Chapitre 39
Jungkook répondit et son aîné coupa l'appel. Après un soupir, il retourna sur ses pas pour regagner la librairie, rassuré d'être parti juste un peu après Namjoon, qui donc ne risquait plus de traîner dans le coin. Il se planta devant la porte, et au terme de quelques minutes d'attente, la sublime voiture de Taehyung se gara près de lui. Le moteur cessa de ronronner et le jeune auteur en descendit. Du fait de son jogging et de son t-shirt, ainsi que de sa coiffure brouillonne, Jungkook devina qu'il ne comptait pas sortir, ce soir.
Taehyung le rejoignit et, à la surprise de Jungkook, enroula aussitôt les bras autour de sa nuque. Son cadet demeura coi, mais... il ne le rejeta pas. Il finit même par lui rendre son étreinte, veillant bien à ce que sa manche gauche ne glisse pas.
« Ça va aller, je te le promets, murmura Taehyung.
— Je suis pas un enfant, grommela son cadet.
— Tu te comportes pourtant comme si c'était le cas. »
Jungkook ne nia pas, lui-même s'était aperçu qu'il avait agi comme un gamin capricieux. Honteux, il appuya le front contre l'épaule de son aîné qui posa une main dans ses cheveux pour l'inciter à garder cette position.
« Je suis désolé...
— Je t'ai déjà dit que t'étais pardonné, lui assura Taehyung, je t'en veux pas. Et puis... comme ça, au moins, ça a fait un bon prétexte pour te revoir.
— Crétin, » râla Jungkook.
L'auteur gloussa – il adorait le petit caractère de Jungkook. Après une courte hésitation, même, il abandonna un baiser dans sa chevelure. L'autre ne répliqua pas, et Taehyung fut rassuré de le sentir s'apaiser peu à peu.
« Tu veux marcher ? lui demanda-t-il.
— Je veux rentrer chez moi...
— Je te raccompagne ?
— Oui. »
Taehyung s'écarta de son ami et lui offrit un sourire réconfortant. Jungkook néanmoins affichait toujours une moue peinée qu'accentuaient ses yeux rougis. Le jeune auteur lui adressa un signe de tête pour l'encourager à le suivre, et les deux se mirent en route. Jungkook passa devant ; il ne leur fallut que quelques instants pour rejoindre son immeuble. Tous deux entrèrent, mais une fois arrivé sur le palier, alors que le cadet rentrait chez lui, Taehyung s'arrêta.
« Tu peux entrer, murmura Jungkook. Juste cinq minutes, s'il te plaît... »
L'autre acquiesça et referma derrière lui. Jungkook alla s'asseoir sur son lit, Taehyung l'imita... et son cœur s'emballa quand le libraire posa la joue contre son épaule dans un soupir satisfait. Il enroula pour sa part un bras autour de sa taille ; aucune protestation de la part de Jungkook. Comme il aimait sa chaleur, comme il aimait la sérénité qui émanait de ce petit moment !
Quand Taehyung passa une main sous le t-shirt de Jungkook, il le sentit se tendre tout à coup, prêt à le repousser, cette fois. Or, dès l'instant où il commença à lui caresser le dos, le jeune homme s'affaissa contre lui en laissant échapper un couinement à peine audible. Il en frémit même de plaisir, et Taehyung remarqua qu'il semait des frissons sur sa peau.
« T'aimes bien ? s'enquit-il avec un rictus enjoué.
— Ouais, opina Jungkook, on m'avait jamais caressé le dos comme ça...
— Je le faisais beaucoup à mes frères et sœurs, ils aimaient bien ça, quand ils étaient petits.
— Ils ont quel âge ?
— Mon petit frère a vingt ans, ma petite sœur dix-huit.
— T'as de la chance.
— T'es fils unique ?
— Ouais. J'aurais aimé avoir une petite sœur, je l'aurais protégée et aimée comme personne.
— C'est mignon...
— Ils s'appellent comment, ton frère et ta sœur ?
— Yeongho et Yeonmi.
— Ils sont sur Séoul ?
— Non, Daegu. »
Jungkook se contenta d'opiner. Taehyung affirma sa prise sur sa taille et se laissa tomber en douceur, jusqu'à finir allongé sur le lit, les jambes dans le vide. Son cadet avait suivi son mouvement sans protester, et il se blottit contre son ami dans un soupir.
« T'es beaucoup plus tactile que ce que j'imaginais, sourit Taehyung.
— Ça, c'est parce que tu m'as jamais vu avec Yoongi-hyung. C'est ma peluche, et je suis la sienne.
— Tu veux pas devenir ma peluche, à moi aussi ? T'as la peau toute chaude et toute douce, c'est trop agréable... »
Et sur ces mots, Taehyung recommença à lui caresser le dos tout en abandonnant un nouveau baiser dans sa chevelure. Jungkook laissa échapper un rire tendre.
« Désolé, t'es trop agaçant pour que j'accepte de te servir de peluche.
— Je suis peut-être agaçant... mais au fond, t'aimes bien ça.
— Seulement quand je peux être certain que t'es pas sérieux.
— Je suis jamais sérieux.
— T'avais pourtant l'air très – trop – sérieux quand on s'est rencontrés, grommela Jungkook.
— Oups, effectivement. Mais depuis, j'ai appris que ça servait à rien avec toi.
— Y a des mecs avec qui ça fonctionnait ?
— Ouais... ou alors ils venaient avec moi juste parce que je pouvais les faire entrer dans le carré VIP de la boîte où on se rencontrait, je sais pas encore.
— Parce que t'es du genre à aller draguer des mecs en boîte ? J'aurais pas dit...
— J'aime bien y aller quand je m'ennuie, et c'est chouette de faire de nouvelles rencontres. »
Ainsi, il combattait l'infâme solitude qui le suivait partout.
« Je vais m'en aller, conclut Taehyung. Ça va aller ?
— Je vais appeler Yoongi-hyung, ça ira. Merci encore. Je... on s'entend peut-être pas super bien, mais je crois que... maintenant, au moins, je saurai que je peux compter sur toi.
— T'en doutais encore ?
— Oui.
— Bon... j'imagine que j'attendais une réponse honnête, de toute façon. »
Jungkook gloussa et s'écarta de lui. Son aîné lui offrit un regard empli d'affection auquel le jeune homme répondit par un sourire timide mais sincère. Taehyung laissa ses prunelles caresser le visage de son cadet, jusqu'à glisser sur ses lèvres qu'il ne se surprenait plus de convoiter. Jungkook l'avait attiré dès le jour de leur rencontre, mais... peut-être qu'à présent, il espérait avant tout apprendre à le connaître. S'il était encore séduit par le beau libraire, ce qui lui plaisait le plus, ce n'était plus son corps, mais bel et bien son esprit vif et son intérêt pour la littérature.
Taehyung se savait stupide, mais de cette manière, il transformait son désir en affection, il changeait les flammes de la passion en celles de tranquilles bougies. Son être ne bouillonnait plus, il se réchauffait, sans plus... toutefois, cette si paisible chaleur brûlait avec bien plus d'ardeur en lui, et cette ardeur addictive grandissait à mesure qu'il discutait et passait du temps avec son ami.
Taehyung se ressaisit et quitta le matelas. Jungkook se redressa à son tour et, après une brève accolade, l'écrivain s'en alla. À peine la porte fut-elle refermée que Jungkook attrapa son portable pour demander à Yoongi de lui tenir compagnie pour la nuit. Comme il s'en doutait, son aîné accepta et annonça, quelques instants plus tard, qu'il était en route.
Jungkook profita du temps qu'il avait devant lui pour mettre un peu d'eau à chauffer et préparer deux tasses de thé – il lui restait bon nombre de sachets achetés à l'occasion de sa soirée avec Taehyung.
Quand il ouvrit à Yoongi, ce dernier le prit dans ses bras sans attendre : si le visage de Jungkook ne montrait plus rien des larmes versées, ses yeux en revanche exprimaient toute sa mélancolie.
« Ça va aller, souffla Jungkook. Viens, j'ai fait du thé.
— Va te poser sur le lit, je t'amène ça.
— Merci, hyung. »
Jungkook ne résistait jamais bien longtemps à son meilleur ami qu'il respectait trop pour le contredire (à part quand il s'agissait de leurs éternelles discussions à propos de la fantasy). Il alla s'allonger, serrant son oreiller contre lui, pendant que Yoongi, une fois la porte d'entrée fermée, se dirigea au coin cuisine et y récupéra les deux tasses encore fumantes. Il rejoignit ensuite son cadet qui s'était recroquevillé et lui adressa un maigre sourire.
« Je la boirai après, affirma-t-il, laisse-la sur la table de chevet pour le moment, s'il te plaît.
— Comme tu le sens. »
Installé à son tour près de son ami, Yoongi sirota quelques instants sa boisson avant d'oser reprendre la conversation.
« Tu veux en parler ? demanda-t-il.
— Je sais pas...
— Tu sais que tu peux me faire confiance, hein ?
— Tu me jugeras pas trop sévèrement ?
— T'as fait quelque chose de mal ? s'étonna Yoongi à cette question.
— Oui...
— T'as l'air de t'en vouloir, en tout cas, alors... compte sur moi pour pas t'enfoncer encore plus. »
Jungkook hocha lentement la tête et se décida : il parla de la discussion avec sa mère, de la maison qu'ils allaient vendre pour vivre enfin heureux, et il lui raconta les efforts fous que fournissait Jieun par sa faute. Yoongi l'écouta sans ciller, apportant parfois sa tasse à ses lèvres avec une moue pensive.
« Voilà, conclut Jungkook une fois son récit terminé. Tu sais tout.
— Tu t'es excusé auprès de Jieun, tu t'es expliqué avec elle et tu as su reconnaître tes torts. Je vois pas pourquoi je me montrerais sévère avec toi, réfléchit Yoongi. C'est vrai que pour toi, c'est pas facile en ce moment, et depuis que tu ne peux plus porter de charges lourdes sans souffrir, ça se comprend, aussi, que t'en aies ras le bol de mettre en rayon à sa place. Mais... Jieun ignore tout de ce qui se passe pour toi. J'approuve pas que tu veuilles garder pour toi tes blessures, mais je comprends complètement que t'aies juste pas envie d'en parler. Kook-ah, quand Hoseok t'a dit que Jieun se sentait vraiment mal par ta faute, comment tu t'es senti ?
— Probablement plus mal encore qu'elle.
— Et à ton avis, si c'était moi qui, le mois dernier, avais dit à Jieun qu'elle devait se bouger un peu plus parce qu'à cause de ses mises en rayon, tu t'épuisais alors que t'étais déjà handicapé. Dis-moi, comment tu crois qu'elle se serait sentie ?
— Probablement très mal aussi, c'est quelqu'un de très compatissant.
— Et elle aurait fait tous les efforts possibles pour trouver quelqu'un d'autre à qui demander du renfort. Jungkook, ce que je veux dire, c'est que t'as certes agi de manière un peu impulsive, mais pour le coup, vous aviez tous les deux votre part de responsabilité dans l'histoire. T'as été trop sévère avec elle au même titre qu'elle se reposait trop sur toi. C'est bien que t'aies pu t'excuser, mais de ce que tu m'as dit, j'ai pas l'impression qu'elle va reprendre un rythme correct.
— Je sais pas...
— Et... pour ton bras... t'es vraiment décidé à ne pas subir d'intervention ? demanda Yoongi d'un ton hésitant.
— T'imagines pas combien ça me coûterait : la chambre d'hôpital, la rééducation avec Jin-hyung, les médicaments – parce qu'il me faudra forcément des antidouleurs. Je peux pas. J'ai déjà l'impression de claquer une fortune pour ma salle de sport alors que ça me coûte à peine trente mille wons par mois, mais ça... Je suis fatigué, je ne compte même plus toutes les opérations par lesquelles je suis passé et j'en ai plus que marre. J'en ai marre de lutter pour une cause perdue. Y a trop peu de chances pour que l'intervention fonctionne, et si je veux un vrai spécialiste qui serait sûr d'y arriver, faudrait que j'aille dans une clinique privée où tout va me coûter encore plus cher. Genre ça va me coûter un bras, autant que je l'abandonne tout de suite, ce bras de merde.
— Jungkook, tu peux pas dire ça, je sais bien que t'as pas envie de finir comme ça...
— Mais est-ce que j'ai le choix ? demanda Jungkook d'une voix étranglée. C'est fini, hyung, mes parents ont tout tenté, mais ça a servi à rien. Et il est hors de question qu'ils essaient de vendre la maison pour me payer ça. J'ai prévenu ma mère l'autre jour : si elle fait ça, je refuserai l'argent et l'opération. C'est comme ça, maintenant je n'ai plus qu'à l'accepter si je veux espérer vivre heureux. »
Yoongi se pencha et appuya la pulpe de son pouce contre la pommette de son ami pour en chasser les larmes qui y coulaient déjà. Il y abandonna ensuite ses lèvres à l'occasion d'un bref baiser qui se voulait réconfortant. Jungkook se passa la main sur les yeux en reniflant de manière peu discrète, et il leva finalement son regard sur son aîné pour lui accorder un maigre sourire.
« Hyung, tu restes dormir ?
— Ouais, si tu veux. Je reste. »
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