Chapitre 156

Passer toute sa semaine à se reposer aurait achevé Jungkook, si bien que le jeune homme, dans les jours qui suivirent la venue de Yoongi et Jimin chez Taehyung, ne resta pas au lit aussi longtemps que son copain l'aurait souhaité. Il n'y demeura en effet que jusqu'au mercredi, jour qu'il choisit pour rendre visite à ses collègues à la librairie. L'écrivain le lui interdit, ne l'autorisant à s'y rendre qu'à condition qu'il l'y conduise, ce que Jungkook avait accepté sans discuter, se rappelant la tirade de Yoongi.

Il s'était réjoui de voir ses amis : Hoseok l'avait serré dans ses bras en veillant sur le sien, Jieun lui avait pris la main en lui demandant quand il reviendrait, et il avait bavardé avec son patron à propos des nouveautés qu'il avait repérées dans son rayon lorsqu'il s'y était promené avec Taehyung. Ce dernier l'avait observé s'extasier sur tous les bouquins qui l'intéressaient, sur des auteurs qu'il désirerait découvrir autant que sur d'autres qu'il connaissait et dont il espérait s'offrir le prochain roman. Avec l'impression que son cœur brûlait d'allégresse devant toute cette joie dans le regard de son cadet, Taehyung l'avait ensuite laissé avec les autres pendant qu'il s'occupait dans son coin. Ainsi, quand ils s'étaient retrouvés quelques dizaines de minutes plus tard à la sortie de la librairie, Jungkook affichait une mine ravie, plusieurs services de presse dans un tote bag à son bras, et il faillit pousser un cri de surprise mêlée de bonheur lorsqu'il remarqua les deux sacs aux pieds de son amant, remplis des livres dont il lui avait parlé en rayon.

Jamais il n'avait rencontré quelqu'un comme Taehyung !

Le soir même, l'écrivain avait trouvé un moyen pour que son compagnon lui témoigne toute sa reconnaissance, et si d'abord il avait simplement réclamé de toucher son torse dont il raffolait, tout avait basculé quand Jungkook l'avait supplié de toucher autre chose, plus bas...

En bref, ils avaient passé une nuit délicieuse, qui valait aux yeux de Taehyung tous les sacs de livres du monde !

Quelques jours plus tard, tandis que la semaine s'achevait, Jungkook se sentit d'humeur à se promener : c'était samedi, et en ce début de mois de juillet, alors que les températures demeuraient élevées, au moins il ne pleuvait pas. Un ciel nuageux empêchait le soleil de cogner, et le libraire estimait qu'il s'agissait du temps idéal pour profiter un peu de l'extérieur – notamment en matinée.

Ainsi, lorsque Taehyung se réveilla, bien après lui qui lisait déjà à l'aide de la lumière du levant qui filtrait à travers le rideau transparent et à moitié ouvert, Jungkook lui sourit et lui proposa une balade.

« Et tu veux te promener où ? marmonna l'écrivain qui émergeait à peine de sa torpeur.

— Bah je sais pas. C'est toujours toi qui connais les environs. Moi je connais le Yongsan Park, c'est tout.

— Hum... laisse-moi y réfléchir encore deux ou trois heures, alors...

— Hyung, te rendors pas !

— Si, dodo...

— Non, pas dodo, je veux me promener ce matin, s'il te plaît ! Il fait pas soleil mais il pleut pas, et il fait encore frais dehors, c'est le moment d'en profiter !

— Il est quelle heure ?

— Bientôt huit heures...

— Trop tôt, dodo...

— S'il te plaît, Taehyung-ah... »

Jungkook posa sa main valide sur l'épaule de son copain pour la secouer sans brutalité. Taehyung le repoussa dans un grognement et remonta la couette jusqu'à ses oreilles. Jungkook fit la moue, insista en retirant la couverture, et, alors qu'un sourire taquin s'installait sur son visage, il appuya un baiser sur sa tempe.

« Hyung, tu sais... la promenade, c'était pour se dégourdir les jambes avant un moment... un peu plus intime.

— Hum ? »

Il paraissait tout à coup plus intéressé.

« Ça te dirait pas ? tenta encore Jungkook alors que désormais il caressait l'épaule de son petit ami par-dessus la couette. Juste toi, moi, et ces quelques rayons de jour qui traversent la fenêtre... hum ? T'en penses quoi ?

— J'en pense que c'est pas trop mal pour commencer une journée, effectivement, concéda l'aîné.

— Ah bon ? Tu te sens un peu plus réveillé, finalement ?

— Ça dépend de ce que t'as en tête, mon amour.

— Tout ce que tu voudras, hyung.

— Tout ?

— Tu penses à quelque chose en particulier ? demanda Jungkook alors que son rictus ne l'avait pas quitté.

— J'ai plein d'idées, mais j'arrive pas à croire que t'aies les mêmes idées, j'ai bien compris que tu voulais te promener. Alors dis-moi, qu'est-ce que toi, t'as en tête ?

— Bien vu, ricana Jungkook. T'auras que dalle : d'abord ma promenade, et ensuite on s'amusera un peu. J'en ai envie aussi.

— J'aime entendre ça.

— Mais d'abord je veux sortir d'ici. T'as une idée d'un endroit où on pourrait se promener ?

— Hum... huit heures, tu disais ? Le temps qu'on se prépare et qu'on mange, il sera au moins la demie, mais y aura presque rien d'ouvert dans le coin...

— T'as une idée en tête ?

— Deux trois idées, ouais. Tu voudrais un parc vraiment ou juste un endroit où se promener.

— Les rues, c'est pas mon délire.

— Je ne te proposerais même pas de te déplacer si loin. Je voudrais pas que tu tombes comme une mouche, t'es encore fatigué.

— Hyung, on sait tous les deux que c'est des conneries.

— Oui, ricana Taehyung devant sa moue dépitée, je te taquinais. Mais pour mon propre bien, on va pas aller très loin : j'ai pas envie de bouger, et surtout... si à un moment j'ai vraiment trop envie de toi, je préfère qu'on soit pas loin de l'appartement.

— Donc tu me fais croire que t'as la flemme de bouger, par contre, pour que je te démonte, là y a du monde.

— Exactement ! Oh comme j'ai hâte que tu me fasses ma fête ! Allons vite nous préparer, je vais t'amener dans un endroit que tu n'as encore jamais vu !

— Comment tu peux en être si sûr ?

— Je le sais, c'est tout, » répliqua Taehyung avec une mine qui se voulait espiègle autant que mystérieuse.

Jungkook haussa les épaules sans répondre et se leva le premier du lit, dans des gestes tranquilles afin d'être assuré de ne se provoquer aucun vertige. Taehyung le couva d'un regard qu'il ne remarqua pas et qui l'aurait sans doute agacé, et il se dirigea vers ce qui était désormais plus leur armoire que celle de Taehyung, de laquelle il tira un jean et un t-shirt ainsi que l'écharpe qui lui servait à maintenir son bras blessé contre lui. Il alla enfiler le tout dans la salle de bains sous les protestations de l'écrivain qui lui reprocha qu'ils avaient assez couché ensemble pour ne plus se sentir embarrassés de se changer l'un devant l'autre.

« Tu profiteras de mon corps tout à l'heure ! lança Jungkook depuis la pièce attenante.

— Dis pas ça, geignit de façon pathétique son copain. J'en crève déjà d'envie...

— Dis pas n'importe quoi, enfin, t'as encore l'air à peine réveillé, comment tu peux déjà être en état de me déblatérer tes conneries ?

— Plus je suis fatigué, pires elles sont !

— Quel enfer...

— T'inquiète, je peux t'amener au paradis tout de suite si tu veux.

— Amène-moi d'abord me promener !

— Au septième ciel ?

— Au parc ! »

Taehyung s'esclaffa, et Jungkook ne put réprimer un sourire que lui rendit le miroir face auquel il se tenait pour enfiler son écharpe. Trois mois plus tôt, cette conversation lui aurait plus tapé sur le système qu'un client à la recherche d'un livre en tête de gondole, à présent ces échanges l'amusaient, l'incitaient à répondre pour tenter de remporter la joute verbale engagée, et qu'il gagne ou qu'il perde, le rire qu'elle lui arrachait en valait la peine.

L'écrivain aimait son côté joueur autant que lui aimait son côté taquin.

Quand il rejoignit la chambre, d'interminables minutes plus tard, Taehyung s'était habillé et était occupé sur son smartphone. Il releva les yeux sur son cadet.

« T'en as mis, du temps, lui reprocha-t-il avec un sourire, j'ai cru que t'allais sortir en habits de ski.

— Je me préparais.

— Tu veux quoi au petit déjeuner ? Je veux commander un truc, j'ai rien qui me fasse envie ici.

— Je sais pas, tu veux quoi ?

— Y a un café juste en bas de la rue, ils ont des trucs sympas et ils livrent.

— Des trucs sympas comme quoi ?

— Le meilleur pain au chocolat que tu goûteras dans ta vie, des gâteaux et roulés aux fraises à se damner, des tiramisus de dingue, et la liste est longue.

— Tu prends quoi ?

— Le pain au chocolat avec un smoothie aux fraises. C'est sucré, ça change de mes habitudes. »

Ça bouleverserait aussi celles de Jungkook, qui mangeait un bol de riz pour le petit déjeuner.

« Je vais prendre la même chose, affirma-t-il, je me fie à tes goûts.

— Et tu le regretteras pas ! »

Ils reçurent leur commande quelques instants plus tard, et Jungkook découvrit à quel point son compagnon avait vu juste. Il se régala, ne laissant pas une miette de sa viennoiserie ni une goutte de son smoothie. Leur repas achevé, ils quittèrent l'appartement et descendirent par les escaliers, au plus grand dam de Taehyung qui pria pour ne pas remonter par là, sinon quoi il risquait de ne pas atteindre la dernière marche.

Au rez-de-chaussée, alors que Jungkook s'apprêtait à sortir, Taehyung l'en empêcha, attrapant son poignet pour le stopper. Le cadet se retourna avec un regard interrogateur auquel son petit ami répondit par un signe de tête.

« On va par là, nous.

— Hein ? »

Ce ne fut qu'alors qu'il remarqua une porte vitrée située à l'écart, discrète, et qui menait sur...

« Le jardin de la résidence ? s'étonna Jungkook. Mais hyung, j'ai envie de marcher, moi...

— T'en fais pas. T'es jamais allé sur le balcon, comment tu peux te plaindre avant d'avoir vu ce que cette porte dissimule ?

— Hum...

— Tu savais que tous les bâtiments aux alentours sont des résidences similaires à celle-ci, à la seule différence que certaines possèdent un petit commerce au rez-de-chaussée ? s'enquit l'auteur alors qu'ils avançaient jusqu'à la porte. Une même entreprise s'occupe de chacune d'entre elles.

— Je savais pas. T'es propriétaire, non ?

— Oui, mais ça n'empêche pas que quand ces résidences ont été construites, elles appartenaient encore à une seule personne.

— Et pourquoi tu me dis ça ? s'étonna Jungkook qui peinait à suivre son raisonnement.

— Parce que ces résidences ne forment pas une ligne, mais un rectangle. »

Et lorsque Taehyung poussa la porte, Jungkook pour sa part lâcha un juron de stupéfaction : ce qu'il avait pris pour un simple jardin était en vérité un parc avec une mare, une aire de jeu et nombre de massifs de fleurs.

« Et au centre de ce rectangle, termina Taehyung avec un sourire face à l'air émerveillé de son copain, y a un parc privé accessible par les seuls résidents de ces bâtiments. Alors, t'en penses quoi ?

— Ouah, c'est... c'est impressionnant, y a pas à dire, bafouilla presque Jungkook alors que son regard se posait partout.

— Quand je venais d'emménager ici, j'aimais beaucoup descendre là, les jours de beau temps, pour écrire dans l'herbe, mon ordinateur sur les genoux.

— Pourquoi tu ne le fais plus ?

— Peu à peu... j'ai eu la sensation que je n'étais plus à ma place dans la lumière. »

Jungkook baissa la tête sans un mot. Les secondes s'étirèrent jusqu'à ce que Jungkook coupe court à son propre silence.

« Et maintenant ?

— Maintenant... je sais pas. J'ai pas encore l'impression d'y avoir ma place, je me sens mieux seul chez moi, comme si j'étais protégé. Je risque pas de rencontrer quelqu'un, et même pas besoin de bouger sur plus de trois mètres pour aller de mon lit à mon bureau. Mais... faut avouer que je me sens bien, ici... et avec toi. Ça faisait un moment que j'attendais la bonne occasion pour te montrer le parc. »

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