Chapitre 104
« Trente-sept sept ! Ton médecin avait dit que tu devais descendre en dessous de trente-huit : tu n'as officiellement plus de fièvre, mon Kookie ! se réjouit Taehyung en brandissant d'un geste enthousiaste le thermomètre, sous le regard dépité de son cadet.
— Fabuleux, à croire qu'on va organiser une fête pour célébrer ça...
— Je vais tout de suite prévenir la clinique que tu vas mieux, je reviens ! »
Soulagé malgré ses airs bougons, Jungkook poussa un soupir et sentit tout à coup l'émotion lui piquer le nez. L'opération s'était bien passée, il n'avait plus de fièvre, et bientôt son médecin procèderait à des examens pour vérifier que l'os se reforme correctement. La clinique était trop renommée pour qu'un quelconque cal lui échappe, Jungkook voulait croire que cette fois, son bras était bel et bien sauvé.
Et ça ne lui avait pas coûté le moindre won.
Taehyung revint après quelques minutes.
« La clinique a confirmé que si tu ne ressentais plus de vertiges et que la fièvre était tombée, alors il n'y avait plus à s'inquiéter. Ils vont voir pour te placer un rendez-vous avec ton médecin, ils te tiendront au courant.
— Oh, cool, sourit l'autre, j'espère que ça tardera pas trop.
— Et... on m'a aussi confirmé qu'à présent, tu n'étais plus contraint à choisir entre l'hôpital ou le logement de quelqu'un capable de rester auprès de toi tout le temps. Tu peux retourner vivre chez toi, Jungkook. »
La question que Taehyung se posait : en avaient-ils envie ? Jungkook souhaitait-il rentrer ? Taehyung souhaitait-il que Jungkook rentre ? L'écrivain, pour sa part, en était convaincu : en plus d'être amoureux de Jungkook, sa présence le rassurait, lui apportait un bien-être qu'il n'avait plus connu depuis longtemps. Or, si son libraire préférait retourner habiter son studio, il ne s'y opposerait pas : le bonheur et le confort du jeune homme lui importaient plus que les siens.
« Ah, oui, opina Jungkook d'un air peu enjoué.
— Mais tu peux aussi rester ici, à toi de voir. Au moins, là, je peux m'occuper du ménage et des repas, comme ça t'as juste à te concentrer sur ta guérison. Et si tu dois faire de la rééducation, ce sera peut-être difficile ensuite de te motiver à faire le ménage ou la cuisine, alors ça pourrait être pratique que tu restes, tu comprends ?
— Hyung, mon studio fait à peine plus de quinze mètres carrés, et mes repas, c'est du riz dans un cuiseur automatique avec de la viande...
— Ah... oui, c'est vrai, le ménage se fait vite et... la cuisine aussi... m-mais ça t'économiserait un peu d'argent de rester là, non ?
— Je comprends pas : t'es capable de me dire que tu m'aimes, par contre tu me sors seulement des excuses idiotes pour que je reste. J'aurais pas cru, ça m'étonne de toi. »
L'air dubitatif de son cadet embarrassa Taehyung qui se frotta la nuque sans oser le regarder en face.
« Oh, allez, j'ai quand même fait un effort pour trouver des prétextes intéressants, non ? Le côté pratique, économique... c'est bien trouvé, tu crois pas ?
— Mon studio est pratique et je sais gérer un budget. Sur ces points, rentrer chez moi, ça change pas grand-chose. »
Cette fois, l'écrivain leva les yeux pour les planter dans les siens.
« Ici, y aura quelque chose qu'il y a pas dans ton studio. La chaleur des sentiments que j'éprouve pour toi, celle que je t'apporterai quand je t'étreindrai, celle que je te transmettrai quand on dormira dans les bras l'un de l'autre. Ici, y aura quelqu'un en face de toi quand tu mangeras, quelqu'un qui te répondra quand tu parleras, et quelqu'un qui te sourira quand tu le regarderas. Et même si parfois ça te gêne, même si ça t'agace, y aura ici quelqu'un pour t'adresser de temps en temps une petite remarque salace dans l'espoir qu'elle te fasse rire, et ce quelqu'un ira ensuite te chercher un lait à la banane pour t'aider à te calmer quand il t'aura assez énervé. Ici, avant, y avait quelqu'un pour veiller sur toi. À présent que ce n'est plus nécessaire, ici, tu pourras simplement trouver quelqu'un pour t'aimer. »
Jungkook, qui affichait une mine attendrie depuis le début de cette tirade, se mordit la lèvre inférieure en esquissant un rictus espiègle.
« Tu sais, hyung, j'attendais juste que tu me répondes un truc comme : « je t'aime, je veux que tu restes ». Rien de plus.
— Je t'ai déjà dit que j'étais un écrivain bavard, non ?
— C'est vrai.
— Alors ?
— Alors... faut que je réfléchisse, je te répondrai tout à l'heure, décida Jungkook.
— Hein ? Mais pourquoi ?
— Mais non, j'déconne, rit-il devant son air ahuri. Bien sûr que je reste, hyung. Si tu veux encore de moi, si ça te gêne pas de m'héberger, alors c'est avec plaisir que je reste ici... en dépit des trucs salaces que tu comptes me dire, d'après ce que j'ai compris...
— Et j'espère bien ne pas me contenter de te les dire, répondit Taehyung d'un ton équivoque.
— Ok je me casse. »
Et sur ces mots, Jungkook repoussa les couvertures et se leva. Son aîné s'agrippa à son bras droit, le regard suppliant.
« Non, non, reste ! Kookie, mon précieux Kookie !
— Prononce encore une fois ce surnom et tu peux faire une croix sur moi.
— Mais Kookie...
— Ça y est, tu peux m'oublier.
— Attends ! »
Jungkook, debout en plein milieu de la chambre, s'immobilisa et observa son ami se poster devant lui. Taehyung leva l'index et, de la pulpe de son doigt qu'il posa sur le torse du jeune homme, il traça deux traits invisibles sur son t-shirt.
« Euh... tu fais quoi ?
— C'est bon, j'ai fait une croix sur toi, sourit l'écrivain. Maintenant je suis pardonné ?
— Tu mérites une bonne pichenette sur le front pour cette vanne de merde, Tae...
— Alors tu restes ?
— Bien sûr, idiot. »
Il brillait dans les prunelles une étincelle de malice qui charma Taehyung. Ce dernier s'avança pour enlacer son ami qui lui rendit son étreinte d'un bras.
« Merci, Jungkook. »
Ils s'écartèrent, échangèrent un regard, et si chacun désira s'avancer pour appuyer ses lèvres sur celles de l'autre, ils n'osèrent pourtant pas.
« Bon, on va manger ? proposa Jungkook. Je meurs de faim. »
Taehyung approuva, ils se dirigèrent ensemble à la cuisine, ouverte sur le salon. Jungkook y aperçut alors le canapé, toujours déplié pour former un lit. Une moue étonnée au visage, il ne formula néanmoins pas de remarque à ce sujet.
Son ami sortit du réfrigérateur deux bols contenant des restes de la veille.
« Ça te va, ça ? s'enquit-il.
— Ouais, bien sûr. »
Quelques instants après, les deux plats étaient réchauffés et les garçons attablés pour un petit déjeuner paisible. Jungkook termina avec un lait à la banane qui acheva de lui remplir le ventre, quant à Taehyung, il s'offrit un verre de jus de fruits. Enfin repus, ils quittèrent la cuisine.
« Quoi de prévu, aujourd'hui ? demanda l'aîné.
— Lecture, repos. Et toi ?
— Écriture, et j'irai en courses cet après-midi, ça me baladera. »
Jungkook songea qu'effectivement, à cause de lui, son ami n'avait pas pu sortir de son domicile pendant plusieurs jours, obligé de se faire chaque fois livrer pour ne pas avoir à s'absenter de chez lui.
« Dis, est-ce que...
— Oui ? l'encouragea l'écrivain avec un regard inquisiteur.
— Euh... je pourrai venir avec toi en courses ?
— T'es sûr de toi ? Il vaudrait pas mieux que tu te reposes ? Ton opération date d'il y a même pas une semaine et ta fièvre vient juste de baisser.
— C'est rester ici qui m'épuise, j'ai l'habitude d'être actif. Je t'assure que je me sens bien, et de toute façon, c'est juste les courses, ça se fait vite.
— Bon, alors si tu veux. C'est pas plus mal, comme ça tu pourras choisir ce que tu mangeras. Y a des plats que tu préfères ? »
Jungkook garda le silence. Taehyung, qui débarrassait la table, jeta un regard au jeune homme qui haussa les épaules.
« Je sais pas, admit Jungkook.
— Tu sais pas ?
— Je mange pas très varié d'habitude, je te rappelle... »
Ah oui, le paquet de riz, la viande et les légumes dans ses placards l'avaient prouvé à Taehyung plus d'une fois. L'auteur afficha une moue songeuse, remerciant son cadet de façon distraite quand il le vit commencer la vaisselle.
« Pas grave, songea Taehyung tout haut, on en profitera pour découvrir ce qui te plaît ou non !
— Par contre, j'ai proposé à Yoongi de passer ici aujourd'hui, ça te gêne pas ?
— Non, pas du tout, mais il viendrait à quelle heure ? Ce serait con qu'on soit pas là quand il sonnera.
— Si on part faire les courses en début d'après-midi, y a aucun risque : il finit à quinze heures aujourd'hui.
— D'acc, alors on s'occupera des courses après le déjeuner. »
Jungkook approuva, et les deux amis se séparèrent : le plus jeune retourna au lit continuer son bouquin, quant à l'autre, il se dirigea au salon pour s'asseoir à la table sur laquelle il avait laissé son ordinateur. Le libraire sentit, après quelques heures, une odeur savoureuse s'infiltrer dans la chambre, et un sourire orna son visage quand Taehyung entra pour lui signifier qu'ils allaient manger. Il repartit en cuisine, suivi par son cadet qui cala correctement son bras dans son écharpe avant de s'installer.
« Ton plâtre te gêne ? s'inquiéta l'auteur en lui jetant un regard tandis qu'il posait plusieurs plats devant eux.
— Hein ? Oh, non, t'inquiète. C'est juste que je porte pas l'écharpe quand je lis, alors je dois chaque fois la remettre bien après. J'ai l'habitude de n'utiliser qu'une main : devoir garder un bras immobilisé, c'est pas bien embêtant.
— Sûr ?
— Ouais. Et toi, t'as pu écrire ?
— Un peu, opina Taehyung, mais y a plusieurs passages qui ne me plaisaient plus trop, alors j'ai vite arrêté pour réfléchir, à la place. Et j'ai reçu un message de mon éditeur pour m'informer d'un salon du livre à Daegu le weekend prochain, pendant deux jours. J'avais accepté ça y a des mois, je l'avais complètement oublié. Ça lui a pas plu que je refuse de m'y rendre, alors il a téléphoné. Il m'a tenu la jambe une bonne demi-heure.
— Pourquoi t'as refusé ? »
Taehyung lui jeta un regard qui laissa deviner à Jungkook sa réponse. Le cadet secoua la tête de droite à gauche.
« Mais hyung, tu peux y aller, je vais mieux, je te rappelle. Je peux rentrer chez moi quelques jours, ça pose aucun problème.
— Je sais, mais je m'inquiète quand même. Je commence à te connaître, et j'ai l'impression que dès que je tournerai le dos, t'en profiteras pour faire des fentes ou des squats sous prétexte que c'est pas les bras mais les jambes que ça fait travailler.
— Tu me connais bien, ricana Jungkook avant de regretter sa réponse un peu trop sincère. T'en fais pas pour moi, je ferai rien de dangereux.
— Je te crois pas. »
Jungkook s'apprêtait à répliquer quand il esquissa un rictus.
« Dis, hyung, tu dormiras à l'hôtel, du coup ?
— Ouais, un hôtel pas loin du bâtiment qui abritera le salon, pourquoi ?
— C'est ton éditeur qui paie ?
— Oui.
— Tu peux lui demander une chambre pour deux ? »
Le visage de Taehyung s'illumina, il attrapa aussitôt son portable, indiquant qu'il reviendrait dans un instant. Il ne lui fallut pas longtemps pour regagner la cuisine où Jungkook s'était chargé de poser tous les plats et accompagnements sur la table.
« Mon éditeur était ravi que j'accepte, il va changer la réservation de la chambre tout de suite, rit-il. Il m'a aussi traité de petit écrivain que la célébrité avait rendu capricieux.
— Oups, ça fait mal, sourit Jungkook à son tour en l'invitant d'un geste à s'installer.
— Oui, j'étais capricieux bien avant de devenir célèbre, ça se voit qu'il me connaît pas. »
Jungkook pouffa et attendit que son ami ait entamé son déjeuner pour l'imiter, le remerciant pour ce repas savoureux. À peine l'eurent-ils fini que, se contentant de laisser tremper la vaisselle dans l'évier, ils allèrent se préparer pour sortir faire les courses ensemble.
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