Chapitre 157
Jungkook et Taehyung tournèrent plusieurs fois, longeant le chemin qui formait une boucle autour du parc. Peu importait qu'ils marchent toujours le long des mêmes plants de fleurs ou de la même aire de jeu, le libraire se sentait apaisé par l'endroit, et par l'unique présence de son petit ami auprès de lui. Les deux en effet se promenaient seuls ici, ce qui rassurait Jungkook qui n'appréciait jamais que son bras attire l'attention des passants sur lui - car ensuite leur regard risquait de tomber sur sa main mutilée qu'il haïssait.
Ils discutèrent un long moment, s'assirent auprès de la mare pour laquelle Jungkook s'était, sans explication, pris d'affection, et ils profitèrent du silence du matin, jusqu'à ce qu'il soit troublé par des enfants accompagnés de leurs parents, sortis depuis la porte d'une résidence proche de celle de Taehyung. Ce dernier remarqua le visage soudain soucieux de son petit ami à l'oreille de qui il se pencha.
« Mon amour, je commence à avoir vraiment envie qu'on aille s'occuper d'affaires un peu plus... intimes que les alevins de la mare. Tu voudrais pas qu'on rentre ? »
Il lui mordilla le lobe, pensant exciter son compagnon qui lâcha un ricanement attendri.
« Arrête, ça chatouille !
- Ah ouais, donc à part le bas du corps, t'as vraiment aucune sensibilité, toi...
- J'aime bien quand... tu m'embrasses dans le cou, avoua-t-il. Ça me donne des frissons.
- Merde, Kookie, maintenant j'ai envie de te donner bien plus que des frissons, râla Taehyung en se penchant sur lui pour poser dans un geste désespéré la joue contre son épaule. Pitié, je veux rentrer, allons faire l'amour, t'as envie ?
- Bien sûr que j'en ai envie.
- Ah ?
- Mais la question, c'est quand est-ce que j'en ai envie, compléta-t-il avec une étincelle joueuse dans les prunelles.
- T'es un démon !
- Ton démon de la luxure, hum ?
- Moui...
- Remontons à l'appartement, affirma Jungkook alors que les enfants qui chahutaient au loin lui paraissaient déjà beaucoup trop proches.
- Oui ! On prend l'ascenseur !
- Hyung, tu...
- Non, Jungkook ! Là on va coucher ensemble et ce soir je te rappelle qu'on voit Yeonmi et Yeongho : tu vas pas m'infliger en plus cinq étages à monter à pied !
- T'es un vrai fainéant, grommela son cadet en haussant une épaule. Allons-y. »
Ravi d'avoir gagné, Taehyung bondit sur ses pieds, et Jungkook soupira en songeant que pour quelqu'un qui prétendait ne pas pouvoir grimper cinq misérables étages, il semblait quand même empli d'une intarissable énergie. Hormis cet échange, donc, les deux gardèrent le silence en remontant à l'appartement. Il ne s'agissait pas d'un silence pensant ni embarrassant, mais d'un silence... qui renfermait une tension beaucoup plus forte que celle de simples éclairs, la tension que générait un désir bien plus puissant que la pire des fureurs.
L'ascenseur pourtant large, conçu pour que les riches propriétaires ne s'y sentent pas à l'étroit, paraissait à Jungkook si minuscule qu'il faillit y suffoquer. Taehyung et lui n'avaient certes pas échangé un seul mot, malgré tout ils avaient partagé bon nombre de regards qui avaient trahi leurs plus profondes envies, les plus inavouables autant que celles qu'ils comptaient bien hurler à s'en déchirer les cordes vocales une fois qu'ils ne se contrôleraient plus.
Jungkook ne comprenait pas comment une telle atmosphère avait réussi à s'installer en l'espace de quelques misérables minutes, mais ça lui plaisait. L'effet qu'exerçait Taehyung sur lui lui plaisait - oh ça oui, il adorait ça !
Quand les portes de l'ascenseur s'écartèrent et que Taehyung lui prit la main dans un geste doux quoiqu'autoritaire, son cadet frémit de hâte. Il avait rêvé de ce moment des nuits durant.
L'écrivain, avec un calme étonnant, ouvrit son appartement, se déchaussa, puis la poussa derrière Jungkook qui retira à son tour ses chaussures. Leurs prunelles dilatées indiquaient leur puissant désir, et dès l'instant où le libraire se redressa, son petit ami se rapprocha jusqu'à coller leur corps l'un contre l'autre, enroulant un bras autour de sa taille pour le garder aussi près de lui que possible. Jungkook, un sourire amoureux aux lèvres, posa le front contre le sien et ferma les yeux, profitant de son souffle qui lui caressait la peau.
« Je t'aime, murmura-t-il le premier.
- Et je t'aime au moins tout autant.
- Tu me montres ?
- Avec plaisir, allons à la chambre.
- T'as jamais fantasmé de le faire ailleurs ? s'enquit soudain Jungkook à qui cette question était venue de manière naturelle.
- Genre la cuisine ou la salle de bains ?
- Ouais.
- Si, mais pas tout de suite.
- Pourquoi ? Je suis pas assez expérimenté ?
- Pour l'instant, je préfère que tu puisses t'allonger si nécessaire, mais plus tard... ouais, c'est définitivement un truc qu'on fera. On fera l'amour dans chaque pièce, sur chaque meuble, jusqu'à ce que plus rien n'y échappe.
- Ça fait beaucoup de nuits, ça, ricana Jungkook.
- Qui a dit qu'on ne coucherait ensemble que la nuit, mon amour ? »
Jungkook déglutit alors que son aîné s'était écarté de lui, juste assez pour plonger son regard malicieux dans le sien.
« Tu m'as l'air de bien connaître ton corps, Kookie, alors dis-moi : quand tu te fais jouir, tu peux atteindre combien d'orgasmes à la suite ?
- C'est pas pareil quand c'est juste moi qui me touche, protesta Jungkook en détournant les yeux - mais d'un geste sévère, Taehyung l'en empêcha. Avec toi, une fois me suffit largement, je sais pas combien de fois je pourrais venir.
- Et quand t'es seul ? Dis-moi, je suis curieux.
- Je sais pas... j'ai déjà dû atteindre trois ou quatre orgasmes, mais... c'était y a longtemps, ça fait des mois que je n'ai plus vraiment l'esprit à ça.
- Je comprends... et je te promets qu'un jour, on essaiera de te faire jouir quatre fois.
- Mais on sera épuisés !
- Alors faudra qu'on fasse ça pendant tes vacances, répliqua Taehyung d'un ton nonchalant.
- Tu... tu te sentirais vraiment capable ?
- Oui. Y a tellement de positions à essayer, de façons de le faire... on a le choix, et moi aussi j'ai tendance à pouvoir enchaîner les orgasmes. On passera le moment le plus incroyable de nos vies sexuelles, mon Kookie ! »
Son soudain enthousiasme en dépit de paroles si salaces amusa Jungkook qui opina. Ses lèvres pincées lui donnaient un air embarrassé qui lui seyait à merveille, de l'avis de Taehyung qui s'avança jusqu'à ce que sa bouche retrouve enfin celle qui le destin lui avait choisie. Elles se complétaient d'une manière inexplicable - Taehyung savait que son affection pour Jungkook le trahissait et déformait sa perception des choses, mais tout lui semblait alors si savoureux qu'il ne pouvait se résoudre à revenir à la raison. Il fallait croire que le proverbe disait vrai : l'amour le rendait aveugle, brouillait ses sens, et le voilà plongé dans une torpeur qui donnait lieu au rêve le plus magnifique.
De ses mains assurées, Taehyung défit l'écharpe de son compagnon. Ses gestes habitués la lui retirèrent en quelques instants, et ils s'écartèrent pour que l'écrivain abandonne l'objet sur le sol.
« Hyung, t'agis comme si tu jetais un chiffon par terre, lui reprocha Jungkook d'un ton las. J'en ai besoin pour...
- J'ai jamais désiré quiconque comme je te désire, Jeon Jungkook.
- T'es pardonné. »
De nouveau ils se jetèrent à l'assaut des lèvres de l'autre. L'aîné enlaça son petit ami dans un mouvement devenu fiévreux, pourtant tout demeurait chaste, les deux garçons concentrés sur ce baiser qui leur provoquait les frissons d'un plaisir grandissant.
« Mon t-shirt, » s'entendit gémir Jungkook en glissant la tête contre l'épaule de son amant.
Ce dernier obéit aussitôt, il attrapa le bas du vêtement et le releva avec lenteur, titillant son propre désir autant que celui de son copain. Or, si Jungkook crut d'abord qu'il s'agissait de le faire mariner pour l'exciter davantage, il se rendit compte qu'il s'agissait avant tout pour Taehyung de prendre soin de lui : une fois l'habit pendant sur l'épaule gauche du libraire, il prit son bras blessé avec délicatesse afin de lui retirer en douceur son haut.
« On croirait que je suis fait en porcelaine, susurra Jungkook dans les yeux de qui brillait un éclat aussi attendri qu'impatient.
- Les trésors les plus précieux sont souvent les plus fragiles, murmura à son tour Taehyung, il faut les traiter avec la plus grande attention. »
Et sur ces mots, il glissa les doigts le long de son plâtre, l'effleurant à peine, pour ensuite les lier à ceux de son bien-aimé. Torse nu, sa musculature exposée, ses envies exacerbées par l'atmosphère sensuelle qui planait, Jungkook sentit pourtant son cœur bondir et s'emballer à ce seul contact, auquel il se croyait habitué : la main de Taehyung dans la sienne, ses doigts qui caressaient ses cicatrices.
« Ce qui est unique est bien plus précieux que n'importe quel trésor, » souffla encore Taehyung en attirant la main de Jungkook à son visage.
Il embrassa chaque blessure avec une assurance et une affection qui firent grimper en Jungkook un émoi qu'il ne s'expliquait pas. Ses prunelles s'humidifièrent, et alors que Taehyung s'apprêtait à lever les yeux sur lui une fois son emprise relâchée, son cadet ne lui laissa pas l'occasion de découvrir son trouble : il enroula les bras autour de son cou, se jetant sur lui de façon presque désespérée tandis que l'autre le réceptionnait avec maladresse, surpris.
« J'aurais jamais pensé trouver quelqu'un qui, non content d'ignorer mes blessures, les choierait en plus comme tu le fais. Je... j-je jurerais que sous tes lèvres, mes cicatrices pourraient s'effacer.
- Tu n'as pas encore compris, Jungkook ? C'est exactement ce qu'elles font. »
Une première larme échappa au plus jeune quand il s'aperçut que son petit ami disait vrai : à force de lui prendre la main, de la lui embrasser... Taehyung lui avait permis d'oublier sa laideur, au point que s'il regardait ses doigts maintenant, Jungkook était convaincu qu'il s'étonnerait d'y voir des blessures.
Il avait suffi de quelques mois à Taehyung pour chambouler le reste de son existence.
Jungkook, fragilisé par les gestes puis les mots de son compagnon, ainsi que par les images qui lui revenaient, éclata en sanglots sans se l'expliquer. Il avait retenu trop d'émotions, traversé trop d'épreuves. S'apercevoir qu'il se trouvait au bout du tunnel le bouleversait.
« Je t'en supplie, m-me quitte jamais, pleura Jungkook. J-Je... tu m'as sauvé.
- Oh, mais non, faut pas être si émotif, mon amour, » sourit Taehyung avec attendrissement.
Pourtant, il comprenait son besoin violent d'évacuer tout ce qui lui avait pesé, et il se doutait que ce ne serait pas la dernière fois que Jungkook craquerait : il avait connu trop de douleurs pour tout balayer en quelques larmes.
« Hyung...
- Je te quitterai jamais. J'y arriverais pas, je le sens bien. T'es trop important pour moi, t'as un rôle trop important dans ma vie. Quoi qu'il arrive, je sais qu'on restera proches tous les deux... et, j'espère, le plus proche possible. »
La joue contre la tête de son cadet, Taehyung lui caressait le dos de manière à le détendre - et il savait s'y prendre, depuis le temps ! Jungkook versa des larmes silencieuses, renifla en revanche sans discrétion, et cessa de trembler alors que son compagnon n'avait pas desserré son étreinte. Il ne le lâcha pas non plus, trop bien ainsi blotti contre lui.
« Je veux qu'on fasse l'amour, Taehyung-ah, » lui chuchota-t-il à l'oreille.
Il avait employé ce ton à la fois candide et suppliant qu'il utilisait sans s'en rendre compte quand il laissait ses émotions le dominer. Il avait besoin de Taehyung. Celui-ci, conscient des faiblesses de son amant, continua de lui caresser le dos dans des gestes qui se voulaient apaisants. IL sourit.
« Avec plaisir.
- Juste...
- Oui ?
- Est-ce-que... enfin, hésita Jungkook en reniflant une dernière fois alors qu'il essuyait ses larmes, est-ce que t'accepterais, cette fois, de me faire l'amour ? »
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