Chapitre 26

Taehyung esquissa un sourire, un sourire qui, non moqueur, exprimait au contraire la tendresse qu'il éprouvait pour ce Jungkook timoré qui osait à présent lui demander de le serrer dans ses bras.

« Pourquoi tu me l'as pas demandé plus tôt ? demanda-t-il d'une voix emplie de douceur. Je te paraissais à ce point méprisant ?

— J'aime pas qu'on voie... quand ça va mal.

— T'as le droit de te sentir mal, parfois, tu sais ?

— Prends-moi juste dans tes bras, je suis fatigué...

— Viens là, mon Jungkook. »

Amusé de constater que son aîné ne l'appelait par son prénom que lorsque la conversation devenait sérieuse, Jungkook obéit. Taehyung lui avait ouvert les bras et, se répétant que ses amis l'avaient décrit comme quelqu'un en qui avoir confiance, le libraire décida de s'abandonner à cette étreinte. Dans un mouvement malgré tout hésitant, il s'avança de quelques centimètres, juste assez pour se retrouver contre le torse dénudé de l'écrivain.

Le rouge lui monta aussitôt aux joues et il regretta sa demande : se serrer ainsi contre un homme à moitié nu, mais quelle idée ! Yoongi portait toujours un t-shirt quand il l'enlaçait, aucun risque que l'un ou l'autre songe à plus que ce simple câlin amical !

« T'es tout tendu, remarqua Taehyung, calme-toi. Je vais pas te manger, je te jure. En plus t'as de la chance : j'adore serrer quelqu'un ou quelque chose dans mes bras quand je dors.

— Moi j'ai pas l'habitude.

— Bah, et avec Yoongi-hyung ?

— C'est pas pareil, il est comme mon frère, y a rien de bizarre à dormir avec lui.

— Oh, est-ce que t'envisagerais des trucs bizarres entre nous ? le taquina Taehyung.

— Arrête, c'est gênant !

— Désolé, mon Kookie, mais je t'assure que tu peux te détendre avec moi. Tu bosses à quelle heure, demain ?

— Huit heures, je fais l'ouverture.

— Alors dors vite. Bonne nuit, petit biscuit.

— Bonne nuit, Tae. »

Et malgré son embarras, Jungkook posa le front contre la clavicule de son aîné, les bras entre leurs deux torses. Taehyung l'étreignait avec tendresse, et sa chaleur qu'aucun vêtement ne retenait soulageait le cadet qui ferma enfin les paupières dans un soupir. Son souffle se répercuta sur l'épiderme de son ami qui en frémit sans formuler la moindre remarque. Il était étrange pour lui de serrer contre lui un garçon à la musculature si imposante : le cœur d'un enfant effrayé dans le corps d'un jeune homme plus que vigoureux.

Après une hésitation, Taehyung décida d'abandonner un innocent baiser sur le front du libraire, qui ne réagit pas. Lové contre lui, Jungkook respirait de manière paisible, et quand il l'entendit prendre plusieurs longues inspirations à la suite, son aîné comprit qu'il somnolait déjà. Un rictus se peignit sur son visage et ses yeux brillèrent d'affection. Il trouvait Jungkook tout simplement adorable... et ça lui plaisait de ne pas dormir seul.

À son tour, du fait de sa journée de voyage, Taehyung s'assoupit.

~~~

L'écrivain fut réveillé en plein milieu de la nuit. Désorienté, il se rappela bien vite où il se trouvait et pourquoi... et il fut bouleversé de constater qu'il s'était réveillé à cause des pleurs de Jungkook.

Son cadet en effet avait ouvert les yeux plusieurs minutes auparavant et, alors qu'il se rendormait peu à peu, le silence de l'obscurité morose et les souvenirs de la veille lui étaient revenus. Incapable de résister à la peine, il avait craqué en priant pour ne pas gêner Taehyung. Or, difficile de rendre des sanglots discrets quand ils secouaient son corps : son aîné l'avait senti bougé, l'avait entendu renifler, et ça l'avait tiré de sa torpeur pourtant profonde à cette heure.

« Je suis là, murmura l'auteur – et il serra Jungkook un peu plus fort contre lui. Laisse-toi aller, ça te fera du bien.

— Hyung...

— T'as pas à avoir honte. »

Parce qu'il était épuisé, parce qu'il ne trouverait jamais la force de répliquer, parce qu'il n'en pouvait plus de retenir ses émotions depuis de si longues minutes, Jungkook accepta de les laisser lui échapper. Ses sanglots redoublèrent, ses larmes, trop nombreuses, cascadèrent sur le torse de son ami, et il se mit à trembler contre lui. Touché par ce déchaînement de douleur, Taehyung garda une main sur le dos de son cadet et remonta l'autre dans sa chevelure pour la caresser avec délicatesse.

Un instant, il songea que si Jungkook et lui sortaient ensemble, il l'aurait couvert de baisers, de câlins, et il aurait utilisé chaque mot à sa disposition pour le rassurer et lui rappeler à quel point un garçon comme lui méritait tout le bonheur du monde.

Taehyung jura entendre la voix de la solitude se moquer de lui, et il étreignit Jungkook un peu plus fort encore en lui murmurant un « tout va bien » qui ne changea rien à l'état de son ami. Ce dernier avait besoin de libérer ses émotions de manière brutale. Sans comprendre pourquoi, ça l'apaisait d'avoir une épaule sur laquelle pleurer. Cette peau séparée de la sienne par un unique tissu, et son front contre la clavicule de son aîné... cette proximité calmait ses tourments. Jungkook osa enrouler les bras autour de la taille de Taehyung qui n'émit aucune objection. Blottis l'un contre l'autre, ils se réconfortaient mutuellement.

D'interminables minutes s'écoulèrent avant qu'enfin les larmes et les sanglots ne se taisent. Alors Taehyung accentua ses caresses dans la chevelure de son ami.

« Tu te sens mieux ?

— Oui, merci.

— Tu veux un verre d'eau ?

— Je peux aller me le chercher moi-même.

— T'es côté mur, ce sera pas pratique... et je propose ça pour te faire plaisir, idiot.

— C'est toi l'idiot, grommela Jungkook.

— Wow, je pensais pas entendre un jour pire que « c'est celui qui dit qui l'est ».

— Je suis fatigué.

— Ton générateur d'humour est en panne ?

— J't'emmerde, gloussa Jungkook.

— Je suis heureux de t'entendre rire, mon Kookie.

— Merci pour tout.

— Je t'en prie. Maintenant, dodo.

— Non : maintenant, verre d'eau. T'as proposé, alors tu vas le chercher.

— Malin, le biscuit...

— J'attends mon verre d'eau.

— P'tit con. »

Jungkook rit de nouveau, au plus grand bonheur de Taehyung qui, appréciant la mélodie, se releva sans mal et attrapa un des deux verres abandonnés la veille au soir. La bouteille avait été laissée juste à côté, et puisque Jungkook n'avait pas fermé les rideaux avant de se coucher, on y voyait à peu près en dépit de l'obscurité. Taehyung lui servit un peu d'eau et rejoignit le lit sur lequel son cadet s'était assis, patientant gentiment pour sa boisson.

« Merci, hyung !

— Je vous en prie, votre majesté, râla l'autre.

— Fais gaffe avec ce surnom, je risque d'y prendre goût. »

Taehyung finit par ricaner à son tour. Une fois sa soif apaisée, Jungkook lui rendit le récipient qu'il plaça dans l'évier, et il s'enfonça sous la couette. Sans attendre, les deux garçons s'enlacèrent de nouveau, et le visage de Jungkook regagna le torse maigre de son aîné tandis que ses jambes s'enroulaient aux siennes. Taehyung en frémit de bonheur, ça faisait bien longtemps qu'il ne partageait plus son king size avec qui que ce soit, et se retrouver dans ce lit minuscule, serré contre ce garçon qui lui plaisait de plus en plus... ça lui apportait un réconfort insoupçonné.

Les deux amis s'endormirent pour ne rouvrir les yeux qu'au son du réveil de Jungkook. Ce dernier râla en tendant la main pour attraper son portable. Son geste néanmoins fut stoppé par la présence à ses côtés qu'il avait failli oublier. Tout lui revint. Il se redressa, éteignit son smartphone, une moue embarrassée sur le visage : il détestait faiblir devant ses collègues, alors devant Taehyung ! Qu'est-ce qui lui avait pris !

Pourtant, il ne cherchait pas à nier : il l'avait consolé, et maintenant qu'il avait évacué toutes ses larmes, il se sentait mieux.

« Dodo, Kookie... »

Alors qu'il s'était redressé sur son matelas, Jungkook sentit son aîné (pourtant encore à moitié endormi) lui attraper les épaules pour l'inciter à se rallonger. Amusé, il ne répliqua pas. Il termina sur le dos, et l'auteur, dans un mouvement léthargique, se releva juste assez pour s'étaler ensuite sur lui. Jungkook haleta à ce poids soudain avant de lâcher un gloussement discret.

« Tes muscles sont plus confortables que ce que j'avais imaginé, marmonna Taehyung en posant la main sur son pectoral.

— Tu m'en vois ravi.

— Je peux rester là combien de temps ?

— Il est six heures, t'as le temps. »

L'écrivain ne répondit pas, il se contenta de sourire en poussant un soupir de bien-être.

Jungkook plongea dans ses songes, peu enclin à se rendormir. Il se rappela leur première rencontre. Pareils à deux silex, ils avaient produit de sacrées étincelles, ce jour-là. Le libraire avait même pensé que tout finirait par s'embraser. Par chance, la flamme née de leur relation ressemblait désormais plus à une petite flamme paisible qu'à un brasier dévastateur. Un instant, il imagina que le destin lui-même avait agi pour mettre Taehyung sur sa route ce soir-là. Il croyait au hasard, mais... pas cette fois. Il y avait eu quelque chose de voulu dans ces retrouvailles bien particulières. Voulu par qui ? La providence ou bien Jungkook lui-même ? Ça, le libraire préférait ne pas le savoir. Il lui restait encore trop de fierté pour admettre qu'il aurait pu insister auprès de Hoseok ou bien tenter quand même de contacter Yoongi – et pour admettre que dès que Taehyung était arrivé en voiture, il avait espéré qu'ils dormiraient ensemble.

« Kookie ?

— Si c'est pour m'appeler comme ça, tu peux...

— Caresse-moi le dos au lieu de râler dès le matin, grommela Taehyung.

— Et en plus tu donnes des ordres ?

— Si tu refuses je dirai aux hyungs qu'on a dormi ensemble.

— Sale con. »

L'auteur gloussa : tous deux savaient bien qu'il garderait pour lui ces évènements, mais... peut-être que Jungkook se sentait de bonne humeur, ce matin, car il accéda à la demande de son aîné. Il glissa la main droite sous son t-shirt et effleura sa peau avec une douceur telle qu'il y provoqua des frissons. Il se concentrait sur ses reins, remontant à une ou deux reprises jusqu'au creux de ses omoplates.

« Je peux mourir en paix : mon libraire grognon a accepté de me faire des câlins.

— Je suis pas grognon.

— C'est exactement ce que dirait quelqu'un de grognon.

— Bon bah t'as gagné, bouge. J'ai besoin d'un lait à la banane.

— Non, encore des câlins !

— Gamin ! »

Taehyung s'esclaffa sans nier, quant à Jungkook, attendri par cet idiot qui avait réfugié le visage dans son cou, il décida de continuer l'agréable traitement qu'il lui prodiguait, en dépit de sa sérieuse envie de lait à la banane. Il appréciait l'effet apaisant de sa respiration régulière et chaude contre son épiderme. Yoongi dormait de la même façon : étendu sur lui. Il prétendait que sa musculature le rassurait, le réconfortait, et qu'il aimait la sentir contre son propre corps. Pour autant, jamais le réceptionnaire ne s'était montré intéressé par son collègue. Ils chérissaient cette proximité fraternelle et innocente qui cimentait leur relation.

« J'aime bien quand t'es comme ça, admit Jungkook.

— Comme ça ?

— Relou mais pas chiant.

— Moi je suis relou ? s'indigna Taehyung en se redressant pour s'asseoir sur ses cuisses, bras croisés et sourcils froncés.

— Et pas qu'un peu. Par moment, tu frises l'insupportable.

— J'vais te taper.

— Essaie un peu, en deux secondes je te bats.

— Oh oui, Kookie, bats-moi, fais-moi mal, ordonna l'auteur avec un sourire si large que Jungkook ne se vexa même pas.

— Mais ferme ta gueule avec tes conneries.

— Sinon tu vas faire quoi ?

— Tu veux vraiment savoir ?

— Je suis curieux, Kookie. »

Il insista sur ce fameux surnom... et Jungkook leva tout à coup la jambe gauche, celle qui se trouvait du côté du mur. Déstabilisé, Taehyung chuta du côté opposé et termina non sur le matelas, mais bel et bien au sol, dans un geignement misérable.

« Tss, pathétique, le nargua son cadet d'un ton altier en quittant à son tour le lit. J'espère au moins que ta curiosité est satisfaite. »

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