Chapitre 85
Yoongi sortit son livre de son sac. Jungkook, une fois vêtu de sa chemise et une heure après avoir avalé un cachet destiné à l'apaiser, avait été conduit au bloc opératoire à l'heure prévue. Il était parti depuis environ deux minutes. Yoongi tenta de se concentrer sur sa page. Il se trouvait sur un des fauteuils de la chambre, Jimin sur l'autre, autorisés tous deux à attendre leur ami ici – on les avait prévenus qu'ils devraient patienter un long moment, mais ça n'avait pas gêné l'aîné, et son cadet avait choisi de lui tenir compagnie.
Yoongi referma son livre.
« Je vais pas y arriver, soupira-t-il. Je stresse autant que lui. J'arrive même pas à lire une page.
— Tu veux que je demande qu'on t'apporte le même calmant qu'à Jungkook ? »
Yoongi ricana et adressa un regard affectueux à son compagnon, installé à moins de deux mètres de lui.
« Plus sérieusement, reprit Jimin, tu veux que j'aille te chercher une tisane ou un truc du genre ?
— C'est gentil, mais je pense que je vais juste regarder des vidéos et me perdre sur YouTube.
— T'es sûr ?
— Même une tisane me calme pas, dans ce genre de moments. Je me connais. Mais merci encore d'avoir proposé.
— Bon, comme tu voudras.
— T'es sûr que tu veux rester jusqu'à son retour ? Ça risque d'être long, et j'imagine que t'as mieux à faire de ton seul jour de repos. Tae doit se sentir seul, non ?
— Je suis heureux de chaque minute passée avec toi. Surtout... en ta présence, physiquement. Je sais que t'as accepté qu'on se voie juste parce que je pouvais t'amener à l'hôpital, je sais que quand on rentrera on reprendra nos appels en visio... alors je veux en profiter un maximum.
— Je suis désolé...
— T'excuse pas, ça me gêne pas. Quant à Taehyung, il se prépare pour sa cérémonie, il a pas besoin de moi, je l'ai encouragé toute la matinée, j'ai bien cru qu'il allait devenir fou. Au contraire, quand je suis parti il avait l'air soulagé... c'était presque vexant. »
Yoongi lui sourit, son regard remerciait son copain pour lui. En vérité, quand Jungkook avait été conduit au bloc opératoire, il paraissait plongé dans une détresse telle que son meilleur ami lui avait tenu la main jusqu'à ce qu'il lui faille la lâcher. Depuis, impossible pour lui de calmer sa propre anxiété.
« Et si Jungkook se réveille pas avant la cérémonie, tu devras quand même y aller, non ?
— Oui, j'irai, mais au moins je t'aurais tenu compagnie aussi longtemps que possible, et puis je ne m'inquiète pas pour Jungkook : avec toi à ses côtés, il risque rien.
— C'est gentil, merci beaucoup.
— Par contre, j'ai vu que toi, t'avais apporté aucune affaire : Jungkook passera sûrement la nuit ici, tu comptes rester aussi ?
— Je sais pas, je m'étais pas posé la question, admit Yoongi.
— L'infirmière a dit que les proches de Jungkook étaient autorisés à rester avec lui vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Je pourrai t'apporter des affaires si t'en as besoin, t'auras juste à me filer le code de chez toi et en deux secondes je serai là avec le nécessaire – ou si tu préfères, je t'apporte des trucs de chez moi, ça me gêne pas : j'ai des brosses à dents neuves, des vêtements à ta taille, et si t'as besoin d'autre chose il suffira de demander.
— Merci pour ta générosité, Jimin-ah, mais ce sera pas nécessaire. Je demanderai ce dont j'ai le plus besoin, quant à mes vêtements, ça me gêne pas de les garder pour la nuit.
— Tu travailles, demain, non ? s'étonna Jimin.
— Oui, pourquoi ?
— Parce que tu comptes t'y rendre comment ?
— Si je pars à cinq heures et demie de la clinique, je serai à l'heure au boulot.
— Attends... tu comptes t'y rendre à pied ?
— Bah oui. Promenade matinale.
— Je viendrai te chercher, et c'est pas négociable.
— Non, Jimin, c'est pas la peine de...
— Hyung, je sais que ça t'embarrasse, mais je sais aussi que si nos rôles étaient inversés, tu ferais pour moi tout ce que je fais pour toi. Je sais que tu comptes beaucoup pour Jungkook, je veux aussi que tu restes auprès de lui autant que possible. En voiture, ce sera bien plus rapide qu'à pied. Donc demain matin, je viendrai te chercher à six heures et demie. Je t'attendrai sur le parking de la clinique.
— Merci encore, merci pour tout.
— Je t'en prie, je suis heureux de pouvoir te montrer de cette manière que... enfin... que je t'aime. La moindre seconde en ta compagnie illumine ma journée, c'est toujours un plaisir de passer un moment avec toi. J'ai jamais ressenti ça de manière aussi forte pour quelqu'un. Je veux dire... savoir que tu me laisses t'approcher, que t'acceptes que je te traite comme mon petit ami... ouais, ça compte énormément pour moi, et je me sens vraiment spécial à tes yeux, que tu m'aimes ou non. Parce que je sais que si t'acceptes tout ça, c'est forcément que tu ne me détestes pas.
— Je voudrais au contraire pouvoir t'aimer comme tu le mérites, soupira Yoongi.
— Tant que tu m'aimes à ta façon, le reste importe peu, affirma Jimin. Je suis touché que tu m'apprécies au point de te sentir coupable de ne pas m'aimer, mais... tant que je sais qu'il reste de l'espoir pour qu'un jour tu tombes amoureux de moi, ça me suffit, je suis heureux. Je te l'ai dit : c'est tout ce qui compte pour moi, qu'on soit bien ensemble. Alors ne t'inquiète de rien, sois juste toi-même, et tout se passera mieux encore qu'on l'avait imaginé.
— Je comprendrai jamais pourquoi tu aimes quelqu'un comme moi sans vouloir le changer, mais merci, ça compte beaucoup pour moi aussi. J'ai la sensation de... de pouvoir te faire confiance, un peu.
— Un peu, je sais que pour toi c'est déjà énorme. »
Ils se turent, leurs deux regards aimants se croisèrent. Jimin lut dans les yeux de Yoongi toute la tendresse que ce dernier éprouvait pour lui sans accepter de le lui avouer. Le cadet en effet avait conscience des sentiments de son copain pour lui, mais il savait aussi qu'il n'osait pas encore les admettre. S'il avait remis à plusieurs reprises ses certitudes en question, il lui apparaissait néanmoins que Yoongi l'aimait bel et bien, il demeurait juste trop indécis pour l'affirmer sans en douter – ou bien craignait-il de le lui confier.
Jimin, donc, n'hésitait jamais à lui déclarer sa flamme. De cette manière, le cœur de Yoongi se réchauffait de bonheur, et si sa passion pouvait rendre Yoongi heureux, alors il s'assurerait que jamais il ne l'oublie. Il désirait que Yoongi se sente comme dans un cocon d'amour, entouré d'affection à la manière d'une étreinte de sentiments qui l'enlacerait sans cesse.
Jimin adressa un sourire à son copain qui, plus timoré, lui répondit par un rictus embarrassé. Le cadet reprit son occupation, quant à l'autre, il riva son regard devant lui, perdu dans ses pensées, et laissa sa jambe s'agiter de manière nerveuse. Les secondes ressemblaient à des minutes, les minutes à des heures, et Yoongi jetait par instants un coup d'œil au livre de son compagnon pour constater qu'il avait progressé d'une dizaine de pages, ce qui signifiait que le temps ne s'était pas figé. Jimin lui avait proposé de mettre la télévision, mais conscient que ça risquait de le gêner pendant sa lecture, Yoongi avait décliné. Il avait en revanche essayé de visionner une vidéo sur YouTube, mais son stress s'avérait tel qu'il ne parvenait pas à apprécier le contenu à sa juste valeur : il n'arrêtait pas de songer à Jungkook.
Il patientait depuis plusieurs heures et avait déjeuné depuis un moment déjà quand on frappa de manière délicate à la porte. Yoongi bondit de son siège et observa la jeune femme qui entra, un sourire bienveillant au visage. C'était celle qui les avait conduits ici en fin de matinée.
« Monsieur Jeon a été opéré avec succès, affirma-t-elle. Son état a, comme on s'en doutait, nécessité une anesthésie générale. Il se trouve actuellement en salle de réveil. Si tout se passe bien, il devrait revenir ici dans l'heure.
— Comment ça, si tout se passe bien ? s'inquiéta Yoongi.
— Il peut arriver qu'il y ait des nausées, des soucis bénins. On prend bien soin de lui, ne vous en faites pas, monsieur. Il était très stressé, alors on va y aller en douceur.
— Mais il va bien ?
— Tout s'est bien passé, oui. »
Yoongi opina, et s'assit. Il se rongeait les sangs, mais en silence, de sorte que Jimin tenta de le distraire en lui racontant le début du livre qu'il avait bien avancé depuis leur arrivée. Conscient que Yoongi vivait mal l'absence de Jungkook, il espérait que leur ami ne tarderait plus, fringant et capable de rassurer l'aîné.
Le temps leur parut interminable jusqu'à l'arrivée du patient. Jungkook entra dans un fauteuil roulant, épuisé par l'intervention subie, et l'infirmière l'aida à s'installer dans son lit sous le regard ému de Yoongi qui en versa presque une larme. Le bras du garçon était enveloppé dans un plâtre qui lui interdisait tout mouvement du poignet. Son visage, stressé avant son départ, traduisait une fatigue telle que Jungkook semblait n'avoir pas dormi depuis des lustres.
« Il a besoin de se reposer, expliqua la femme une fois Jungkook allongé.
— Compris, on le laissera tranquille, acquiesça Yoongi. Il se sent pas trop mal ?
— Je survivrais, sourit Jungkook en dépit de ses paupières mi-closes, t'inquiète pas pour moi.
— Je vous laisse. »
Et sur ces mots, l'infirmière s'en alla. Yoongi alors se hâta de se relever. Il déplaça son siège jusqu'au pied du lit de Jungkook, s'assit et lui prit la main droite pour la serrer dans la sienne et lui en caresser le dos – ce geste apaisait toujours Jungkook. Aucun bruit, le silence : Yoongi ne comptait pas poser la moindre question, il désirait juste tenir la main de son ami pour lui prouver que tout était fini, qu'il s'était montré plus courageux que jamais, et que désormais il se trouvait là, à ses côtés, pour le rassurer.
Jungkook esquissa un fin sourire, murmura un remerciement, et parut plus serein. Son aîné ignorait s'il gardait les paupières closes parce qu'il somnolait ou bien parce qu'il n'avait pas encore la force de les ouvrir, mais peu importait : que Jungkook s'assoupisse ou non, il ne lui lâcherait pas la main.
Jimin, touché d'avoir remarqué les prunelles humides de son compagnon, ne prononça lui non plus pas un mot, à la place de quoi il reprit sa lecture, soulagé que Jungkook se porte bien.
Jungkook s'était bel et bien rendormi lorsqu'on frappa deux coups presque inaudibles à la porte. Convaincu qu'il s'agissait d'un infirmier ou d'un médecin, Yoongi écarquilla les yeux quand entra Taehyung, dans le magnifique costume qu'il avait revêtu pour la cérémonie qui ne tarderait plus à débuter. Il s'était maquillé de manière discrète mais élégante, et ses jolies boucles encadraient son visage parfait.
« Taehyung-ah, qu'est-ce que tu fais ici ? lâcha Jimin dans un murmure stupéfait.
— Je venais te prévenir qu'on devait bientôt y aller, et je venais aux nouvelles en ce qui concerne Jungkook. Tout s'est bien passé ?
— Euh... o-oui, mais... Je pensais que...
— Jimin t'a dit qu'on était ici ? demanda Yoongi d'un ton sévère.
— Non, j'ai rien dit, affirma l'autre sans oser hausser le ton de peur que Jungkook n'en soit réveillé.
— Je confirme, il a rien dit, c'est la clinique. J'avais demandé à être prévenu quand Jungkook reviendrait de la salle de réveil. Je savais qu'avec tout ça, je pourrais passer sans le déranger puisqu'il se rendormirait rapidement. Je voulais juste le voir. Je suis venu aussi vite que possible, répondit Taehyung en jetant un regard attendri au blessé.
— Comment la clinique a pu accepter ça ?
— Parce que c'est la seule chose que j'ai demandée quand la directrice a refusé d'opérer Jungkook gratuitement et que j'ai choisi de prendre en charge tous les frais de l'opération et des soins qui suivraient. »
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Bon, tout le monde s'en doutait, alors c'est pas si surprenant de voir Taehyung débarquer... l'explication dans le prochain chapitre ;D
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