Chapitre 127

Jungkook s'étira en sortant de sa torpeur, et il se frotta les paupières dans un geste qui demeurait léthargique. Son portable lui révéla que l'heure du déjeuner approchait, et il se rappela avec un temps de retard la raison pour laquelle il ne se réveillait qu'à cette heure.

Il replongea la tête dans l'oreiller, peu enclin à bouger, puis il se souvint qu'il avait prévu de préparer le repas, et il se força à se lever. Alors qu'il quittait les draps, des pas discrets retentirent dans le couloir, et Jungkook s'asseyait sur le bord du matelas quand Taehyung entra. Aussitôt l'écrivain posa un regard gourmand sur le corps toujours dénudé de son petit ami qui, pour sa part, dirigea sur lui des yeux encore fatigués.

« Coucou, ça va ? s'enquit-il.

— Toujours quand je te vois dans cette tenue. »

Jungkook, qui avait conscience mais se moquait de sa nudité, poussa un soupir las, habitué aux taquineries de son compagnon.

« Bien dormi mon Kookie ? demanda encore Taehyung en approchant pour lui voler un bref baiser.

— Oui... t'as pu te reposer un peu aussi ?

— Oui, j'ai dormi une petite demi-heure avec toi dans mes bras, le paradis ! »

Jungkook sourit d'un air attendri et attrapa son t-shirt qu'il enfila, puis son caleçon.

« Hyung, t'as pas vu mon bas de pyjama ? l'interrogea-t-il ensuite en balayant la pièce du regard.

— Si.

— Il est où ?

— Je l'ai caché.

— Pardon ?

— Je voulais profiter encore de la vue de tes jambes sublimes, pitié... »

Sa moue de chien battu tira un nouveau soupir à Jungkook qui, parce qu'il n'avait pas la force de lutter, abdiqua.

« Seulement le temps du déjeuner, après je mettrai un jean.

— T'es le meilleur ! »

Taehyung l'embrassa, et avant qu'il ne réussisse à s'échapper, Jungkook l'arrêta : « Dis, t'as commencé à préparer le déjeuner ?

— Oui, et aussi trois autres repas dans des boîtes au frigo pour qu'on les apporte à l'hôtel, comme t'y tenais.

— Seulement trois ? On pouvait en préparer quatre.

— Non, ils auraient été trop légers, faut que tu manges bien pour garder tes jolis muscles... et tes jolies fesses.

— Hyung !

— Bah quoi !

— Arrête de parler de mes fesses !

— Mais je les adore, se plaignit Taehyung en lui enlaçant les épaules. J'aime trois choses plus que tout : les câlins, les bisous, et ton corps tout entier, fesses comprises ! »

Sur ces mots et pour prouver ses dires, le jeune homme embrassa la joue de son copain et lâcha un ricanement affectueux. Jungkook enroula à son tour un bras autour de lui et cala la tête dans son cou en poussant un soupir.

« Moi aussi j'aime être avec toi, murmura-t-il, merci de m'aimer...

— Merci de me laisser t'aimer. »

Ils s'accordèrent un dernier baiser puis se séparèrent pour se rendre ensuite ensemble à la cuisine où terminait de chauffer le déjeuner. Taehyung avait gardé une main sur le dos de Jungkook, il la laissa peu à peu tomber jusqu'à ses fesses, et son cadet se contenta de lui adresser un regard las.

Il ne détestait pas sentir à cet endroit de son corps la chaleur de la paume de son compagnon, même si elle risquait de vite l'exciter si elle se mettait à remuer...

Ils s'installèrent et profitèrent de leur repas pour discuter de leur vision de l'après-midi, l'heure à laquelle ils comptaient partir et la façon dont ils voyaient leur soirée. Ils quittèrent la table peu après, et Jungkook se hâta d'aller enfiler un jean.

« Bon, du coup, mon pyjama, tu l'avais caché où ? demanda-t-il en retrouvant son compagnon qui terminait de se préparer à la salle de bains.

— Caché ? Non, pas du tout, je l'ai juste rangé avec le reste de nos vêtements dans le sac que t'as préparé, pourquoi ? minauda Taehyung.

— Tu te fous de ma gueule ?

— Il y était depuis ton réveil, mon amour.

— J't'emmerde. »

L'auteur s'esclaffa, et Jungkook retourna en râlant à la chambre où il fouilla le sac préparé quelques heures plus tôt. Son bas de pyjama s'y trouvait, avec le reste de ses habits. Il maudit en silence son copain.

Une fois leurs bagages et eux-mêmes prêts, les garçons quittèrent l'appartement. Jungkook se laissa guider jusqu'à la voiture de Taehyung, qui lui ouvrit la portière d'un geste galant.

« Je vous en prie, beau jeune homme.

— Tss, idiot. »

Taehyung s'abstint de répondre, mais son bien-aimé lui faisait tourner la tête ainsi vêtu : le libraire avait mis un t-shirt noir ample, un jean moulant – comme il soulignait les muscles de ses jambes ! – dans lequel il avait rentré son haut afin de marquer sa taille fine, et de simples baskets bon marché. Le tout s'avérait sobre, mais agrémenté par plusieurs bijoux qui, bien que peu coûteux, lui apportaient un style indéniable. Des boucles d'oreilles, deux bracelets et un collier, tous en acier inoxydable, de sorte que même s'il ne s'agissait pas d'argent, ils ne s'abîmaient pas.

Enfin, Jungkook avait enfilé son écharpe pour soutenir son bras plâtré qu'il n'avait pas cherché à cacher sous des manches longues. Une chance, les températures estivales grimpaient vite, et l'humidité liée à la pluie rendait l'air extérieur encore plus insupportable.

Taehyung s'installa à son tour dans la voiture et démarra. Peu après, les voilà en route pour Daegu, une musique agréable en guise de fond sonore. Jungkook baissa les yeux sur son portable, et parce qu'il s'y concentrait chaque fois que l'appareil vibrait – toutes les trois minutes environ –, il devina qu'il discutait avec quelqu'un.

« C'est Yoongi ? demanda Taehyung dans l'espoir d'ouvrir le dialogue.

— Non, ma mère. Elle m'a demandé il y a quelques jours quand je serais apte à voyager, pour venir les voir. Je m'en sens capable maintenant, j'essaierai de prendre un billet pour Busan dans les jours qui viennent, mon père et elle me manquent beaucoup.

— Tu voudrais pas que je t'y amène ?

— À Busan ?

— Bah oui.

— Non, non, surtout pas, t'as déjà beaucoup à faire, et comme je ne serai pas dans tes pattes pendant quelques jours, tu pourras travailler à ton rythme au lieu de te plier au mien.

— Ton rythme est beaucoup plus sain que le mien, répliqua Taehyung dans un haussement d'épaules. La nuit je dormais à peine, je broyais du noir jusqu'à me décider à écrire, et la journée je la passais à écrire pour pas m'ennuyer et penser au fiasco que représentait ma vie. Toi, t'es réglé comme une horloge, je dors bien quand je suis dans tes bras, et je me sens moins fatigué depuis que je m'occupe de toi, j'ai aussi plus d'inspiration... enfin, disons plutôt que je suis plus inspiré par de jolies choses et... mes romans sont... un peu moins difficiles qu'avant... tu comprends ? Avec toi, je me sens vraiment bien. Alors si tu pars... j-je sais pas comment je vais réagir, et ça me fait un peu peur aussi... j'aimerais qu'on reste ensemble, parce que je sais pas encore si je suis capable de me passer de toi, Jungkook, » admit-il d'une voix que Jungkook sentit tout à coup fragilisée.

Le libraire fit la moue et pivota pour poser la main droite sur la cuisse de Taehyung. Alors qu'ils étaient immobilisés à un feu au rouge, l'écrivain osa tourner la tête pour croiser un bref instant le regard de son compagnon qui lui offrit un sourire affectueux.

« Moi aussi je suis heureux avec toi, Tae, et j'espère que tu te sentiras vite mieux. Je resterai avec toi autant de temps qu'il le faudra pour que mon bras et ton cœur se rétablissent.

— Merci... mais ce que je voulais dire, c'est qu'on pourrait aller tous les deux à Busan, reprit l'auteur en retrouvant un ton plus serein. On logerait dans un hôtel pas loin de chez toi, comme ça tu pourrais passer la journée avec ta famille pendant que je bosse, et le soir on se retrouverait.

— Oh, j-je... je sais pas trop, je voudrais pas t'imposer de prendre une chambre d'hôtel, hésita Jungkook. Mais je suis sûr que mes parents accepteraient que tu restes avec nous pour quelques jours.

— Tu crois ? Je sais que leur situation financière est compliquée, et... je voudrais pas m'imposer comme ça.

— T'en fais surtout pas pour ça. Quand il s'agit de quelques repas, ma mère ne rechigne jamais. Elle serait au contraire ravie de rencontrer mon petit ami, j'en suis convaincu.

— Elle est au courant pour nous ?

— Non, mais ce serait la bonne occasion de te présenter, songea Jungkook.

— Tu... enfin, ça t'inquiète pas ?

— De quoi ?

— On est un couple d'hommes, au cas où tu l'aurais pas remarqué.

— Ciel, non, j'avais pas remarqué ! Alors t'as pas de vagin ! » demanda avec un air stupéfait exagéré le jeune homme.

Taehyung éclata de rire à la remarque et Jungkook lui adressa un sourire débordant d'amour.

« Hyung, j'ai aucun complexe à ce propos, je sais que mes parents sont réfléchis, et je te parie même qu'ils ne feront aucune remarque quant au fait que t'es un mec. Tout ce qu'ils veulent... c'est que je sois heureux. Et avec toi c'est le cas, alors ils t'accepteront comme un membre de la famille.

— T'as beaucoup de chance d'avoir des parents aussi merveilleux, c'est beau une famille soudée.

— Yeonmi est une fille extraordinaire aussi, je suis sûr que ta sœur et toi, vous vous reverrez souvent. Elle avait l'air décidée à rattraper ses erreurs.

— Je l'espère... Quoi qu'il en soit, c'est tout vu : la semaine prochaine, on essaiera de se caler quelques jours à Busan. J'y suis juste allé pour un salon, tu pourras en profiter pour me faire visiter !

— Oui ! Je vais tout de suite envoyer un message à ma mère pour la prévenir, elle sera ravie !

— Ça fait longtemps que tu l'as pas revue ?

— La dernière fois, c'était il y a... environ dix mois. J'avais pu rentrer pour fêter chuseok [NDA : fête qui tombe entre septembre et octobre] avec mon père et elle.

— Ils doivent beaucoup te manquer, souffla Taehyung qui avait bien compris que Jungkook aimait sa famille plus que tout.

— Un peu plus chaque jour, admit son copain en sentant sa gorge se serrer à cet aveu. J'ai une photo de nous trois en fond d'écran, parce que... sinon, leur visage... il s'efface si vite...

— Oh, mon amour...

— Tu sais, ma mère m'a promis que quand ils n'auront plus de dettes à rembourser, ils lâcheront tous les deux leur deuxième boulot, comme ça ils pourront monter de temps en temps sur Séoul pour passer un jour ou deux avec moi. Le trajet les gêne pas, ils ont dit. »

De sa voix transparaissait une émotion telle que Taehyung en sentit ses yeux se charger de larmes qu'il garda pour lui en se forçant à prendre une longue inspiration qui apaisa le flot de ses sentiments. Il imaginait sans mal la souffrance de son petit ami, celle qui le rongeait depuis des années y ressemblait, d'une certaine manière.

« Ils sont vraiment courageux, affirma l'écrivain. Rien que dans leurs actes, ça se sent qu'ils t'aiment plus que n'importe quel trésor.

— Oui... comme le seul enfant qui leur reste.

— T'aurais fait un frère merveilleux, j'en doute pas une seconde.

— J'aurais aimé avoir la chance de le devenir, » murmura Jungkook alors qu'une première larme lui échappait.

Taehyung n'en rajouta pas, il frotta un court instant la cuisse de son copain dans un geste de soutien, et Jungkook s'essuya les yeux avant de tirer de sa poche de pantalon un mouchoir. Parler des difficultés de ses parents l'émouvait, mais parler de sa sœur... il y parvenait rarement sans verser la moindre larme. Décédée avant même sa naissance, Jungkook avait beau ne l'avoir jamais connue, il l'avait toujours chérie.

Il n'était jamais devenu grand frère, mais pour lui, il le resterai jusqu'à sa mort. Jusqu'à sa mort, il serait un grand frère sans petite sœur, mais un grand frère malgré tout : un grand frère à l'identité volée par un tragique accident.

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