Chapitre 112
Jimin savait qu'il devrait s'écarter de Yoongi, l'inciter à lui lâcher les mains, mais... elles étaient si agréables, ses mains. Plus grandes et émaciées que les siennes, il avait songé qu'elles seraient peut-être un peu calleuses, ou bien qu'il n'avait que la peau sur les os. Mais non. Elles avaient conservé la douceur de l'enfance.
Une émotion indescriptible scindait le jeune homme en deux, lui déchirait les entrailles. Pour la première fois, Yoongi le touchait, et sans même s'en apercevoir. Il avait pris ses mains dans les siennes par réflexe, peut-être parce qu'il souffrait tant des souvenirs qu'il évoquait qu'il lui avait fallu se raccrocher à quelque chose, n'importe quoi. À lui.
Yoongi ne bougeait plus, les yeux fixés sur les mains qu'il serrait fort entre les siennes. Petites, plus épaisses (mais si parfaites), elles témoignaient du fait que Jimin entrait dans l'âge adulte. Elles étaient chaudes, si chaudes contre les siennes qui lui semblaient si froides.
Il touchait Jimin. Il touchait Jimin comme il avait touché Jungkook, le jour où il avait osé tout lui avouer sur lui et son histoire... Cette histoire qui le hantait mais qui perdait de son emprise sur lui chaque fois qu'il s'en libérait, chaque fois qu'il la partageait. Un fardeau trop lourd à porter seul, mais plus léger quand il s'en délestait pour en confier un peu à un ami.
Il resserra encore les petites mains de Jimin dans les siennes, et il y posa le front, tremblant du fait des sanglots qu'il ne parvint pas à retenir. Son cadet demeura immobile, soucieux de le voir dans un tel état.
« Hyung, ça va ?
— Je t'en prie... ne me lâche jamais, murmura Yoongi.
— Je te promets que je serai toujours là, quoi que t'attendes de moi, jura Jimin qui sentait sa gorge se nouer d'émotion. Je t'aime plus que tout. Je te protègerai, je te le promets.
— J'aimerais aller de l'avant. J'y arrive pas.
— Tu viens de réussir un pas de géant. Tu me tiens les mains.
— Pour n'importe qui d'autre, ce serait ridicule. Tout le monde peut le faire.
— Les autres importent peu. C'est pas leurs mains que j'ai envie de tenir, c'est les tiennes, » affirma Jimin.
Il sentit les larmes de son aîné glisser à travers ses doigts pour atteindre les siens. Tous deux gardèrent le silence, et Yoongi continua de pleurer avant qu'enfin ses sanglots ne cessent. Il releva la tête, et pour s'essuyer les yeux, il relâcha son cadet puis passa la manche sur ses joues. Il en profita ensuite pour se gratter le cou. Jimin, qui ne lâchait plus ses mains sublimes du regard, fronça les sourcils.
« Hyung, tu peux écarter un peu le col de ton t-shirt ?
— P-Pourquoi ?
— Tu t'es blessé ?
— Hein ?
— Ton cou, expliqua Jimin.
— Oh... c'est rien, t'inquiète.
— Qu'est-ce qui t'est arrivé ? »
Yoongi, l'air embarrassé, finit par pousser un soupir, et il tira le col de son t-shirt pour dévoiler la plaque rouge qui couvrait une partie de son épaule ainsi que sa gorge. Jimin écarquilla les yeux.
« Q-Qu'est-ce que c'est ?
— Quand on m'approche de trop près, je subis un stress brutal mais bref, alors... t-tu l'as déjà vu, je peux faire une crise, je panique et j'ai du mal à respirer. Mais... q-quand je subis un stress plus diffus, moins violent mais prolongé, j'ai... d'autres symptômes. De l'eczéma, des problèmes de digestion... ce genre de trucs, quoi, résuma Yoongi sans oser regarder son cadet. Sans compter que je dors mal et que j'ai pas d'appétit.
— T'as de la crème pour apaiser ton eczéma ? Ou bien quelque chose à prendre pour calmer ton angoisse ?
— Non. Je prends pas de médicaments, et j'ai pas de crème. C'est passager, ça durera sûrement pas plus de quelques semaines.
— Tu devrais t'acheter au moins de la crème, ça ferait du bien à ta peau.
— Oui, si tu le dis...
— Tu te grattes beaucoup ?
— Je sais pas, je m'en rends pas vraiment compte.
— Prends soin de toi, s'il te plaît. J'aime pas te savoir aussi stressé, murmura Jimin.
— J'étais juste... tellement mal de t'avoir plaqué, et j'arrêtais pas de penser à toi, de me dire que je t'avais rendu malheureux.
— T'as ça... depuis qu'on a rompu ?
— Je suis désolé.
— T'excuse pas. Prends juste soin de toi, d'accord ? T'en fais pas pour moi, ça va. Je sais pourquoi t'as voulu rompre, je t'en veux pas.
— Pourquoi t'es aussi gentil avec moi ? murmura Yoongi.
— Parce que t'es un garçon super gentil toi aussi, et que les rares erreurs que t'as commises au cours de notre relation, tu les as commises sans mauvaises intentions, au contraire t'as agi pour me protéger. Alors c'est la preuve que tu m'aimes sincèrement, et que t'es quelqu'un de bien. Parce que t'as été prêt à mettre mon bonheur avant le tien. Je t'aime.
— M-Moi aussi, je...
— T'es pas obligé de le dire si ça t'effraie, le coupa Jimin avec un regard bienveillant. J'attends pas forcément que tu me répondes. »
Yoongi opina. Il se releva, planté devant son cadet, et d'un geste tremblant, mal assuré, il avança une main vers la sienne. Jimin déglutit, retint son souffle, mais ne bougea pas. Si son aîné souhaitait agir, il ne l'en empêcherait pas, de même qu'il ne l'y contraindrait pas s'il renonçait juste avant de l'effleurer.
Les secondes s'étirèrent à la manière d'un élastique en apparence indestructible, et le cœur de Jimin sursauta dans sa cage thoracique quand le réceptionnaire timoré face à lui réussit à lui prendre la main.
« Moi aussi, Jimin-ah, je t'aime, susurra Yoongi. Je t'aime de tout mon cœur. »
La déclaration, sobre mais d'une sincérité bouleversante, émut Jimin aux larmes. Lui qui avait cru que jamais il ne pourrait approcher son aîné, le voilà qui profitait de sa peau veloutée. Du pouce, il lui caressa le dos de la main dans un geste prudent, inquiet à l'idée que Yoongi réagisse mal à ce contact, mais le jeune homme ferma les paupières en entrelaçant leurs doigts. Les épaules du cadet s'affaissèrent, se mirent à trembler, et un premier sanglot lui échappa. Ses joues le brûlaient, signe qu'elles s'étaient sans doute empourprées... mais peu importait, car Yoongi lui tenait la main, et cette fois il la lui avait attrapée de manière consciente. Le mouvement paraissait lui avoir coûté, mais il y était parvenu, et ça constituait aux yeux de Jimin la plus incroyable preuve d'amour qu'il ait reçue.
Yoongi pour sa part se sentait libéré d'un poids monstrueux. Il ne comprenait pas comment il s'était débrouillé pour vaincre la peur viscérale qui l'étreignait, mais... il arrivait à toucher Jimin, et ce geste, ce geste anodin, il représentait pour lui le premier pas vers la reconquête de son cœur, pris en otage par ses phobies.
« T'es la personne la plus incroyable que j'ai rencontrée, déclara Jimin entre deux sanglots. S'il te plaît, permets-moi de rester à tes côtés, même en tant qu'ami. Je tiens tellement à toi.
— Peut-être... que je veux que tu restes, chuchota à son tour Yoongi incapable de parler plus haut, mais... si je te promets de tout te dire, et que t'acceptes aussi de tout me dire... alors on pourrait sortir ensemble... mais pour de vrai, cette fois. Parce que je n'ai plus peur de te dire que je t'aime.
— Hyung, tu... t-t'es sûr de ce que tu veux ? Tu veux sortir avec moi ?
— Oui, Jimin-ah. Je t'aime, je veux sortir avec toi. E-Et toi, t'accepterais de sortir avec un garçon dont tu peux à peine tenir la main, et qui...
— De tout mon cœur, de toute mon âme, oui, répondit Jimin sans le laisser finir. Je veux sortir avec toi. Pardonne-moi de t'avoir caché mon mal-être, je te promets que ça se reproduira pas. On se dit tout à partir de maintenant, d'accord ?
— Oui, promis. Le positif comme le négatif. »
Jimin se servit de sa main libre pour essuyer ses larmes, et il acquiesça d'un mouvement vif, son large sourire contrastant avec ses yeux humides et son visage que les sanglots avaient rougi. Tout son être brûlait de bonheur, en arrivant chez Yoongi il n'avait pas imaginé un tel retournement de situation.
« Le positif comme le négatif, répéta Jimin à la manière d'un serment. T'as raison.
— Alors... on sort de nouveau ensemble ?
— Oui, on sort de nouveau ensemble. Je suis tellement heureux de savoir que tu m'aimes... et je te jure de jamais abuser de ta confiance. On communique, d'accord ? Si sans m'en rendre compte un jour je te demande ou te fais quelque chose que tu refuses... te gêne pas pour me le dire. Je veux avant tout que tu sois heureux avec moi. Je ferai tout pour ne jamais te mettre mal à l'aise.
— Oui, je te dirai si je me sens pas bien.
— On garde rien pour nous.
— Promis. »
Ils s'écartèrent, Yoongi relâcha la main de son ami à qui elle manqua aussitôt. Ils échangèrent un regard qui en dit bien plus long que des mots, puis un sourire. Chacun essuya ses larmes, prit une profonde inspiration, et l'hôte proposa à son invité une tisane qu'il accepta volontiers. Yoongi se hâta de faire chauffer un peu d'eau, et Jimin le fixa avec des prunelles brillantes d'affection. Son copain déposa sur la table deux tasses fumantes desquelles s'échappait une odeur délicate, et il s'assit face à lui.
« Tu veux aussi de quoi grignoter ? s'enquit-il en avalant une première gorgée.
— Non, merci. »
Jimin but à son tour et le remercia. Après quelques instants d'un silence embarrassant, Jimin trouva le courage de prendre la parole pour évoquer les derniers romans fantasy sortis. Son petit ami opina et renchérit, affirmant avec entrain qu'il en avait lu un paru récemment, et qu'il avait adoré.
Dès lors, la conversation ressembla à un fleuve, coulant toute seule, sans mal, et pour leur plus grand bonheur.
Ils ne s'étaient pas retrouvés : ils ne s'étaient jamais perdus.
~~~
En rentrant, Jungkook n'arrivait plus à s'empêcher de sourire : il avait passé un après-midi fantastique en compagnie de Taehyung, avec qui il avait en plus dîné dans un charmant restaurant spécialisé dans le barbecue coréen. Un régal !
« Hyung, c'était vraiment trop cool ! s'exclama-t-il une fois ses chaussures retirées et posées dans l'entrée. Faudra vraiment qu'on... »
Il fut coupé tout à coup lorsque Taehyung, débarrassé lui aussi de ses baskets, l'attrapa par les hanches pour l'embrasser avec avidité. Jungkook, faible quand il s'agissait de cette bouche si talentueuse, éprouva la sensation de fondre comme neige au soleil. Il s'agrippa à l'épaule de son compagnon et sentit son corps se détendre contre lui, serré dans son étreinte. Les langues jouèrent, se chamaillèrent, se réconcilièrent, et très vite l'auteur plongea le visage dans le cou de son amant pour le couvrir de baisers à son tour.
« Hum, Tae... pourquoi si soudainement ? gémit Jungkook.
— J'ai voulu t'embrasser tout l'après-midi, désolé...
— Continue, j'adore.
— Tu veux pas qu'on soit allongés dans le lit, plutôt ?
— Je m'en fous, tant que tu continues...
— Kookie, si tu soupires comme ça, avec ces mots-là, comment tu veux que j'en vienne pas à bander ? Je suis désolé, t'es tellement sexy... »
Jungkook poussa une plainte qui mêlait crainte et frustration, et il s'éloigna de l'étreinte de son aîné. Le regard de l'un plongea dans celui de l'autre. Avec leurs pupilles dilatées, ils paraissaient prêts à se jeter sur la cible de leurs désirs. Ils demeurèrent immobiles.
« T'excuse pas, répliqua Jungkook en haussant les épaules. J'imagine que... c'est normal que t'éprouves du désir pour moi. Ça me dérange pas.
— Alors on peut coucher ensemble ?
— Non.
— Ah... tu m'as cassé mon élan, gloussa Taehyung qui préférait prendre ce refus à la légère. Bon, on va regarder un film en buvant une infusion froide ?
— Ça me va ! Je vais prendre ma douche !
— Je peux venir ?
— Non ! » lança le libraire depuis la chambre dans laquelle il avait filé.
Taehyung, resté seul dans l'entrée, s'esclaffa, le visage attendri.
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