Chapitre 111
Yoongi nia d'un hochement de tête.
« Non, non, je... en fait, j'ai pas été tout à fait honnête avec toi à propos de... des raisons pour lesquelles j'ai voulu ça. »
Jimin garda le silence. Ses yeux appelaient à l'aide.
« J'ai... j'ai eu peur, Jimin. J'ai entendu... je vous ai entendus, Taehyung et toi, quand vous parliez de nous deux. Et... je sais que d'une certaine manière, notre relation te pesait, et que t'osais pas me le dire de peur de me blesser. Je voulais pas que tu continues de t'infliger notre couple, Jimin-ah, et je le voyais bien, moi aussi, que ça te faisait souffrir. T'as un regard très expressif, j'y lisais la déception chaque fois que t'essayais de t'approcher et que je reculais, et j'y lisais aussi l'inquiétude que tu ressentais à l'idée d'avoir fait quelque chose de mal. Ce jour où t'as failli me prendre la main, t'as encore plus paniqué que moi, et... à ce moment-là, je crois, j'ai compris que je pourrais jamais t'offrir ce que tu méritais vraiment : de l'affection sans prise de tête, l'amour le plus paisible qui soit.
« Avec moi, faut toujours faire attention, toujours se demander si on peut approcher, si on peut faire telle ou telle chose, aller dans tel ou tel endroit, poursuivit Yoongi sans remarquer que ses prunelles brillaient de larmes qui s'apprêtaient à couler. Et... quand t'as dit à Taehyung que parfois c'était difficile... je pouvais juste pas continuer d'ignorer que c'était pas du tout une relation comme ça qu'il te fallait. Tu mérites mieux, tellement mieux que moi.
« Je pourrai jamais t'offrir une étreinte, un baiser, pas même une main à serrer dans la tienne, admit Yoongi alors que ses premières larmes lui échappaient. Je sais même pas comment t'as pu tomber amoureux de moi dans ces conditions, et proposer ensuite qu'on sorte ensemble. C'était tellement évident qu'on n'avait rien à faire ensemble, même Taehyung et Jungkook l'avaient compris. Je...
— Je t'aimais, l'interrompit Jimin en essuyant les sillons qui s'étaient formés sur ses propres joues. J'en avais rien à foutre de pas pouvoir te toucher. Mon cœur s'est épris de toi, de ta douceur, de ta bonté, et peu importait ton corps. On peut aimer sans toucher. On peut aimer des mots, des regards, des sourires. Moi, en tout cas, je le pouvais. Je t'aimais comme j'avais encore jamais aimé qui que ce soit. Dès que je te voyais, mon cœur s'emballait, et j'aurais pu faire n'importe quoi pour toi. Alors oui, je suis quelqu'un de tactile, ça a pu m'arriver d'éprouver une certaine frustration, mais... peu importait, parce que tout ce que je voulais, c'était ton bonheur.
« C'est ça l'amour, pour moi, c'est d'être prêt à tout pour voir l'autre sourire. Je m'en moquais de ne pas te toucher de la journée, si je pouvais au moins voir un de tes sourires. Un regard et j'oubliais tout ce qui pouvait me frustrer. Parce que j'étais avec toi, j'avais la chance de t'appeler « mon copain », et rien que ça, ça remplissait mon cœur d'amour et d'allégresse. Sentir que je te rendais heureux, ça me suffisait. J'ai aimé chaque seconde qu'on a passée ensemble, même frustré je me sentais comblé. S'il te plaît, prétends pas avoir voulu ce qu'il y avait de mieux pour moi, tu...
— Je t'aime, Jimin, souffla Yoongi qui ferma les yeux pour en laisser couler ses larmes. Je t'ai menti dans l'espoir que t'acceptes plus facilement la rupture, mais je t'aime sincèrement, et pas seulement depuis qu'on sort ensemble. Et je t'aime tellement, Jimin, que ça me faisait souffrir de voir que t'acceptais notre relation alors même qu'elle te blessait, qu'elle te correspondait pas. J'arrêtais pas d'y penser, ça me bouffait de me dire que tu devais tout le temps être vigilant avec moi, alors que tu méritais juste d'avoir un copain que tu pourrais aimer sans barrière. Pardonne-moi de t'avoir menti, je... j'avais juste peur de t'avouer ce que j'éprouvais pour toi. »
Jimin en resta coi, stupéfait de ces aveux auxquels il ne s'attendait pas. En vérité, il s'était attendu à tout sauf à ça. Des remords, des regrets, des excuses, des mots réconfortants... mais sûrement pas des mots d'amour... et surtout pas des mots aussi bouleversants de sincérité.
« Tu nous as entendus... Taehyung et moi ? balbutia Jimin.
— Oui. Je voulais rapporter le mug de Jungkook... et j'ai surpris votre conversation. J'ai compris que t'oserais jamais me dire quand ça allait pas, et c'est pas le couple que je veux. J'ai besoin que tu me dises quand quelque chose te gêne, pas que tu fasses semblant que tout va bien. Parce que je ressentais ce que tu me disais pas. Je savais que quelque chose allait pas depuis une semaine ou deux, et... ça m'a fait mal d'entendre ça.
— Je suis sincèrement désolé, je pensais que si j'arrivais à te le cacher, ça pourrait pas te blesser. J'avais peur, je voulais aussi... te protéger, en quelques sortes. J'aurais dû t'en parler, tout comme toi t'aurais dû m'en parler au lieu de décider de rompre sans raison apparente. Je sais pas si tu te rends compte à quel point ça a été brutal, à quel point j'ai souffert. Tout se passe à merveille, et d'un coup tu m'annonces que tu veux me quitter et que... q-que tu m'as jamais aimé, souffla Jimin alors que sa peine lui revenait en pleine figure. Comment t'as pu penser que c'était la meilleure solution ?
— J'espérais que ça serait comme un pansement qu'on arrache : d'abord ça fait mal, mais on oublie vite. C'est pas de moi que t'as besoin. Il te faut un garçon à ton image, un garçon affectueux, capable de t'offrir la lune.
— C'est exactement pour cette raison que j'étais heureux avec toi.
— Il te faut un garçon que tu pourras enlacer, embrasser, et aimer de façon charnelle.
— Mes yeux te volaient un baiser chaque fois qu'ils se posaient sur toi.
— S'il te plaît, Jimin-ah... C'est difficile pour moi aussi.
— Hyung, est-ce que t'accepterais qu'on se remette ensemble ? »
Ce fut à Yoongi de rester muet. Il n'avait pas imaginé un instant que les choses prendraient une tournure pareille ! Il venait d'expliquer à Jimin les excellentes raisons pour lesquelles il avait décidé de mettre fin à leur couple, et le voilà qui, au contraire, lui demandait avec des yeux emplis d'espoir de poursuivre leur relation !
« N-Non, tu m'as mal compris, bredouilla Yoongi. Je veux pas me remettre avec toi, pitié, tu mérites tellement mieux, je peux pas t'infliger ça !
— M'infliger ça ? répéta Jimin avec une moue blessée. Hyung, est-ce que tu te rends compte de la façon dont tu parles de toi-même ? On parle pas d'un déchet, on parle d'un jeune homme magnifique sous tous les angles. Tu te reproches sans cesse tes phobies, et peut-être qu'elles t'éloignent physiquement des autres, mais ça m'empêchera pas de vouloir retrouver dans ton cœur la place que j'avais prise. Ça m'empêchera pas de chercher à t'approcher, t'aimer, et ça sans te toucher. Peut-être que si t'arrivais à t'accepter tel que t'es, si t'arrêtais de te flageller pour ces phobies que tu peux pas contrôler... tu te sentirais un peu plus en paix, et tu deviendrais capable non seulement de t'aimer, mais aussi d'accepter que les autres aussi peuvent t'aimer tel que t'es.
— Tu m'en demandes trop... je veux guérir, je supporte pas celui que je suis, murmura Yoongi d'un ton brisé.
— Alors c'est ça, la vraie raison pour laquelle t'as choisi de rompre... t'arrivais pas à envisager que je puisse me sentir un jour heureux à tes côtés. Sauf que si on en avait parlé, si je t'avais dit les quelques petites choses qui me pesaient, j'aurais aussi eu l'occasion de te dire tout ce qui me plaisait chez toi, depuis ton sourire si particulier jusqu'à ton regard profond qui débordait d'affection – et maintenant je comprends que c'était plus encore que ça, c'était de l'amour. Je comprends pourquoi t'as voulu rompre, et je te pardonne, parce que je vois que ça te fait plus souffrir encore que moi.
« Tu sais, j'ai commencé les arts martiaux parce que quand j'étais petit, on prétendait que j'avais un visage trop rond. Je voulais faire du sport pour devenir plus masculin – c'était stupide, hein ? J'ai fini par perdre ces joues qui ne me plaisaient pas, mais seulement en grandissant : ça n'avait rien à voir avec mon poids qui était déjà plus bas que la moyenne. Et ensuite on a prétendu que j'avais des traits féminins, des lèvres trop épaisses. Ça aurait dû me blesser, mais tu sais ce quoi ? Quand j'ai entendu ça, j'ai ri. J'ai ri parce que j'ai compris que je serais jamais assez bien pour des standards de beauté qui n'avaient aucun sens. Et surtout, j'ai ri parce que pratiquer un sport m'avait apporté beaucoup de confiance en moi, d'autant plus que j'étais un des meilleurs, j'avais gagné plein de médailles. Alors je n'en avais plus rien à foutre de l'avis des autres, et ceux qui me critiquaient, je les invitais à répéter leurs saloperies en face. Ils se taisaient, ils n'avaient tout à coup plus rien à dire.
« J'aurais pu me laisser démonter par les critiques, j'aurais pu poser sur moi un regard sévère et me trouver trop féminin, trop gros... mais je suis parfait. Oui, parfait : la perfection se définit par ce qui n'a aucun défaut, ce qui ne peut plus être amélioré. Et moi, je n'ai rien envie d'améliorer chez moi. Je m'aime tel que je suis. Sauf que je suis objectivement pas parfait... mais je n'attends rien de plus de moi. Je suis en bonne santé et au top de ma forme physique. Moi, ça me suffit, je suis heureux, et ça me rend parfait à mes yeux. C'est tout ce qui compte. »
Jimin esquissa un sourire songeur, presque ému. Yoongi pour sa part garda le silence : à ses yeux aussi, Jimin était parfait.
« Toi aussi, hyung, à ta manière, t'es parfait à mes yeux, termina le jeune homme. Je suis tombé amoureux d'un garçon qui ne pouvait pas me toucher ni même m'approcher de trop près. Je suis tombé amoureux de toi, du toi de maintenant, et j'ai pas besoin que tu changes pour être heureux. Mais je comprends que toi, ça te blesse, cette situation. Je comprends que t'éprouves des doutes, que tes phobies t'amènent à ne pas aimer celui que t'es – voire à te haïr. Ça doit être difficile à vivre, je me doute que tu veux en guérir... mais ne fais pas peser tes émotions sur moi : tu t'aimes peut-être pas encore, mais crois bien que dans ce cas, moi je t'ai aimé et t'aime encore pour deux. »
Jimin poussa un soupir et se releva. Yoongi lui lança un regard interrogateur.
« Je suis pas stupide, répondit son cadet à sa question muette, j'ai bien compris que tu changerais pas d'avis à propos de nous, du moins pas maintenant. Le jour où tu seras prêt à accepter que je suis capable de t'aimer, alors peut-être qu'on pourra tenter de nouveau quelque chose. Je suis prêt à t'attendre, parce que t'en vaux la peine. Et ce jour-là, on se promettra aussi de tout se dire, parce que ce qui nous a séparés, c'est aussi le manque de communication – le mien comme le tien. Mais... même si on avait été tout à fait honnêtes l'un envers l'autre, je pense que ta peur de ne pas me satisfaire aurait quand même fini par briser notre relation. T'y peux rien, c'est pas ta faute. La peur, c'est pas quelque chose qu'on apprivoise comme ça. J'imagine que t'es bien placé pour le savoir.
— Oui...
— Je suis sûr qu'un jour, tout rentrera dans l'ordre pour toi. Que tu souffres encore ou non de ces phobies, elles cesseront de s'attaquer à ton estime de toi-même, et alors tu seras heureux, sincèrement heureux. C'est tout ce que je te souhaite.
— J'ai essayé, j'ai tellement essayé...
— Alors peut-être qu'il faut arrêter d'essayer, et juste te laisser aller.
— J'y arrive pas, ça me ronge.
— Y a plein de personnes qui te soutiennent, tu...
— Mon premier copain m'a touché sans mon consentement, » le coupa Yoongi dans un souffle.
Jimin en resta statufié, glacé par l'histoire que Yoongi déroula : celle d'un garçon aux parents trop ambitieux, et au petit ami trop insistant. Celle d'un garçon qui avait tout donné, jusqu'à sa santé mentale, dans l'espoir de rendre sa famille fière, et qui s'était finalement brûlé les ailes. Celle d'un garçon soudain reclus, et qui s'était enfoncé jour après jour, ne voyant qu'un bref instant la lumière avant que de nouveau les ténèbres ne le submergent.
« C'est pour ça, murmura Yoongi, c'est pour ça que j'ai pas réussi à t'avouer que je t'aimais. Parce qu'alors, j'avais la sensation que... que t'aurais pu devenir comme lui, me dire que puisque je t'aimais, je pouvais faire telle ou telle chose. Je m'en veux d'avoir été aussi faible, mais... j'avais dix-sept ans, j'étais épuisé psychologiquement, j'avais pas les idées claires... j'ai jamais voulu ça !
— Hyung, tu...
— J'ai déçu ma famille, gâché ma vie, mais j'étais juste tellement épuisé, j'avais juste une envie, c'était de dormir, dormir et ne plus jamais me réveiller ! J'étais tellement mal dans ma peau ! sanglota Yoongi qui avait fermé les paupières et baissé la tête. T'as raison, je me déteste, j'en peux plus d'être moi-même, de pas réussir à approcher quelqu'un comme toute personne normale le fait ! J'ai essayé de lutter contre ça, puis j'ai essayé de juste m'accepter tel que j'étais, mais j'y arrive pas !
— Pitié, hyung, ta...
— Jimin-ah, je t'aime de tout mon cœur, m-mais j'arrive pas à envisager que je puisse t'apporter ce dont t'as besoin, je suis u-un minable, et j'arrive pas à me voir autrement ! J-Je voudrais m'en sortir, je voudrais tellement m'en sortir ! hoqueta l'aîné alors que ses larmes coulaient à flots.
— Alors... tu t'en es même pas rendu compte ? » murmura son cadet qui retenait ses propres sanglots.
Sans comprendre ce qu'il voulait dire, Yoongi releva les yeux vers lui... et en dépit du voile qui couvrait ses prunelles, il les vit... il les vit, les mains de Jimin qu'il avait prises et qu'il serrait dans les siennes comme si sa vie en dépendait.
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