Chapitre 72
Quand Taehyung se réveilla, il ne restait de sa nuit qu'un préservatif usagé abandonné dans la poubelle et un bel adonis allongé à ses côtés, les bras autour de son corps nu. L'écrivain, désireux de profiter encore de sa chaleur, se serra contre lui dans un soupir rauque, et il huma son odeur. Il préférait celle de Jungkook. À force de travailler dans une librairie, il sentait un peu le livre, le papier... ou bien Taehyung s'imaginait-il ça, mais dans tous les cas, le parfum de Jungkook lui plaisait plus.
« Bien dormi ? marmonna Baekhyun sans ouvrir les paupières.
— Oui, merci d'être venu.
— C'est toujours un plaisir pour moi aussi. Ton lit est putain de confortable. Si t'as envie qu'on remette ça, hésite pas. Et... si un jour tu... tu veux un peu plus... je suis partant aussi.
— Un peu plus ? » répéta Taehyung pour l'inviter à développer.
Baekhyun ouvrit les yeux et plongea cette fois son regard dans le sien, lui caressant le dos en même temps qu'il répondit :
« Tu te sens seul, moi aussi, et j'ai l'impression qu'au lit c'est plutôt sympa pour toi comme pour moi. Alors... je me dis que même sans sentiments, juste histoire de pas se sentir trop seuls, on pourrait... sortir ensemble. Non ?
— C'est-à-dire ?
— On pourrait se voir dans un café, au karaoké, n'importe où, histoire de passer un moment ensemble pour profiter un peu au lieu de rester chacun dans notre coin. Ça pourrait être cool, tu crois pas ?
— Je vois ce que tu veux dire, mais... je crois pas que ce soit ce que je recherche.
— Je comprends... quoi qu'il en soit, si t'as encore besoin de combler ta solitude, hésite pas, j'ai vraiment passé une nuit incroyable.
— Moi aussi, t'es un super coup, sourit Taehyung en lui caressant le torse.
— L'habitude, j'imagine... Bon, je vais te laisser, j'ai un boulot qui va pas m'attendre si je me pointe à la bourre. »
Taehyung grogna quand son amant se détacha de lui. Baekhyun enfila un caleçon puis ses vêtements, et il s'en alla après un baiser sur le front de son cadet qui s'enroula dans sa couette et se redressa pour attraper son ordinateur et son portable. Il avait envie d'écrire, et il espérait que Jungkook lui avait répondu.
Son cœur bondit quand il vit la notification indiquant que celui qu'il aimait lui avait bel et bien envoyé deux SMS. Il les ouvrit aussitôt.
Jungkook – Je suis désolé, sur le coup j'ai été tellement embarrassé que je savais plus quoi faire et j'ai préféré me barrer. C'était stupide, et je le regrette, je t'assure. Pardonne-moi. En arrivant chez moi hier, je m'en voulais tellement que j'ai éteint mon téléphone direct, sans regarder si tu m'avais envoyé un message. Je voulais pas affronter ta peine. Je tiens à toi de plus en plus, t'es un ami si précieux, moi non plus j'ai pas envie de perdre ça. C'est juste que... ta déclaration, vraiment, je m'y attendais pas, et ça m'a tellement perturbé... mais j'ai pris le temps de réfléchir, de comprendre mon erreur, et j'insiste, mais je suis désolé.
Jungkook – Moi aussi je veux qu'on reste amis, hyung.
Taehyung sentit des larmes de joie lui monter aux yeux à ces mots. Jungkook ne le haïssait donc pas ? Il n'allait pas l'abandonner ? Seigneur, il n'en revenait pas ! Quel bonheur ! Il lui semblait que ses craintes s'envolaient, et il en oublia aussitôt le moment avec Baekhyun ainsi que sa proposition. Il ne regrettait d'ailleurs finalement pas cette relation charnelle : elle lui avait permis de décharger toute sa frustration sexuelle. Lui qui était du genre à coucher avec deux ou trois garçons chaque semaine, il n'en pouvait plus de rester seul chaque nuit depuis plus d'un mois. Même si désormais il songeait qu'il s'était peut-être jeté trop vite dans les bras de Baekhyun, cette décision ne le gênait pas. Il se sentait mieux, rien d'autre ne comptait.
Taehyung – Oh c'est vrai ? T'imagines pas comme j'ai eu peur que tu ne veuilles plus jamais me parler, Kookie, je suis tellement heureux qu'on reste amis ! T-T
Jungkook – Oh quand même, je suis pas si con. Ça m'a juste un peu bousculé, et j'avais besoin de temps pour répondre sans dire de conneries. Je te jure que t'as rien à te faire pardonner, c'était même plutôt mignon, comme déclaration.
Taehyung – Tu trouves ? ^^
Jungkook – Oui. Un peu brouillon pour un auteur de ton envergure, mais on va dire que c'était le trac. :P
Taehyung – Tu voulais quand même pas un plan avec intro, développement en trois parties, et conclusion ? -_-
Jungkook – Bah si, j'estime que c'était le minimum. :3
Jungkook – Et si possible une ouverture à la fin de la conclusion.
Taehyung – Ça, ça dépend seulement de si j'ai une ouverture ou pas avec toi. ;)
Jungkook – Ok, oublie l'ouverture. XD
Taehyung – D'acc, je m'en remettrai mdr.
Jungkook – Tu veux venir chez moi cet après-midi ? J'ai pas l'impression qu'on ait fêté dignement ta place en finale, et je voudrais y remédier.
Il lui laissait une chance de lui prouver qu'il souhaitait rester son ami. Taehyung, touché, accepta aussitôt. Une fois leur conversation terminée, le jeune homme passa sa matinée à écrire, passionné, et il se prépara en début d'après-midi pour rejoindre son libraire adoré chez lui.
~~~
Soulagé de n'avoir provoqué aucun incident diplomatique entre Taehyung et lui, Jungkook reposa son portable et attrapa de sa main valide son livre. Son attelle soutenait son bras gauche, et une étrange paix l'avait envahi lorsqu'il l'avait enfilée ce matin-là. Parce que des douleurs remontaient le long de son bras jusque dans son épaule au moindre mouvement, il avait revêtu l'écharpe la mort dans l'âme... et à mesure que le temps avançait, il s'était aperçu que l'objet était confortable et qu'il ne souffrait plus. Ça l'avait rassuré quant à son futur : bientôt, quand il la porterait sans cesse, il ne souffrirait plus jamais, en plus de quoi il pourrait s'offrir tout ce dont il avait toujours rêvé.
Peut-être, finalement, qu'un jour il connaîtrait le bonheur.
La courte conversation avec Taehyung l'avait réconforté elle aussi plus que de raison. Découvrir à quel point son ami tenait à lui lui réchauffait le cœur, et il ne put s'empêcher de réfléchir à sa bêtise. Taehyung s'était montré honnête, s'était déclaré à lui de la plus belle manière qui soit, et Jungkook, non content de le repousser, s'était en plus enfui comme un lâche, tétanisé par ses paroles. Sur le moment, il s'agissait de l'unique solution qu'il avait trouvée pour éviter de dire ou faire quelque chose de stupide, si bien qu'il ne regrettait pas d'être parti. En revanche, il regrettait de n'avoir pas répondu plus tôt à Taehyung qui, il le savait, devait avoir vécu une sale nuit par sa faute.
Il avait pourtant remarqué à quel point l'écrivain pouvait se sentir seul, il n'aurait jamais dû attendre jusqu'au matin pour le rassurer quant à leur amitié, dont Taehyung lui avait affirmé à plusieurs reprises qu'elle comptait beaucoup pour lui.
Ainsi, soulagé de retrouver son aîné cet après-midi pour passer un moment avec lui, Jungkook préféra laisser ses soucis s'envoler et songea plutôt au moyen de permettre à Taehyung de sourire comme il aimait tant le voir sourire – car comme il adorait voir Taehyung heureux ! Il lui sembla que son âme flottait au-dessus d'une couche de nuages couleur pastel tant il se réjouissait à l'idée qu'il n'existait plus d'ambigüités concernant leurs sentiments ! À plusieurs reprises quand Taehyung l'étreignait, il s'était demandé s'il l'aimait toujours. Désormais, la question ne se posait plus : oui, il l'aimait encore, mais non il n'espérait rien et savait qu'ils demeureraient de simples amis.
À présent que tout était clair, il ignorait pourquoi, mais ça le rassurait.
Jungkook lut et déjeuna. Il attendit que Taehyung sonne à l'interphone de son immeuble pour retirer son attelle, la cacher au fond du placard de sa salle de bains et ouvrir une fois son bras dissimulé sous sa trop longue manche.
Le seul geste d'enlever l'écharpe lui provoqua une douleur sourde qu'il s'efforça d'enfouir en lui, et il servit à Taehyung son plus faux sourire pour le saluer. De peur que l'auteur néanmoins ne se rende compte que quelque chose clochait, il s'empressa de le prendre dans ses bras.
« Félicitations pour ta place en finale, Kim Taehyung, chuchota Jungkook qui se sentit étrangement bien dans cette étreinte si affectueuse que lui rendit son ami.
— Merci, Kookie, je suis tellement heureux... »
Ils s'écartèrent peu après et Jungkook indiqua avoir préparé un litre d'infusion froide qui reposait au réfrigérateur.
« Hésite pas, tu peux te servir, termina-t-il en retournant s'installer en tailleur sur son lit.
— Merci. Tu veux qu'on fasse quelque chose de particulier ? Livre ou film ?
— Comme tu veux.
— T'as lu tous les livres qui sont ici ? »
Jungkook tourna les yeux sur son bureau. Il y accumulait un nombre effrayant de livres, comme sur les étagères accrochées au mur, où il ne se trouvait rien d'autre que des romans. Des piles aussi traînaient par terre, et une au pied de son lit paraissait former une table de chevet pour mordus de littérature.
« Ouais, opina-t-il, sauf ceux vers le lit : c'est ceux que je dois lire.
— Tu comptes acheter une bibliothèque ?
— Ouais, c'est prévu. Quand le cours du chêne aura baissé, tu te souviens ? ajouta-t-il avec un rictus moqueur.
— Oui, je me rappelle, rit Taehyung. Ça rendra ton studio vraiment sympa... et surtout un peu mieux rangé. Ton ordi disparaît presque derrière tous ces bouquins.
— Je sais, d'où le fait que j'ai commencé à réfléchir à me prendre une bibliothèque. Ils seront si bien mis en valeur sur de belles étagères... j'ai hâte. »
Taehyung parut tout à coup intrigué par un roman sur une des piles de son cadet. Il le prit et, après un bref coup d'œil à la couverture, il lut le résumé en silence.
« C'était bien, ça ? » s'enquit-il en levant le livre en direction de Jungkook.
L'ours, d'Andrew Krivak. Jungkook esquissa un sourire presque ému.
« Oui, opina-t-il, c'était un livre magnifique. Il est court, alors c'est plutôt intense par moment. Et ça fait réfléchir à pas mal de trucs, et... surtout à la solitude qu'on peut éprouver parfois. L'écriture était simple, comme si l'auteur nous prenait la main pour nous faire découvrir son univers – et on sent qu'il l'adore, cet univers. C'était une lecture très particulière pour moi. Je l'ai beaucoup aimée. Je l'ai dévorée en un après-midi.
— Oh... Et... ça ? T'en as pensé quoi ? »
Les hirondelles de Kaboul, de Yasmina Khadra.
« C'était... par moment vraiment difficile. L'auteur a une plume magnifique avec laquelle il décrit les pires horreurs, et ça dès les premières pages du livre. Y avait... de la beauté, de la laideur, et une laideur telle qu'elle conduit à la folie même les plus sains d'esprit. Ça m'a beaucoup remué, j'avais mal pour les personnages, pour tous les personnages.
— Putain qu'est-ce que j'aime quand tu parles des livres que t'as lus... »
Jungkook, qui paraissait plongé dans ses souvenirs, secoua tout à coup la tête et rougit.
« Dis pas n'importe quoi, n'importe qui peut avoir un avis sur un bouquin !
— Oui, mais celui qui m'intéresse, c'est le tien, sourit Taehyung.
— Hum, il a rien de particulier. »
Pour dissiper l'embarras de son cadet, l'auteur décida d'aller boire un peu d'infusion, et il en profita pour aborder un nouveau sujet. La tension s'effaça, les conversations reprirent, et Jungkook se détendit au point qu'à une énième blague de son aîné, il éclata de rire – ce rire même qui faisait chavirer le cœur de Taehyung.
Quel bonheur de passer un moment avec son ami !
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Je vous remercie infiniment pour les 60 000 vues sur cette histoire, c'est énorme omg, je suis si heureuse qu'elle vous plaise ! T-T
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