Chapitre 109

Lorsque Jungkook ouvrit les yeux au matin du lundi, il se rappela des évènements survenus la nuit même. Sans bouger, il jeta un regard à son ami. Taehyung somnolait, paisible, contre lui qu'il enlaçait avec amour, profitant de la chaleur de son torse nu contre lui. Le libraire frissonna, empli d'émotions contradictoires à l'idée qu'il avait dormi torse nu avec son aîné.

Jungkook prit le temps de ressasser ce que l'écrivain lui avait raconté, cette enfance d'abord tranquille puis de plus en plus chaotique... jusqu'à l'irréparable. Il le comprenait, désormais. Jungkook avait toujours désiré une petite sœur à protéger, et... il aurait agi comme Taehyung s'il avait été confronté à une situation identique, et il se serait senti dévasté si elle lui en avait voulu pour ça, l'accusant même d'avoir contribué à son suicide.

Comment son frère et sa sœur avaient-ils pu faire peser un fardeau si lourd sur les épaules de Taehyung ? Ne s'étaient-ils pas rendu compte de ses souffrances ? Taehyung avait tenté de racheter de mille façons cette faute qui ne lui incombait pourtant pas, et ses cadets étaient restés sourds à ses appels à l'aide.

« Quand tu t'énerves, tu te crispes, et ça rend tes muscles encore plus durs, remarqua une petite voix fatiguée.

— Hyung ? Pardon, excuse-moi, je t'ai réveillé ?

— Non, je suis réveillé depuis quelques minutes.

— Je croyais que tu dormais.

— J'écoutais ton cœur battre.

— Tu vas bien ? s'enquit Jungkook.

— Mieux que cette nuit, merci de m'avoir écouté.

— C'est normal. Ça m'a beaucoup touché que t'oses te confier à moi. Je sais à quel point ça peut être difficile.

— T'avais osé me révéler ce qui t'était arrivé et... je me sentais pas obligé, hein, mais j'avais envie, moi aussi, de partager mes faiblesses.

— Oui, opina Jungkook, comme ça on ne se cache plus rien. Ça me rassure un peu.

— Ah ?

— Oui. Maintenant, je me dis que je te connais... et que c'est en toute conscience que je peux affirmer que je t'aime sincèrement, que je t'aime toi tel que t'es, souffla Jungkook sans trouver le courage de regarder son aîné dans les yeux.

— Kookie... Moi aussi je t'aime de tout mon cœur. »

Taehyung leva la tête vers lui. Ils échangèrent un regard empli d'affection, puis un unique petit baiser. Le cœur battant, réfugiant le visage dans le cou de son ami, l'écrivain osa élever de nouveau la voix.

« Jungkook... maintenant que tu vas mieux, maintenant que tu connais celui que je suis et celui que j'ai été... est-ce que t'accepterais de sortir avec moi ? »

Le libraire, surpris par cette demande qu'il n'attendait pas tout de suite, resta coi quelques instants. Il déglutit, et Taehyung posa la main sur son abdomen avant de relever le visage pour croiser son regard. À la fois emplies de crainte et d'espoirs, les jolies prunelles de l'écrivain décrivaient son état sans que les mots aient à s'en mêler.

« Qu'est-ce qui t'inquiète ? Tu veux en parler ? demanda Taehyung.

— Non, c'est juste que... c'est assez surprenant, je... ça va vite, tu trouves pas ?

— Au contraire, je n'en peux plus d'attendre, sourit-il. Mais toi, tu voudrais attendre encore ?

— Je sais pas... c'est vrai qu'on s'embrasse, qu'on agit un peu comme un couple, mais... c'est bizarre, non ?

— Bizarre ?

— Je crois que je suis perdu.

— Tu m'aimes ?

— Oui.

— T'as envie de continuer de passer des moments avec moi ?

— Oui, approuva encore Jungkook.

— T'aimes quand on dort ensemble ?

— Oui.

— T'aimes quand je prends soin de toi ?

— Oui.

— T'accepte de sortir avec moi ?

— Oui... non, attends, tu m'as piégé ! »

Taehyung s'esclaffa devant la moue outrée de son cadet. Ce dernier, en le voyant rire à gorge déployée, sentit son cœur se soulever. Voilà le garçon dont il était tombé amoureux. Le voilà, son abruti d'écrivain, aussi tendre que malicieux, toujours prêt à lui adresser une remarque embarrassante qui désormais l'amusait plus qu'elle ne le gênait.

Jungkook se radoucit, son sourire s'étira sur ses lèvres.

« Oui, Taehyung, j'ai envie de sortir avec toi. »

L'écrivain cessa de rire presque aussitôt.

« T'es sérieux ? demanda-t-il – et une tendre naïveté brillait dans ses yeux.

— Oui, très sérieux. J'imagine que si j'en viens même à aimer quand tu me taquines, c'est qu'il n'y a plus de raisons pour que j'hésite. J'aime ta présence, ta conversation, tes attentions. Je t'aime.

— Oh mon Kookie, moi aussi je t'aime ! Je suis trop heureux que t'acceptes de sortir avec moi ! »

Et sur ces mots, il sauta au cou de Jungkook pour l'enlacer, désormais étendu de tout son long sur son cadet qui râla plus pour la forme que par réel agacement.

« J'ai toujours pas le droit de me frotter contre toi ? s'enquit Taehyung.

— Non.

— Parce que je me suis réveillé avec un petit souci, tu sais ?

— C'est pas toi qui m'as justement appris que ça n'avait rien à voir avec l'excitation ?

— Si, mais ça m'empêche pas d'espérer que tu puisses aider à faire redescendre ça.

— Tu veux que je t'amène à la douche ? demanda Jungkook d'un ton innocent.

— Seulement si t'y entres avec moi ensuite.

— Rêve.

— Si je devais rêver, crois-moi, ma bite serait encore plus dure que maintenant. M'encourage pas, Kookie.

— Va à la douche au lieu de te foutre de ma gueule.

— Ça te gêne pas si je pense à toi quand je me...

— La douche ! Tout de suite ! » rétorqua Jungkook en le repoussant.

Amusé par sa réaction exagérée, Taehyung riait au point qu'il s'en tenait les côtes. Son désormais petit ami le couva d'un regard attendri, et quand enfin son hilarité fut apaisée, l'écrivain quitta le lit pour se rendre dans la salle de bains la plus proche. Jungkook en profita pour jeter un discret coup d'œil à son corps à moitié dénudé. Taehyung possédait une peau plus bronzée que la sienne – pas surprenant, il adorait sortir. Parce qu'il n'avait jamais cherché à développer sa musculature mais mangeait de manière équilibrée, il demeurait bien bâti de l'avis de son cadet, bien qu'il le trouve un peu mince.

Puis les yeux curieux de Jungkook se posèrent sur l'entrejambe de son copain, et ils s'écarquillèrent en découvrant que le jeune homme n'avait pas menti : une érection déformait son bas de pyjama.

« Si tu continues de me mater comme ça, je vais finir par croire qu'il s'agit d'une invitation, se moqua l'auteur en s'arrêtant alors qu'il approchait de la pièce voisine. Kookie, toi qui la regardes avec avidité, t'es sûr que tu veux pas la goûter ?

— Si t'es pas dans la salle de bains dans dix secondes, je t'y jette, et ça risque de faire mal au cul.

— Alors qu'il y a tant de choses si agréables que tu pourrais lui faire, à mon cul...

— Hyung...

— Je vais prendre ma douche, à tout à l'heure, mon amour ! »

Jungkook leva un regard désespéré sur le plafond en poussant un soupir. Après lui avoir envoyé un baiser, Taehyung disparut, et le libraire se mordit la lèvre pour empêcher un sourire de s'emparer de sa bouche. Ces sous-entendus, ces remarques graveleuses... ça lui plaisait d'imaginer que son compagnon le désirait à ce point. Lui aussi souhaiterait se laisser aller, lui offrir ce qu'il voulait tant... mais il n'y parvenait pas. L'idée même de coucher avec Taehyung l'embarrassait, lui apportait une sensation de profond malaise.

Il lui faudrait sans doute un peu de temps...

~~~

Yoongi se réveilla seul, se prépara seul, et se rendit seul au travail. Il se sentait vide. Pendant un mois, Jimin et lui discutaient si souvent par SMS qu'il jurerait qu'il l'accompagnait partout. Il se levait avec un message de son bien-aimé, s'habillait en échangeant avec lui, et un dernier SMS rempli d'affection lui souhaitait bon courage juste avant qu'il entre dans la librairie.

Yoongi était seul.

Morose depuis sa rupture, il semblait porter un lourd fardeau quoi qu'il fasse. Les épaules voûtées, la mine sombre, il se mit à ses réceptions dès qu'il arriva, concentré sur les gestes répétitifs qu'il effectuait. Parfois un livre attirait son attention, et il y jetait un coup d'œil.

Amande.

Jieun lui avait vivement conseillé de le lire, lui assurant qu'il s'agissait d'un récit magnifique. Yoongi s'était laissé tenter, et il n'avait pas regretté : jamais il n'aurait imaginé que l'histoire d'un enfant sans émotion puisse se révéler si émouvante.

Yoongi songea à une vie sans joie, sans tristesse... et sans peur. Finies les phobies, il aurait pu profiter d'une existence un peu plus normale que celle qu'il subissait. Terré dans sa réserve, il se sentait plus monstrueux encore que le petit qui regardait sans ciller même les évènements les plus tragiques.

Un soupir lui échappa, il continua sa tâche.

Quelques heures après son arrivée, il entendit la porte s'ouvrir. Seules deux libraires travaillaient au rez-de-chaussée : Sakura, qui remplaçait Jungkook au rayon littérature, et Hoseok, qui gérait non seulement le manga au premier étage ainsi que l'ésotérique en bas. Il pouvait aussi s'agir de Namjoon, qui venait souvent lui demander conseil. Il leva le nez de son carton pour découvrir la jeune Sakura, son sublime sourire aux lèvres, lui adresser un signe de la main.

« Bonjour Yoongi-ssi ! Comment tu vas ?

— Bien, et toi ?

— Pareil. Y a quelqu'un qui veut te voir en rayon. Il t'attend juste devant la porte de la réserve.

— Qui ? »

Jimin ?

« Jungkook ! Il a l'air vraiment heureux de pouvoir te voir, tu devrais pas le faire attendre ! »

Son entrain le toucha. Âgée d'une vingtaine d'années, un peu plus jeune que Jungkook, elle avait travaillé quelques mois en librairie, si bien qu'elle s'était très rapidement habituée à l'endroit et intégrée à l'équipe. Yoongi néanmoins lui parlait peu, et elle avait vite compris qu'il valait mieux qu'elle n'approche pas de trop près.

Sakura repartit en rayon d'un pas pressé pendant que le réceptionnaire vérifiait une dernière fois ses livres avant de quitter sa réserve. Jungkook l'attendait là, juste à côté de la porte. Il était habillé d'un t-shirt blanc qui suffisait à lui seul au vu des températures, ainsi qu'un jean et de simples baskets. Son plâtre était maintenu contre lui à l'aide d'une écharpe, celle qu'il utilisait déjà avant son opération. Il souriait.

« Bonjour, hyung, comment tu vas ? s'enquit-il en enroulant son bras valide autour de la nuque de son aîné.

— Très bien, et toi ? lui demanda Yoongi en retour, l'enlaçant sans hésiter après s'être assuré qu'il n'y avait personne autour.

— Super. Je voulais venir ici, alors Tae a proposé de m'accompagner. Il est allé voir Jieun, et moi je compte bien passer saluer tout le monde.

— T'as donc croisé Sakura.

— Oui. Elle a l'air sympa, et j'ai cru comprendre que ça se passait bien avec elle.

— Oui, rien à redire. Bon, ça me manque d'avoir un câlin de mon libraire préféré tous les jours, mais on fait avec. T'as intérêt à guérir vite.

— Je fais de mon mieux, promis, ricana Jungkook avec un air attendri. Et... à part ça, quoi de neuf ?

— Rien de spécial. Ton rayon se porte bien, y a eu quelques nouveautés intéressantes.

— Je voulais savoir si de ton côté il y avait des nouveautés intéressantes, répliqua le libraire.

— Si c'est ce que tu veux savoir, j'ai toujours aucun message de Jimin.

— Je maintiens que tu devrais lui en envoyer un le premier. C'est toi qui l'as quitté, après tout, pas étonnant qu'il refuse de faire le premier pas.

— Alors pourquoi je lui enverrais un message ?

— Parce que depuis que tu l'as quitté, tu ne fais que penser à lui.

— J'ai fait ça pour son bien.

— Alors dis-le-lui, au lieu de lui faire croire que tu l'as jamais aimé. »

Sur ces mots, Jungkook appuya un baiser sur la tempe de son ami avant de s'écarter et le saluer en lui souhaitant une bonne journée. Yoongi répondit à peine, il retourna à son bureau. Il s'assit, il resta immobile. Il sortit son téléphone de sa poche. Aucun message.

Il afficha une moue peinée.

Il ouvrit le contact de Jimin, relut leur dernière conversation. Il se sentit coupable, son cœur se serra. Il prit une longue inspiration.

Yoongi – Salut Jimin. J'espère sincèrement que tu vas bien. Je voudrais qu'on discute, est-ce que tu aurais la bonté de m'accorder quelques minutes ce soir ?

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