait vraiment insisté. Je m'efforce de dissimuler tout signe de nervosité, gardant un visage calme, et décide de me concentrer sur le reste de la séance, le guidant à travers les exercices avec une assurance renouvelée. Pourtant, malgré mon soulagement, je reste sur mes gardes, conscient d'être surveillé de près. Je doute qu'il abandonne ses soupçons aussi facilement. Je peux voir dans son regard qu'il n'en restera pas là. Je redouble d'efforts pour maintenir une frontière professionnelle entre nous, tout en continuant à fournir les soins et le soutien dont il a besoin pour sa récupération. Je suis obligé de reconnaître que ce sont mes actions qui suscitent la méfiance d'Andréas. Il va falloir que je prenne des mesures supplémentaires pour protéger mon propre secret.

POV Andréas.

La cloche sonne dans l'académie, marquant ainsi la fin de la séance. On entend, provenant des couloirs, le brouhaha des changements de classe. Les élèves se dispersent lentement, leurs conversations mêlées aux bruits de pas traînants. Je range mes affaires avec une lenteur délibérée, cherchant à éviter Naël. Notre confrontation précédente a laissé des traces, et je n'ai pas hâte d'y replonger si vite.

— Hey, Andréas ! Lança-t-il en s'approchant, un sourire forcé aux lèvres. On va prendre notre douche ?

— Non, pas de suite. J'aimerais faire un peu de yoga.

Obligé de mentir, ça craint ! J'espère que ça suffira à le décourager. Je le vois hausser les épaules avec un air détendu.

— Pas de problème ! Déclara-t-il en ne cachant pas son soulagement, visiblement satisfait de pouvoir s'éloigner de moi et de mes questions dérangeantes. On se revoit dans quinze jours, prochaine séance à la rentrée. Repose-toi bien, dit-il en se dirigeant vers les vestiaires.

— Oui, à bientôt ! Murmura-t-il, en déroulant un tapis de sol.

Dieu merci, il n'insiste pas. Bon, je dois faire illusion s'il repasse par là. Alors, je tente de me souvenir et de reproduire les quelques poses de yoga que j'ai vues à la télé l'autre jour. Enfin, après ce qui semble être une éternité, je n'entends plus de bruits provenant des vestiaires. Naël doit avoir fini. Le silence règne désormais, je vais pouvoir y aller. Enfin seul !

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