Chapitre 58

On ne va plus tarder à en apprendre plus sur un des personnages, j'ai hâte... ^^

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En ouvrant les paupières lundi matin, Jungkook osa un regard inquiet à son bras toujours couvert, puis un derrière lui. Taehyung, endormi, était tourné en direction du mur, dos à lui. Un discret soupir de soulagement échappa au jeune homme qui se sentit rassuré de constater que leur nuit s'était bien mieux déroulée qu'il ne l'avait imaginé. Il avait en effet craint que Taehyung essaie de l'approcher, ou bien qu'il découvre d'une manière ou d'une autre sa main mutilée.

De bonne humeur, donc, Jungkook se leva et s'étira. Il se rendit dans son minuscule coin cuisine et sortit de son réfrigérateur une portion de riz de la veille. Il trouva une casserole propre et y versa son plat. Tandis qu'il terminait de cuire, le libraire fit bouillir un peu d'eau pour son thé. En dépit du bruit, son ami reposait encore, paisible, sous les draps. Attendri par cette petite forme qui se découpait dans son lit, Jungkook le regardait de façon distraite.

Il s'était souvent demandé ce que provoquait l'amour. Il n'avait jamais éprouvé la sensation de tomber amoureux. Il avait trouvé des filles très jolies, mais de la même façon il trouvait ses collègues masculins magnifiques. Il savait ce que signifiait aimer, mais... il ne comprenait pas la passion des dramas, celle qui incitait un homme à passer la bague au doigt de sa moitié. Il aimait ses parents, il aimait Yoongi, il aimait son travail, ses livres. Il aimait sans aimer, et cette conclusion le frustrait. Son cœur pouvait ressentir des émotions de manière très vives, surtout ces temps-ci, où ses nerfs lui semblaient à vif. Pourquoi réussissait-il à souffrir au point d'en pleurer, alors que son cœur refusait de battre ?

Pouvait-on ne pas aimer ? Ne jamais être attiré par qui que ce soit ? Sans doute, mais Jungkook lisait, et il rêvait de connaître ce sentiment décrit pendant des paragraphes entiers dans certains romans à l'eau de rose qu'il avait appréciés (il ne détestait pas ce genre, même s'il en consommait peu).

Taehyung poussa un soupir bruyant en se tournant, prenant de cette manière toute la place sur le matelas sur lequel il s'allongea à la manière d'une étoile de mer, comme si, inconscient, il avait quand même remarqué l'absence de Jungkook. Avec une moue attendrie, ce dernier coupa sa plaque électrique et sa bouilloire, et ainsi il se servit son petit déjeuner avec un regard qui témoignait de son appétit.

Il se régala en lisant le service de presse offert par Namjoon, et une fois sa vaisselle nettoyée, alors qu'il revenait de la salle de bains où il s'était changé, Jungkook découvrit Taehyung assis en tailleur sur son lit, la mine fatiguée. Ses yeux à moitié clos se posèrent sur lui, et l'écrivain lui sourit en bâillant.

« Salut, Kookie, comment tu vas ?

— Ça va. Bien dormi ?

— Comme un bébé, et toi ?

— Très bien aussi.

— Ça sent bon, t'as fait à manger ?

— J'ai déjà pris mon petit déjeuner, oui. Je dois être au boulot à huit heures.

— Et t'as rien préparé à ton invité préféré ?

— Yoongi-hyung ?

— Je me sens trahi...

— Tu m'en vois navré. Mais plus sérieusement... je pensais que t'aurais pas forcément envie de manger, et surtout pas du riz. J'attendais que tu te réveilles pour savoir si tu voulais qu'on aille se poser dans le café pas loin.

— Oh, ça pourrait être cool, effectivement. »

Jungkook approuva d'un signe de tête, heureux à l'idée que de cette manière, Taehyung n'aurait pas à subir un infâme petit déjeuner ni à lui en offrir un pour le convaincre de manger avec lui. Son cadet se contenterait de l'accompagner au café et de discuter avec lui pendant son repas.

« J'ai droit à un câlin de bonjour ? demanda Taehyung en ouvrant les bras.

— Et puis quoi encore ?

— Dans dix minutes, au café, un câlin de bon appétit ?

— Tu te fous de ma gueule ?

— Un câlin de foutage de gueule ?

— J't'emmerde, Tae.

— Je suis un petit auteur brisé...

— J'en suis désolé.

— Ça mérite bien un câlin de pardon, ça, non ? »

Jungkook, qui s'était tourné dos à son ami, fit tout à coup volte-face et lui envoya un sweat à la figure. Taehyung le reçut en plein visage, et il en fut surpris au point de tomber à la renverse. Étalé sur le lit de son hôte, il poussa un piteux glapissement, le vêtement toujours sur la tête.

« T'es mort ? s'enquit Jungkook d'un ton peu inquiet.

— Kookie... »

Sa voix était étouffée par le tissu.

« Quoi ? râla Jungkook.

— Tu veux que je te dise un truc qui te plaira pas ?

— Non.

— T'es sûr ?

— Oui.

— Tant pis, je te le dis quand même : j'adore ton odeur.

— Ah rends-moi ce vêtement ! protesta aussitôt le libraire en bondissant jusqu'à son aîné.

— Non ! Donner c'est donner, reprendre c'est voler ! »

Taehyung serra le sweatshirt contre lui, et Jungkook grimpa sur le lit pour le récupérer. Veillant à n'utiliser que sa main droite, il tenta d'attraper l'habit et le tirer à lui, sans grand succès. Taehyung riait aux éclats, et... Jungkook sentit à ce son une étrange chaleur naître en lui, se diffuser peu à peu dans tout son corps jusqu'à lui apporter une sensation de bonheur indescriptible. À son tour il sourit. Son aîné tenait désormais son sweatshirt entre ses bras, son regard malicieux planté dans celui, joueur, de Jungkook.

« T'arriveras pas à me le reprendre, se moqua Taehyung.

— C'est ce qu'on va voir. »

Protégé par sa longue manche, le cadet n'hésita pas à agripper à deux mains le vêtement. Or, il parvenait à peine à prendre un pan de l'habit, puisque son ami en avait fait une boule qu'il serrait contre lui.

Tout aurait pu bien se passer, le jeu aurait pu se poursuivre... mais sans y prendre garde, Taehyung remua et, dans un mouvement involontaire, frôla la manche qui couvrait la main blessée de Jungkook. Ce dernier aussitôt recula le bras et, déséquilibré, il tomba. Sa chute, néanmoins, s'avéra plus pénible que celle de son aîné quelques instants plus tôt : tombé du lit, il tenta, malheureux, de se rattraper de sa main gauche qu'il posa à terre. Une douleur foudroyante lui tira un hurlement, et sa tête cogna le sol puisqu'il ne se retenait plus.

« Jungkook ! paniqua immédiatement Taehyung qui s'était relevé d'un bond. Ça va ? T'es blessé ?

— Non, espèce de crétin, je suis pas encore mort si c'est ce que tu veux savoir, grommela le jeune homme en se plaçant en position assise.

— Putain tu m'as fait peur ! Tu t'es fait mal quelque part ?

— Non, je... Tae ? Ça va ? »

Son ami avait blêmi tout à coup, le regard fixé sur lui.

« T-Ton front... »

Jungkook se passa le bout des doigts sur la tête et sentit, à l'endroit où son crâne avait tapé, une égratignure. En baissant la main, il y découvrit un peu de sang.

« Le sol est pas lisse, normal que ça m'ait un peu coupé, c'est rien du tout. Va pas me faire un malaise pour ça.

— Tu devrais aller laver et désinfecter ça.

— Oui, et toi respire et va boire un verre d'eau, on dirait que tu vas tomber, sérieux, soupira Jungkook en se redressant pour se rendre à la salle de bains.

— Tu vas quand même pas me reprocher de pas aimer voir du sang !

— Mais quel fragile tu fais ! Heureusement que t'es pas une femme ! »

Et tandis que Jungkook jetait un dernier regard moqueur à son aîné avant de disparaître dans la salle de bains, celui-ci lui tira la langue, la mine boudeuse. Vite soigné, le garçon profita d'être seul pour grimacer et masser son bras souffrant. Bientôt un mois que Seokjin lui avait annoncé l'urgence de l'opération qu'il devait effectuer... pas étonnant qu'il lui fasse de plus en plus mal, mais... peut-être que Jungkook avait espéré un miracle. Stupide naïveté.

Combien de temps réussirait-il encore à cacher son état ?

Il sortit de la pièce et rejoignit Taehyung qui s'était habillé en l'attendant. Il rendit à son cadet le short qu'il lui avait prêté pour la nuit, ainsi que son sweatshirt.

« Crétin, râla Jungkook en rangeant ses vêtements.

— Tu sens bon et t'es beau gosse, mais je peux ni profiter de ton odeur ni te voir torse nu. L'univers entier s'acharne sur moi.

— Tu vas arrêter de dire que je suis beau ?

— J'y peux rien si t'aimes pas les compliments, mais c'est un fait, Kookie : t'es magnifique. »

Et ce matin-là, au lieu de se sentir de plus en plus agacé, Jungkook se sentit... embarrassé. Il crut un instant que ses joues allaient s'empourprer à ces mots. Bien sûr qu'il aimait les compliments, mais seulement quand ces derniers étaient mérités, et sa beauté... ça restait pour Jungkook un sujet trop sensible. Chaque fois qu'on le félicitait pour sa musculature, ça lui rappelait les heures passées à la salle de sport, souvent avec Taehyun, et ça le rendait heureux. Mais sa beauté... ça lui rappelait cette main hideuse qu'il cachait de peur qu'on ne voie qu'elle.

« J'ai besoin d'un lait à la banane, lâcha Jungkook en ouvrant son petit réfrigérateur.

— Je peux goûter ?

— Non.

— Pourquoi ?

— Pourquoi tu veux goûter ?

— Parce que vu comme ça te détend, tu mets forcément un truc pas net dedans, et moi aussi je voudrais bien être détendu, affirma l'écrivain.

— Parce que t'es tendu ?

— Jungkook... là tu me tends une perche magnifique...

— Oh mais arrête de penser avec ta bite ! À croire que te n'as que ça dans la tête !

— Dans la tête, non, mais dans...

— Tae ! On avait dit stop avec ce genre de blagues, l'arrêta Jungkook en se pinçant l'arête du nez.

— Oups... je me suis emballé, pardon.

— Chassez le naturel, il revient au galop. C'est ça ?

— J'arrive à me retenir de plus en plus longtemps, et ça c'est honorable, tu trouves pas ? se réjouit l'écrivain.

— C'est vrai, je te l'accorde...

— Bon, on va au café ?

— Ouaip, let's go. »

Quelques instants plus tard, tous deux installés à une table de leur café favori, ils discutaient de manière paisible. Taehyung grignotait un onigiri qu'il avait accompagné d'une omelette roulée, et il sirotait un thé vert.

« Dis, hyung... ça fait quoi d'être célèbre ? demanda Jungkook d'un air pensif.

— Hum... pourquoi ?

— Je sais pas, je me posais juste la question.

— J'ai pas vraiment l'impression de l'être, en fait.

— Ah bon ?

— Oui. Quand j'étais encore mannequin, on me voyait beaucoup, alors oui, là je me sentais vraiment connu, et c'était cool. Mais... à certains moments, ça devenait oppressant d'être reconnu, d'avoir la pression de l'exemplarité. J'aimais pas du tout, c'était pas pour moi. Maintenant, c'est mes livres qu'on connaît, mon nom... mais on ne me reconnaît plus autant dans la rue, alors ça me fait du bien. Et même quand on me reconnaît, les gens ont compris que j'aimais la tranquillité, alors on ne m'embête plus.

— T'aimais pas être reconnu ? Avoir des fans ?

— Non.

— Pourquoi ? C'est pas un truc que tout le monde devrait kiffer ?

— Je sais pas. Mais moi c'était pas ce que je voulais. J'aimais pas.

— T'aurais voulu quoi ? »

Taehyung lui adressa un regard torve, et Jungkook comprit que la motivation de son ami à écrire s'avérait peut-être plus complexe que ce qu'il paraissait. Le libraire déglutit et baissa les yeux sur ses genoux. Il éprouva la sensation de s'être montré trop curieux, et il savait à quel point ça pouvait sembler malvenu.

« Laisse tomber, c'était une question stupide, marmonna-t-il.

— J'espérais que mon frère et ma sœur accepteraient de me parler de nouveau, souffla enfin Taehyung. Mais j'ai été stupide de croire que la célébrité pourrait me les rendre. Ils me détestent. »

Jungkook, comprenant qu'il ne devait sous aucun prétexte poser la moindre question, avança sa main saine et l'appuya de manière tendre sur celle de son aîné qui paraissait dévasté d'avoir admis ça à voix haute.

Leurs yeux se croisèrent.

Jungkook éprouva la sensation qu'un frisson remontait le long de sa colonne vertébrale.

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