Chapitre 57
Yoongi, ce dimanche, avait décidé de passer l'après-midi avec son « petit ami ». Il avait en effet envoyé dans la matinée un message à Jimin. Ce dernier, conformément à ce qu'il avait déclaré, n'avait pas demandé à ce qu'ils se revoient. Il s'était contenté d'un SMS de temps à autre pour prendre de ses nouvelles et discuter avec lui de tout et de rien.
Yoongi lui avait proposé qu'ils se promènent au parc : parce que le temps s'était un peu couvert, peu de gens étaient motivés à sortir, de sorte qu'il savait qu'ils pourraient profiter de ce moment sans que sa phobie le fige sur place. Jimin, bien sûr, avait aussitôt accepté avec un enthousiasme qu'il n'avait pas cherché à dissimuler. Sa réaction avait beaucoup touché Yoongi, heureux de réussir à lui faire plaisir en suggérant une simple balade.
Se souvenant de sa conversation avec Taehyung, le jeune homme avait décidé de passer à la supérette avant leur rendez-vous, raison pour laquelle il attendait désormais Jimin au parc avec un sac de papier entre les mains – en plus de son sac à dos. Son ami par chance ne tarda pas à le rejoindre, conscient que Yoongi supporterait mal de rester seul trop longtemps alors même qu'il arrivait toujours en avance.
« Bonjour, hyung ! lança-t-il. Comment tu vas ?
— Bien et toi ?
— Très bien. Je suis heureux qu'on puisse passer du temps ensemble ! Tu connais bien ce parc ?
— J'y viens, parfois, avec Jungkook. Je connais les endroits tranquilles.
— Oh, cool !
— Et... euh... tiens, j'ai pris ça pour toi. »
Sans oser regarder son compagnon en face, Yoongi lui tendit son petit sac. Surpris, ce dernier accepta le présent et ouvrit le paquet. Il y découvrit...
« Un chat en peluche ? s'étonna-t-il d'un ton attendri. Il est chou, merci beaucoup.
— J-Je sais que... ça pourrait être un peu frustrant pour toi de... d-de pas pouvoir me prendre dans tes bras. Alors... comme je l'ai pris dans mes bras, quand toi tu lui fais un câlin, c'est un peu comme si tu m'en faisais un, quoi. Voilà.
— Hyung...
— Hum ?
— C'est beaucoup trop adorable, je l'adore ! Je veux lui donner un nom mignon !
— Fais-toi plaisir, gloussa Yoongi.
— Euh... alors... il est tout blanc, alors... Hayan !
— T'es allé le chercher loin, son nom, dis donc...
— Critique pas, j'ai jamais eu d'imagination pour les noms, bouda Jimin.
— J'aime bien. »
Jimin retrouva son sourire, et il offrit à sa nouvelle peluche un câlin affectueux sous le regard ravi bien qu'embarrassé de son aîné. Il adorait son cadeau ! Hayan possédait une fourrure d'une incomparable douceur !
« Il remplacera mon oreiller dans mes bras quand je dormirai, rit Jimin, merci beaucoup.
— Je suis heureux qu'il te plaise. J'ai... j-j'ai beaucoup hésité devant le rayon.
— Je suis vraiment heureux que tu te sois donné autant de mal pour moi. »
Yoongi faillit répondre qu'il méritait bien qu'il se donne cette peine, mais du fait de sa timidité, il se contenta d'acquiescer en regardant le paysage devant eux.
« Tu disais que tu connaissais des endroits tranquilles, c'est bien ça ? reprit Jimin. Tu me montres ?
— Oh, o-oui, viens. C'est là-bas. On va pouvoir s'installer, si ça te va. »
Il y avait encore un peu trop de monde aux alentours au goût de Yoongi. Ils se promèneraient plus tard.
« Oui, ça me va. »
Enchanté, son copain acquiesça et le suivit tandis que Yoongi s'éloignait déjà. Ils empruntèrent le chemin principal, peu fréquenté. L'aîné avançait sur le bord de l'herbe, Jimin à ses côtés, afin que quiconque les croise marche près du plus jeune et non de lui. Rassuré de constater que Jimin avait compris son petit manège, il se sentit un peu plus serein. Ils passèrent devant une immense statue de main et traversèrent la pelouse qui l'entourait pour s'installer sous un arbre. Yoongi tira de son sac à dos une serviette de bain qu'il étala sur le sol, et les deux s'assirent – à bonne distance néanmoins, chacun à un bout de la serviette.
« Hyung, je peux te poser une question sérieuse ?
— Euh... oui. Laquelle ? s'inquiéta Yoongi.
— En toute honnêteté, genre vraiment sans mentir... c'est quoi ton plat préféré ? »
D'abord surpris, Yoongi pouffa de rire. L'air grave de son cadet l'avait amené à croire qu'il lui poserait réellement une question délicate. À son tour Jimin laissa poindre un sourire au bord de ses jolies lèvres.
« En vrai... j'hésite, mais tant qu'il y a de la viande, ça me plaît.
— Oh, t'es pas difficile, c'est pratique ! »
La discussion se poursuivit, et les garçons glissèrent avec aisance d'un sujet à l'autre. Jimin s'était tourné pour jouer avec l'herbe à ses pieds, au point que Yoongi voyait à peine son visage. L'aîné, donc, sans cesser la conversation, observa la nature qui les entourait. Quelques minutes passèrent, jusqu'à ce qu'en plein milieu d'une phrase, Jimin se coupe.
« Tu disais ? s'enquit Yoongi.
— J'ai fini ! C'est pour toi ! »
Et il se replaça correctement sur la serviette, ce qui permit à son copain de découvrir, entre ses mains, un petit bouquet de marguerites.
« Oh, c-c'est... des fleurs ? Pour moi ? balbutia-t-il.
— Oui. Bon, en vrai je les ai surtout cueillies pour m'occuper les mains, alors je comprendrais que t'en veuilles pas, elles sont pas super jolies.
— C'est pas parce qu'elles sont pas colorées et imposantes qu'elles me plairont pas... au contraire, je les préfère comme ça. Je les ferai sécher et je les mettrai dans un verre, sur mon meuble. Elles iront bien avec ma collection, ça apportera une petite touche de nature.
— Oh... oui, c'est vrai. Elles prendront pas trop de place, c'est pratique.
— Merci beaucoup. »
Jimin, ravi que son geste ait plu à celui qu'il aimait tant, posa les fleurs au milieu de la serviette, et une fois sa main éloignée, Yoongi tendit la sienne pour le prendre. Il offrit un sourire sincère au jeune homme, et chacun sentit son cœur s'envoler. Quand Jimin lorgnait sur ses lèvres, Yoongi éprouvait la sensation qu'il se contentait d'admirer le bonheur illuminer son visage. Il ne l'observait pas avec avidité ou gourmandise. Il espérait juste le rendre heureux.
Et Jimin, débordant de joie, serra contre lui son petit chat comme il aurait serré Yoongi, en accordant à ce dernier un regard pétillant. La conversation reprit peu après, les deux garçons plus enthousiastes encore qu'avant.
Au terme d'une longue demi-heure, ils quittèrent la serviette que Yoongi replia, et ils s'en allèrent : le ciel, plus noir qu'à leur arrivée, menaçait tant que même les touristes avaient déserté le parc. Or, préférant pour leur part flâner ici autant que possible, Jimin et son copain en profitèrent pour se balader sur les chemins désormais déserts.
« S'il se met à pleuvoir, je connais un café sympa pas loin de l'entrée du parc, indiqua Jimin. Il est vachement grand, alors même quand il y a du monde, y a plein de place, et quand il pleut c'est jamais bondé.
— On pourra y aller, oui, approuva Yoongi.
— Cool ! Tu verras, ils font des gâteaux trop bons, et leurs boissons sont dingues ! J'y suis accro !
— Je te crois, » rit Yoongi.
Et alors que la conversation se coupait pour la première fois, le jeune homme remarqua qu'il s'était rapproché de son cadet sans s'en rendre compte. À peine cinquante centimètres les séparaient désormais. Tout à coup craintif, Yoongi sentit son cœur bondir et s'écarta d'une manière si brutale qu'il surprit Jimin, qui sursauta. Il s'aperçut de ce qui avait causé ce mouvement si soudain de Yoongi.
« Oh, je... je suis désolé, s'excusa-t-il d'un ton penaud, j'avais pas vu qu'on s'était rapprochés, pardon.
— Non, non, c'est moi, t'excuse pas, répliqua aussitôt Yoongi. Je... j-je me suis rapproché sans faire gaffe. Toi t'as rien fait.
— Je vais parler plus fort, comme ça t'auras pas besoin de venir si près pour m'entendre.
— C'est gentil... merci beaucoup, Jimin-ah. »
Touché de sa compréhension, Yoongi lui adressa un regard reconnaissant... mais il lut dans celui que Jimin lui rendit du remords.
« On peut aller s'installer dans ce café dont tu parlais ? demanda-t-il donc pour changer de sujet. Il est bientôt seize heures et je commence à avoir un peu faim.
— Oui, allons-y. »
La voix de Jimin avait perdu de son entrain, et alors qu'ils quittaient le parc, Yoongi remarqua que son cadet jetait de réguliers et discrets petits coups d'œil pour vérifier qu'il se tenait à bonne distance de lui. Blessé de voir que ses phobies empêchaient Jimin de se sentir tout à fait à l'aise avec lui, Yoongi se promit de lui parler une fois qu'ils seraient installés.
Les deux garçons atteignirent un joli café décoré dans des tons de bleu. Ils choisirent chacun deux parts de gâteau ainsi qu'une boisson, et alors que Jimin se dirigeait vers une table pour six personnes, afin de rester éloigné de Yoongi, ce dernier tendit l'index vers une table pour deux, située dans un coin tranquille de l'étage où peu de gens se trouvaient – et il s'agissait surtout d'étudiants concentrés sur leur ordinateur.
« On se met là ? proposa-t-il.
— T'es sûr ?
— Oui.
— Comme tu veux. »
Satisfait, Yoongi s'assit, rapidement imité par Jimin, qui en dépit de son plateau n'avait pas lâché sa peluche. La distance qui les séparait suffisait à Yoongi pour se sentir en sécurité, et il gardait ses pieds sous sa chaise afin de s'assurer qu'il ne toucherait pas Jimin par erreur avec ses jambes.
« Bon appétit, déclara le cadet.
— Attends... on peut parler ?
— Oui, de quoi ?
— De... enfin... au parc. Quand je me suis approché, sans faire attention. Jimin-ah, je... ouais, ça me touche que tu fasses attention à moi, mais... ça m'a attristé de te voir te mettre la faute dessus, alors que c'est à moi d'être prudent, pas à toi. Toi, t'as juste à pas poser la main sur moi. Pour le reste, je gère. La distance qui me rassurait hier ne sera pas celle qui me rassurera demain, parce que ça dépend aussi de mon humeur, tu comprends ? Quand je me sens heureux, serein et en sécurité, j'ai tendance à me rapprocher un peu, ça peut arriver, comme aujourd'hui. Et quand je suis trop près de quelqu'un ou quand je me sens mal à l'aise, je vais reculer. Mais ça veut pas dire que c'est de ta faute. On a arrêté de discuter, et parfois les silences m'embarrassent. Ça a été le cas, et j'ai voulu m'éloigner. Mais... ça allait, avant ça. Si pendant qu'on discutait encore tu t'étais reculé, ça m'aurait beaucoup attristé, tu sais ? Alors... t'en fais pas pour la distance qu'il y a entre nous. Je m'éloignerai si j'en ai envie, t'as pas à te faire de souci pour ça.
— Sûr ? s'enquit Jimin. Je peux aussi faire attention à garder une certaine distance, et...
— Tant que tu me touches pas, tout va bien, affirma Yoongi. La distance, c'est naturel pour moi, je sais par instinct où je veux me tenir par rapport aux autres. Alors t'embête pas à réfléchir à ça. Si tu marches tout droit et que je me rapproche, cherche pas à t'éloigner, et si moi je m'éloigne, t'as pas à t'en vouloir. Si je me sens vraiment mal, ça se verra, mais tant que c'est pas le cas... je t'en prie, agis avec moi comme avec n'importe qui.
— Bon... si t'es sûr de toi, alors d'accord. C'est noté. »
Ils échangèrent un sourire.
« Bon appétit, Jimin-ah.
— Merci. À toi aussi, hyung. »
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