Chapitre 82

« Jungkook ? Tu m'entends ? Kook-ah, ça va aller, c'est fini. La guérison prendra quelques mois, mais elle est assurée : avec ces spécialistes, t'as pas à craindre la moindre complication. C'est incroyable, hein ? se réjouit Seokjin.

— Oui, souffla Jungkook.

— Ça va ?

— Hyung, je me sens pas bien...

— Comment ça ? Qu'est-ce qui se passe ? »

Jungkook, sous le choc, s'était mis à trembler, et sans qu'il parvienne à les retenir, des larmes lui brouillaient la vue. Il mourait de chaud alors même qu'il frissonnait, et un vertige l'incita à fermer les paupières pour retrouver son calme.

« Kook ? Kook, tu vas bien ? T'es chez toi ?

— Non, je suis sorti me balader. Ça va aller. J'ai juste... besoin d'un peu de temps. Putain, j'y crois pas... »

Sa voix se brisa et un premier sanglot lui échappa alors qu'il s'asseyait sur un muret à proximité. Il laissa son soulagement le submerger, pleurant de bonheur pour la première fois depuis bien longtemps – et comme ça apaisait son cœur ! Effondré, toujours incapable de se rendre compte de tout ce qui allait désormais lui arriver, le libraire ne parvenait pas à retenir ses larmes. Il avait imaginé mille scénarios pires les uns que les autres... sans jamais envisager qu'un tel miracle puisse advenir !

« Merci hyung, merci, merci, merci ! Je... j-je sais même pas quoi dire t-tellement je suis heureux e-et reconnaissant ! T'as fait tellement pour moi ! Oh mon dieu, ça peut pas être réel, je... j-j'en reviens toujours pas !

— Je peux venir te voir, Kook ? Cette nouvelle, ça mérite un bon restau, ça se fête, hein ?

— Si tu veux, oui. Je suis pas loin de chez moi, je t'attends devant l'immeuble.

— J'arrive, je quitte le cabinet à l'instant. »

Ils se saluèrent et, peu après, alors qu'il patientait devant l'immeuble qu'il habitait, Jungkook vit une voiture s'arrêter à sa hauteur et son ami en descendre. Le libraire tremblait encore, Seokjin l'enlaça en remarquant que des larmes ruisselaient toujours sur son visage. Il lui frotta le dos avec tendresse.

« Jungkook, je suis soulagé de te voir. Tu te sens bien, ça va ?

— Je sais pas... J'ai chaud et froid, et... et je sais pas.

— Ce serait quand même con que tu me claques entre les mains à quelques jours seulement de ton opération, tu trouves pas ?

— Si, gloussa Jungkook. Laisse-moi encore cinq minutes, ça va déjà mieux. »

Il avait réussi à quitter son muret pour regagner son immeuble, ça représentait déjà une grande victoire pour lui. Son cœur cognait si fort que la douleur en devenait de moins en moins supportable, et de nouvelles larmes lui échappèrent quand il songea que ça devait ressembler à ça, d'être heureux. Il ne l'avait plus été depuis si longtemps que son corps réagissait de manière plus vive que chez quiconque.

Seokjin lui caressa la nuque, les cheveux, et il profita de ces paisibles minutes pour expliquer un peu à Jungkook ce qui l'attendait. Parmi les papiers qu'il remplirait dès le lendemain se trouverait un arrêt de travail à faire signer par Namjoon : à partir la semaine suivante, Jungkook aurait trois mois pour se rétablir. Cette période néanmoins pouvait être prolongée selon son état au terme de ces trois mois, et dans tous les cas, tout effort lui serait interdit pendant six mois – et ça comprenait tant des efforts intenses, comme soulever des cartons en réserve une fois de retour à la librairie, que des efforts de longue durée, comme porter des piles de livres pendant huit heures consécutives.

Jungkook opinait à chaque affirmation de son aîné qui le sentait hocher la tête contre son épaule. Enfin le jeune homme s'écarta.

« Hyung, ça va changer ma vie, et... il faut que je prévienne mes parents ! Et Yoongi-hyung ! Ils seront tous tellement heureux !

— On en a pour dix minutes de trajet jusqu'au restau : tu pourras appeler tes parents quand on sera dans la voiture et Yoongi le temps que les plats arrivent. Et je sais pas si le rendez-vous de demain tombe ou non sur tes heures de boulot, mais si c'est le cas, préviens tout de suite Namjoon que tu seras pas là.

— Non, je bosse pas les jeudis après-midi.

— Oh, alors j'ai bien visé !

— Oui, gloussa Jungkook.

— Parfait, alors ne perdons pas une seconde de plus ! »

Ils montèrent en voiture, et Jungkook s'empressa de téléphoner à sa mère pour lui expliquer dans les grandes lignes ce qui lui était arrivé. À peine eut-il terminé qu'elle lui demanda s'il était bien en train de lui dire que l'intervention serait prise en charge et qu'il l'avait acceptée.

« Oui maman. Je me fais opérer dimanche. »

Et quand sa mère fondit en larmes au bout du fil, Jungkook sentit à son tour les sanglots lui nouer la gorge. Elle aussi, elle avait oublié ce que ça signifiait, être heureux. Et d'ici quelques courtes années, une fois les derniers millions remboursés, ils profiteraient tous enfin de leur vie.

Le père du jeune homme, sans doute alerté par les pleurs de sa femme, s'enquit de ce qui se passait, et Jungkook esquissa un sourire, en dépit de ses larmes, en écoutant sa mère résumer la situation à son époux... puis elle lui donna le téléphone.

« Allô, Jungkook ?

— Salut, papa, ça va ?

— Et toi ? Tu... c'est vrai ?

— Oui. Seokjin a pu m'obtenir une intervention gratuite pour dimanche, et les soins seront pris en charge jusqu'à ce que je sois remis. »

Le libraire entendit son père prendre une profonde inspiration – tel qu'il le connaissait, ça signifiait qu'il se retenait d'éclater en sanglots à son tour.

« Je suis vraiment heureux pour toi, mon Kook-ah, souffla-t-il d'une voix qui témoignait de sa gorge nouée. On essaiera de venir te voir pendant ta convalescence, et on t'apportera de quoi t'occuper.

— C'est gentil, mais ce sera pas nécessaire : j'ai déjà des dizaines de bouquins à lire, et j'irai sans doute de temps en temps chez Yoongi-hyung pour regarder une série ou passer du temps avec lui. Je sais à quel point c'est compliqué pour vous de prendre des congés. J'essaierai de venir vous voir moi-même, vous en faites pas.

— Ah non, protesta son père, toi, t'auras besoin de te reposer, ce sera pas le moment de prendre le train et de venir jusqu'ici avec ta valise ! »

Jungkook rit de l'élan d'autorité de son père qui mit ensuite le téléphone en haut-parleur pour que sa femme, qui avait calmé ses larmes, puisse de nouveau discuter avec son fils.

Jungkook et Seokjin s'apprêtaient à commander leur repas quand Jungkook raccrocha, et il choisit de ne pas appeler Yoongi pour lui faire part de la bonne nouvelle : il préférait encore la lui donner dès le lendemain, en face à face avec Namjoon qui devait lui aussi être tenu au courant au plus vite de la situation.

Bien décidé, donc, à profiter de ce dîner tardif que lui offrait celui qui allait sauver son bras, Jungkook se détendit et ouvrit la conversation. Il demanda à Seokjin comment se portait son cabinet, ce qu'il avait fait ou prévu d'important ces jours-ci, etc. Heureux de constater que son ami se montrait bavard et intéressé, l'aîné se réjouit de parler un peu plus de lui, de ce qu'il ambitionnait et de ce qui lui plaisait. Jungkook et lui, bien que proches, n'avaient jamais discuté de manière si légère.

La soirée fut un succès, et le libraire rentra chez lui avec un sourire immense ainsi qu'un cœur paisible, déposé devant son immeuble par Seokjin qui lui adressa un signe enthousiaste de la main avant de s'en aller.

Pour la première fois depuis un temps qu'il ne saurait estimer, en s'endormant, Jungkook pensa à son avenir avec joie et sérénité.

~~~

Tout à ses réceptions, Yoongi ne pensait à rien d'autre qu'aux six misérables cartons qu'il avait à ouvrir ce jour-là et à la façon dont il pourrait s'occuper ensuite, quand Jungkook entra en trombe dans la réserve. Le cœur du pauvre jeune homme bondit à ce vacarme, et il se tourna avec une mine surprise pour voir son cadet débouler.

« Hyung, comment tu vas ? s'enquit pourtant Jungkook en se stoppant devant lui.

— Tranquille, on a reçu pas mal de livres de poche alors je fais la réception, et le reste arrivera sûrement demain.

— Donc ce sera pour mon rayon ?

— Ouais.

— Dans ce cas, faudra que je me dépêche, parce... dès la semaine prochaine, je devrai rester chez moi.

— Hein ? »

Jungkook lui expliqua la bonne nouvelle, et Yoongi, bouche bée, se contenta de le fixer.

« Attends... donc dimanche tu vas dans la clinique la plus chère et prestigieuse du pays pour y être opéré parce que Seokjin a convaincu la directrice de t'offrir tout ça ?

— Oui ! J'arrivais pas à y croire, mais c'est bien réel ! Hyung m'a même transféré le mail qu'elle lui a envoyé pour lui donner la date et l'heure de l'intervention et du rendez-vous d'aujourd'hui ! D'ailleurs, même mes trajets seront gratuits : un taxi va venir me chercher devant chez moi à treize heures trente !

— C'est incroyable, Jungkook, je suis super content pour toi ! se réjouit Yoongi qui laissa apparaître son sublime sourire à cette nouvelle.

— Je continue de croire que c'est pas réel, mais en même temps c'est sûr que ça l'est ! J'avais juste jamais envisagé qu'un truc pareil puisse m'arriver à moi, c'est dingue ! Oh, d'ailleurs, je dois filer prévenir Namjoon-hyung, à toute ! »

Yoongi n'eut pas le temps de le saluer que déjà son ami avait filé, plus rayonnant que jamais. Il le regarda partir, encore sous le choc de l'annonce. Il avait connu Jungkook avec ce handicap, avec ce traumatisme. Il se réjouissait, bien entendu, de l'imaginer enfin guéri et en bonne voie pour retrouver un peu le goût de vivre au lieu de considérer son existence comme un fardeau, mais lui non plus n'en revenait pas. Il éprouvait la sensation que tout était trop beau pour être vrai, et il songea que Jungkook devait se sentir dans un véritable rêve depuis qu'il avait appris cette fabuleuse nouvelle !

Tout à coup envahi par l'émotion, Yoongi laissa un large sourire étirer ses lèvres, et il poussa un soupir de soulagement. Le quotidien de Jungkook s'apprêtait à changer, et Yoongi était convaincu qu'il redécouvrirait son cadet, comme si Jungkook se voyait offrir une seconde vie, beaucoup plus douce que la première : sa dette serait remboursée d'ici quelques années, il obtiendrait une mobilité parfaite de son bras gauche, et les douleurs ainsi que l'anxiété s'effaceraient.

Fini le stress des économies, finis les soucis. Jungkook pourrait enfin mener une vie normale, paisible, une vie comme il en rêvait depuis l'enfance. Une pointe de jalousie lui titilla le cœur, mais la joie dominait, et ce miracle donnait à Yoongi l'envie de croire en son propre miracle : un jour, il dirait je t'aime à son petit ami, un jour il prendrait Jimin contre lui, un jour il l'embrasserait, et peut-être un jour coucherait-il avec lui de façon consentie. Il voulait croire qu'il n'en éprouverait pas le dégoût qu'il avait ressenti auprès de Sungyeol, mais bel et bien du plaisir, un plaisir tel qu'il ne pourrait plus se passer des étreintes sensuelles de Jimin.

Yoongi espérait que tôt ou tard, il dormirait auprès de celui qu'il chérissait, et qu'il agirait comme n'importe qui, guéri de ses traumatismes, capable de les surmonter plutôt que de se laisser abattre par eux. Parce que même s'il refusait de l'avouer au principal concerné, il l'aimait tant que pour lui et contrairement à ce qu'il avait affirmé, il souhaitait fournir tous les efforts nécessaires pour se rétablir. Jimin s'assurait toujours de ne commettre aucune erreur en sa présence, et sa sollicitude touchait tant le réceptionnaire qu'il était désormais décidé à esquisser à son tour un pas en avant pour Jimin, et guérir avec son aide.

Oui,peut-être, après tout, que l'amour, cause de son problème, en deviendrait la solution. Si Jimin lui permettait de se rendre compte qu'il existait des gens capables d'aimer avec respect et sincérité... alors tout n'était pas perdu. Le temps et l'affection œuvreraient ensemble.

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